Discours de
Ratisbonne, Benoît XVI
Le
discours de Ratisbonne est un discours que le pape Benoît XVI a présenté sur le
rapport entre la raison et la foi, intitulé Foi, raison
et université - Souvenirs et réflexions, à l’université de Ratisbonne en
Allemagne, où il avait été professeur. Le 12 septembre 2006 , Benoît XVI entame
un discours sur les rapports entre la religion et la violence, pour faire une
condamnation claire et motivée de la violence exercée au nom de la religion.
Une citation du discours déclenche de vives réactions
politiques et religieuses dans le monde, majoritairement négative dans les pays
musulmans, plutôt positive dans les pays occidentaux prenant la défense
du pape au nom du dialogue religieux et de la liberté d'expression, sauf en "France ou
l'on revient à plusieurs reprises sur la déclaration controversée que le pape
avait faite à Ratisbonne concernant la religion musulmane. On considère le
voyage du pape en Turquie à la fois comme un risque à prendre mais aussi comme
une opportunité de réconciliation" (voir article usherbrooke).
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Sommaire
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Discours de Benoît
XVI
Résumé
Le
discours de Foi, raison…, citant aussi bien la pensée juive et grecque que la
théologie protestante et l’athéisme moderne, traitait principalement de la
chrétienté et de ce que le pape Benoît appelle la tendance à « exclure la
question de Dieu » de la raison. L’islam n’est abordé que dans une partie du
discours (trois paragraphes).
Le
pape cite des critiques fortes qu’il décrit comme « étonnamment abrupte »1 et
d’une « rudesse assez surprenante »2. Dans les trois paragraphes, situés au
début du discours, Benoît XVI cite et discute un argument fait par l’empereur
byzantin Manuel
II Palaiologos tiré d’un dialogue qu’il avait avec un érudit persan
en 1391 à propos du jihad, mais aussi sur des commentaires faits par Théodore Khoury,
qui publia récemment le dialogue de l’empereur auquel le Souverain Pontife se
référait. Benoît XVI utilise l’argument de Manuel II pour décrire une
distinction entre le point de vue chrétien, tel que l’exprime Manuel II, selon
laquelle « ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu » et
du point de vue de l’islam, comme l’explique Khoury, que Dieu transcende les
concepts tels que la rationalité.
Les paragraphes qui traitent de l’islam
Paragraphe 1
«Tout
cela me revint en mémoire récemment à la lecture de l’édition publiée par le
professeur Théodore Khoury (Münster) d’une partie du dialogue que le docte
empereur byzantin Manuel II Paléologue, peut-être au cours de ses quartiers
d’hiver en 1391 à Ankara, entretint avec un Persan cultivé sur le christianisme
et l’islam et sur la vérité de chacun d’eux. L’on présume que l’empereur
lui-même annota ce dialogue au cours du siège de Constantinople entre 1394 et
1402 ; ainsi s’explique le fait que ses raisonnements soient rapportés de
manière beaucoup plus détaillée que ceux de son interlocuteur persan. Le
dialogue porte sur toute l’étendue de la dimension des structures de la foi
contenues dans la Bible
et dans le Coran et s’arrête notamment sur l’image de Dieu et de l’homme, mais
nécessairement aussi toujours à nouveau sur la relation entre — comme on le
disait — les trois « Lois » ou trois « ordres de vie » : l’Ancien Testament —
le Nouveau Testament — le Coran. Je n’entends pas parler à présent de cela dans
cette leçon ; je voudrais seulement aborder un argument — assez marginal dans
la structure de l’ensemble du dialogue — qui, dans le contexte du thème « foi
et raison », m’a fasciné et servira de point de départ à mes réflexions sur ce
thème. »
Paragraphe 2
«Dans
le septième entretien (dialexis — controverse) édité par le professeur Khoury,
l’empereur aborde le thème du djihad, de la guerre sainte. Assurément
l’empereur savait que dans la sourate 2, 256 on peut lire : « Nulle contrainte
en religion ! ». C’est l’une des sourates de la période initiale, disent les
spécialistes, lorsque Mahomet lui-même n’avait encore aucun pouvoir et était
menacé. Mais naturellement l’empereur connaissait aussi les dispositions,
développées par la suite et fixées dans le Coran, à propos de la guerre sainte.
Sans s’arrêter sur les détails, tels que la différence de traitement entre ceux
qui possèdent le « Livre » et les « incrédules », l’empereur, avec une rudesse
assez surprenante qui nous étonne, s’adresse à son interlocuteur simplement
avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en
général, en disant : « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et
tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de
diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ». L’empereur, après s’être prononcé
de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour
lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose
déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la
nature de l’âme. « Dieu n’apprécie pas le sang — dit-il —, ne pas agir selon la
raison, sun logô, est contraire à la nature de Dieu. La foi est le fruit de
l’âme, non du corps. Celui, par conséquent, qui veut conduire quelqu’un à la
foi a besoin de la capacité de bien parler et de raisonner correctement, et non
de la violence et de la menace… Pour convaincre une âme raisonnable, il n’est
pas besoin de disposer ni de son bras, ni d’instrument pour frapper ni de quelque
autre moyen que ce soit avec lequel on pourrait menacer une personne de mort… »
Paragraphe 3
«L’affirmation
décisive dans cette argumentation contre la conversion au moyen de la violence
est : ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. L’éditeur
Théodore Khoury commente : pour l’empereur, un Byzantin qui a grandi dans la
philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine
musulmane, en revanche, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n’est liée
à aucune de nos catégories, fût-ce celle du raisonnable. Dans ce contexte,
Khoury cite une œuvre du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui explique
que Ibn Hazn va jusqu’à déclarer que Dieu ne serait pas même lié par sa propre
parole et que rien ne l’obligerait à nous révéler la vérité. Si cela était sa
volonté, l’homme devrait même pratiquer l’idolâtrie. »
(Dans
la suite de son discours (12 paragraphes), le pape parle des relations entre la Foi catholique et la raison,
en particulier la philosophie hellénistique. Il n’est plus question de l’islam
ni de la violence, par contre la citation de Manuel II
«
Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. » revient à deux
reprises.)
