Martin
Luther
Martin Luther en 1528
Par Lucas Cranach l'Ancien.
Données clés
Activités
Religieux
augustin
Théologien
Réformateur
religieux
Naissance
10
novembre 1483
Eisleben,
Électorat de Saxe
Décès
18
février 1546 (à 62 ans)
Eisleben,
Électorat de Saxe
Langue d'écriture
latine
et allemande
Mouvement
Réforme
protestante
Luthéranisme
-
Martin
Luther, né le 10 novembre 1483 à Eisleben, dans l'électorat de Saxe1 et mort le
18 février 1546 dans la même ville, est un frère augustin2 théologien,
professeur d'université, père du protestantisme3,4,5,6 et réformateur de
l'Église dont les idées exercèrent une grande influence sur la Réforme protestante, qui
changea le cours de la civilisation occidentale7.
Il
défie l'autorité papale en tenant la
Bible pour seule source légitime d'autorité religieuse8.
Selon Luther, le salut de l'âme est un libre don de Dieu, reçu par la
repentance sincère et la foi authentique en Jésus-Christ comme le Messie, sans
intercession possible de l'Église.
Le 3 janvier 1521, il reçoit la bulle Decet romanum pontificem qui
lui signifie son excommunication.
Après les nombreux débats théologiques du haut clergé, l'empereur du
Saint-Empire romain germanique et roi d'Espagne, Charles Quint, convoque Martin
Luther en 1521 devant la diète de Worms (Rhénanie-Palatinat, Allemagne). Un
sauf-conduit lui est accordé afin qu'il puisse s'y rendre sans risque. Devant
la diète de Worms, il refuse de se rétracter, se déclarant convaincu par le
témoignage de l'Écriture et s'estimant soumis à l'autorité de la Bible plutôt qu'à celle de
la hiérarchie ecclésiastique. L'édit de Worms décide alors de mettre Martin
Luther et ses disciples au ban de l'Empire.
Il
est accueilli par son ami l'électeur de Saxe Frédéric III le Sage au château de
Wartbourg, où il compose ses textes les plus connus et les plus diffusés grâce,
entre autres, à l'imprimerie à caractères mobiles et en alliage de Johannes
Gutenberg.
Martin
Luther est également connu pour avoir effectué une traduction de la Bible en allemand dont
l'influence culturelle est primordiale, tant pour les fondements de la langue
allemande que pour la fixation des principes généraux de l'art de la
traduction.
Ses
prises de position radicales et antisémites sur les Juifs furent utilisées par
les nazis9,10. Pour cette raison, et pour les aspects révolutionnaires de sa
théologie, son héritage a suscité et continue de susciter de multiples
controverses11,12.
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Sommaire
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Biographie
Jeunesse
Martin
Luther est né à Eisleben (dans l'électorat de Saxe, aujourd'hui en Saxe-Anhalt)
le 10 novembre 1483. Il est le fils de Hans Luther et de Marguerite Zidler. Son
père, paysan d'origine, devient mineur dans une mine de cuivre de la région de
Mansfeld, puis exploitant d'une mine de cuivre et d'une fonderie, ce qui lui
permet d'acquérir le statut de bourgeois puis de magistrat. Martin Luther a
plusieurs frères et sœurs, et se sent particulièrement proche de son frère
Jacob13.
Hans
Luther, ambitieux pour lui-même et pour sa famille, est déterminé à voir son
fils aîné devenir juriste. Il envoie Martin suivre ses études primaires et
secondaires dans les écoles latines de Mansfeld, puis à Magdebourg et à
Eisenach. Ces trois écoles se focalisent sur le trivium : la grammaire, la
rhétorique et la logique. Luther comparera plus tard sa scolarisation au
purgatoire, puis à l'enfer14.
En
1501, à l'âge de dix-huit ans, il entre à l'université d'Erfurt, où il obtient
un diplôme de bachelier en 1502 et une maîtrise en 1505. Il a alors l'intention
d'étudier le droit, comme le souhaite son père, dans la même université mais il
abandonne presque aussitôt, avec l'idée que le droit relève de l'incertitude15.
