mardi 19 mai 2015

INDIENS ET BARBARES. 05/05. BASILE Y.


INDIENS ET BARBARES
Le génocide Amérindiens et la spoliation de leur continent.
BASILE Y. basile-y.com
Partie 05/ 05

II. 2/. LE DRAGON ANGLE EN AMÉRIQUE DU NORD


a) Dès la naissance de la Nation Américaine...


«Le clou de cette campagne de nettoyage eut lieu près de Denver en 1864 lorsque le colonel J.W. Chivington, ancien ministre, conduisit une force armée contre le village Cheyenne de Black Kettle, qui devint la bataille de Sand Creek. Les Cheyennes exécutaient une danse religieuse et ne s'attendaient pas à l'attaque. Il était facile à la troupe d'effacer ce village de la face du Monde. Chivington ayant surpris un de ses soldats essayant de cacher un petit garçon Cheyenne, rappela à ses hommes que 'LES LENTES DEVIENNENT DES POUX'. Ces mots devinrent célèbres parmi ceux qui combattaient les Indiens et parmi les colons de l'Ouest Américain.» (1)

Les pionniers avaient décidé de faire disparaître les «Poux» jusqu'à leurs «Oeufs», parce qu' «on voulait les territoires des Indiens, mais on les voulait libres d'Indiens, comme s'il n'y avait aucun êtres humains qui les habite(2) Ce fut la différence la plus importante entre le Dragon Wisigoth (les conquistadores espagnols) et le Dragon Angle. Les Anglais décidèrent l'extermination systématique et froide dès l'Indépendance (4 juillet 1776). Les conquistadores faisaient mourir les Indiens en les affamant et exténuant au travail. Le Dragon Wisigoth, incarné par les conquistadores, n'était qu'une petite partie de la nation espagnole, tandis que le Dragon Angle, ce fut la nation américaine toute entière. Avant de relater les crimes il est utile de rappeler les origines de cette nation plurinationale, prolongement de l'Europe, refuge d'honnêtes gens persécutés par l'intolérance européenne, et en même temps rendez-vous d'aventuriers assoiffés d'or. En fait, nos cousins germains - ils sont le portrait fidèle de l'Europe, aux traits à peine plus accentués.

J'ai emprunté le nom de Dragon Angle au vocabulaire de ceux qui me sont sympathiques, les Chicanos, ces 6.000.000 de «citoyens» des USA d'origine mexicaine, vivant sur leurs terres ancestrales, arrachées à la patrie mexicaine, et qui furent méprisés par leurs envahisseurs dont l'élite se nomme fièrement WASP «white anglo-saxon protestants». Ces WASPs ont concocté d'innombrables péjoratifs pour manifester leur mépris de «race supérieure» envers les Mexchicanos. Les Chicanos, par contre, ont pensé que le seul mot Anglo était largement suffisant pour rendre la politesse à ceux qui les méprisaient.

L'histoire anglo-saxonne est parsemée d'évènements particulièrement violents. Avant d'être protestants les Anglo-Saxons furent catholiques; avant d'être catholiques ils furent les fils du dieu Woden (Odin). C'est au nom de ce dieu qu'ils arrivèrent aux Iles Britanniques depuis leur Basse-Saxe, et firent ainsi leur apparition sur la scène de l'Histoire. Ils commencèrent par y commettre des ORADOUR-SUR-GLANE, enfermant les Britanniques dans leurs Eglises et y mettant le feu :

«Les prêtres étaient abattus sur leurs Autels ; les Églises incendiées, les paysans, chassés par les flammes, ne pouvaient plus que se jeter sur l'impitoyable acier. C'est ce spectacle qui distingue la conquête des Iles Britanniques de celles des autres provinces de Rome. La conquête de la Gaule par les Francs et de l'Italie par les Lombards constitua un peu plus qu'un établissement par la force de l'un ou de l'autre de ces conquérants au sein de sujets tributaires.» (3)

Aucun peuple germanique (Francs, Lombards, Wisigoths) ne fut plus cruel dans ses conquêtes que les Anglo-Saxons. Si l'esclavage qui était au Moyen Âge en Europe, comme partout ailleurs, une institution sociale, évolua à la Renaissance en génocide, la conception anglo-saxonne de la liberté du seigneur y a peut-être joué son rôle. Déjà en Basse-Saxe «son seigneur pouvait l'abattre (l'esclave) s'il le voulait, car il n'était ni plus ni moins que du cheptel» (4). Toujours est-il que :
«Il y a eu quatre fois plus d'esclaves africains transportés sur des navires britanniques que sur les bateaux de toutes les autres nations réunies.» (5)

