mercredi 13 mai 2015

NAISSANCE DE L'ISLAM Basile Y.



EUROPE ET MONDE ARABE

NAISSANCE DE L'ISLAM

Basile Y.

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S O M M A I R E



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a) Jusqu'aux premiers Khalifes


« Ne faites point de violence aux hommes à cause de leur foi.
La voie du salut est assez distincte du chemin de l'erreur.»
(Le Coran - II, 257) Traduction de Savary

Trois mille ans avant que Vasco da Gama ne découvre une route des Indes contournant le Continent Africain, les Arabes du Sud de la Péninsule naviguaient déjà jusqu'en Inde et en Chine, jouant ainsi les intermédiaires commerciaux entre l'Asie et l'Égypte. C'était un temps où l'Europe vivait encore dans ses forêts. Ce très lucratif commerce des Arabes n'a pas manqué d'attirer plus tard l'attention de Ptolémée III (1). Pour le faire dévier au bénéfice de son royaume, il fit remettre en état le canal que les Pharaons avaient fait creuser 1.500 ans auparavant entre le Delta du Nil et la Mer Rouge. Le canal étant rénové, le commerce que faisaient jusqu'alors les Arabes passa dorénavant pour l'essentiel aux mains des Grecs d'Égypte d'abord et des Gréco-Romains ensuite.

Ce fut alors la ruine du royaume de Saba, la décadence des Sabéens, et le commencement de ce que les Arabes musulmans appelèrent Jahiliya (ignorance), état dans lequel ils se trouvaient à la naissance de Mahomet. Du temps de la Jahiliya on vivait sous la Loi du Talion, en Tribus se faisant la guerre les unes aux autres et à l'intérieur des Tribus des Clans au sein desquels des familles se disputaient à coup de poignard la prédominance.

Cependant, l'occupation la plus noble des Arabes restait le commerce, quoique sur une échelle réduite. La Mecque était un grand centre de commerce réunissant le Sud au Nord de la Péninsule, exportant des dattes, des épices, des aromates (les parfums d'Arabie), de la soie et tous autres raffinements en provenance du lointain Orient. Ceci rendait naturellement les pistes des caravanes idéales pour que les pillards du désert en fassent leurs cibles. La Mecque, ville sainte de 1'Islam où Muhammad vit le jour, était déjà en ces temps un centre religieux polythéiste riche de plus de 300 idoles, de la Kaaba, et de Hobal, la plus célèbre de ces idoles.

Parmi les Clans de la tribu Quraych qui dominait alors La Mecque, il y avait celui de Hachem (2) arrière-grand-père de Muhammad et chef du Clan, et celui d'Umayya (3), auquel le Prophète s'allia en épousant les filles de ses alliés Omar et Abou Bakr.
Muhammad Ibn Abdallah, c'est à dire Muhammad fils d'Abdallah, n'avait pas connu son père (d'humble condition) mort avant la naissance du futur Prophète, dans les années 70 du VIe siècle. A la mort d'Abdallah, sa veuve Amina confia son fils en nourrice aux soins de la femme d'un berger, et Mahomet vécut ainsi dans le désert jusqu'à l'âge de six ans quand sa mère le reprit. Pauvre Amina ! Elle n'eut pas le bonheur d'élever son fils et jouir de sa Destinée, car tout de suite après l'avoir repris de sa nourrice elle mourut. Ainsi, à l'âge de six ans le fils d'Abdallah et d'Amina se trouva orphelin de père et de mère en bas âge. Le premier qui recueillit alors Muhammad fut son grand-père paternel Abd al-Muttalib. Mais son grand-père décéda à son tour à l'âge de 80 ans, deux ans après son adoption, et ce fut son oncle Abou Talib qui se chargea d'élever le futur fondateur de l'Islam.

Mahomet, tout jeune encore, travaillait au service de son oncle, notable commerçant de la tribu Quraych, dont les chameaux portaient vers la Syrie ses marchandises accompagnées par son neveu. Pour Mahomet, ces voyages furent son école spirituelle. Les Arabes "païens", comme tous les peuples idolâtres qui avaient atteint un niveau de pensée métaphysique, en dehors de leurs idoles, pensaient aussi à l'existence d'un "Dieu Inconnu" : le Dieu des religions monothéistes, le Dieu de Moïse. Même chez les polythéistes Gréco-Romains on adorait un "Dieu Inconnu" auquel on érigeait des statues.