Luther
se sent attiré par la théologie et la philosophie, et exprime un intérêt
particulier envers Aristote, Guillaume d'Ockham et Gabriel Biel15. Il est
influencé par deux tuteurs, Bartholomaeus Arnoldi von Usingen et Jodocus
Trutfetter, qui lui apprennent à remettre en question les plus grands penseurs15
et à tout analyser par l'expérimentation16. Cependant, la philosophie lui
semble insatisfaisante, prometteuse quant à la raison mais sans rapport avec
l'amour de Dieu. Pour lui, la raison ne saurait attirer les hommes vers Dieu,
ce qui l'amène à une vision ambivalente d'Aristote en raison de l'importance
que ce dernier accorde à la raison16. Selon Luther, la raison peut être
utilisée afin de remettre en question les hommes et les institutions, mais non
pas Dieu lui-même : l'homme ne peut étudier Dieu qu'à travers la révélation
divine et, par conséquent, les textes saints sont essentiels16.
Il
quitte l'université et entre dans une confrérie augustinienne à Erfurt le 17
juillet 150517. Plus tard, il attribuera cette évolution à un événement : le 2
juillet 1505, il retournait à cheval à Erfurt après un congé dans sa famille.
Pendant un orage, la foudre frappa près de lui. Par la suite, il avouera à son
père sa peur de la mort et du jugement divin en s'écriant : "Au secours,
sainte Anne, je vais devenir moine !"18 (ou « Sainte Anne, sauve-moi et je
me ferai moine ! »). Il en vient à considérer son appel à l'aide comme une
promesse qu'il ne pourra briser.
Un
ami impute cette décision à la douleur de Luther lors de la perte de deux de
ses amis. Luther lui-même semble attristé. Il dit, le soir de son dîner de
départ : « En ce jour, vous me voyez, et puis, plus jamais16. »
Son
père est furieux de ce qu'il considère comme du gâchis19.« Le maître des Arts
va devenir un fainéant », dit-il20.
Maison de Luther à Wittemberg
Vie
conventuelle
Membre
de l'ordre mendiant des augustins21, Martin essaie au couvent des Augustins
d'Erfurt de rechercher dans l'ascèse (mortifications, jeûnes, veilles) la
promesse de son salut tout en restant persuadé qu'il n'y parviendra jamais. En
même temps, il continue à étudier la théologie et bientôt commence à
l'enseigner : ordonné prêtre en 1507, il est désigné pour enseigner la
philosophie au couvent d'Erfurt. Docteur en théologie en 1512, il occupe par la
suite la chaire d'enseignement biblique à l'université de Wittemberg, ville où
il est à partir de 1514 prédicateur de l'Église. Enseignement, prédication et
recherche personnelle sont désormais ses trois activités principales.
Vers la Réforme
Église
de la Toussaint
de Wittemberg
Certains
font remonter les idées réformatrices de Luther à un séjour qu'il a fait à Rome
en 1510-1511 pour les affaires de son ordre. Ce n'est apparemment pas le cas,
et les abus ecclésiastiques de l'époque ne semblent pas l'émouvoir outre
mesure. Plus importants sont ses travaux sur les épîtres de Paul et son
obsession du salut. Luther en arrive à se dire que l'homme doit accepter son
état de pécheur et qu'il est fatalement imparfait devant Dieu, ce qui n'empêche
pas la pénitence. En revanche, vouloir résoudre le problème du péché par des
indulgences, le plus souvent monnayées, est pour lui une pratique incompatible
avec la piété et une façon trop facile d'éluder les vrais problèmes.
Portes
en bronze des 95 thèses de Luther
Le
conflit avec la papauté éclate en 1517, à propos de l'indulgence décrétée par
le pape Léon X pour favoriser la construction de la basilique Saint-Pierre,
indulgence soutenue en Allemagne par l'archevêque-électeur de Mayence Albert de
Brandebourg. Le 31 octobre, Luther écrit à l'archevêque pour lui demander de ne
pas cautionner cette indulgence et joint à sa lettre les 95 thèses. Comme
l'affirme son contemporain Philippe Mélanchthon, le 31 octobre 1517 il aurait
placardé sur les portes de l'église de la Toussaint de Wittemberg ses 95 thèses condamnant
violemment le commerce des indulgences pratiqué par l’Église catholique, et
plus durement encore les pratiques du haut clergé — principalement de la
papauté. Ces 95 Thèses, également appelées Thèses de Wittenberg, sont imprimées
à la fin de l'année. Il s'insurge contre l'imposition de dogmes tels que celui
du Purgatoire. Dès lors, cette controverse entre théologiens (donc
universitaires) devient une affaire publique et politique. Luther est dénoncé à
Rome par l'archevêque Albrecht. Le pape Léon X lui ordonne de se rétracter par
la bulle pontificale Exsurge Domine, mais Luther la brûle en public et rompt
avec Église catholique, en 1521. Un an plus tard commence contre lui un long
procès qui aboutira à son excommunication.
