lundi 8 mars 2010

Cheikh Rahmani 1893-1953


Une grande personnalité de la ville de Médéa. Ancien médersien il enseigna la langue arabe et prépara de nombreux élèves pour le concours d'entrée à la Médersa d'Alger.
On ne peut avoir un meilleur portrait de lui que celui écrit par son ancien élève, Cheikh Hacène Zemirline et qu'il fit publier dans les jours qui suivirent sa disparition, dans le quotidien "La Dépêche Quotidienne" en Février 1953.
Nous reproduisons ici le texte de l'article publié avec une copie de l'article lui-même en notant que l'article porte le nom de M.Marcel Guillamo, le marchand de journaux et libraire de Médéa à l'époque pour des raisons que nous ignorons. Certainement on déposait les articles ou les annonces chez lui et une erreur s'est produite sur le nom de l'auteur.

Cheikh Rahmani, par M.Hacène Zemirline:

"La mort de M.Brahim Rahmani une grande perte pour Médéa.

Médéa vient de perdre un de ses enfants des plus dignes: M.Brahim Rahmani Mohamed Ben Ali. Il s'est éteint seul dans la simple pièce qu'il habitait.

Tous ceux qui ont eu le bonheur d'approcher cet homme ont été bouleversés à l'annonce de cette disparition brutale. M.Rahmani était une des plus nobles figures médéennes et longtemps encore son ombre flottera dans nos rues, dans les lieux qu'il fréquentait.

Il allait dans la vie sans crainte, sans orgueil, la tête haute, sans soucis de lui même et dans ses yeux , de l'or brillait à travers ses lunettes. Il était aîmé de tous, Européens et Indigènes, car il était de ces hommes qui croient en la force de l'amour. Il a aimé toute sa vie s'oubliant lui-même pour se donner tout aux autres. Aussi malgré l'épaisse couche de neige qui recouvrait la ville, une foule de médéens l'accompagna jusqu'à sa dernière demeure le 1er Février dernier.

Il naquit à Médéa le 7 Décembre 1893. Son père était magistrat en notre ville, il lui fit suivre les cours des écoles d'enseignement mixte. Le jeune Rahmani fréquenta l'école primaire de Miliana où il eut comme premier maître, un instituteur un homme de premier plan, un éducateur de vocation: M.Maubourguet. Rahmani aimait à parler de ce maître aux hautes conceptions pédagogiques et il semble bien que c'est l'influence de ce éducateur qui fit de l'enfant, de l'écolier, l'homme que nous aimions.

Il suivait parallèllement des cours d'arabe donnés par le professeur M.Cherchali. Ces deux noms, Maubourguet et Cherchali évoquent bien des souvenirs dans le coeur des vieux de Miliana.

Il quitta bientôt l'école communale pour faire de brillantes études à la Médersa d'Alger où il eut comme professeurs, MM.Garobi, Cheikh Abdelhakim, Cheikh Ben Cheneb etc...Il manifesta là ses dons exceptionnels.

Après avoir fait ses études supérieures d'arabe, il fut nommé magistrat musulman à Miliana et tout en exerçant ses fonctions, il se voua à l'enseignement de la langue arabe: il forma un grand nombre d'élèves qui sont aujourd'hui interprètes, professeurs ou magistrats. L'enseignement c'était une vocation chez ce jeune homme et il ne tarda pas à résilier ses fonctions de magistrat pour se donner entièrement à ses élèves.

Il fut nommé moudéres et exerça à Oran et à Tiaret et enfin dans sa ville natale Médéa. Il délaissa la propriété de Djendel (dans la vallée du Chélif) que son père lui avait léguée. Il ne voulut jamais se marier et cela pour se consacrer à léducation des jeunes.

A Médéa il professa successivement, au cours complémentaire à l'école primaire puis au collège où ses élèves enlevaient toujours les premières places au concours d'entrée à la Médersa.
Il recevait ses élèves de jour et de nuit, il en hébergeait même souvent et sans aucune rétribution et les gardait à sa table.
Bien des enfants pauvres ont été protégés par cet homme qui, en plus du gîte et de la table, habillait ses protégés et leur achetait toutes les fournitures scolaires. Il s'oubliait et s'imposait de dures privatisations, vivant misérablement pouvons nous dire, pour apporter à ceux qui l'entouraient un peu de bien être et de lumière. Il était d'une humeur toujours égale, jamais il ne se départissait de son sourire affectueux, toujours il allait contant des anecdotes avec son humeur si appréciée.

C'est que M.Rahmani avait une passion pour l'histoire antique. Il connaissait l'historique de notre pays et de tout l'Orient à fond. Il s'était créé une réputation telle, dans cette branche, que bien des personnalités et des spécialistes venaient près de lui, prendre des renseignements sûrs.

Il y a quelques années, il fonda à Médéa l'école arabe de Sidi Slimane où il s'était adjoint de plusieurs maîtres pour l'aider à sa tâche.
Et c'était lui, cet homme qui allait dans la rue dans de simples babouches, une gandoura discrète, un turban autour de la tête, il traînait les pieds pour marcher mais sa tête restait haute et chacun pouvait voir en permanence sur ses lèvres son perpétuel sourire.
Cet homme effacé, solitaire tel le phare en pleine mer, a rayonné. Son souvenir restera vivace non pas par la sympathie qu'il savait acquérir facilement, mais par l'éclat qu'a donné son éclat, l'amour qu'a donné son amour, l'idée qu'a donné son idée, la personnalité qu'a donné sa personnalité à tous ceux, et ils sont légion, qui l'ont approché.
Rahmani vous nous avez quitté. Que Dieu reçoive votre âme. C'est là notre dernière prière."

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