lundi 11 mai 2015

La "Médecine" des Croisés et les médecins arabes



La "Médecine" des Croisés et les médecins arabes


L'orientaliste allemande Sigrid Hunke, dans une importante étude sur l'apport de la civilisation arabe pour aider l'Occident à sortir de ses ténèbres, fait, entre autres, un parallèle entre la médecine des Avicenne, Averroès et Rashes, et la "maldita ignorencia". C'est ainsi que le Père Augustin Antonio de La Calancha appelait la médecine de son temps, la comparant à la médecine des Indiens du Pérou, alors hautement appréciée par les religieux espagnols.

Se référant donc à des chroniqueurs arabes du XIIme siècle, Hunke nous en rapporte "une bien bonne". Les Croisés ne faisaient pas confiance à leurs "médecins", et avaient volontiers recours à l'Art médical des Arabes, alors fidèles disciples d'Hippocrate. Un jour l'émir Oussama ibn Mandikh (1095-1188) "prêta" un de ses médecins nommé Thabit à son voisin le Croisé Franc, chef du Bourg de Mounaitira, pour soigner les malades de sa garnison. Cependant, Thabit retourna vite chez son émir, expliquant comme suit la raison de son retour précipité de chez les Francs :

"On m'amena un cavalier sur la jambe duquel s'était formé un abcès, et une femme attaquée par une fièvre hectique. Sur l'abcès du cavalier j'avais posé un emplâtre vésicatoire; l'abcès s'ouvrit et prit un cours favorable. A la femme je prescris une diète et avec une alimentation végétale son état s'était amélioré. Vint alors un médecin Franc et dit "Celui-là ne saura pas vous guérir, il n'y comprend rien". Se tournant alors vers le cavalier il lui posa la question suivante : "Que préfères-tu? Vivre avec une jambe ou mourir avec deux jambes? Le cavalier lui répond : "Vivre avec une jambe". Alors le médecin Franc dit : "Cherchez-moi un cavalier bien fort, avec une hache bien aiguisée". Le cavalier avec la hache arrive, j'étais encore présent. Le médecin pose alors la jambe du patient sur un billot et ordonne au cavalier : "Tranche-lui la jambe d'un seul coup de hache". Le cavalier lui assène un coup pendant que je le voyais faire. Malgré cela, la jambe n'était pas encore sectionnée. Il asséna un deuxième coup, alors la moelle de la jambe se mit à couler, et l'infortuné mourut sur l'instant. Ensuite, le médecin examina la femme et dit : "Cette femelle a un diable dans le corps qui s'est amouraché d'elle. Coupez-lui les cheveux". On les lui coupe, et elle se mit à manger de nouveau des aliments de ses compatriotes. Alors sa fièvre monta, et le médecin dit : "Le Diable monte maintenant à sa tête". Avec ces mots il s'empara du rasoir, lui fit une entaille au cuir chevelu en forme de croix jusqu'à ce que l'os du crâne se dénuda, et le frotta alors avec du sel. La femme mourut au bout d'une heure. Sur ce, je m'en allai, après avoir appris de leur Art de guérir ce qui jusqu'alors m'était inconnu". (1)

S’il s'était contenté d'exorcismes pour chasser le Diable amoureux du corps de la "femelle", comme il l'avait appelée, la pauvre femme n'en serait pas morte. Un exorcisme ne guérit pas, mais ne fait pas de mal non plus s'il est synchronisé avec une thérapeutique rationnelle. Un exorcisme peut même augmenter la résistance physique d'un malade - si ce malade est un croyant - par son action sur le psychisme, qu'on néglige trop souvent. Si donc notre médecin Franc s'était contenté de répandre du sel sur la malade en faisant des signes cabalistiques même pour l'impressionner davantage, elle n'en serait pas morte. Cela aurait fait l'effet d'un exorcisme. Mais il avait voulu pénétrer à l'intérieur du crâne pour dénicher le Diable. C’était cela la "maldita ignorancia" des médecins occidentaux d'alors, telle que la caractérisa le Père Augustin Antonio de la Calancha dans son ouvrage CORONICA MORALIZADA DEL ORDEN DE SAN AGUSTIN EN EL PERÚ

"Parmi les indigènes du Pérou il y avait des médecins sublimes, et le Deuxième Concile de Lima avait dû constater qu'ils étaient extraordinairement capables, et devaient être autorisés à soigner... et disposa à son chapitre 111 que personne n’avait le droit de les empêcher d'exercer".

Mais cette "maldita ignorancia" n'était pas alors le monopole des médecins occidentaux. A Byzance, l'aire de la chrétienté où les Lumières n'étaient pas encore complètement éteintes au IVme siècle, il n'en était pas autrement, comme on lira à l'historiette suivante tirée de l'Histoire.
 
BASILE Y.
Web : basile-y.com

1/. Sigrid HUNKE, ouvrage déjà cité, page 109. 

Mohamed ZEMIRLINE

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