Entre-temps,
l'empereur Maximilien est mort et son petit-fils Charles Quint lui a succédé.
Le nouvel empereur est un prince flamand. Il règne depuis trois ans sur
l'Espagne et les récentes colonies américaines, la majeure partie de l'Italie
et les Pays-Bas bourguignons. Il est âgé de 19 ans et ne parle pas l'allemand.
Mise en
œuvre de la Réforme
Face
à Martin Luther, Rome choisit l'affrontement, méconnaissant l'adversaire et sa
pugnacité, et sans doute aussi la situation politique allemande. Le procès
menant à son excommunication, loin d'affirmer le catholicisme, ne fait
qu'accélérer le processus de la
Réforme.
L'excommunication et la mise au ban du Saint-Empire
En
octobre 1518, Martin Luther est convoqué à Augsbourg, où le cardinal Cajetan,
nonce apostolique, est chargé d'obtenir sa rétractation. Peine perdue. Après
cet échec, Léon X décide d'adopter une attitude plus conciliante : il nomme
Karl von Miltitz nonce apostolique et le charge de remettre à Frédéric le Sage,
dont Luther est le sujet, la Rose
d'or qu'il convoite depuis trois ans, espérant ainsi le convaincre de faire
cesser les attaques de Luther contre la pratique des indulgences. Les 5 et 6 janvier 15 19,
Miltitz rencontre Luther à Altenbourg. Il obtient de sa part l'engagement de ne
plus s'exprimer sur la question des indulgences et promet de son côté d'imposer
le silence à ses adversaires Johann Tetzel et Albert de Brandebourg.
À
la suite de cette entrevue, Luther écrit au pape une lettre qu'il remet à
Miltitz. De nouvelles rencontres ont lieu entre les deux hommes, le 9 octobre 15 19 à
Liebenwerda puis en octobre 1520 à Lichtenburg, près de Wittenberg, mais la
rupture avec Rome est déjà consommée. C'est qu'entretemps Luther a aggravé son
cas : en juillet 1519, lors de sa controverse avec Johann Eck (Disputatio de
Leipzig), qui sera l'organisateur de la Contre-Réforme dans
l'Empire, il met en cause l'infaillibilité des conciles. En juin 1520, Rome
publie la bulle Exsurge Domine le menaçant d'excommunication, tandis que ses
livres sont brûlés. Luther réagit en brûlant le 10 décembre à la fois la bulle
papale et le droit canonique. L'excommunication, désormais inévitable, est
prononcée le 3
janvier 15 21 (bulle Decet Romanum Pontificem).
L'empereur Charles Quint vers 1522
Reste
maintenant à mettre Luther au ban du Saint-Empire, ce qui ne peut se faire
qu'après accord des États de l'Empire. Dans ce but Charles Quint, empereur du
Saint-Empire romain germanique et roi d'Espagne, convoque Martin Luther en
avril 1521 devant la diète de Worms (Rhénanie-Palatinat). Un sauf-conduit lui
est accordé afin qu'il puisse s'y rendre en toute sécurité. Mais face à
l'empereur, Luther refuse à nouveau de se plier aux exigences de l'Église, et
il proclame notamment :
«
Votre Majesté sérénissime et Vos Seigneuries m'ont demandé une réponse simple.
La voici sans détour et sans artifice. À moins qu'on ne me convainque de mon
erreur par des attestations de l'Écriture ou par des raisons évidentes — car je
ne crois ni au pape ni aux conciles seuls puisqu'il est évident qu'ils se sont
souvent trompés et contredits — je suis lié par les textes de l'Écriture que
j'ai cités, et ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux
ni ne veux me rétracter en rien, car il n'est ni sûr, ni honnête d'agir contre
sa propre conscience. Me voici donc en ce jour. Je ne puis faire autrement. Que
Dieu me soit en aide22. »
Sa mise au ban de l'Empire
est alors prononcée.
Les appuis politiques
Luther
est mis au ban de l'Empire, ce qui signifie que n'importe qui peut le mettre à
mort impunément. Mais il dispose cependant, outre d'un soutien populaire assez
large, de divers appuis politiques, tels celui du landgrave de Hesse et surtout
celui du prince-électeur de Saxe Frédéric III le Sage.