Constat
Le
pape Benoît XVI, en relatant dans son discours une controverse de la fin du
Moyen Âge (fin XIVe siècle) entre l’empereur de Constantinople Manuel II
Paléologue et un érudit musulman persan, a provoqué une polémique, ayant été
compris, dans certains milieux musulmans, comme critiquant le jihad (la
"guerre sainte") et le Prophète. Dans cette transcription on peut
comprendre que Dieu, qui est amour, ne peut voir la vraie foi se répandre par
la guerre (le Jihad) et la violence.
Le
pape Benoît XVI est accusé d’avoir lié la foi musulmane à la violence.
Le
14 septembre, le Vatican rappelle dans une déclaration officielle que « (…) le
Saint-Père souhaite cultiver une attitude de respect et de dialogue envers les
autres religions et cultures, et de toute évidence aussi l’islam », et que ce
discours était « un refus clair et radical de la motivation religieuse de la
violence».
Interprétation et enjeux
Au
sein de l’Église, la critique du faux irénisme a été tout d’abord développée
dans l’encyclique Humani Generis de Pie XII. Le point de doctrine est d’exiger
un dialogue franc qui va au-delà des malaises et des vaines concessions. Benoît
XVI ne se pose pas en critique de ses prédécesseurs ou de Vatican II ; en
lançant le défi du dialogue à ses interlocuteurs, il veut aller au cœur du
débat, qui pour lui a autant d’enjeux culturels que religieux.
Par
la déclaration Nostra Ætate du concile Vatican II sur les rapports avec les
autres religions, l’Église ouvre le dialogue en misant surtout sur les
croyances communes des grandes traditions religieuses. Cette ouverture s’était
par exemple concrétisée par les journées de prière commune à Assise. Le
caractère sans condition de cette attitude d’ouverture avait été critiquée au
sein même de la curie romaine, en particulier par le cardinal Ratzinger alors
qu’il était préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. Ce dernier
avait obtenu que l’on dise des responsables religieux qu’ils étaient réunis à
Assise "ensemble pour prier" et non pour "prier ensemble",
soulignant ainsi que pour la théologie catholique, le sens de la prière chrétienne
n’était pas réductible à celui des autres religions.
Auteur
du catéchisme de l'Église, il avait publié quelques années plus tôt la
déclaration Dominus Iesus qui réaffirmait l’unicité et l’universalité
salvifique de Jésus-Christ et de l’Église. L’une de ses plus vives critiques
déjà adressées à l’islam est qu’elle est incompatible avec la démocratie.
Foi et raison
Alors
que sa première encyclique traitait de l’amour de Dieu, cette fois-ci à
Ratisbonne il aborde le sujet de la
Foi et de la
Raison au sein des institutions académiques, sujet qu’avait
abordé Jean-Paul II dans son encyclique Fides et ratio. Ce rappel s’adresse
aussi bien à un occident déchristianisé, qui tend à considérer que le domaine
de la Raison
exclut tout discours sur la Foi ,
qu’à un monde musulman, implicitement appelé à manifester plus de raison dans
l’expression de sa foi, et à accepter une critique de l'islam externe.
Quelques
commentateurs ont souligné le rôle central que la notion de disputatio (débat
entre théologiens de religions différentes) tenait dans cette histoire relatée
par le pape. Ces débats (parfois appelés « controverses ») étaient une pratique
fréquente de l’Église à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance. Il y
en eut d’organisé avec des juifs, des musulmans, des cathares… La scène
historique relatée par le pape rappelle une époque où les autorités de deux
religions pouvaient dialoguer rationnellement de leur religion respective, sans
recourir à la violence pour défendre leur foi: le siège de Constantinople qui
sert de toile de fond est une guerre politique, non religieuse. Par contraste,
cette scène souligne les difficultés actuelles d’une critique de l’islam fondée
sur la raison.
Relation entre catholicisme et
islam
En
ce qui concerne les rapports avec l’islam, le pape montre son désir de fonder
le dialogue inter-religieux sur la responsabilité. Le sort des minorités
chrétiennes en terre d’islam, ou les appels à la violence religieuse de
certains dirigeants islamistes, sont des sujets pointés du doigt par les
autorités catholiques.
Jusqu’à
la déclaration de Ratisbonne, la position de l’Église catholique a été de ne
faire aucun geste qui puisse entraîner des difficultés pour les minorités
chrétiennes en pays islamiques (en Palestine, Iran, Irak, Turquie, Copte en
Égypte…). La déclaration de Ratisbonne marque également une rupture par rapport
à cette stratégie.
De
fait, en sus des manifestations hostiles, les chrétiens des pays islamistes ont
effectivement payé le prix de cette nouvelle politique : sept églises attaquées
dans les territoires palestiniens mi-septembre3, et une religieuse, sœur
Leonella Sgorbati, assassinée en Somalie4.
Mais
ces exactions ont été condamnées par de nombreuses autorités, y compris des
dirigeants de l’islam. Ces commentaires ont souligné que face à des accusations
de violence, l’islam ne pouvait pas répondre par la violence, acceptant ainsi
de placer le débat sur le terrain proposé par le pape.