Le mot ALLAH, existait déjà chez les Arabes avant la religion musulmane. Ce MOT Allah n'était pas nouveau chez les "païens" de sa Tribu et de Mahomet lui-même, avant sa Vision de l'Archange Gabriel. De tous temps, pour les Quraychites, le mot Allah avait désigné un Dieu "au-dessus de tous les autres Dieux". Ce Dieu tenait alors une place très grande dans les pensées de Mahomet. Les innombrables idoles de La Mecque ne lui disaient rien de sérieux. Il était donc prêt et "réceptif" à l'influence qu'exerçaient sur lui les "Gens du Livre", c'est à dire les Juifs et les Chrétiens qu'il rencontrait sur son chemin de chamelier pour son oncle Abou Talib.

Parmi ces rencontres, un moine chrétien arabe nommé BAHIRA, eut un rôle important. D'après la tradition des croyants, il découvrit la "marque du Prophète" sur son épaule. Les connaissances qu'il tira des conversations avec ce moine sur les Religions du Dieu Unique correspondaient à sa foi monothéiste. Il ne savait ni lire ni écrire (c'est pour cette raison qu'il sera trahi par son secrétaire Abdallah ibn Said) mais il savait retenir et faire son profit de ce qu'il entendait dire par les "Gens du Livre" (le Livre, Ancien et Nouveau Testament). Une grande intelligence et une forte mémoire étaient des attributs qui ne faisaient pas défaut à Mahomet. Ils se reflètent dans le Coran par ses critiques sur les Chrétiens et les Juifs auxquels il reprochait de ne pas se conformer aux Enseignements de leurs propres Écritures Saintes.
Les Juifs, après la Chute du Temple, se dispersèrent à travers tout l'Empire romain qui, avant de faire du christianisme la religion au service de son État, les favorisa contre les Chrétiens ses ennemis ce qui fit de l'élite juive des collaborateurs de Rome. Quant aux Chrétiens, Mahomet avait devant ses yeux le lamentable spectacle d'hommes opprimant et persécutant leurs propres coreligionnaires sous prétexte d'"hérésie". C'était là justement ce qu'il ne voulait pas, lui qui rêvait de sceller dans une communauté religieuse, basée sur la même croyance, les Tribus des Arabes qui s'épuisaient en de luttes intestines ; lui qui attendait d'Allah qu'il l'aide à unir son peuple en une nation respectée par les Deux Grands d'alors, Byzance et la Perse.

Les leçons que tira Mahomet à travers ses conversations avec le moine Bahira et d'autres "Gens du Livre" se reflètent dans le Coran même, par le grand respect et la vénération qu'il témoigne envers les Prophètes d'Israël, le Prophète Jésus (4), sa Mère Marie - de la Virginité de laquelle il chante la Gloire (Le Coran, XXI, 91) - ainsi que de l'Ange Gabriel l'Annonciateur de la Conception du Christ, et de Saint Jean Baptiste.

Il y a beaucoup de légendes tissées autour de Mahomet. Autant de légendes de glorification par les croyants que de calomnies par ses ennemis. Des chrétiens se sont parfois moqués de ses Visions (5). Pourquoi seraient-elles moins authentiques que celles de Saint Paul, de Jeanne d'Arc et de Sainte Thérèse d'Avila ? Qu'il y ait eu des imposteurs dans l'histoire de l'Islam qui eurent des "visions" sur mesure comme dans la chrétienté chez Constantin Le Grand et Pierre L'Hermite ce n'est pas impossible. Mais Muhammad n'était pas un imposteur.

