lundi 8 mars 2010

Travaux de Hacène


Cheikh Hacène a beaucoup écrit. Il écrivait toujours, en arabe ou en français mais il ne s'est jamais arrêté d'écrire. Tous les membres de sa famille le savaient ainsi que ses élèves.
Il avait un ou deux sujets importants qu'il traitait et il notait les idées qui apparaissaient, les remarques ou les constatations qui s'imposaient, pour les étudier plus tard.
Son ancien handicap de malentendant l'avait cloîtré chez lui évitant les cérémonies ou les réunions parce qu'il était mal à l'aise mais lui avait permis d'un autre côté de s'organiser chez lui. Il ne manquait de rien, une bibliothèque remarquable; son bureau une chambre à part, pour se retirer méditer ou écrire. Des étagères confectionnées au fur et à mesure contenaient tous ces classeurs, chemises cartonnées, feuilles ou carnets sur lesquels il avait noté quelque chose.
Parfois ses notes étaient pratiquement illisibles, du fait de la fatigue alord qu'il continuait à écrire. En réalité c'était illisible pour les autres mais lui il arrivait à les déchiffrer, malgré que parfois ce n'était presque que de simple traits, l'un à la suite de l'autre.

Ici je profite pour faire une remarque sur sa signature. Elle était spéciale ou plus, un chef d'oeuvre, assez remplie et compliquée qu'à maintes reprises dans des administrations on s'en étonnait et on lui demandait s'il pouvait la refaire par curiosité. Il la refaisait devant eux à l'identique et sans aucun effort.

Vers 1948 il a écrit deux ou trois pièces de théâtre.

Il a fait beaucoup de traductions, notament celle de l'oeuvre d'al Bukhari, sur 9000 pages environ.
Il a traité des sujets divers, religieux, philosophiques ou métaphysiques
Il a écrit sur le soufisme, plusieurs dossiers. Certains sous forme d'articles ont été publiés en France, dans les années 80 et 90.

Pour publier quelque chose il fallait un travail gigantesque disait-il pour relire, corriger et compléter une étude donnée. Les pages s'accumulaient sans cesse et il ne pouvait s'arrêter pour remettre "un peu d'ordre".

Après son décès, j'en ai discuter avec mes frères pour les sortir au jour avec l'aide de spécialistes, les trier et d'en faire la saisie sur micro-ordinateur.
J'avais tout de suite pensé à un ami pour nous conseiller, spécialiste en la matière. Seulement je ne l'ai plus revu pour lui en faire part et déjà depuis longtemps.
Il venait me voir à chaque fois qu'il rentrait en Algérie et on ne se quittait pas les journées qu'il passait à Médéa. On était comme deux frères, on rendait visite ensemble à nos amis, à ses proches, comme aussi il tenait toujours à rendre visite à mon père.
Je réalise alors qu'il a dû venir à Médéa à plusieurs reprises sans me contacter, ce n'était pas normal. Il y avait anguille sous roche et j'ai pensé tout de suite aux travaux de mon père.
J'informe mon frère de mon doute et on se consulte sur la façon de le demander à ma mère sans l'offenser. Elle nous apprit qu'il était bien venu une ou deux fois et qu'elle lui avait remis les écrits de mon père pour les ramener à notre frère qui vit en France.
Que pouvait-on lui répondre, sans l'offenser, notre pauvre mère qui avait plus de 71 ans et qui a été dupée.

Des classeurs et des dossiers qu'il aurait fallu une voiture avec deux ou trois allers-retours.
Incroyable, même pour les tirer des différents endroits où ils étaient rangés. Mon frère, trois beaux frères et moi étions à Médéa à quelques centaines de mètres et il ne consulta aucun de nous, alors que même la présence d'au moins de l'un des fils du défunt était plus qu'obligatoire.

Personnellement je continue à les chercher les documents et certainement des livres, qui ont disparu mais je demande à ceux qui reconnaissent ce personnage de lui poser la question, comment a t-il pu faire et avec quelle audace? Et qu'il les ramène, parce que je suis sûr que la plus grande partie est toujours à Médéa chez ses parents. Il n'a pas pu prendre une tone ou plus par avion.