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Mises au point du
Vatican
Déclaration officielle du secrétaire d'État
Tarcisio
Bertone, le nouveau secrétaire d’État du Saint Siège, a fait une déclaration le
16 septembre 2006 ,
expliquant que « La position du pape sur l’islam est, sans équivoque, celle
exprimée par le document Nostra Aetate » et que « l’opinion du pape en faveur
du dialogue interreligieux et interculturel est absolument sans équivoque » Le
souverain pontife était « absolument désolé » de voir ses propos interprétés
comme offensants pour l’islam.
«
Quant au jugement de l'empereur byzantin Manuel II Paléologue, qu'il a cité
dans son discours de Ratisbonne, le Saint-Père n'a pas entendu et n'entend
absolument pas le faire sien, mais il l'a seulement utilisé comme une occasion
pour développer, dans un contexte universitaire et selon ce qui apparaît après
une lecture complète et attentive du texte, certaines réflexions sur le thème
du rapport entre religion et violence en général et conclure à un refus clair
et radical de la motivation religieuse de la violence, de quelque côté qu'elle
provienne. (...) Le Saint-Père est donc vivement désolé que certains passages
de son discours aient pu apparaître comme portant offense à la sensibilité des
croyants musulmans et aient été interprétés d'une manière absolument non
conforme à ses intentions. D'autre part, face à la religiosité fervente des
croyants musulmans, il a mis en garde la culture occidentale afin qu'elle évite
"le mépris de Dieu et le cynisme qui considère la dérision du sacré comme
un droit de la liberté"5. »
Déclarations du pape
Castel
Gandolfo, le 17
septembre 2006 , le pape déclare de sa résidence d’été :
«
Je suis vivement attristé par les réactions suscitées par un bref passage de
mon discours (…) considéré comme offensant pour la sensibilité des croyants
musulmans alors qu’il s’agissait d’une citation d’un texte médiéval qui
n’exprime en aucune manière ma pensée personnelle (…). J’espère que la
déclaration, samedi, de mon secrétaire d’État contribuera à apaiser les esprits
et à clarifier le sens véritable de mon discours qui (…) était une invitation
au dialogue franc et sincère avec un grand respect réciproque. »
Benoît
XVI a évoqué, place Saint Pierre pour l’audience générale, son récent séjour
bavarois. Il a fait le récit de son étape à Munich, dont il fut le pasteur,
puis de celle au sanctuaire marial d’Altötting et enfin de sa rencontre avec
les universitaires de Ratisbonne devant les fidèles rassemblés.
«Ce
ne fut pas seulement un retour vers son passé, mais aussi une belle occasion
d’envisager l’avenir avec espérance (…). Celui qui croit n’est jamais seul (…)
nous devons réfléchir sur notre appartenance de baptisés à l’Église du Christ,
dans laquelle personne n’est jamais seul, mais en communion permanente avec
Dieu et les frères (…). J’avais choisi pour ce discours les rapports entre la
foi et la raison. Pour introduire mes auditeurs dans la dramatique actualité du
sujet, j’ai cité un passage d’un dialogue du XIVe siècle où l’empereur chrétien
Manuel II présente à son interlocuteur musulman, d’une manière
incompréhensiblement abrupte le lien entre religion et violence.
C’est
malheureusement cette citation qui a pu prêter méprise. Il est pourtant clair à
une lecture attentive de mon texte que je n’entendais absolument pas faire
mienne l’opinion négative du souverain byzantin, et que ce jugement polémique
n’exprimait pas mes convictions. Mon intention était toute différente. À partir
de ce que Manuel Paléologue dit ensuite de positif sur la raison qui doit
présider à la transmission de la foi, je désirais expliquer que ce ne sont pas
la religion et la violence qui vont de pair, mais bien la religion et la
raison.
Le
thème de ma leçon était bel et bien le lien entre la foi et la raison. En cela,
je voulais inviter au dialogue entre la foi chrétienne et le monde moderne,
ainsi qu’avec toutes les cultures et religions. J’ose espérer que durant les
diverses phases de mon séjour bavarois, notamment à Munich où j’ai souligné
l’importance de respecter ce qui est sacré pour autrui, on aura perçu mon
profond respect pour les grandes religions, et notamment pour les Musulmans qui
adorent le Dieu unique et avec lesquels les Catholiques se sont engagés à
défendre et promouvoir de concert la justice sociale, les valeurs morales, la
paix et la liberté pour tous les hommes.
J’espère
donc qu’après des réactions immédiates, les propos tenus à l’université de
Ratisbonne puissent constituer un encouragement supplémentaire à un dialogue
fructueux, et même critique, entre religions comme entre la raison moderne et
la foi des chrétiens6. »
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Réactions par ordre
chronologique
Les chefs religieux
Musulmans
Tariq Ramadan, nommé à une chaire d'études islamiques
contemporaines à l'Oriental Faculty de l'Université d'Oxford, a déclaré : «
[..] La plupart n’avait pas lu le texte, beaucoup se suffisaient d’un
compte-rendu très approximatif qui stipulait que le pape avait associé l’islam
à la violence mais tous dénonçaient "l'inadmissible injure". Quel que
soit le jugement des savants ou des intellectuels sur les propos du Pape, on
eut aimé que ceux-ci s’en tiennent à une attitude raisonnable quant à
l’exposition de leurs critiques et ce pour deux raisons. On sait que certains
gouvernements instrumentalisent ce type de crise pour laisser s’exprimer les
frustrations populaires. Quand on a privé le peuple de ses droits fondamentaux
et de sa liberté d’expression, il ne coûte rien de laisser ce dernier exprimer
sa colère contre les caricatures danoises ou les propos du Pontife. Dans les
faits, on assiste à des mouvements populaires de protestation dont la
caractéristique première est un débordement émotionnel absolument incontrôlé.
