Les Cathares 1208 à 1244
Pendant la première moitié du XIIIe siècle, le Midi toulousain, de la Garonne au Rhône, endure
une succession de tragédies qui vont conduire à sa ruine et à la perte de son
autonomie.
Le motif en est la guerre contre les hérétiques
aujourd'hui connus sous le nom de «Cathares», nombreux dans la région.
Dénommée croisade contre les Albigeois, cette
guerre bénéficie de l'onction du pape Innocent III. Elle va avoir raison de
l'hérésie mais son effet le plus tangible sera l'annexion de la région au
domaine capétien (ce qui deviendra la
France ).
À l'époque de la croisade, les adeptes du catharisme
se qualifient eux-mêmes de «vrais chrétiens» et s'opposent avec
vigueur à l'Église catholique. Leurs chefs sont appelés avec respect Bonshommes
et Bonnes Femmes. Les inquisiteurs catholiques qui vont pourchasser
les derniers de ces hérétiques préfèrent les qualifier de parfaits et parfaites,
au sens de parfaitement hérétiques.
Le terme cathare est une expression
injurieuse inventée vers 1165 par le clerc rhénan Eckbert Schinau. Il fait
référence au grec katharos, qui signifie pur et soupçonne les
adeptes de cette secte de manichéisme (le monde est mauvais et il importe de
s'en détacher par la quête de la pureté absolue). Depuis le spectaculaire retour
en vogue de l'histoire de cette secte au XXe siècle, les mots cathare
et catharisme se sont curieusement substitués à tout autre
dénomination pour qualifier ses adeptes et leur idéologie.
Le peuple, quant à lui, appelle les Bonshommes
de différents noms : patarins, poplicains, publicains,
piphles, tisserands ou encore boulgres (à l'origine
du mot bougre en français). Le mot «boulgre» rappelle
l'origine bulgare et balkanique de l'hérésie cathare. Les hérétiques sont
aussi appelés Albigeois, par référence à Albi, une ville située au
nord-est de Toulouse. Cette appellation trouve son origine dans le concile
qu'a tenu la secte en 1165 dans le château de Lombers, sur les terres du
vicomte de Trencavel, pas très loin d'Albi. C'est la première de ses assemblées
qui ait laissé une trace écrite.
Une hérésie enracinée dans le Midi
Originaires de l'Italie du nord, les «Cathares»
recueillent depuis un demi-siècle un succès croissant dans le Midi toulousain
en raison de leur doctrine simple et exigeante, fondée sur le retour à
l'Évangile.
Ils considèrent que l'Église officielle a trahi sa
mission dès le pontificat de Sylvestre 1er, sous le règne de l'empereur Constantin le Grand, 900 ans plus tôt !
Ils ne reconnaissent pas le dogme et les enseignements de l'Église catholique
mais se revendiquent eux-mêmes chrétiens et se désignent sous cette appellation
ou encore sous celle d'amis de Dieu.
Les «Cathares» ne reconnaissent qu'un seul
sacrement, le «consolamentum», qui efface toutes les fautes passées et
garantit la vie éternelle.
Celui-ci n'étant donné qu'une fois, seuls les Bonshommes
et les Bonnes Femmes (appellation usuelle des prédicateurs cathares)
se sentent assez fermes dans leur foi pour le demander en pleine force de leur
âge. Ils sont les seuls également à pouvoir donner le «consolamentum».
Les fidèles d'un naturel peu religieux, quant à eux,
font en sorte de l'obtenir seulement dès qu'ils sentent venir la mort, afin de
ne pas mourir en état de péché.
Avantage aux cathares
Les prédicateurs cathares du Midi sont servis par
l'image déplorable que donne du catholicisme le clergé local. Prélats et curés
se vautrent volontiers dans la luxure mais ne s'en montrent pas moins exigeants
à l'égard de leurs ouailles en termes de morale.
Au contraire, les parfaits (nom usuel que les
inquisiteurs donnent aux Bonshommes et Bonnes Femmes)
affichent une austérité irréprochable, empreinte de douceur et de sérénité mais
témoignent d'une grande compréhension envers les écarts de conduite de leurs
fidèles. Ils vivent chastement et s'interdisent toute nourriture carnée,
prenant au pied de la lettre le commandement biblique : «Tu ne tueras
point».
Le catharisme tire sa force moins du nombre de ses
adeptes que de sa diffusion dans les classes supérieures. «Loin d'être une
religion populaire, c'est la religion d'une minorité. Mais cette minorité
est celle des puissants : aristocratie rurale et élites urbaines,comme, à
Fanjeaux et en de très nombreux autres lieux, les coseigneurs et les
consuls réunis», souligne l'historien Michel Roquebert.
Contre les hérétiques, Saint Bernard de Clairvaux,
conseiller des rois et prédicateur de la deuxième croisade en Terre sainte,
tente sans succès de réveiller les consciences catholiques. Lui-même se plaint
de trouver des églises désertées par les fidèles.
Le concile oecuménique Latran III, en 1179, prend acte
des progrès de l'hérésie dans le canon 27 que cite Michel Roquebert dans son Histoire
des cathares : «Dans la Gascogne, l'Albigeois, le Toulousain et en
d'autres lieux, la damnable perversité des hérétiques dénommés par les uns
cathares, par d'autres patarins, publicains, ou autrement encore, a fait de
tels progrès...».
En 1206, suite à une rencontre inopinée avec les
représentants du pape sur une route du Languedoc, l'évêque castillan Diego d'Osma
et son chanoine Dominique de Guzman (ou de Caleruega) tentent à leur tour de
remettre les hérétiques dans le droit chemin.
Le futur Saint Dominique donne l'exemple de la
pauvreté évangélique. Comme les parfaits, il parcourt pieds nus les
campagnes. Il fonde dès 1206 à Fanjeaux, petite ville du Lauragais, un
monastère avec d'anciennes hérétiques converties puis à Toulouse, en 1216, une
communauté de frères prêcheurs dont les membres sont aujourd'hui connus sous le
nom de dominicains. Mais ses prédications se révèlent impuissantes à éradiquer
l'hérésie.
Celle-ci, qui bénéficie de la protection bienveillante
des seigneurs, arrive même à se structurer en Église véritable, avec quatre
évêchés : Albi, Agen, Toulouse et Carcassonne. C'est en définitive la croisade
qui en aura raison.
Déclin et dispariation
Sur son déclin, au milieu du XIIIe siècle, la secte se
radicalise et se rapproche du manichéisme en réduisant le monde à une
opposition entre Bien et Mal.
Les plus extrémistes de ses prédicateurs en viennent à
condamner l'Ancien Testament et tout ce qui concerne la création du monde
terrestre, attribués à une puissance néfaste, le diable. Ils voient par contre
dans le Nouveau Testament l'oeuvre du véritable Dieu parce que, par la voix de Jésus-Christ,
il annonce le «Royaume de Dieu», lequel n'est pas de
ce monde.
Pour eux, Jésus ne peut pas être Dieu fait homme ni
avoir de nature humaine comme le prétend l'Église catholique car cette nature
est mauvaise comme le créateur qui en est à l'origine. Ils tiennent pour
indigne de considérer qu'il ait pu en tant que Dieu subir le supplice de la
croix. Jésus est un ange ou un fantôme (en grec phantasma), sans
véritable enveloppe charnelle.
http://www.herodote.net/1208_a_1244-synthese-97.php
Mohamed ZEMIRLINE
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