Ce n'est pas seulement l'héritage des ses descendants mais celui de toute sa grande famille, ses élèves. C'est pourquoi je préfère les devancer et les aviser avant qu'ils ne m'interrogent à ce sujet et répartir notre devoir, celui de récupérer ces écrits et ne pas laisser l'œuvre de Hacène entre des mains ingrates et médiocres.

Mohamed Zemirline


Cheikh Rahmani 1893-1953


Une grande personnalité de la ville de Médéa. Ancien médersien il enseigna la langue arabe et prépara de nombreux élèves pour le concours d'entrée à la Médersa d'Alger.
On ne peut avoir un meilleur portrait de lui que celui écrit par son ancien élève, Cheikh Hacène Zemirline et qu'il fit publier dans les jours qui suivirent sa disparition, dans le quotidien "La Dépêche Quotidienne" en Février 1953.
Nous reproduisons ici le texte de l'article publié avec une copie de l'article lui-même en notant que l'article porte le nom de M.Marcel Guillamo, le marchand de journaux et libraire de Médéa à l'époque pour des raisons que nous ignorons. Certainement on déposait les articles ou les annonces chez lui et une erreur s'est produite sur le nom de l'auteur.

Cheikh Rahmani, par M.Hacène Zemirline:

"La mort de M.Brahim Rahmani une grande perte pour Médéa.

Médéa vient de perdre un de ses enfants des plus dignes: M.Brahim Rahmani Mohamed Ben Ali. Il s'est éteint seul dans la simple pièce qu'il habitait.

Tous ceux qui ont eu le bonheur d'approcher cet homme ont été bouleversés à l'annonce de cette disparition brutale. M.Rahmani était une des plus nobles figures médéennes et longtemps encore son ombre flottera dans nos rues, dans les lieux qu'il fréquentait.

Il allait dans la vie sans crainte, sans orgueil, la tête haute, sans soucis de lui même et dans ses yeux , de l'or brillait à travers ses lunettes. Il était aîmé de tous, Européens et Indigènes, car il était de ces hommes qui croient en la force de l'amour. Il a aimé toute sa vie s'oubliant lui-même pour se donner tout aux autres. Aussi malgré l'épaisse couche de neige qui recouvrait la ville, une foule de médéens l'accompagna jusqu'à sa dernière demeure le 1er Février dernier.

Il naquit à Médéa le 7 Décembre 1893. Son père était magistrat en notre ville, il lui fit suivre les cours des écoles d'enseignement mixte. Le jeune Rahmani fréquenta l'école primaire de Miliana où il eut comme premier maître, un instituteur un homme de premier plan, un éducateur de vocation: M.Maubourguet. Rahmani aimait à parler de ce maître aux hautes conceptions pédagogiques et il semble bien que c'est l'influence de ce éducateur qui fit de l'enfant, de l'écolier, l'homme que nous aimions.

Il suivait parallèllement des cours d'arabe donnés par le professeur M.Cherchali. Ces deux noms, Maubourguet et Cherchali évoquent bien des souvenirs dans le coeur des vieux de Miliana.

Il quitta bientôt l'école communale pour faire de brillantes études à la Médersa d'Alger où il eut comme professeurs, MM.Garobi, Cheikh Abdelhakim, Cheikh Ben Cheneb etc...Il manifesta là ses dons exceptionnels.

Après avoir fait ses études supérieures d'arabe, il fut nommé magistrat musulman à Miliana et tout en exerçant ses fonctions, il se voua à l'enseignement de la langue arabe: il forma un grand nombre d'élèves qui sont aujourd'hui interprètes, professeurs ou magistrats. L'enseignement c'était une vocation chez ce jeune homme et il ne tarda pas à résilier ses fonctions de magistrat pour se donner entièrement à ses élèves.

Il fut nommé moudéres et exerça à Oran et à Tiaret et enfin dans sa ville natale Médéa. Il délaissa la propriété de Djendel (dans la vallée du Chélif) que son père lui avait léguée. Il ne voulut jamais se marier et cela pour se consacrer à léducation des jeunes.