La grande Reine Elisabeth I elle-même était le principal actionnaire dans les compagnies qui pratiquaient le trafic de chair humaine (6) en plus de la piraterie, du pillage des colonies espagnoles accompagné du massacre de femmes et d'enfants de colons ou d'Indiens :
«Ainsi, voyage après voyage, parmi lesquels les membres du conseil de la Reine et même la Reine elle-même investissaient de l'argent, Hawkins et d'autres marchands (d'esclaves) anglais poursuivaient leur odieux trafic, kidnappant des Noirs d'Afrique.» (7)

Mais si les Anglo-Saxons furent les champions de la Traite des Noirs, il n'en est pas moins vrai que chez eux ils furent les inébranlables champions de toutes les libertés... dont l'homme libre eut besoin pour mettre les autres en esclavage. L'Angleterre fut malgré tout le berceau de nos libertés en Europe.
Ces vilaines choses rappelées, il faut reconnaître que les Anglo-Saxons ne sont devenus le Dragon Angle pour les Peaux-Rouges qu'à partir du moment où ils renièrent leur Mère Patrie, le 4 juillet 1776, jour de 1'INDEPENDENCE DAY, et devinrent des Américains. Auparavant, les massacres se faisaient à l'échelle artisanale - à l'exception de l'écrasement de l'Insurrection des Indiens de Pontiac en 1764.

La colonisation des terres «anglaises» en Amérique avait commencé d'abord lentement, par l'envoi de condamnés de droit commun, et de paysans d'Écosse «chassés par les moutons» de leurs terres converties en pâturages. Ces paysans, devenus des mendiants encombrants pour les villes d'Angleterre et d'Ecosse, furent ramassés comme délinquants et expédiés «peupler» le Nouveau Monde.

La chasse au Peau-Rouge à l'échelle artisanale, était anglaise. Quinze ans après l'Indépendance, Henry KNOX, ministre de la guerre de Washington, mit un point final à son plan stratégique d'extermination systématique des Indiens. On était maintenant des hommes libres ! Sans entraves métropolitaines. C'était en 1791, mais le projet avait été préparé depuis la libération du frein relatif de la Mère Patrie anglo-saxonne. Ce n'étaient plus des Anglo-Saxons, mais des Américains. Libres et indépendants, ils avaient désormais la force armée et la liberté totale pour débarrasser les terres de leurs «sauvages», de ces «merciless Savage Indians» (Indiens sauvages et sans pitié) comme les appelle officiellement la DÉCLARATION D'INDÉPENDANCE du 4/7/1776 (8). La Couronne britannique s'opposait à l'extermination systématique des Peaux-Rouges, quoiqu'elle eut de la compréhension pour la «libération» (par le massacre des femmes et enfants Indiens) des terres en Nouvelle Angleterre et le refoulement des «sauvages» vers l'Ouest (To The WEST !), comme pour les Pequots et les Wampanoags. C'est pour cela qu'au 19e siècle, siècle de l'extermination radicale des Peaux-Rouges, pour échapper au génocide, quand ils le pouvaient, les Indiens cherchaient refuge au Canada voisin, resté colonie britannique. Il y avait, certes, des Américains pour protester contre l'inhumanité des chasseurs d'Indiens, mais ils étaient en Nouvelle Angleterre, là où l'on s'était déjà débarrassé des «sauvages».

C'est en cette Nouvelle Angleterre qu'est né l'Américain, le peuple du God Bless America. Pour rester aussi WASP que possible, la loi EMERGENCY QUOTA ACT fut inventée pour exclure de l'immigration le plus grand nombre de «métèques» - quand cette loi fut promulguée, elle visait surtout les Juifs fuyant les pogroms russes des Cent Noirs. D'après les manuels destinés aux lycéens en 1946, cette loi aurait eu pour but de «préserver» le pays de l'affluence d'immigrants «INÉLIGIBLES POUR LA CITOYENNETÉ» (9), c'est à dire pour l'honneur d'être appelés AMERICANS. La nation américaine n'est pas composée des seuls anglo-saxons, mais d'européens en général. Chacune de ses familles humaines a apporté sa qualité nationale dans ses bagages d'immigrant, trié par 1'EMERGENCY QUOTA ACT. Cela fait que le Dragon Angle ne fut pas purement anglo-saxon, mais américain. Tous les comportements prédateurs que l'on trouve chez les «pacificateurs» européens du 19e siècle en Afrique et en Asie, tous se retrouvent donc dans le Dragon Angle.