Comme le Nouveau Testament et le Talmud, Le Coran, indépendamment de l'usage qu'on a fait de ces trois livres, est un message d'Amour de son prochain, de tolérance et de miséricorde. Mais comment inspirer de tels principes à son peuple qui en était tant éloigné et qui répondit à leur proclamation par des actes de violence et de vengeance.
Dans sa biographie de Mahomet, Maxime Rodinson rappelle deux fois le cas de Hind, cette tigresse de femme d'un des persécuteurs de Muhammad, Abou Sofyan, devenu après la victoire du Prophète un allié et le chef suprême de ses armées victorieuses. Mahomet fut répudié et persécuté par presque toute sa Tribu qui le chassa de La Mecque et n'aspirait plus qu'à sa mort. Entre Mahomet émigré à Médine et sa tribu Quraysh ce fut la guerre sans merci. Pendant une de ces batailles où il fut vaincu par une armée Quraychite commandée par Abou Sofyan et grièvement blessé, Hind, dans sa rage contre le Prophète, avait ouvert la poitrine d'un oncle de Mahomet nommé Hamza (tombé en combattant pour la cause de son neveu) et en arracha le foie.
C'était ces moeurs que voulut réformer Muhammad, et il y réussit. Son oeuvre ne fut cependant pas une Réforme mais une véritable Révolution. De la persévérance, et de la foi en Allah, il n'en a pas manqué. Il finit par soumettre tous les potentats de sa Tribu Quraysh et en faire ses alliés, parce que ce n'était pas la vengeance qui l'inspirait. Sa réconciliation systématique servit d'exemple ensuite pour l'Islam envers les peuples qu'il soumit à sa Loi. Tant Hachémites qu'Umayyades de sa Tribu, il fit de tous ses amis et alliés. Mahomet n'aspirait qu'à prêcher pacifiquement la religion d'Allah. A ses prêches les Quraychites opposèrent la force armée et la violence auxquelles il répondit par la violence. Il n'avait pas affaire à un peuple comme celui de Mahatma Gandhi... Sorti à la fin victorieux de cette guerre fratricide à laquelle on l'avait acculé, il retourna à La Mecque, pour "abattre les idoles", comme dans les passages qu'on lui avait lus dans l'Ancien Testament (Deut. XII, 3) :

"Il fit abattre les idoles amassées dans le Temple. Puis il se fit donner la clef de la Ka'ba et y entra. A l'intérieur, il y avait un trésor qu'il respecta, quoique composé de dons offerts par les païens à leurs dieux. Il y avait aussi des fresques qu'il fit effacer sauf, dit-on, les images d'Abraham, de Jésus et de la Vierge."(6)

Ceci explique pourquoi ses successeurs, à l'occasion de toutes leurs victoires, respectèrent toujours les lieux des Cultes juif et chrétien. Quand Omar I entra victorieux à Jérusalem, il fut respectueux du St. Sépulcre dont cinq siècles après, les Croisés pillèrent le trésor et furent sur le point de se battre pour se partager le butin (voir plus loin, "Les Croisades").

Après la mort de Mahomet en 632, commença l'ère des successions. Son ami de toujours Abou Bakr fut le premier et un des plus compétents et plus honnêtes de ses successeurs. Parmi les faits et gestes qui honorent la mémoire de ce grand Musulman, on trouve le texte du manifeste qu'il adressa aux troupes de Yazid, le fils du fameux Abou Sofyan, partant à la conquête de la Syrie, dont voici quelques extraits :

"Quand vous serez en présence de vos ennemis comportez-vous en vrais musulmans, et montrez-vous de dignes descendants d'Ismaël... ne tournez jamais le dos à l'ennemi, rappelez-vous que vous combattez pour la cause d'Allah... Si Allah vous donne la victoire n'en abusez pas. Ne teignez pas votre épée dans le sang des prisonniers, d'enfants, de femmes, de vieux et des infirmes... Ne troublez jamais le repos des moines et des solitaires, et ne détruisez pas leurs demeures..."(7)

Le Prophète avait bien choisi son successeur. Dire que son appel ait été entendu de tous et en toute circonstance ce serait croire au Père Noël. Le fait est que ce sont des hommes comme Abou Bakr qui furent les fondateurs de l'Islam. À Abou Bakr succéda Omar Ibn al-Khattab, le grand Khalife (8) Omar I, celui qui prit Jérusalem en 636 en donnant une leçon de modestie aux vaniteux officiers supérieurs byzantins qui l'attendaient tout chamarrés des pieds à la tête pour lui remettre les clefs de la ville. Quelle surprise de voir arriver Omar sur une mule en burnous déchiqueté. C'est que le deuxième Khalife de l'Islam, qui se nourrissait en accompagnant en général son pain de dattes, voulait être un modèle de modestie et de tempérance pour ses coreligionnaires. On était encore loin des temps somptueux des Khalifes de Bagdad... Les premiers fondateurs de l'Islam étaient comme les premiers chrétiens, comme les premiers... républicains aussi, ils croyaient. Ils n'étaient pas de présomptueux conquérants ; une fois une terre conquise par le glaive, ils le mettaient dans son fourreau pour commencer les conversions. A l'exemple de son homonyme, Omar II, auprès duquel ses administrateurs des finances se plaignaient un jour que par l'affluence des convertis les caisses du Trésor ne se remplissaient pas (9), leur répondit rondement : "Allah m'a chargé de convertir les infidèles, pas de me transformer en collecteur d'impôts". Tels étaient les premiers Khalifes.