A Médéa il professa successivement, au cours complémentaire à l'école primaire puis au collège où ses élèves enlevaient toujours les premières places au concours d'entrée à la Médersa.
Il recevait ses élèves de jour et de nuit, il en hébergeait même souvent et sans aucune rétribution et les gardait à sa table.
Bien des enfants pauvres ont été protégés par cet homme qui, en plus du gîte et de la table, habillait ses protégés et leur achetait toutes les fournitures scolaires. Il s'oubliait et s'imposait de dures privatisations, vivant misérablement pouvons nous dire, pour apporter à ceux qui l'entouraient un peu de bien être et de lumière. Il était d'une humeur toujours égale, jamais il ne se départissait de son sourire affectueux, toujours il allait contant des anecdotes avec son humeur si appréciée.

C'est que M.Rahmani avait une passion pour l'histoire antique. Il connaissait l'historique de notre pays et de tout l'Orient à fond. Il s'était créé une réputation telle, dans cette branche, que bien des personnalités et des spécialistes venaient près de lui, prendre des renseignements sûrs.

Il y a quelques années, il fonda à Médéa l'école arabe de Sidi Slimane où il s'était adjoint de plusieurs maîtres pour l'aider à sa tâche.
Et c'était lui, cet homme qui allait dans la rue dans de simples babouches, une gandoura discrète, un turban autour de la tête, il traînait les pieds pour marcher mais sa tête restait haute et chacun pouvait voir en permanence sur ses lèvres son perpétuel sourire.
Cet homme effacé, solitaire tel le phare en pleine mer, a rayonné. Son souvenir restera vivace non pas par la sympathie qu'il savait acquérir facilement, mais par l'éclat qu'a donné son éclat, l'amour qu'a donné son amour, l'idée qu'a donné son idée, la personnalité qu'a donné sa personnalité à tous ceux, et ils sont légion, qui l'ont approché.
Rahmani vous nous avez quitté. Que Dieu reçoive votre âme. C'est là notre dernière prière."

vendredi 5 mars 2010

Introduction 1



A la demande d'amis et d'anciens élèves de Hacène Zemirline, je me suis décidé et je viens ici avec cette modeste ébauche de sa biographie, que j'espère que ces mêmes personnes m'aideront à mieux présenter et à compléter.

Au départ il n'y avait rien à raconter, c'était un homme comme les autres, avec ses qualités ou ses défauts. Par leur insistance j'ai compris qu'il avait quelque chose de plus pour eux qu'ils voulaient se rappeller et qu'ils estimaient ne pas oublier. Le fait de parler de lui leur rappellait leur jeunesse, leurs études mais aussi ses mérites, que nous sa famille ne voyons pas.

D'un autre côté chacun avait quelque chose à dire, c'était leur maître d'école ou professeur de Lycée, leur collègue ou leur ami mais tous voulaient se le rapeller et avoir une page lui étant dédiée, qui leur permettra de se rencontrer, de parler de lui ou d'apporter des récits ou témoignages qu'ils avaient vécu auprès de lui.

Je remercie tous ceux qui m'ont convaincu à commencer, ainsi que tous les autres qui apporteront leurs témoinages et contribueront à faire perdurer le souvenir de cet homme qui a su garder ses qualités juvéniles, la simplicité, l'humilité et la sincérité.


Rahimahu Allah.

jeudi 4 mars 2010

Biographie



Né à Médéa en 1920 et connu sous le nom de Cheikh Zemirline, fut très estimé par ses élèves ou ses collègues et collaborateurs dans les postes qu'il aura à occuper plus tard.

Il étudia à Médéa au collège Bencheneb ensuite à Alger à la Médersa Thaâlibiya.
Il occupera des postes à Mascara, Khemis Miliana, Médéa et Sour el Ghouzlane et décéda le 16 Novembre 1999 à Médéa.