Ces masses en ébullition donnent l’impression qu’on ne débat pas chez les
musulmans et que le verbe agressif et la violence sont davantage la règle que
l’exception. Il est de la responsabilité des intellectuels musulmans de ne pas
jouer à ce jeu dangereux et tout à fait contre productif7 ».
Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman et
recteur de la Mosquée
de Paris, réclame initialement une clarification. Par la suite, il considère
que la mise au point du Vatican, qu’il salue « avec optimisme », répond à cette
demande.
Le
recteur de la mosquée de la porte d’Aix, Mohand Alili, relativise l’importance
accordée aux propos tenus par Benoît XVI à Ratisbonne, estimant que le pape «
défend ce qu’il est. Alors c’est aux musulmans de dire : “voilà ce que nous
sommes”. Je ne vois pas pourquoi on va créer un système de polémique »,
poursuivant : « je ne vois pas pourquoi les musulmans s’en prennent au pape au
lieu de s’en prendre aux leurs, (…) [à ceux] qui ont décrédibilisé l'islam »8.
Youssef al-Qaradâwî, une religieux égyptien très connu dans le monde
musulman à la tête de l'Association des érudits islamiques a dit : « Nos mains
sont tendues et notre religion appelle à la paix, non pour la guerre, pour
l'amour pas la haine, à la tolérance, et non pour le fanatisme, pour se
connaître les uns les autres et non pas pour renier l'autre. Nous condamnons
cela et nous aimerions avoir des explications sur ce qui était sous-entendu.
Nous appelons le Pape, le pontife, à s'excuser auprès de la nation islamique,
car il a insulté notre religion et son prophète, sa foi et sa loi, sans aucune
justification9».
Mohammed Tantaoui, savant renommé de l'Université Al-Azhar au Caire, a
transmis la position de l'université comme quoi les commentaires du Pape sur
l'islam « indiquent une ignorance claire » de la religion et « attribut à
l'islam ce qu'il ne contient pas »10.
Mohammed Mahdi Akef (en), guide spirituel des Frères musulmans, exige du
pape des « excuses personnelles » et appelle les gouvernements musulmans à
menacer de rompre leurs relations avec le Vatican11
Le grand mufti d'Arabie
saoudite `Abdul `Aziz al-Cheikh a
accusé le pape de « mensonge ». Il indique que « ces propos prouvent
l’impossibilité de toute réconciliation entre les religions »12.
Le religieux saoudien Salman
al-`Awda (en) exhorte les musulmans à
se « dresser » contre le Vatican, à cause de la « haine cachée dans le cœur du
pape »12.
Ahmad Khatami (en), l'un des clercs les plus influents de l'Iran a
demandé au Pape de « tomber à genoux en face d'un haut dignitaire religieux
musulman et essayer de comprendre l'islam »13.
Aga Khan IV, chef de la branche Nizari Ismaélite de l'islam a dit
: « J'ai deux réactions face à la déclaration du pape : Cela me préoccupe car
je redoute une dégradation des relations entre chrétiens et musulmans et, en
même temps, je vois une possibilité, une occasion de parler d'un problème
important et grave : la relation entre la foi et la logique »14.
Muhammad Abdul Bari du Muslim Council of Britain a déclaré qu’« on aurait
espéré d’un chef religieux tel que le pape d’agir et de parler avec
responsabilité et de rejeter le point de vue de l’empereur byzantin dans
l’intérêt de la vérité et de rapport harmonieux. Il est regrettable que le pape
n’a pas agi de la sorte et cela a tout naturellement provoqué beaucoup de
consternation et de tourment. »15
Le grand mufti sunnite
libanais, cheikh Mohammed Rachid
Kabbani, estime que « la raison est la substance même de l’islam et de ses
enseignements (…) L’islam interdisait la violence dans la vie humaine.
Quiconque veut la vérité (sur l’islam) doit se référer au Coran plutôt qu’à un
dialogue ou à des extraits »12.
À Mogadiscio, Cheikh
Abubukar Hassan Malin, dignitaire
musulman lié au puissant mouvement des tribunaux islamiques, appelle au meurtre
de Benoît XVI déclarant : « Nous vous exhortons, musulmans, où que vous soyez,
à pourchasser le pape pour ses propos barbares, comme vous avez traqué Salman
Rushdie, l’ennemi d’Allah qui avait offensé notre religion (…) Quiconque
offense notre prophète Mahomet devrait être tué par le musulman se trouvant le
plus proche de lui (…) Nous appelons toutes les communautés islamiques du monde
entier à se venger »16.
Amîr `Ali, responsable du
Conseil musulman d’Australie,
considère que « le pape avait employé la citation la plus mal venue, au moment
le plus mal venu ».
Catholiques romains
Le cardinal Paul Poupard, président du conseil pontifical pour la culture et
le dialogue interreligieux, commente que, face à un public universitaire, « le
grand professeur Joseph Ratzinger a fait une leçon doctorale sur les rapports
entre raison et foi », ajoutant : « ne réduisons pas son discours à des
stéréotypes ». Le cardinal Paul Poupard, a appelé dans une interview « les amis
musulmans de bonne volonté » à lire le discours « dans son entier » avant de se
prononcer17.
Mgr Charles Bo archevêque
catholique de Rangoun en Birmanie, a
déclaré que « le pape Benoît XVI a dit ce qu’affirment des millions de
musulmans à travers le monde : la religion ne peut justifier la violence… Je
suis triste de constater les malentendus de nos frères musulmans concernant ce
que notre Saint-Père Benoît XVI a mentionné. Il est évident que dans un pays
aussi tranquille que le Myanmar, nous ne voyons aucune réaction des musulmans.
