La conférence de Seelisberg
1947
La
conférence de Seelisberg est une conférence internationale extraordinaire qui
s'est tenue dans le petit village de Seelisberg en Suisse, du 30 juillet au 5 août 1947, pour
étudier les causes de l’antisémitisme chrétien1.
Parmi les 70 personnalités venues de 17
pays, on comptait :
- 28
juifs, dont Jules Isaac, le Rabbin Jacob Kaplan, Grand Rabbin adjoint de
France, le Rabbin Alexandre Safran, Grand Rabbin de Roumanie, l'écrivain Josué
Jéhouda, de Genève ; le rabbin Georges Vadnaï, le professeur Selig Brodetzki,
président du Conseil représentatif des Juifs d'Angleterre.
- 23
protestants,
- 9 catholiques, dont le Père Marie-Benoît
Péteul, le Père Calliste Lopinot, l'abbé Charles Journet, le Père Jean de
Menasce, le Père Paul Démann.
Les
débats furent introduits par une série de thèses préparées par Jules Isaac1.
Les conclusions des travaux étaient très proches de ses propositions2.
Sommaire
Introduction aux dix points
Les
dix points retenus par les intervenants sont précédés par un texte intitulé
Appel adressé aux Églises.
Celui-ci
fait le constat de l'« explosion d’antisémitisme » qui a entraîné «
l’extermination de millions de juifs vivant au milieu des chrétiens ». Il met
en garde contre la persistance de cet antisémitisme, qui pourrait même
augmenter dans le monde et « empoisonner l’âme des chrétiens ». En effet, pour
les auteurs, si les Églises chrétiennes se sont souvent prononcées contre
l'antisémitisme, on observe cependant la présence, parmi les chrétiens, de
sentiments de haine et de mépris vis-à-vis du peuple Juif.
Le
texte en appelle à la fidélité, chez les chrétiens, « au message de
Jésus-Christ sur la miséricorde de Dieu et l’amour du prochain ». Il insiste
aussi pour que cette fidélité se traduise par une intention claire d'éviter «
toute présentation ou toute conception du message chrétien qui favoriserait
l’antisémitisme sous quelque forme que ce soit ».
Les
dix points suivants, qui concluent les échanges s'étant tenus à Seelisberg,
sont des repères donnés aux Églises pour les aider à mettre fin à l'animosité
vis-à-vis des Juifs et les encourager, au contraire, à « l’amour fraternel à
l’égard du peuple de l’Ancienne Alliance, si durement éprouvé »3.
Les dix points de Seelisberg
1. Rappeler que c'est le même Dieu vivant qui nous parle
à tous, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament.
2. Rappeler que Jésus est né d'une Vierge juive, de la
race de David et du Peuple d'Israël, et que Son amour éternel et Son pardon
embrassent son propre peuple et le monde entier.
3. Rappeler que les premiers disciples, les Apôtres et
les premiers martyrs étaient juifs.
4. Rappeler que le précepte fondamental du
Christianisme, celui de l'amour de Dieu et du prochain, promulgué déjà dans
l'Ancien Testament, et confirmé par Jésus, oblige « Chrétiens et Juifs » dans
toutes les relations humaines, sans aucune exception.
5. Éviter de rabaisser le judaïsme biblique ou
post-biblique dans le but d'exalter le Christianisme.
6. Éviter d'user le mot « juifs » au sens exclusif de «
ennemis de Jésus » ou de la locution « ennemis de Jésus » pour désigner le
peuple juif tout entier.
7. Éviter de présenter la Passion de telle manière
que le caractère odieux de la mise à mort de Jésus retombe sur les juifs seuls.
Ce ne sont pas les Juifs qui en sont responsables, car la Croix, qui nous sauve tous,
révèle que c'est à cause de nos pêchés à tous que le Christ est mort. (Rappeler
à tous les parents et éducateurs chrétiens la grave responsabilité qu'ils
encourent du fait de présenter l'Évangile et surtout le récit de la Passion d'une manière
simpliste. En effet, ils risquent par là d'inspirer, qu'ils le veuillent ou
non, l'aversion dans la conscience ou le subconscient de leurs enfants ou
auditeurs. Psychologiquement parlant, chez des âmes simples, mues par un amour
ardent et une vive compassion pour le Sauveur crucifié, l'horreur qu'ils
éprouvent tout naturellement envers les persécuteurs de Jésus, tournera
facilement en une haine généralisée des Juifs de tous les temps, y compris ceux
d'aujourd'hui.)