Sa famille

Il arriva dans une famille pauvre, déshéritée, meurtrie, reléguée loin et à l'arrière de la ville, obligée de travailler la terre pour subvivre. Menouar le père, avait une diligence et faisait le transport des voyageurs, sur le sud jusqu'à Messaâd et Laghouat. Après la naissance de Hacène il décida de se stabiliser et tiendra un magasin en 1920, en ville où il exercera la cordonnerie, un métier qu'il avait appris auparavant. C'est un joli magasin rue Dr.Barbé, en face de la caserne "Quartier Yussuf". Cependant les militaires avaient tout à l'intérieur des casernes, cordonniers, tailleurs, peintres... Et la population n'avait pas d'argent, le travail consistait donc beaucoup plus dans les réparations et cela n'a fait que dégrader sa situation, il aura de plus en plus de difficultés mais persévéra dans la scolarisation de ses enfants. Il s'est sacrifié pour nous! Affirmeront ses enfants, plus tard.
En 1924, Menouar put acquérir un morceau de terre en ville, quartier Nador, aujourd'hui Rekia Mustapha, près de son travail et près de l'école. C'était la réussite pour lui qui rêvait de scolariser ses enfants et de leur épargner le travail de la terre et les longs allers et retours.

Ce ne sera pas la fin de ses problèmes, il devra élever et scolariser ses enfants, ce qui n'était pas facile, sous la colonisation, le chômage, la misère les maladies et les guerres.
Hacène n'ira pas en 1939. Lui et deux de ses amis durent passer une ou deux semaines dans un bain maure pour rabaisser leurs poids et se faire réformer.
Puis ce sera la guerre de libération et tout ce qu'elle apporte comme soucis pour lui même et pour ses enfants qui sont en âge de combattre.
D'ailleurs deux de ses fils rejoindront le maquis, Ahmed en 1956, Ali en 1960. Menouar ne reverra pas le premier puisqu'il décéda en 1957 avant son retour, à l'indépendance.

Dès l'âge de cinq ans Hacène accompagnera son père au magasin pour l'aider et pour suivre des cours dans une médersa puis à l'école. Pendant les heures creuses et les jours de repos, même le matin avant de rejoindre les cours, il redressait les semences, ces petits clous qu'on utilise aujourd'hui dans les réparations de chaussures, afin que son père puisse les réutiliser. Une paire de chaussure en contenait une centaine.
Adolescent, on conseilla au père de le retirer de l'école et de le mettre au travail avec lui pour l'aider, ou le placer chez d'autres. Menouar, illettré mais formé et cultivé par ses voyages, durant son ancienne activité, cherchait à ce que ses enfants puissent continuer leurs études et se sacrifiera à cet effet, se contentant de presque rien et encourageait ses enfants dans leurs études, malgré la réticence des gens à l'époque qui n'y voyait là que perte de temps. Hacène, Mustapha et Ahmed après le collège Bencheneb, obtiendront des diplômes de la Médersa Thaâlibia à Alger, équivalent des deux licences, de lettre et celle de droit. Les deux autres seront encore au lycée quand il décéda, mais finiront bien leurs études.

Sa vie et sa carrière

Pour Hacène les études ne vont pas être faciles, une famille démunie puis l'éloignement à Alger, c'était une expédition, enfin le colonialisme. Il fallait donc passer au travers de toutes ces entraves et si on arrive, on le payera cher: pour le diplôme d'études supérieures, à la Médersa et on ne l'appellera pas Université ou Faculté, durant quatre années, ils devront faire le programme de deux licences, celle de Lettres et celle de droit. Un remplissage et un nombre d'années inadéquats même à l'époque, dira Hacène.

Une fois diplômé et si on est encore en vie, on découvre le summum de l'humiliation, par l'indigénat, et on ne devrait pas l'appeler "statut" puisque ce n'était qu'une partie des mesures reflétant le caractère colonial plutôt esclavagiste, parce que même le mot colonial est devenu faux par sa résonance et ses soi-disant bienfaits.
Dieu merci, aujourd'hui des français eux mêmes commencent à découvrir l'horreur du colonialisme et se sont avancés à le décrire et à rapporter à leurs concitoyens les vérités sur ce qu'il y avait eu et sur ce qui s'était vraiment passé dans tous les domaines.

