jeudi 14 mai 2015

D'Hébreux, de Juifs et de la Palestine. Basile Y.

D'Hébreux, de Juifs et de la Palestine

Introduction

   Les seuls peuples sur notre planète qui persécutèrent les juifs durant un millénaire (de 1096 à l'Holocauste) furent ceux du "monde civilisé", les peuples d'Europe, de la seule Europe, de l'Oural à Gibraltar.

Pour fuir les pays de la "seule civilisation digne de ce nom" comme l'appelèrent nos Pandits, les enfants d'Israël trouvaient refuge dans les pays islamiques arabes, ou arabisés comme le Maghreb, ainsi que l'islamique empire ottoman, au sein desquels régnait le pluralisme religieux.

A cette même époque, par contre, l'Europe chrétienne ne connaissait que l'intolérance du principe "Un Peuple, un Roi, une Foi". Les Bûchers de la miséricorde chrétienne se dressaient un peu partout. Le grand roi de France Philippe Auguste descendait (en 1182) dans la rue à Paris... épée en main, pour abattre des Juifs après leur avoir extorqué 15.000 marcs. Luther lançait des appels au meurtre des Juifs et à la destruction de leurs synagogues. Alors que dans la capitale de l'empire ottoman, à Istanbul :

"Un des faits les plus caractéristiques de la vie des Juifs (réfugiés d'Europe en terre islamique) était la fondation de synagogues nommées d'après leurs pays ou ville d'origine. En 1603, à Istanbul, cinq mille Juifs contribuables étaient affiliés à quarante synagogues." écrit l'historien israélien S.D. Goitein (1).

L'empire ottoman n'était pas une exception, mais une fidèle continuation de la tradition proche-orientale de pluralisme religieux. A l'opposé de cette tolérance, l'Europe commit un génocide à l'égard de la communauté juive de tout pays européen en traitant les enfants d'Israël de "race maudite". On a parlé de "race juive", de "peuple juif", de "nation juive" et ce fut en tant que tels que leurs frères pourtant de même race biologique tentèrent de les extermer totalement.

Mais la communauté juive a-t-elle jamais constitué en Europe une race, une nation, un peuple à part ? Ou une entité ethnique quelconque ? Tout dépend à partir de quel point de vue on aborde cette question. Du point de vue européen la race est déterminée par l'homogénéité biologique, par le "sang", la couleur de la peau, la forme du nez, etc., etc. La communauté juive ne constitue donc de ce point de vue aucunement une race ni une nation particulière, sa seule unité étant religieuse.

Ce fut différent au Proche Orient, (berceau du judaïsme, du christianisme et de l'islam) où l'appartenance au groupe est déterminée par "le sang de l'âme" comme l'enseigne le Talmud. De ce fait, qu'on soit de race biologique noire ou blanche, jaune, rouge ou autre, si on embrasse la religion des enfants d'Israël on devient israélite, "Hébreu".

Voyons si dans l'Antiquité il y eut identité des "races" religieuses et biologiques. On appela Diaspora (mot grec signifiant dispersion) la dispersion des Juifs à travers l'Europe après la destruction de leur royaume de Jérusalem sous le roi Judéen Agrippa, en l'an 70 de notre ère, par Titus. Avant cette dispersion et depuis Alexandre le Grand, les Judéens s'hellénisaient, les Hellènes se convertissaient en échangeant leurs "faux dieux" de l'Olympe contre le "vrai Dieu" d'Abraham. En ces temps de haute civilisation, à l'époque du célèbre philosophe Juif d'Alexandrie Philon (mort en l'an 54 de notre ère) les conversions de "goyim" (païens) Grecs à la religion des enfants d'Israël faisaient des ravages dans les rangs des "immortels Hellènes". Par ces conversions ils changeaient d'ancêtres ! De "descendants de Périclès" ils devenaient "descendants du roi David" comme les Juifs Européens ou Japonais d'aujourd'hui, comme les Juifs du monde entier. Même les Juifs Noirs de Chicago parlent de leurs ancêtres Israélites.

On racontait alors au Proche Orient que Philon d'Alexandrie était la réincarnation de Platon, et Platon lui-même une réincarnation de Moïse. Sans toutefois prétendre comme Sigmund Freud, que Moïse était un pur Égyptien, fils d'une princesse égyptienne et inspiré par le monothéisme d'Akhenaton.