BASILE Y.
basile-y.com

1/. Milieu du IIIe siècle avant Jésus Christ.
2/. Ancêtre des Hachémites.
3/. Ancêtre de la célèbre Dynastie des Umayyades, dont la branche installée en Espagne par Abd al-Rahman I, a éclairé l'Europe durant la nuit du Moyen Âge.
4/. Pour Muhammad, le Christ était un Prophète et pas Dieu Incarné : il refusait le principe de la Trinité, contraire selon lui au Monothéisme.
5/. La Renaissance fit sauter l'Europe d'un extrême à l'autre. Des exorcismes et sorcelleries à la négation de tout ce qu'on ne peut voir ou toucher, même si l'invisible crève les yeux.
6/. Maxime Rodinson, MAHOMET, Le Seuil, 1961, page 296.
7/. Reproduit par Modesto Lafuente dans HISTORIA GENERAL DE ESPAÑA, Barcelone 1887, tome II, page 125.
8/. Khalife signifie quelque chose comme représentant, sous-entendu "représentant du Prophète".
9/. La conversion exemptait les "Mawali" (non-arabes convertis à l'Islam) de l'impôt de capitation (l'impôt de capitation a existé aussi en France et fut aboli à la Révolution de 1789).  

SOURCE :
http://basile-y.com

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EUROPE ET MONDE ARABE
NAISSANCE DE L'ISLAM
Basile Y.

b) Et l'Islam devint pluri-culturel

 
Il n'y eut pas qu'Abou Bakr et Omar I parmi la tribu de Mahomet à se rallier à sa bannière. Il y eut tous ceux qui l'ont d'abord combattu, avec toute la violence de leurs coutumes, comme un trouble-fête, un suppôt de mauvais génies. Un de ces Quraychites qu'il faut particulièrement citer est celui qu'on appela plus tard "le Glaive de l'Islam", Khalid Ibn al-Walid. Ce fut le "général Bonaparte" de la "révolution" de Muhammad. - car ce fut une vraie révolution - avec la différence qu'il ne trahit pas cette révolution pour devenir un Napoléon. Au contraire, après avoir conquis des royaumes entiers pour l'Islam, il a fini ses jours dans la plus grande modestie, fidèle à sa religion. Il avait pourtant initialement combattu Mahomet à la tête de la cavalerie Quraychite pendant la bataille d'Ohod (où la femme d'Abou Sofyan arracha le foie de l'oncle du Prophète).

Ce qui contribua pour une large part aux premières victoires éclair de l'Islam fut, la Foi bien sûr, mais aussi d'un autre côté le mécontentement des combattants chrétiens envers leur Église, complice des oppresseurs byzantins. En ajoutant à cela l'épuisement des deux Supergrands d'alors, Byzance et la Perse, par leurs guerres sans fin, on comprend mieux pourquoi l'Islam en quelques années, parti du Hijaz d'Arabie, aboutit sur les côtes de l'Atlantique à l'ouest, et aux confins de la Chine, à l'est.