Enfin Hacène:

- Diplôme de fin d'études des Médersas, 4 ème année, ancien régime, en 1942.
- Diplôme des études supérieures des Médersas en Juin 1944.

Ces diplômes permettaient à l'indigène de devenir "moudérès" pas professeur, dans une simple école primaire, pas dans les Lycées! Ses collègues français ne seront que de simples instructeurs ou instituteurs qui auraient pu être ses élèves!
Il pouvait faire aussi "Bach-Adel", sorte d'assistant ou d'aide au juge.
Ce n'est qu'après l'indépendance en 1965 que leur statut de Professeur leur sera reconnu. Un peu plus tard, on leur reconnaîtra leur deuxième licence, celle de droit.

- Le nouveau diplômé devait travailler d'abord en dehors de chez lui, un certain nombre d'années.
- N'ayant pas trouvé de poste de moudérès, il occupera le poste de Bach-Adel à Mascara pendant deux années environ.
- En 1946 enfin il obtint un poste de moudérès à Affreville à l'école de la Rue La Fayette, Khemis Miliana aujourd'hui: moudérès de 1er ordre.
Il restera huit ans à Khemis Miliana, fera beaucoup d'amis et verra passer des centaines d'élèves. Dans les années 80, ses amis et ses anciens élèves organisèrent une fête à l'honneur des "Anciens", et dont il est revenu émerveillé et fier de toutes ces personnes, amis et anciens élèves qui l'ont submergé d'éloges.
On retrouva deux ou trois correspondances avec M. Yahi et M. Bounaâdja, mais il avait eu plusieurs amis.

Il se marie en 1947, à Médéa et deux de ses enfants verront le jour à Khemis Miliana.
-En 1952 le 1er Octobre, il rentre enfin à Médéa, à l'école Wichard, Hadj Hamdi, près de ses parents, qui étaient en difficulté et dont il se souciait beaucoup. Déjà il aidait son père et ses frères dans leurs études.
- En 1956 il aida son père à arrêter la cordonnerie et la transformer en une épicerie. Ahmed son frère rejoindra le maquis cette même année.
Menouar son père décédera en 1957 à l'âge de 66 ans. Hacène et Mustapha prendront en charge leur mère et leurs frères et sœurs. Deux de leurs frères avaient rejoint la guerre de libération.

Après l'indépendance:

- Il est nommé maître auxiliaire au Lycée Bencheneb, le 1er Octobre 1962. Un an.
- Puis Délégué dans les fonctions de Professeur d'arabe, à partir du 15 Septembre 1963, pour deux ans.
- Il est admis au CAPES le 15 Février 1965.
- Nommé Professeur certifié d'arabe au Lycée Bencheneb, le 15 Septembre 1965.
- En 1965 les garçons partent au nouveau Lycée, le Lycée Fekhar.
- Du 15.09.1965 au 14.09.1967: Professeur d'arabe au Lycée Fekhar. Deux ans.
- Du 14.09.1967 au 20.09.1969: Censeur au Lycée Fekhar. Deux ans.
- En 1969 il est nommé chef d'établissement au Lycée Al Ghazali, nouvellement construit, à Sour Al Ghozlane. Il y exercera du 02.09.1969 au 15.09.1973. Quatre ans.
Il finira par rentrer à Médéa pour s'occuper de sa famille.
- Du 16.09.1973 au 30.03.1977: il est mis à la disposition de la Direction de l'Education et de la Culture de la Wilaya de Médéa, comme Directeur de la programmation et de la carte scolaire.
- Puis Sous-directeur à la Direction de l'Education et de la Culture de la Wilaya de Médéa: du 31.03.1977 au 30.09.1980.

- Le 30 Septembre 1980, il part en retraite "anticipée" à 60 ans, après une demande de réforme médicale qui lui fût refusée. Toute sa carrière, 36 ans de travail, ses maladies et ses interventions chirurgicales ne rentraient pas dans les maladies reconnues par la fonction publique!

Les maladies de Hacène

Cela nécessite un chapitre à part, peut être même plus parce que sa vie aura été marquée par deux longues et difficiles maladies qui l'avaient presque détruit si ce n'était sa sagesse, sa patience et sa foi en Dieu.