Est-ce pour avoir l'honneur de partager le monopole du nom d'Ameriggo Vespucci qu'il était difficile de devenir américain ? Les citoyens des États Unis sont les seuls à s'appeler Americans sur les deux vastes continents des Amériques. Au Canada, avec plus de 10.000.000 de km2 on s'appelle Canadien. Les citoyens des ESTADOS UNIDOS DE MÉXICO s'appellent Mexicains. Les ressortissants des ESTADOS UNIDOS DO BRASIL aux 8.500.000 km2 s'appellent Brésiliens. Partout, dans les deux Amériques, chaque nation politique s'est donnée un nom particulier qu'elle s'est choisi. Seuls les EUROPÉENS mades in USA monopolisèrent le nom Amérique, quoique l'étendue de leur territoire vienne après celle du Canada et du Brésil. Est-ce le principe du «fardeau de l'homme blanc», sa généreuse (?) tutelle des «peuples primitifs», qui dans l'idéologie de la «Manifest Destiny» (10) fit une obligation à ce peuple élu par la Providence de prendre en tutelle un jour tous les peuples d'Amérique, et se trouver ainsi dans l'obligation à être seuls, en qualité de tuteurs, à s'appeler AMERICANS ?

Signalons au passage que le mot AMERIQUE lui-même fut une escroquerie intellectuelle majeure du XVIme siècle, donnant le nom de Ameriggo Vespucci aux deux continents (voir «Un imposteur donne son nom au continent»).

Il ne faudrait naturellement pas en déduire que c'est consciemment que les Américains donnèrent à leur nation le nom d'un imposteur doublé d'un espion. Ils honorent chaque année le nom de Christophe Colomb au Colombus Day, le 12 octobre.

1/. Robert Emmit, THE LAST WAR TRAIL, University of Oklahoma Press, 1954 et 1972, page 22.
2/. Ruth Benedict, RACE, SCIENCE AND POLITICS, New York 1940, page 172.
3/. J.R. Green, A SHORT HISTORY OF THE ENGLISH PEOPLE, éditions J.M. Dent, Londres 1952, vol. I, page 9.
4/. Idem, page 13.
5/. J.S. Redding, THEY CAME IN CHAINS, New York 1950, page 17.
6/. Charles & Mary Beard, A BASIC HISTORY OF THE UNITED STATES, The Blakiston Company, Philadelphia 1944, pages 4 et 5.
7/. Edw.P. Cheyney, A SHORT HISTORY OF ENGLAND, éditions Ginn & Co, New York 1927, page 356.
8/. «Il (le roi d'Angleterre) a excité parmi nous l'insurrection domestique, et il a cherché à attirer sur les habitants de nos frontières les Indiens, ces sauvages sans pitié, dont la manière bien connue de faire la guerre est de tout massacrer, sans distinction d'âge, de sexe ni de condition.» (...alors que ce comportement fut celui des anglo-saxons !)
9/. D.S. Muzzey, A HISTORY OF OUR COUNTRY (Textbook for High-School Students), éditeurs Ginn & Co., Boston 1946, page 774.
10/. MANIFEST DESTINY : idéologie récurrente aux USA depuis l'indépendance, affirmant que le peuple américain est le peuple élu porteur de civilisation, et qu'il lui a été donné une «terre promise» à conquérir sur les Indiens comme celle donnée aux anciens Hébreux.

b) Les Droits de l'Homme... blanc.


La guerre d'Indépendance des États Unis ne peut pas être considérée comme une Révolution à part entière, alors que les Américains le prétendent. En effet, on lit bien dans la Déclaration d'Indépendance que «tous les hommes sont créés égaux» et aux «droits inaliénables», mais considérer cette Déclaration comme une «naissance des Droits de l'Homme», c'est admettre que les Indiens et les Noirs qui en étaient exclus ne sont pas des hommes. C'est donc une farce d'attribuer la genèse des Droits de l'Homme à la «Révolution» américaine. Plus sérieusement, la naissance du principe des Droits de l'Homme doit être attribuée aux pères dominicains espagnols Bartolomé de Las Casas et Francisco de Vitoria, qui les exprimèrent les premiers pour défendre les Indiens, et nier à l'homme blanc le droit de mettre les autres peuples en esclavage (1). Tout au contraire, la «Révolution» washingtonienne entend par Droits de l'Homme des principes qui laissent le droit à l'homme blanc d'exterminer l'homme rouge et de maintenir en esclavage l'homme noir. En dehors de quelques Indiens qu'on accepta de laisser «vivre» pour des recherches anthropologiques et de linguistique, ou pour le tourisme, on a supprimé les Peaux-Rouges et maintenu en esclavage l'homme noir au nom des «Droits de l'Homme» à l'américaine. On a bien aboli l'esclavage près d'un siècle plus tard, mais était-ce du pur altruisme ou ne gênait-il pas aussi le développement industriel ? Pour preuve, on garda jusqu'au début du 20e siècle les pratiques du juge LYNCH et la ségrégation raciale.

Quand des hommes blancs, persécutés et misérables, chassés de leurs pays par l'Intolérance ou la Faim, se créèrent une patrie en des pays lointains, ils devinrent impitoyables et appliquèrent un «ôte-toi-de-là-que-je-m'y-mette» envers les autochtones. N'est-ce pas là un caractère inhumain de notre civilisation avec absence de Morale ? Sommes-nous comme des animaux ?
Lorsqu'on bat un chien il devient méchant non pas envers celui qui l'a battu, mais envers quiconque se met au travers de son chemin.