Benoît XVI affirmait clairement que la violence n’est pas compatible avec la
nature de Dieu. La violence et l’assassinat sont contraires à la nature de Dieu
», explique-t-il. « Il a dit clairement que Dieu est amour et que l’amour
assure et fait jaillir la vie. Dieu donne la vie. C’est la raison fondamentale
pour laquelle un théologien aussi respecté et hautement apprécié que le pape a
transmis un message aussi clair dans sa première encyclique Dieu est amour. Le
pape parlait dans une université, où il avait choisi de répéter que la
dimension religieuse est nécessaire pour tous les hommes, et que la foi est
fondamentale pour faire l’expérience de la plénitude de la vie » ajoute
l’archevêque Bo. « La froideur de la rationalité conduit souvent à une vie
désacralisée, c’est ce qu’il essayait de dire ». En définitive Mgr Charles Bo
est certain que le pape a reflété le sentiment et le souhait de millions de
musulmans. Car eux aussi affirment que la violence et l’islam ne peuvent pas
être liés. Mgr Bo est convaincu que de nombreux musulmans « veulent être des
croyants musulmans dans le monde d’aujourd’hui contre ceux qui utilisent la
religion pour frapper les autres avec violence. La religion ne peut être à la
base d’un conflit, d’une guerre ou de toute autre forme de violence »18.
Réaction du cardinal
Lustiger: «Nous sommes face un
phénomène médiatique à la limite de l’absurde. Pour ceux qui n’ont pas lu en
entier la "leçon" que le pape Benoît XVI a donnée à l’université de
Ratisbonne, cette affaire est incompréhensible. Et effrayante. Il aura suffi de
quelques mots pour que des foules, qui n’ont pas la moindre idée de ce dont il
s’agit, se mettent à crier à l’offense et déchaînent une querelle dont on ne
sait à qui elle profite. En tout cas, elle ne profite pas à l’Islam. Ce n’est
pas respecter l’Islam que d’abaisser, piétiner quelqu’un qui s’est toujours
présenté comme un loyal interlocuteur et un ami. Le procédé est grossier et je
ne crois pas que les musulmans sincères, s’ils sont avertis, puissent souscrire
à pareil déferlement de haine et de violence. Il y a un malentendu gravissime
et ce malentendu est, d’abord, au détriment de l’islam. Sa pensée va au fond de
la question cruciale du rapport de l’Occident avec la religion, en particulier
avec l’islam. L’Occident risque de devenir totalement hermétique aux religions,
si la "raison" séculière suit sa propre dérive. Et, pour l’islam,
l’effet sera, en Occident, une attitude encore plus réductrice et impitoyable.
Le christianisme a l’avantage d’être enraciné dans la culture occidentale. Cela
n’a été possible que grâce à la rencontre de la raison grecque et de la
tradition biblique. Et le pape suggère que, par cette médiation, l’islam pourra
trouver la porte qui lui permettra, à son tour, d’accéder à la raison critique.
Ce chemin n’appartient qu’à l’islam et il est clair que ce discours n’a rien
d’offensant. Le sommer de se récuser sur un jugement qu’il n’a pas porté, c’est
mépriser un ami. Ceux qui exigent des excuses n’ont pas lu le discours, ou ne
l’ont pas compris, ou traduisent en défi politique, le plus humiliant possible,
les termes d’un débat qui se voulait courtois. Si le jeu consiste à déchaîner
la vindicte des foules sur des mots qui ne sont pas compris, alors les
conditions du dialogue avec l’islam ne sont plus réunies. Ce serait très
inquiétant si la discussion ne se limitait plus qu’à des mots convenus. Je
trouve enfin avilissante l’attitude des pêcheurs en eaux troubles qui, dans des
pays occidentaux, profitent de la circonstance pour accabler le pape Benoît XVI
sans réfléchir aux enjeux de fond. »19.
Le primat de l’Église
canadienne et archevêque de Québec,
Mgr Marc Ouellet, rappelle que « c’est dans un cadre universitaire que Benoît
XVI a tenu des propos sur la violence et la religion… Les propos du pape ont
été déformés par des groupes extrémistes ». L’archevêque poursuit « le
véritable sens du discours du pape Benoît XVI visait à dissocier la violence de
la religion »20.
Le chef de l’Église
catholique d’Australie à Sydney, le
cardinal George Pell, soutient le pape Benoît XVI. « Les violentes réactions
dans de nombreux endroits du monde musulman confirment l’une des principales
craintes du pape Benoît XVI. Elles démontrent le lien qu’établissent de
nombreux islamistes entre religion et violence, ainsi que leur refus de
répondre à la critique par des arguments rationnels, ne réagissant que par des
manifestations, des menaces et une véritable violence. Je pense que nous devons
mener une étude approfondie de ce que le Coran dit de la violence, du parcours
des premiers musulmans et de l’expansion militaire qui s’est poursuivie pendant
des dizaines d’années, et solliciter l’avis de nos amis musulmans »21.
L'archevêque de Tartous, Mgr Bassilos Mansour, à Damas demande au pape Benoît
XVI de présenter un mot d’excuse aux musulmans et d’« abandonner toutes les
expressions et les concepts durs qui existent dans notre formation culturelle
pour se rencontrer avec les musulmans ». Il pose la question suivante au pape
Benoît XVI « Pourquoi vous avez pris comme exemple l’empereur byzantin qui est
un homme de guerre au lieu de tirer l’exemple des habitants chrétiens de
Constantinople qui ont défendu la mosquée des musulmans dans la capitale des
grecs avant la 4e Croisade, ou la pensée du Patriarche de Constantinople qui a
appelé le Khalifa Abbaside à la coopération entre les deux nations islamique et
chrétienne, ou bien la coopération des chrétiens de l’est avec Salaheddine
contre les forces de la
Croisade ? »22.