- Une diminution de l'ouïe dès l'âge de 28 ans. D'ailleurs pendant très longtemps il a été connu comme malentendant par ses élèves, ses collègues et son entourage. En réalité c'était surtout quand il était fragilisé par une autre maladie ou un rhume ou quand il s'énervait que cela se voyait et qu'il ressentait cet handicap à son maximum, avec de l'angoisse et ce qui s'en suivait comme craintes de toutes sortes pour lui-même pour sa famille et pour son travail.
Ce n'était ni héréditaire ni accidentelle mais une atteinte provoquée lentement par des injections répétées de streptomycine, par le médecin de famille ou du quartier si l'on peut dire. Un bonhomme qui ramenait gratuitement ce produit de l'hôpital pour le prescrire et l'injecter à ses patients, en leur faisant payer le médicament cela va de soi. Est-ce qu'il le prescrivait aussi aux français, est-ce qu'il y a d'autres personnes qui ont été atteintes, on ne le sait pas. Ce produit était utilisé dans le traitement de la tuberculose pulmonaire, ses effets nocifs étaient déjà connus et son utilisation était soumise à une surveillance stricte.
Le comble était qu'une intervention chirurgicale était très chère et risquée, même sans résultat sûr. Il devra porter des appareils eux aussi assez chers à l'époque. Comme il sera obligé de dissimuler au maximum son handicap à ses élèves ou collègues ainsi qu'à l'administration par crainte de perdre son poste ou d'être exclu de l'enseignement, profession qu'il chérissait.

Il portera cette tare de 1948 à 1964. Ce ne sera pas un seul côté d'atteint mais les deux et avec des paroxysmes inimaginables avec la souffrance et la torture morale que cela provoquaient en lui. "Il m'a brûlé mes oreilles, il a brisé ma vie!" Disait-il parlant de ce médecin, quand ses proches essayaient de le faire parler de son atteinte.

Avec l'indépendance, vers 1963 il a pu se faire opérer à Alger mais sans résultat. Puis vers 1965 et 1966 il s'est rendu en Allemagne pour subir deux interventions chirurgicales à une année d'intervalle et avec de bons résultats cette fois-ci.
Il a pu se passer des appareils et redevenir enfin un homme normal.
"Ne détestez pas une chose alors qu'elle pourrait vous être bénéfique" dit notre Saint Coran. C'est peut être, diront plusieurs personnes, que par cette maladie Dieu l'avait préservé et soustrait à tous les aléas du colonialisme et de la guerre.

- Une anecdote: " Fais le bien et oublies le mais saches que lui, il ne t'oubliera pas", dit notre proverbe.
En Allemagne à son réveil après l'intervention chirurgicale, qu'elle ne fut sa surprise de trouver à son chevet un de ses élèves. D'ailleurs il ne dira jamais un "ancien élève" mais "mon élève" et avec fierté, quand il parlait de l'un d'eux.
" Encore sous l'effet de l'anesthésie tout s'est envolé ou évaporé en l'apercevant, doutant même de mon réveil" dira t-il. Son ancien élève qui était là, qui l'appelait Cheikh et s'inquiétait de sa santé, à quelque milliers de kilomètres de chez lui.

Et il ajoutait "J'ai vu là un signe de reconnaissance de Dieu".

Son élève qui étudiait en Allemagne, avait été informé tout simplement par "hasard" par l'une de ses connaissances qu'un algérien était hospitalisé chez eux pour une semaine et lui avait fait part du nom de celui-ci.

"Nous avons donné tous les signes pour ceux qui savent observer". Le Saint Coran.

La seconde maladie ce fut le glaucome vers 1976, il s'est fait opérer mais c'était trop tard. Cela lui causa une diminution importante de la vue et a précipité sa sortie en retraite, en 1980.

Le décès de Hacène

Un mois avant son décès on lui découvrit une tumeur du colon qui s'était installée et progressé sournoisement, si bien qu'elle était inopérable. On lui cachera le diagnostique. Il restera alité pendant une vingtaine de jours la plupart du temps conscient ou à demi.