Cet effacement par l'appartenance religieuse des différences ethniques ou raciales, à la base des nations ou peuples soudés par la Foi s'est perpétué jusque chez les Turcs musulmans de l'empire ottoman. Jusqu'à sa dissolution en 1918, les diverses communautés religieuses qui le composaient vivaient en tant que nations. Comme a écrit à ce sujet Jean-Paul Roux (du CNRS) :

"Empire donc, mais empire nuancé par une telle absence de racisme, qu'on serait presque tenté de le baptiser 'Confédération'." (2)

Le conquérant ottoman de Constantinople (3), Sultan Mehemet Fahtih, après sa victoire, convoqua le Patriarche des chrétiens grecs orthodoxes, le Catolicos de 1'Église arménienne et le Grand Rabbin des juifs pour leur annoncer qu'ils devaient désormais prendre, sous sa protection, le gouvernement des affaires de leurs nations respectives. Tout ce qui concernait l'état civil, mariages, divorces, Justice à rendre au sein de la nation religieuse faisait partie des attributions des Églises grecque et arménienne ainsi que de la Synagogue.
Ce "racisme" à l'orientale faisait que lorsqu'un chrétien Grec Orthodoxe devenait musulman, de "descendant de Périclès" il devenait Turc. On ne disait pas alors "il est devenu musulman", on disait "il est devenu Turc". Ce fut cette sorte de "racisme" qui, défiguré en Europe, fit des juifs une "race" dans le sens biologique !

Avant d'entrer dans ce sujet traité au premier chapitre, prenons l'exemple de deux européens de nos jours : l'un Juif, l'autre Catholique. Fervents adorateurs tous les deux du même Dieu, le Dieu d'Abraham, malgré leur appartenance à deux "races" religieuses différentes. Mais aussi, en leur qualité d'européens, ils appartiennent à la même race biologique. Leurs noms peuvent très bien être purement juifs pour tous les deux, par exemple Jacob, Marie, Daniel, Marthe, Joseph, Anne, Gabriel, Michel, Madeleine, Raphaël, Ruben et autres noms de baptême chrétiens. Aux États-Unis on rencontre même très fréquemment des noms de baptême tels que David (roi de Juda), Benjamin et Dan pères de deux tribus d'Israël. Nos deux européens n'ont donc que la religion pour les séparer. Biologiquement, c'est à dire par "le sang et le sol" ni l'un ni l'autre n'est "sémite". Ils sont tous deux Ashkenazim (4) selon le premier livre du Pentateuque de Moïse (Ch. X, 2 à 4).

Ashkenazim par le "sang et sol", mais surtout "Hébreux" tous les deux par le "sang de l'âme" qui les unit à la tribu de Juda à laquelle appartiennent leurs deux Églises. En nous référant même à saint Augustin et au célèbre bénédictin allemand Raban Maur, selon lesquels ce sont les chrétiens qui sont les vrais juifs, seuls les chrétiens devraient avoir le privilège de porter le nom de Juif. Évidemment, on pourrait se demander comment se fait-il alors que depuis la première croisade (1096) et jusqu'à Hitler nous avons fait du mot juif un péjoratif ?

Il n'y a pas que les hommes de religion St Augustin et Raban Maur qui revendiquent pour les chrétiens seuls le nom de Juifs. Même le "mécréant" Voltaire écrit tout au début du chapitre CIII de son Oeuvre ESSAI SUR LES MŒURS : "nous sommes au fond des Juifs avec un prépuce". L'évangile de Saint Matthieu ne commence-t-il pas par ces mots ? "Généalogie de Jésus-Christ, Fils de David, Fils d'Abraham". Et ne continue-t-il pas en passant par le sage Salomon pour finir à "Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus qui est appelé le Christ". Et l'original de cet Évangile ne fut pas écrit en grec ou en latin, mais en hébreu.

Des hommes persécutés sauvagement, de l'Oural à Gibraltar, par leurs compatriotes européens, rejetés de leurs patries ancestrales comme une "race maudite", se sont ainsi trouvés amenés à faire de leurs ancêtres par le "sang de l'âme" des ancêtres par le "sang et sol", et procéder à un "retour de l'Exil à la terre des ancêtres", repoussant ainsi les Palestiniens qui y vivaient depuis des siècles. Les crimes antisémites de leurs frères de race biologique Germains, Slaves, Francs, Wisigoths d'Espagne et autres européens ont donc eu aussi un rôle dans la création de l'État d'Israël. Hitler avait même envisagé un retour en Palestine comme "solution finale". Mais n'oublions tout de même pas ce que représentent les retrouvailles entre membres d'une même communauté ni les expériences sociales qui furent menées en Israël.

BASILE Y.
www.basile-y.com

1/. S.D. Goitein, A MEDITERRANEAN SOCIETY, Univ. Of California Press, Los Angeles 1967, Vol. II, page 167.
2/. Jean-Paul Roux, LA TURQUIE, Payot 1953, page 82.
3/. Constantinople, dernier lambeau de l'empire byzantin anéanti en 1204 par les Croisés.
4/. Ashkenaz était, selon la Bible Hébraïque, fils de Noé (du déluge). Il est le père des peuples de 1'Europe.



Dr. Mohamed ZEMIRLINE

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