Aussitôt
sa condamnation prononcée, l'électeur de Saxe Frédéric III le Sage, craignant qu'il
ne lui arrive malheur, l' « extrait » : plus précisément, des hommes de
confiance de Frédéric III enlèvent Luther alors qu'il traverse la forêt de
Thuringe le 4 mai 152123, à l'époque où il réside au château d'Altenstein, chez
Burghard II Hund von Wenkheim, Frédéric III le met à l'abri dans le château de
Wartbourg, près d'Eisenach. Luther y demeure jusqu'au 6 mars 1522 sous le
pseudonyme de chevalier Georges. C'est ici qu'il commence sa traduction de la Bible , d'abord celle du
Nouveau Testament. La tradition veut qu'il ait laissé une trace de son passage
: un jour où le diable venait une fois de plus le tourmenter, l'empêchant de
travailler, il lança son encrier contre le démon, ce qui occasionna une tache
sur le mur, encore visible aujourd'hui. Après moins de deux ans de
clandestinité, il revient de son propre chef au cloître de Wittemberg, qu'il ne
quittera plus guère désormais, et où il ne sera plus vraiment inquiété.
Lors
de la diète de Spire, en avril 1529, le souverain tente de reprendre les choses
en main, mais il se heurte à six princes et quatorze villes qui protestent d'en
appeler à un concile si Charles Quint veut revenir à l'édit de Worms. La diète
d'Augsbourg de 1530, au cours de laquelle Philippe Mélanchthon lit la Confession d'Augsbourg,
confirme la résistance des princes protestants, qui forment la ligue de Smalkalde
en 1531.
Les
détracteurs de Martin Luther lui ont souvent fait grief de ce soutien des
princes en lui reprochant d'avoir instauré une religion qui n'est pas celle du
peuple. Ils lui reprochent surtout son comportement pendant la guerre des
Paysans allemands (1524-1525), révolte provoquée par la misère mais liée aussi
à la question religieuse et à des préoccupations proches des siennes ;
plusieurs chefs du mouvement sont anabaptistes). En avril 1525, en des termes
très durs, Luther se prononce pour une répression impitoyable de la révolte.Il
y aura en tout plus de 100 000 morts. Pour Luther, se révolter contre son
souverain équivaut à se révolter contre Dieu lui-même : Dieu a donné à certains
le « privilège » de gouverner et, même quand ils se révèlent injustes, Dieu n'a
pu se tromper. Si le peuple est gouverné par un souverain cruel, il s'agit
d'une punition divine.
Développement du protestantisme
Article
détaillé : Protestantisme.
Initiateur
d’une quête théologique personnelle, préférant l'augustinisme à la scolastique,
axée sur l'Écriture et la figure majeure du Christ, et mettant l'accent sur le
salut par la foi, Martin Luther se retrouve malgré lui à la tête d’une nouvelle
Église, qu’il lui faut organiser rapidement pour éviter tout débordement. En 1522
à Wittemberg, pendant que lui-même était retenu au château de Wartbourg,
l'enthousiaste Andreas Bodenstein von Karlstadt avait profondément éradiqué de
la messe toutes les allusions sacrificielles, pratiqué la communion sous les
deux espèces et incité à mépriser les dévotions populaires et les images.
Luther n'en demandait pas tant : selon lui, il importait d'éviter de heurter
les faibles, seule la parole persuasive était de mise.
Bien
que spontanément conservateur, et ne voulant pas qu'on se réclame du nom de
luthérien mais de celui de chrétien, Luther est condamné à faire évoluer la
nouvelle Église, dans un sens qui l’éloignera de plus en plus des traditions
romaines. Il faut aussi la doter d’outils pédagogiques24, ce qui sera fait en
1529 avec Le Petit Catéchisme, à l’usage du peuple, et le Grand Catéchisme,
destiné aux pasteurs. Entre temps, de nombreux changements avaient déjà eu lieu
: suppression de la plupart des sacrements — seuls sont conservés le baptême et
l’eucharistie —, suppression des vœux monastiques et du célibat des prêtres,
élection des pasteurs par des communautés locales, messe en allemand (1526)
etc.
Bien
que désapprouvant les moines qui s'étaient hâtés de quitter son propre couvent
de Wittenberg, Luther, au terme d'une réflexion critique sur les vœux
monastiques, se marie lui-même en 1525 avec une ancienne religieuse, Catherine
de Bora, dont il aura six enfants.