- Il décéda le 16 Novembre 1999, à l'âge de 79 ans, à son domicile, après un mois de maladie et fut inhumé à Tibhirine, dans le cimetière familial.

Un nombre extraordinaire de personnes avaient assisté à son enterrement, malgré le mauvais temps et l'éloignement du cimetière. Et ce qui avait frappé le plus, c'est que ses fils n'en connaissaient qu'une infime partie mais tous le connaissaient pour l'avoir raccompagné ainsi.

Rahimahu allah.


Post Scriptum

Ce n'est pas par excès de zèle ou par orgueil que j'ai écrit ces lignes mais j'en suis fier en mémoire à un père comme l'aurait été tout un chacun.
Je n'avais rien à dire au départ, absolument rien, mon père a vécu ce que Dieu lui a permis comme à tous les autres, pas plus pas moins, chacun avec ses qualités et ses défauts, riches ou pauvres, mais ils ont vécu tout simplement leurs vies: un simple rêve ou un bref passage dans ce monde.
C'est surtout sur l'insistance d'amis et d'anciens de ses élèves que j'ai commencé à m'interroger et à regarder de plus près. Effectivement ils voulaient qu'on leur parle de leur ancien maître d'école ou d'en connaître davantage sur lui. Non et en toute sincérité j'ai compris la profondeur de l'estime qu'ils lui portaient et j'ai senti l'obligation de le faire pour mon père et le faire parler avec eux.
Cependant j'ai été amené à retirer plusieurs paragraphes, pour ne pas laisser s'étendre mes sentiments, tout en le décrivant sobrement et avec respect.

J'aurais bien aimé que cela eusse été écrit par un autre. Je ne suis ni narrateur ni historien, j'ai essayé de raconter la vie de mon père, sa vie qui s'amalgamait avec l'histoire coloniale. J'ai essayé de rapporter ses pensées et sa lutte continue durant sa vie, contre les maladies, l'ignorance et le colonialisme.
Il revient à ceux qui l'ont connu d'y rapporter leurs témoignages, d'y ajouter leurs noms, leurs relations et leurs descriptions à eux de leur maître, ami, frère ou père.

Je dédie cet écrit à mon père, ma mère, mes oncles mes frères et sœurs et cousins, ses collègues et à tous ses élèves qui ont été pour lui sa propre famille.
Mohamed Zemirline.

mardi 2 mars 2010

Introduction 2



Je suis son fils aîné Mohamed 61 ans médecin, notre mère âgée de 80 ans, quatre frères et cinq soeurs, tous vivants. Nadjette une soeur, est décédée en 1976 à l'âge de 15 ans.

Deux frères de Hacène nous ont quitté, Ahmed ancien moudjahid et professeur d'arabe de la médersa Thaalibiya, est décédé en 1987 à 56ans. Mustapha professeur d'arabe aussi de la médersa Thaalibiya, est décédé en 1997 à 70 ans.
Ses deux autres frères sont encore en vie.

Ceci grace au sacrifice d'un père Menouar qui a su lutter et su résister pour scolariser ses enfants malgré le colonialisme, l'ignorance ou la réticence de l'époque.

Les enfants et petits enfants de Hacène sont actuellement au nombre de 43.

Voilà, ce bref aperçu pour préciser que je n'ai pas encore parler avec mes oncles et mes frères et soeurs sur la façon ou le contenu de cette présentation. Ainsi je ne parlerais que de mon père de mon côté à moi et de ce que je vois nécessaire à apporter. La page étant ouverte à toute sa petite famille: ses frères et ses enfants, neveux et parents, ainsi qu'à sa grande famille: ses anciens élèves ou collègues, à chacun de voir par lui même comment apporter sa propre contribution pour enrichir cette présentation commme ses propres témoignages, ainsi que toute modification qui s'avérerait nécéssaire.

Merci encore à tous, il fallait commencer cette présentation pour voir venir son amélioration. Ce que j'ai fait humblement en attendant donc et acceptant toute remarque.


Mohamed Zemirline