Mgr Nasrallah Sfeir, patriarche
des chrétiens maronites, la
principale communauté chrétienne du Liban, déclare « Les critiques contre le
pape sont politiques », et estime que « Benoît XVI n’a pas parlé directement de
l’islam »23.
Coptes
Le chef de l’Église copte,
Chénouda III, rappelle que « toutes
les remarques qui offensent l’islam et les musulmans sont contraires aux
enseignements du Christ »24.
Le porte-parole de l’Église
copte orthodoxe, Mgr Hakim Morcos
affirme que « l’Église copte égyptienne rejette catégoriquement les propos du
pape du Vatican (…). La religion chrétienne nous ordonne d’aimer l’autre quelle
que soit sa religion et comme j’aime les adeptes de Jésus-Christ, je dois
respecter le prophète des musulmans et les croyants musulmans et il est
inacceptable d’offenser leurs sentiments religieux (…). Nous rejetons
totalement toute atteinte aux symboles musulmans et toute atteinte au prophète
des musulmans »25.
Réactions politiques
Égypte : Le gouvernement égyptien, qui craint que la situation
ne dégénère, a convoqué le nonce apostolique (ambassadeur du Saint-Siège), pour
lui demander une initiative d’apaisement de la part de Benoît XVI.
Allemagne : Angela Merkel a déclaré que « celui qui critique le
pape méconnaît l’intention de son discours, qui était d’inviter au dialogue
entre les religions ».
Italie : Romano Prodi considère que ces réactions sont
injustifiées26.
Maroc : Après la mise au point du pape, le roi Mohammed VI a
rappelé son ambassadeur au Vatican en consultation pour protester contre des
propos jugés "offensants" du pape Benoît XVI27.
Suisse : Le conseiller fédéral Pascal Couchepin chef du
département de l’Intérieur prend la défense du pape, estimant son discours «
intelligent et nécessaire (…). Il a voulu montrer ce qui constitue l’essence du
christianisme. Il faut prendre en compte le fait que le judaïsme, le
christianisme et l’islamisme n’ont pas la même conception de Dieu. Ce que le
pape a dit était à ses yeux "globalement respectueux" (…). L’islam
doit aussi se poser la question de la relation entre la raison et la foi. Car
je crois que dans ce domaine le christianisme a une position beaucoup plus
ouverte »28.
Palestine : Gaza, le Premier ministre palestinien, Ismaïl
Haniyeh, qui appartient au mouvement islamiste Hamas, a condamné les propos du
pape estimant qu’ils « allaient à l’encontre de la vérité et touchaient
l’essence de notre foi ». Mais il a dénoncé aussi la série d’attaques contre
des églises dans les territoires palestiniens. Sept églises avaient été la
cible d’attaques à Gaza et en Cisjordanie. « Ces attaques sont totalement
inacceptables et aucun Palestinien ne devrait y prendre part. Nos frères
chrétiens font partie du peuple palestinien »29.
États-Unis : Le président américain George W. Bush a affirmé avoir
"noté" les regrets du pape et les a jugés "sincères", selon
un responsable de la
Maison Blanche. C’est la seule réaction du président
américain depuis que la controverse a éclaté30.
Turquie : Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan avait
exigé de Benoît XVI qu’il s’excuse auprès des musulmans pour ces « déclarations
horribles et malencontreuses ». La prochaine visite du pape en Turquie est
susceptible d’être annulée31.
France : Le président Jacques Chirac a réagi sur les propos du
pape. « Il faut éviter tout ce qui anime les tensions entre les peuples ou
entre les religions. Il faut éviter tout amalgame entre l’islam, qui est une
religion respectée et respectable naturellement, et l’islamisme radical qui est
une action tout à fait différente et qui est une action de nature politique
(…)."Je n’ai pas pour vocation, ni l’intention, de faire un commentaire
sur les propos du pape, je m’exprime sur le plan général et dans le cadre du
dialogue des cultures et des civilisations »32.
Réactions de la presse anglophone
Les
éditoriaux du Guardian et du Daily Telegraph parlent de mauvaise interprétation
et de propos pris hors contexte.
Le
New York Times qualifie de « tragiques et dangereux » les propos du pape Benoît
XVI sur l'islam, et l'appelle à s'excuser33.
Pour
The Economist établissant en 2009 un bilan provisoire du pontificat de Benoît
XVI, l'affaire du discours de Ratisbonne est symptomatique des
dysfonctionnements de la Curie
en matière de communication : selon cet article, plusieurs officiels du Vatican
avaient manifesté leur inquiétude devant le projet de discours, sans disposer
de canal de communication pour en informer le pape ; même le « porte-parole »
de Benoît XVI, Federico Lombardi, qui souhaitait lui faire part de ses
inquiétudes de dernière minute, n'aurait pas été autorisé à déranger le pape,
qui dormait34.
Réactions diverses
Irak : Une bombe a explosé vendredi 15 septembre devant une
église catholique à Bassorah (sud), entraînant la mort d'un chrétien. Un autre
chrétien est assassiné à l'arme blanche en plein marché, à Bagdad. Les
responsables des églises chrétiennes en Irak recommandent la plus grande
prudence aux fidèles. Un groupe fondamentaliste menace en effet les chrétiens
de mort si le pape ne s'excuse pas35.
Koweït : Le Parti islamiste Oumma presse les pays musulmans de
rappeler leurs ambassadeurs au Vatican.
Palestine : Le 16 septembre, plusieurs cocktails Molotov sont
lancés contre cinq églises de Naplouse, ne causant que de légers dégâts. Le
ministre palestinien de l’Intérieur, Saïd Siam, annonce des mesures de sécurité
autour des églises de Gaza et de Cisjordanie.