Les
pamphlets
Les sorciers
La
chasse aux sorcières et sorciers exista dans les régions tant protestantes que
catholiques romaines de l'Europe centrale, pendant et après la Réforme. Luther ,
et plus tard Jean Calvin, y apportèrent leur soutien. Ils se fondaient sur les
mots de la Bible
(Exode 22:17) « tu n'accepteras pas de laisser vivre une sorcière ». Luther
alla jusqu'à en parler dans certains de ses sermons (celui du 6 mai 1526 WA 16,
551f ., et
aussi WA 3, 1179f ,
WA 29, 520f ).
Dans celui du 25 août 1538, il dit : « vous ne devez pas avoir de pitié pour
les sorcières, quant à moi je les brûlerais » (WA 22, 782 ff.). Il estimait que
la sorcellerie était un péché allant à l'encontre du deuxième commandement.
Les incarnations de l'Antéchrist
Au
cours des Guerres austro-turques (1521 – 1543), Luther instrumentalise la
menace de l'impérialisme ottoman pour servir ses visées politico-religieuses.
Il faut, selon lui, vaincre d'abord les « Turcs de l'intérieur », c'est-à-dire
les papistes, pour être en mesure de repousser le Grand Turc de Constantinople,
ces deux fléaux n'étant que deux incarnations différentes de l'Antéchrist. Toutefois,
avec le siège de Vienne, le danger commence à peser sur l'Europe centrale, et
son attitude se met alors à évoluer. Dans un nouveau pamphlet : Vom Kriege
wider die Türken, il affirme que le pape n'a jusque-là fait qu'utiliser la
menace ottomane comme prétexte pour faire de l'argent et vendre des
indulgences. Luther explique l'échec des résistances à l'expansion ottomane par
la doctrine augustinienne des deux royaumes : il n'appartient pas à l'Église de
faire la guerre ou de la diriger : allusion à peine voilée à l'évêque hongrois
Pál Tomori, qui, en tant que général, est alors responsable de la défaite de
Mohàcs ; la résistance contre les Turcs est l'affaire des seules autorités
temporelles, auxquelles chacun doit se soumettre, mais qui n'ont aucune prérogative
en matière de foi. Cette argumentation anéantit toute possibilité d'appeler à
une croisade. Luther ne justifie la guerre contre les Turcs que dans la mesure
où il s'agit d'une guerre défensive et appelle à des tractations réciproques.
Luther
marque encore plus nettement cette distinction entre l'ordre spirituel et
l'ordre temporel dans son « Appel à la mobilisation contre les Turcs »
(Heerpredigt wider die Türken), publié à l'automne 1529, où il dénonce les
ennemis du Christ (« Feinde Christi »), agite les signes eschatologiques du
Jugement dernier et fait un devoir aux chrétiens de « frapper sans crainte » («
getrost dreinzuschlagen »). Par ce ton nouveau, il entend ôter tout fondement
aux reproches qu'on lui a faits de servir la cause des hérétiques en divisant
la chrétienté25.
C'est
ainsi qu'à l'encontre de son précepte : « Brûler les hérétiques est contre la
volonté du Saint Esprit » (« Ketzer verbrennen ist wider den Willen des
Heiligen Geistes », 1519), il approuve la répression de l'anabaptisme. En 1535,
princes catholiques et protestants de Rhénanie se liguent pour écraser la
théocratie de Münster.
Luther
publie encore d'autres pamphlets : Des Juifs et de leurs mensonges (Von den
Juden und ihren Lügen, 1543), Contre la papauté de Rome, inspirée du Diable
(Wider das Papsttum zu Rom, vom Teufel gestiftet, 1545).
Luther et les Juifs
Article
détaillé : Des Juifs et de leurs mensonges :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Des_Juifs_et_de_leurs_mensonges
Luther
a longtemps prêché une attitude humaine et tolérante envers les Juifs, mais
uniquement dans la mesure où ils accepteraient de reconnaître Jésus-Christ. En
soi, le judaïsme est un crime à éradiquer et, si les Juifs ne se sont pas
massivement convertis au christianisme, c'est parce qu'il leur a été mal
enseigné.