En 632 Mahomet mourait. En 635 Khalid Ibn al-Walhid s'empare de la "Reine des Villes", la millénaire Damas, orgueil de l'Empire byzantin. En 636 les Byzantins perdent toute la Syrie à la bataille de Yarmouk où Théodoros, frère de l'Empereur Héraclius, est tué sur le champ de bataille. Ce fut là un grand tournant dans l'histoire militaire de l'Islam, dont les groupes de Nomades mal armés infligèrent une écrasante défaite à la plus grande puissance militaire d'alors, défaite de laquelle elle ne se relèvera plus. En 637, le dernier roi d'un autre grand Empire, Yesdedjird III de Perse, est mis en fuite et erre dans les montagnes pleurant son royaume dont il ne reste même plus un quart. En 641, Amr Ibn al-As, homme de confiance du Khalife Omar I, à la tête de 10.000 hommes, chasse définitivement les Byzantins d'Égypte. Il y est aidé par les habitants chrétiens qui y voient une belle occasion pour se libérer du joug de l'arrogant orthodoxe Cyrus (celui-ci les persécutait jusqu'à fouetter leurs prêtres parce qu'ils étaient chrétiens coptes et pas orthodoxes comme l'Empereur de Byzance).
En 674 ils s'attaquent même à Constantinople qui les repousse grâce à une nouvelle invention byzantine à base de phosphore devenue alors célèbre sous le nom de "Feu grec".
En 683, Okbah Ibn Nafi, neveu du conquérant de l'Égypte Amr Ibn al-As, occupe au Maroc les rives de l'Atlantique jusqu'à Agadir.
En 705, Qutaybah Ibn Muslim, gouverneur de Khorasan en Perse franchit l'Oxus (Amou Daria aujourd'hui) et occupe la fameuse Boukhara.
En 712 enfin, 80 ans seulement après la mort de Mahomet, Muhammad Ibn al-Qasim se rendait maître du Sind (Indus) avec ce qui est aujourd'hui Karachi, et l'année suivante il occupe au Nord le Nirun, la Haidarabad d'aujourd'hui. Ce fut ainsi l'implantation définitive de l'Islam en Asie, qui s'étendit plus tard jusqu'aux Philippines, mais dorénavant, à partir des Indes les conquêtes se firent sans armes.
Sur les côtes de l'Atlantique un autre évènement historique eut lieu avec pour héros un Berbère devenu arabe par sa conversion à l'Islam, Tarik Ibn Ziyad. Il traversa le premier, en 711, le détroit de Gibraltar et mit pied en Espagne où les rois wisigoths se succédaient en tuant ou empoisonnant leurs prédécesseurs (il n'y avait pas de monarchie héréditaire). En 713, à l'exception des Asturies et de Navarre, toute l'Espagne gisait aux pieds des musulmans, ses futurs civilisateurs.
Pour voir toutes ces conquêtes en rose, il faudrait naturellement chausser des lunettes de cette couleur. Mais en comparaison de celles de la "Mission Civilisatrice" des Européens, c'était là des roses dont les épines disparurent très vite.

Ainsi, 90 ans après la victoire de Muhammad sur les Caïds de sa Tribu, les vaincus et leurs descendants venaient de bâtir un Empire grand comme il n'y en avait jamais existé en ce monde. Ils le firent en commençant en bandes armées, armées n'importe comment, et de n'importe quoi, chacun devant se procurer un cheval et un yatagan, quelques fois même un semblant de yatagan. Il leur fallut vraiment la foi pour partir en guerre contre les deux Supergrands d'alors, la Perse et Byzance.

Exception faite de son ami de toujours Abou Bakr, tous les bâtisseurs de l'Islam furent des hommes qui avaient haï Mahomet à mort avant leur conversion. En considérant les moeurs de vengeance et de violence qui régnaient alors chez les Quraychites, on peut penser que le pieux moine chrétien Bahira ne perdit pas son temps en enseignant les principes de miséricorde à Muhammad. Les hommes de sa Tribu, à peine convertis, quand il rentra Victorieux à La Mecque, leur naturel revenant, criaient leur soif de vengeance. Ils réclamaient de leur Prophète les têtes de tels ou telles de leur Tribu qui l'avaient humilié, persécuté et combattu les armes à la main et n'étaient pas encore convertis. Même le bon, le généreux Omar, son "bras droit", avait voulu à tout prix la tête d'Abou Sofyan qui s'avéra par la suite un des meilleurs généraux d'Omar lui-même.