Palestine : Le 15 septembre 2006 , la plus vieille église orthodoxe de
Gaza, l’église Saint-Porphyre, est la cible d’attaques armées à quatre reprises
dont un jet de grenade. Ismaïl Radouane, un des responsables du Hamas déclarait
: « C’est une nouvelle croisade chrétienne lancée contre le monde musulman et
arabe »36.
Somalie : Dimanche 17 septembre, une religieuse catholique
septuagénaire est tuée avec un garde dans un hôpital de Mogadiscio. Des représentants
d’un mouvement islamique local ont déclaré à l’agence Reuters que cet
assassinat était un signe de « protestation contre les paroles prononcées par
Benoît XVI sur l’islam »37,38.
Royaume-Uni : Le 18 septembre, une centaine de musulmans britanniques
manifeste devant la cathédrale de Westminster et demande l’exécution du pape,
sur fond de slogans antichrétiens : "Puisse Allah maudire le pape",
"Trinité du diable, pape va en enfer", "l’islam conquerra
Rome", "Jésus Christ est l’esclave d’Allah"39. Anjem Choudary,
président de la Society
of Muslim Lawyers et coorganisateur du rassemblement déclare : « Quiconque
insulte le message de Mahomet sera sujet à la peine capitale »40.
Al-Qaida : Ayman al-Zawahiri, numéro 2 du groupe terroriste, a
déclaré dans un message vidéo diffusé le 29 septembre 2006 sur un site islamiste, que «
ce charlatan a accusé l’islam d’être incompatible avec la rationalité, tout en
oubliant que son propre christianisme est inacceptable pour un esprit sensé
»41.
Allemagne : L’université de Tübingen décerne le prix du «
discours de l’année » ; les juges voulaient ainsi primer le discours pour « sa
clarté, son courage face à une tendance à s’écraser qui passe pour du dialogue
», l’université avait dans le passé primé Daniel Cohn-Bendit et Joschka
Fischer42.
-
Dénouement de la
controverse
Épilogue
Benoît
XVI reçoit, le lundi 25
septembre 2006 , au palais apostolique de Castelgandolfo les
ambassadeurs des pays à majorité musulmane, soit une vingtaine de pays dont
l’Iran. Sont également présents le cardinal Paul Poupard, président du Conseil
pontifical pour le dialogue inter-religieux, des membres du Conseil musulman
d’Italie, du Centre culturel islamique italien et du Bureau de la Ligue musulmane mondiale.
«Je
voudrais aujourd’hui redire toute l’estime et le profond respect que je porte
aux croyants musulmans (…). Poursuivant l’œuvre entreprise par mon
prédécesseur, le pape Jean-Paul II, je souhaite donc vivement que les relations
confiantes qui se sont développées entre chrétiens et musulmans depuis de
nombreuses années, non seulement se poursuivent, mais se développent dans un
esprit de dialogue sincère et respectueux, fondé sur une connaissance
réciproque toujours plus vraie qui, avec joie, reconnaît les valeurs
religieuses que nous avons en commun et qui, avec loyauté, respecte les
différences (…). Le dialogue inter-religieux et interculturel est une nécessité
pour bâtir ensemble le monde de paix et de fraternité ardemment souhaité par
tous les hommes de bonne volonté. En ce domaine, nos contemporains attendent de
nous un témoignage éloquent pour montrer à tous la valeur de la dimension
religieuse de l’existence (…). Comme le déclarait le pape Jean-Paul II dans son
discours mémorable aux jeunes, à Casablanca au Maroc, « le respect et le
dialogue requièrent la réciprocité dans tous les domaines, surtout en ce qui
concerne les libertés fondamentales et plus particulièrement la liberté
religieuse. Ils favorisent la paix et l’entente entre les peuples » (…). Dans
la situation que connaît le monde aujourd’hui, il est impératif que chrétiens
et musulmans s’engagent ensemble pour faire face aux nombreux défis qui se
présentent à l’humanité, notamment pour ce qui concerne la défense et la
promotion de la dignité de l’être humain ainsi que des droits qui en découlent.
Alors que grandissent les menaces contre l’homme et contre la paix, en
reconnaissant le caractère central de la personne, et, en travaillant avec
persévérance pour que sa vie soit toujours respectée, chrétiens et musulmans manifestent
leur obéissance au Créateur, qui veut que tous vivent dans la dignité qu’il
leur a donnée43. »
Les échanges ultérieurs
Un
mois après le discours de Ratisbonne, 38 personnalités musulmanes écrivent une
lettre ouverte au pape, dans l'objectif de "parvenir à une compréhension
mutuelle"»44. Cette initiative est élargie, un an plus tard, avec une
nouvelle lettre intitulée Une parole commune entre vous et nous et signée de
138 personnalités issues de 43 pays. Le texte de la lettre a été discuté et mis
au point en septembre 2007 au cours d’un congrès parrainé par le roi Abdallah
II de Jordanie. Elle est centrée sur le double commandement de l'amour de Dieu
et de l'amour du prochain : « Conformément au Coran nous, en tant que
musulmans, invitons les chrétiens à s’accorder avec nous sur ce qui nous est
commun, et qui constitue également l’essentiel de notre foi et de notre
pratique: les deux commandements de l’amour».
Quelques
jours auparavant, le pape avait d'ailleurs tenu des propos analogues devant la Commission théologique
internationale. Pour lui, la loi naturelle et les dix commandements constituent
"la base d’une éthique universelle" qui vaut pour "toutes les
consciences des hommes de bonne volonté, laïques ou appartenant à des religions
différentes" En outre, les dix commandements se résument dans les deux
"plus grands", celui de l’amour de Dieu et celui de l’amour du
prochain: "la soumission à Dieu, source et juge de tout bien, et le sens
de l’autre comme égal à soi"45.