Devant
l'échec de ses tentatives en ce sens, Luther adopte vers la fin de son
existence une attitude de plus en plus judéophobe. En 1543, trois ans avant sa
mort, il publie Des Juifs et de leurs mensonges, pamphlet d'une extrême
violence où il prône des solutions telles que brûler les synagogues, abattre
les maisons des Juifs, détruire leurs écrits, confisquer leur argent et tuer
les rabbins qui enseigneraient le judaïsme. Cette prise de position contribuera
au maintien d'un fort antisémitisme en Allemagne, qui connaîtra son apogée sous
le Troisième Reich, époque où le pamphlet de Luther deviendra un best-seller.
Au sujet de ce texte, Karl Jaspers a pu écrire : « Là, vous avez déjà
l'ensemble du programme nazi26 »
Quelques
mois plus tard, dans Vom Schem Hamphoras und das Geschlecht Christi (Du nom de
Hamphoras et de la lignée du Christ), Luther assimile les Juifs avec le diable.
Les
dernières années
Luther
vit ses dernières années à Wittenberg (maison de Luther). Il est affecté par la
gravelle et connaît plusieurs périodes de dépression et d'angoisse (1527, 1528,
1537, 1538) dues à la mort de sa fille Madeleine ou aux querelles entre
protestants. Considéré par certains comme un vieillard acariâtre, il n'a rien
perdu de sa pugnacité. Son adversaire principal reste le pape, pour lequel il
n'a pas de termes assez durs.
Martin
Luther s'éteint après avoir confirmé sa foi, alors qu'il est à Eisleben, sa
ville natale, afin de régler un différend entre les comtes de Mansfeld.
Martin
Luther et Philippe Mélanchthon reposent à l'église de la Toussaint de Wittemberg.
-
Théologie
Luthéranisme.
Éléments fondamentaux et évolution
La
théologie luthérienne, qui se caractérise par sa complexité, est souvent
résumée par les quatre Sola/Solus :
- sola
scriptura: la "sainte Écriture seule" représente la source de toute
foi et de toute connaissance que l'homme peut avoir de Dieu : c'est elle, par
conséquent, qui constitue la norme critique de tout discours et de toute action
chrétienne ;
- sola
gratia: la "grâce seule" compte sans qu'interviennent les tentatives
de l'homme pour atteindre son propre salut ;
- sola
fide: c'est par la "foi seule", uniquement si l'homme croit dans le
Christ, sans aucune œuvre de sa part, que l'on peut atteindre le salut ;
- solus
Christus: le "Christ seul", vraiment homme et vraiment Dieu, permet
par son sacrifice vicarial sur la croix la justification et la guérison qui
sont transmises par l’Évangile et par le sacrement de l'Eucharistie. Ce dernier
principe est le fondement des trois autres.
Critique du monachisme
Dans
sa volonté de réhabiliter le corps et la vie, Luther condamne la vie
monastique. Avec Dein Ruf ist dein Beruf (Ta vocation est ton métier), il
suggère que la vocation de tout un chacun n'est pas de chercher Dieu dans un
couvent mais de s'incarner dans le monde. La traduction de son exhortation est
délicate : en allemand, der Ruf signifie « appel » (du verbe rufen, appeler) ;
Beruf est à la fois « métier » et « vocation ». Le jeu de mots signifierait
alors : « Tu es appelé à vivre une profession. »
«
Libère-moi selon ta justice » (Psaume 31)
Dieu
accueille l'homme pécheur qui s'abandonne à lui. Le seul lien possible entre
Dieu et les hommes est la foi. Les actes ne peuvent donc rien à eux seuls : il
ne sert à rien d'être charitable, généreux, pieux... si l'on n'a pas la foi. Il
faut d'abord s'abandonner à Dieu pour ressentir la foi ; les actes viendront
ensuite d'eux-mêmes, ainsi que le salut. La théologie luthérienne est
théocentrée (elle se concentre sur le Père) alors que le catholicisme de
l'époque est principalement dirigé vers le Christ intercesseur.
L'autorité de l'Évangile
L'homme
n'a qu'un seul guide infaillible pour trouver le bon chemin : la Parole de Dieu, l'Écriture
seule, qui lui révèle le Christ. L'homme est sauvé par la pure grâce seule et
par le moyen de la foi seule. La religion est une affaire personnelle et non
dictée par le pouvoir en place. Cette sotériologie repose sur le rôle de la Loi et de l'Évangile. La
personne du Saint-Esprit par la Loi
convainc l'homme pécheur et le conduit vers la repentance, et l'Évangile fait
naître la foi qui saisit le pardon, la vie et le salut que le Christ lui a
acquis sur la croix.