8. Éviter de rapporter les malédictions, scripturaires
et le cri d'une foule excitée : « Que son sang retombe sur nous et sur nos
enfants », sans rappeler que ce cri ne saurait prévaloir contre la prière
infiniment plus puissante de Jésus : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent
pas ce qu'ils font. »
9. Éviter d'accréditer l'opinion impie que le peuple
juif est réprouvé, maudit, réservé pour une destinée de souffrances.
10. Éviter de parler des Juifs comme s'ils n'avaient pas
été les premiers à être de l'Église3.
Influence
Ce
texte reçut l'approbation des autorités religieuses chrétiennes. Il servit de
texte de référence pour les chrétiens et fut utilisé comme charte par
différentes associations Judéo-Chrétiennes1.
Trois
ans après les conférences de Seelisberg, des théologiens protestants et
catholiques se sont réunis à Bad Schwalbach (Allemagne), en juillet 1950. Ils
ont cherché à formuler les fondements bibliques des dix points de Seelisberg.
Leurs travaux, connus sous le nom de Thèses de Bad Schwalbach, ont jeté les
bases d'un renouvellement de la doctrine et de l'enseignement chrétien sur le
Judaïsme4,5.
L'historien
juif Jules Isaac, la personnalité la plus remarquable de la conférence, dont
l'étude sur les racines chrétiennes de l'antisémitisme, intitulée Jésus et
Israël, allait être publiée en 1959, eut ultérieurement des entretiens avec Pie
XII, et surtout avec Jean XXIII, auxquels il remit un dossier plaidant pour des
modifications positives dans l'enseignement chrétien concernant les juifs. Ces entretiens
eurent une influence sur les changements majeurs qui se produisirent sur les
relations entre le judaïsme et le christianisme, jusqu'à trouver leur
expression officielle dans la déclaration Nostra Ætate §4
Notes et références
1. a, b et c Les Églises devant le judaïsme,
documents officiels 1948-1978,
Textes rassemblés, traduits et annotés par Marie-Thérèse Hoch et Bernard Dupuy,
éd. Cerf, 1980, p. 19-22
2. Jean Dujardin, L'Église catholique et le peuple Juif, un autre
regard, éd. Calman-Levy, 2003, p. 335
3. a et b Les Dix Points de Seelisberg - 5 août 1947
[archive], sur le site de l'amitié Judéo-Chrétienne de France
4. Les Églises devant le judaïsme, documents officiels 1948-1978, Textes rassemblés, traduits et
annotés par Marie-Thérèse Hoch et Bernard Dupuy, éd. Cerf, 1980, p. 22-25
5. Cahiers sioniens, Paris, septembre 1950, p. 225-226
Bibliographie
Jules
Isaac, Jésus et Israël (1959) et l'Enseignement du mépris (1962).
Paul
Démann, De Seelisberg à Vatican II, Revue Sens. Nouvelle série no 305, février
2006, p. 77-84.
Menahem
Macina, Le rôle de Paul Démann à Seelisberg, Revue Sens 1999 no 51, p. 434-439.
Pierre
Mamie, La Charte
de Seelisberg et la participation du Cardinal Journet, in Judaïsme,
anti-judaïsme et christianisme: Colloque de l'Université de Fribourg, 16-20 mars 1998.
Éditions Saint-Augustin, 2000, p. 23-34.
Alexandre
Safran, Mes souvenirs de la
Conférence de Seelisberg (1947) et de l'abbé Journet. In
Judaïsme, anti-judaïsme et christianisme : Colloque de l'Université de
Fribourg, 16-20
mars 1998. Éditions Saint-Augustin, 2000, p. 13-22.
Vingt-septième
Cahier d’Études Juives de la revue protestante Foi et Vie, vol. XCVII/1, Paris,
janvier 1998
Articles connexes
Antijudaïsme
Relations
entre le judaïsme et le christianisme
Oremus
et pro perfidis Judaeis
Liens externes
(en) « International Conference of Christians
and Jews. Seelisberg, Switzerland, 1947. An Address to the Churches »,
International Council of Christians and Jews, 1947 (consulté le 2009-03-14)
SOURCE :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Conférence_de_Seelisberg
Mohamed ZEMIRLINE
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