Muhammad ne voulait jamais de vengeance. Il voulait "CONVERTIR" ses ennemis, et pas les "détruire". C'est ainsi que de ses ennemis il fit les plus farouches de ses disciples. Qui oserait prétendre que l'oeuvre de ses successeurs se fit sans injustices, sans trahisons, sans meurtres fratricides, malgré l'esprit de Justice et de probité que les Abou Bakr et Omar avaient insufflés à l'Islam ? Il y eut même une certaine forme de "racisme". Pas un racisme assassin comme celui qui s'est produit en Occident, mais la notion d'un "peuple supérieur". Cependant, cette notion ne dura que jusqu'aux débuts du IXe siècle, où l'Islam commença à avoir à sa tête des hommes de toutes les nations, nations qu'il avait d'abord subjuguées. Des esclaves, quelles que soient leurs nationalités, parvinrent à des dignités suprêmes tels Khalifes ou Sultans. Ce ne fut donc pas le genre de racisme qu'il y eut en Europe et en Amérique du Nord. Ce "racisme" des débuts classait les sujets de l'Empire en trois catégories, et prit fin pendant la Dynastie des Abbassides (IXe siècle). Il plaçait tout au-dessus de la Pyramide les Arabes ; au milieu les "Mawali", c'est à dire les Musulmans non-arabes, et au bas de l'échelle les Chrétiens et les Juifs. Mais cette ségrégation n'a jamais été un racisme du "sang". L'origine en était l'idée fausse que seuls les Arabes pouvaient garantir la pérennité de l'Islam. La suite prouva le contraire et cette ségrégation ne fit donc pas long feu. Même pendant cette courte période d'inégalité, des Juifs, des Grecs, des Perses, remplirent de hautes fonctions administratives sous les Arabes, tout en conservant leur religion chrétienne, juive ou zoroastrienne. Déjà la Dynastie des Abbassides qui succéda en 750 aux Omeyyades fondateurs du Khalifat n'était plus purement arabe. Des 37 Khalifes qui assurèrent le règne de cette Dynastie, il n'y en eut que trois dont les mères étaient arabes. Trois eurent des mères persanes, comme Haroun Al-Rachid et son fils Al-Mamoun, et déjà à partir d'Al-Moutassim, successeur d'Al-Mamoun, les mères des Khalifes abbassides furent des turques, dont la plupart esclaves du harem, conformément au Coran : "Mariez les plus sages de vos serviteurs et de vos esclaves." (Sourate XXIV, verset 32)
C'était à cela que le "racisme" et "esclavagisme" des Arabes se limitait, quoi qu'en dirent des plumitifs d'Occident en voulant excuser par-là les négriers et les tueurs d'Indiens. Même chez les Omeyyades qui survirent en Espagne, l'exemple des Abbassides fut suivi. La mère du grand Khalife de Cordoba Abd al-Rahman III fut une esclave chrétienne d'Europe. Et son Grand Vizir, l'homme le plus puissant de son Empire, fut le célèbre Juif Aben Hasdaï.

C'est à l'esprit pluri-culturel que Mahomet avait acquis au contact de la Bible du "père d'une multitude de nations" (Genèse XVII, 5) que l'Islam dut sa politique de métissage. L'appel de Muhammad à mélanger leur corps à celui de leurs esclaves fut entendu par les Musulmans : le père de Haroun Al-Rachid mélangea le sien à celui d'une Persane. La conséquence de ce mélange fut que son fils commença alors à mélanger systématiquement les ESPRITS d'une "multitude de Nations", pour initier à Bagdad l'ère d'un syncrétisme culturel qui fit de l'Islam un "Kulturträger", un porteur de Culture.

Après ce métissage de l'Islam il n'y eut plus d'Arabes "peuple supérieur", il n'y eut que des "Arabes" d'origine diverses comme le Persan Ibn Sinnah (Avicennes) qui enseigna la médecine à l'Europe, le Scythe blond aux yeux bleus Abou Bekr Mohammad. Ibn Zakhariya al-Rahzi, devenu l'Arabe al-Rhasès (1), ainsi que l'Arabe arabe de Cordoba Ibn Rush (Averroès) grands Maîtres du mauvais élève Diafoirus (2). Il leur restait un lien, instrument d'une parole porteuse de civilisation, l'arabe, dont ni le grec ni le latin avaient jamais atteint l'étendue de son universalité. A propos de cette "internationalisation" de l'Islam et dans un autre ordre d'idées - celui du domaine des conquêtes militaires - se profile la grande figure de Saladin. Salah al-Din Youssouf Ibn Ayyoub, le grand Sultan Saladin, était aussi un "arabe", mais dont les père et mère étaient kurdes. Il était né kurde, c'est à dire, "anthropologiquement" - comme diraient certains racistes - il appartenait à la même "race" que les Croisés qu'il avait chassés des terres de l'Islam. Un autre Grand de l'Islam, "arabe" comme Saladin, fut le Turkmène aux yeux bleus, originaire des bords de la Volga, al-Zahir Baybars Ruknuddin. Ancien esclave acheté sur un marché persan pour servir de garde du corps au Sultan Al-Salih, il fut ensuite proclamé Sultan en 1259, pour continuer l'oeuvre de Saladin (3). En septembre de l'année suivante il anéantit les hordes du petit-fils de Gengis Khan Hulagu à Ain Djalout, et débarrassa ainsi la Syrie et l'Irak du fléau des Mongols, alliés de facto des Croisés (4) contre lesquels il s'est par la suite tourné. Baybars a bien marché sur les pas de Saladin comme libérateur des terres de l'Islam de leurs envahisseurs, mais n'a pas suivi son exemple en matière de chevaleresque envers les vaincus. Il a ainsi violé les principes de Mahomet mis en pratique par le manifeste d'Abou Bakr. Il est certain que tous les héros de l'Islam n'ont pas été des Saladins, mais les Baybars luttaient après tout contre des agresseurs, et des agresseurs pas très humains, comme le furent les Mongols et les Croisés.
Un autre "Arabe" célèbre fut l'esclave berbère affranchi qui devint le gouverneur de Tanger, Tarik Ibn Ziyad. Encore un témoin de la forme d'esclavage tel que l'a enseigné Mahomet à l'Islam. Le nom de Tarik reste à jamais gravé sur les roches européennes du Détroit de Gibraltar auquel on donna son nom : de l'arabe Djebel = Mont, et Tarik devenu Djebeltarik, Gibraltar, le Gibraltar que les enfants d'Européens, Britanniques et Espagnols se disputent encore aujourd'hui (5). Tarik fut le premier chef "arabe" qui, en 711, fit prendre pieds à l'Islam sur le sol européen.