Le sommeil des âmes
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Traduction de la Bible
La
traduction de la Bible
en allemand, langue vernaculaire qu'a effectuée Luther, rapproche le peuple des
Saintes Écritures et a un impact culturel primordial, en permettant la large
diffusion d'une norme de la langue allemande écrite et en donnant des principes
généraux sur la traduction27. Elle a notamment une large influence sur la
traduction anglaise connue sous le nom de Bible du roi Jacques28.
Au
début, Luther n'a que peu d'égard pour les Livres d'Esther, l'Épître aux
Hébreux, l'Épître de Jacques, l'Épître de Jude, et le Livre de l'Apocalypse. Il
appelle l'Épître de Jacques « une épître de paille » ; il trouve que ces livres
se réfèrent peu au Christ et à Son œuvre salutaire. Il a également des paroles
dures à l'égard du Livre de l'Apocalypse, disant qu'il ne peut « en aucune
manière ressentir que le Saint Esprit avait pu produire ce livre ».
Il
met en doute l'apostolicité des épîtres aux Hébreux, de Jacques, de Jude, et de
l'Apocalypse rappelant que leur canonicité n'était pas universellement acceptée
dans la première Église (ce sont les antilegomena). Cependant, Luther ne les
retire pas de ses éditions des Saintes Écritures. Ses points de vues sur
certains de ces livres changeront des années plus tard.
Luther
choisit de placer les apocryphes bibliques entre l'Ancien et le Nouveau
Testament. Ces livres qui sont ajoutés aux livres canoniques se trouvent dans la Septante grecque mais non
dans les textes massorétiques hébreux. Luther laisse largement leur traduction
aux soins de Philippe Mélanchthon et Justus Jonas. Ces livres ne figurent pas
dans la table des matières de son édition de l'Ancien Testament de 1523, et on
leur a attribués le titre couramment utilisé d'« Apocryphes ». Ces Livres sont
considérés comme étant inférieurs aux Saintes Écritures, mais elles sont utiles
et bonne à lire dans la version de 1534.
-
Luther et la musique
Admirateur
de la musique sous toutes les formes et compositeur de chants religieux, Luther
introduit dans l'Église évangélique les cantiques à une ou deux voix, en langue
vulgaire, chantés par l'assemblée des fidèles. Sous le nom de chorals, ces
cantiques deviennent le centre de la liturgie protestante, et leur influence
sur le développement de la musique allemande se fait sentir durant de longues
années. Luther prend une place essentielle dans l'œuvre de Jean-Sébastien Bach
qui utilisera ses textes pour 38 cantates. La plus connue de ses hymnes, Ein'
feste Burg (« C'est un rempart que notre Dieu »), reste populaire parmi les
luthériens et d'autres protestants aujourd'hui29.
-
Musée
- Maison
de Luther (XVe siècle), cloître de l'Université de Wittemberg où Luther vécut
plus de 35 ans. Le musée est à ce jour le plus grand musée du monde de la Réforme protestante et le
bâtiment est reconnu site du patrimoine mondial depuis 1994.
- On
peut aussi visiter le château de la Wartbourg (en allemand : Wartburg), situé sur une
colline au sud-ouest d'Eisenach en Thuringe, qui conserve le souvenir du séjour
de Luther en 1521-1522 et de la
traduction en allemand de la
Bible qu'il y a commencé.
-
Principaux ouvrages
. Du
serf arbitre, suivi de Diatribe d'Érasme sur le libre-arbitre, Gallimard, 2001
(ISBN 2070414698 ).
. Gorgées
d'évangile, Bergers et Mages (ISBN 2-85304-131-X).
. Luther,
les grands écrits réformateurs, GF-Flammarion, 1999 (ISBN 2-08070-661-6).
. De
la liberté du chrétien, Seuil, 1996.
. Les
Quatre-Vingt-Quinze-Thèses, Oberlin (ISBN 2-85369-253-1).
. Sur
le roc de la parole, Bergers et Mages, (ISBN 2-85304-122-0).
. Le
Petit Catéchisme (1529).
. Des
Juifs et de leurs mensonges (1543).
. Mémoires,
traduits et mis en ordre par Jules Michelet, Mercure de France, 2006.
. Œuvres,
Gallimard, Bibliothèque De La
Pléiade , 1999.
SOURCE
:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Luther
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