-
Analyses postérieures
Regard rétrospectif du pape sur la polémique
Dans
le livre d'entretiens Lumière du monde publié fin 2010, Benoît XVI revient sur
son discours et la polémique qu'il a suscitée. Reconnaissant avoir sous-estimé
l'impact politique qu'allait connaître son intervention académique, il en
souligne néanmoins les conséquences positives. Il cite ainsi l'appel au
dialogue des 138 intellectuels musulmans, ou encore un échange avec le roi
d'Arabie saoudite qui déclare vouloir « prendre position avec les chrétiens contre
le détournement terroriste de l’Islam ».
Il
ironise enfin sur la question de la liberté de parole et de ton dans le système
médiatique contemporain46 :
«
L’empereur Manuel était déjà à cette époque vassal de l’empire ottoman. Il ne
pouvait donc absolument pas attaquer les musulmans. Mais il pouvait poser des
questions vivantes dans le dialogue intellectuel. Seulement la communication
politique, de nos jours, est ainsi faite qu’elle ne permet pas de comprendre ce
type de contextes subtils.»
Les avis des commentateurs
Dans
son commentaire47 Abdelwahab Meddeb souligne : « Pour construire
un monde en commun dans le respect de la diversité, il faut un dialogue, qui ne
doit pas être de complaisance. La question de la violence de l'islam est une
vraie question ».
Michel Orcel dans De la dignité de l'islam. Examen et réfutation
de quelques thèses de la nouvelle islamophobie chrétienne, Bayard, Paris, 2011,
replace le Discours de Ratisbonne dans le contexte d'un renouveau de l'«
islamophobie chrétienne ».
Douglas Murray (en), critique du fondamentalisme islamique, souligne
à l'occasion du cinquième anniversaire du discours de Ratisbonne en septembre
2011, le faible impact que ce texte aura finalement eu. Au contraire, selon cet
auteur, « des années d'intimidation et de violence ont fini par réduire au
silence non seulement toute critique de l'Islam, mais aussi toute critique de
la violence commise au nom de l'Islam contre des Chrétiens ». Il qualifie cette
situation d'un des « grands échecs moraux de notre temps »48.
-
Notes et références
↑ Verbatim : les propos du
pape sur l’islam [archive], Tf1-Lci, 16 sept. 2006
↑ Foi, raison et université :
discours du pape à l’université de Ratisbonne [archive], InXL6
↑ Palestine [archive]
↑ Une religieuse assassinée
en Somalie [archive]
↑ Déclaration du Cardinal
Tarcisio Bertone, S.D.B.,Secretaire D'Etat [archive], Samedi 16 septembre 2006 n
↑ « Respect de l’islam,
collaboration avec les musulmans » (Archive • Wikiwix • Archive.is • Google •
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↑ Le Pape et l’islam : le
vrai débat [archive], Tariq Ramadan
↑ Propos du pape sur l’islam:
les musulmans ne doivent pas attendre du pape qu'il les glorifie, estime Mohand
Alili [archive], le Nouvel Observateur, 16 sept. 2006
↑ "Réactions des
musulmans suite aux propos du Pape" [archive], BBC News, le 16 septembre 2006
↑ Malaysia demands apology
[archive], The Sydney Morning Herald, 16 septembre 2006
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les remarques de "djihad": Benoît XVI affirme qu'il n'avait pas
l'intention d'offenser les musulmans » [archive], Associated Press, 2006-09-15
↑ a, b et c Le pape a raison
de dénoncer la violence de l’islam ! [archive], L'Investigateur, 18 sept. 2006
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était « absolument désolé » de cette crise" [archive], The Star
(Malaisie), le 17
septembre 2006
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↑ In quotes: Muslim reaction
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poncifs du pontife [archive], Libération, 15 sept. 2006
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qu’affirment des millions de musulmans, déclare un archevêque de Birmanie
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Vatican affirme qu’il n’y a "pas de raison" d’annuler le voyage du
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Christian Killed in Retaliation for Pope's Remarks » [archive], Assyrian
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italienne tuée par balle à Mogadiscio [archive], AFP par Yahoo News, 17 sept. 2006
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↑ Article sur le prix de
l’université de Tubinguen [archive]
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↑ Lettre ouverte de 38
musulmans à sa Sainteté le Pape Benoît XVI [archive], 25 oct. 2006 , sur le site
Groupe de recherche Islamo-Chrétien
↑ Sandro Magister, Un an
après Ratisbonne, 138 musulmans écrivent une nouvelle lettre au pape [archive],
L'Espresso.
↑ Benoît XVI, Lumière du
monde, livre d'entretiens avec Peter Seewald, Bayard, novembre 2010, (ISBN
978-2227482463), p. 133-134
↑ Libération, 23 septembre 2006 .
↑ Douglas Murray, After
Regensburg the silence is deafening [archive], Catholic Herald, 12 septembre 2011
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Liens externes
Sur les autres projets Wikimedia :
Le
« discours de Ratisbonne » est distingué comme « discours de l'année » par
l'université de Tübingen, sur Wikinews
La
version française du discours de Ratisbonne, sur le site officiel du Vatican
La
version originale allemande du discours de Ratisbonne, sur le site officiel du
Vatican
Dossier
sur le discours de Ratisbonne et ses conséquences. Journal La Croix en ligne.
Revue
de presse, du Courrier international, 14 sept. 2006 .
Analyse
critique du discours de Benoit XVI par le philosophe Raphaël Lellouche
Commentaire
d'Abdelwahab Meddeb dans Libération, 23 sept. 2006 .
Une
analyse critique de l'emballement médiatique et de ses origines, rédigée avant
que les journaux en ligne suppriment les pages approximatives qui avaient
déclenché la polémique
http://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_Ratisbonne
Mohamed ZEMIRLINE
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