Disons pour finir que, même si l'Oeuvre de l'Arabe Muhammad n'avait pas donné naissance à cette civilisation d'"une multitude de nation", même si elle s'était limitée simplement à une religion prêchant pour son peuple la propreté comme un rite, l'abstinence de boissons alcoolisées, la tolérance religieuse, la condamnation des jeux de hasard, l'abolition de la loi du Talion, enfin la libération des esclaves par le simple fait de leur conversion à cette religion, Mahomet aurait déjà été une des plus grandes figures de l'Histoire.

Mais l'Oeuvre de Muhammad ne fut pas qu'une religion. Elle fut une grande "révolution" en même temps, à laquelle l'Europe répondit violemment avec les Croisades. C'est avec les Croisades que commencèrent les hécatombes qu'infligea l'Europe au genre humain à l'échelle planétaire. Des hécatombes qui rendent en comparaison "faibles" les massacres des Genghis Khan, Hulagu et Tamerlan. C'est à la suite des Croisades que les négriers d'Europe découvrirent, que les Noirs d'Afrique étaient des "cannibales" qu'il fallait "civiliser" avec la Traite génocide des Noirs. C'est en 1492, à la Chute de Grenade, lorsque "La Croix fut définitivement vainqueur du Croissant" que l'Europe commença à retrousser les manches de ses Tueurs d'Indiens, qui rapportèrent les richesses pour la développer. C'est pour cela qu'on peut dire que notre société riche et développée s'est construite avec du sang d'Arabes, de Noirs, d'Indiens, d'Asiatiques et d'autres Canaques. L'Europe est souvent perçue comme insolente à cause de l'inconscience de sa responsabilité passée, inconscience aussi bien parmi les plus grands que parmi les plus modestes !
Et tout cela commença avec les Croisades, parce que c'est alors que commença à voir le jour un Enfant qui n'avait rien de divin, LE COMMERCE OCCIDENTAL, un commerce pas comme les autres, parce qu'il ne s'embarrassa pas d'éthique…

BASILE Y.

1/. Autre Maître en Médecine du présomptueux Paracelse.
2/. C'était des médecins qui combinaient leur Art avec la philosophie pour le mettre au service des malades. Diafoirus est le médecin incompétent dans "Le Malade imaginaire" de Molière, représentatif des médecins français d'alors.
3/. Encore une manifestation de l'esclavagisme arabe, à comparer avec la Traite de nos pieux (!) négriers.
4/. De facto, parce qu'ils avaient repoussé leurs multiples offres d'alliance. Même les Mongols ne voulaient pas s'allier aux Croisés !
5/. Avant le Berbère Tarik Ibn Ziyad le Détroit de Gibraltar était appelé CALPE, du nom que lui avaient donné d'autres conquérants, les Romains. Avant les Romains on l'appelait chez les Hellènes, "Les Colonnes d'Hercule".

SOURCE :
http://basile-y.com
Mohamed ZEMIRLINE

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