«Droits de l'Homme», «Arbres de la Liberté», plantés par des esclavagistes «révolutionnaires», auxquels s'était joint un autre «révolutionnaire», en fait un aventurier plein d'ambitions de la noblesse française, La Fayette. Chassé de Paris par une vraie Révolution, lorsque des paroles de Mirabeau on passa aux actes et l'on abolit l'esclavage des Noirs aux Antilles. Abolir l'esclavage aux USA par contagion ? Cela aurait été une catastrophe pour les pères de la patrie washingtonienne (2). Pour eux les Jacobins étaient le Diable. Les Fédéralistes «Pères de la Patrie», 
«Sans retenue, injuriaient toute personne qui approuvait ou refusait passivement de condamner avec assez d'énergie les procédés de la République française. Ils accolaient le terme de 'jacobin' avec profusion et indistinctement à tout citoyen américain qui sympathisait avec la France. Toute chose que les 'riches et bien nés' n'aimaient pas était maudite dans les cercles respectables sous le terme de jacobin.» (3)

Bien qu'inspirée au départ par la «Révolution» américaine, la Révolution Française a été beaucoup plus loin et peut donc difficilement être comparée. Le premier coup de feu de la Rébellion washintonienne contre la Mère Patrie britannique, claqué sur le pont de Concord (Massachusetts) en avril 1775 a bien eu des échos à l'identique, mais sans traverser les Océans. Il est resté en Amérique chez d'autres Rebelles à la Mère Patrie, les «Libertadores» comme Bolivar qui chassèrent d'Amérique Latine un empire espagnol décadent. Quand le Mexique par contre - libéré du joug espagnol non à la façon des Bolivar mais par de vrais révolutionnaires, ses Indiens même - a aboli l'esclavage, la moutarde monta au nez de ses puissants voisins WASPs, planteurs de coton en même temps que d'arbres de la liberté. Ils se mirent à «libérer» le Texas en 1836, POUR Y RÉTABLIR L'ESCLAVAGE !! Cet acte du «modèle» (?) américain des Révolutions se termina en 1848 par l'amputation «démocratique»(?) de plus de la moitié des terres mexicaines (du Texas à la Californie) afin de l'annexer à la Patrie des droits de l'homme blanc à mettre en esclavage l'homme rouge et l'homme noir. Cette conception WASP des droits de l'homme consistait donc à en parler, mais à rétablir l'esclavage dans les faits là où il avait été aboli.

«Droits de l'homme» ? Tout est-il une question d'interprétation ? Comme pour le mot «Révolution». Une vraie révolution est un mouvement qui change les structures politiques et sociales d'une nation pour plus d'équité. Cela n'a pas vraiment eu lieu lors de la fondation des États Unis, après la RÉBELLION les esclavagistes sont restés slaveholders comme sous le régime colonial britannique, et les esclaves, «Niggers» pour ne pas changer. Un siècle plus tard on commit la même exagération en proclamant le Président Lincoln grand «abolitionniste de l'esclavage», alors que lui-même eut la franchise de déclarer dans une lettre envoyée au fondateur du NEW YORK TRIBUNE en 1862 :

«Mon objectif suprême est de sauver l'Union et non de sauvegarder ou détruire l'esclavage. Si je pouvais sauvegarder l'Union sans libérer un seul esclave, je le ferais ; si je pouvais la sauvegarder en libérant tous les esclaves, je le ferais. Et si je pouvais le faire en libérant quelques-uns et en laissant de côté d'autres, je le ferais aussi.» (4)

Abolir l'esclavage n'était qu'un souci relatif du Président Lincoln. Sa préoccupation principale était de sauvegarder l'Union entre esclavagistes au Sud, et industriels au Nord. Dans son souci de sauvegarder l'Union entre Sudistes et Nordistes (5) et pour rassurer les esclavagistes du Sud il déclarait :
«En ce qui concerne l'esclavage nous ne devons pas intervenir dans les États où il existe, parce que la Constitution de notre pays le défend, et le bien général ne demande pas qu'on le fasse.» (6)

Le «bien général» de l'homme blanc, de l'esclavagiste. En 1844, le minuscule parti abolitionniste des USA ayant posé la question de l'abolition de l'esclavage à l'occasion d'une élection présidentielle, n'obtint que 65.000 voix sur 2.500.000 suffrages exprimés. (7) Ces 2.435.000 électeurs qui votèrent pour le maintien de l'esclavage n'étaient pas tous des planteurs esclavagistes. C'était pour la plupart des «petits blancs» qui espéraient «grandir» et devenir eux aussi un jour slaveholders.

Il n'y a naturellement pas eu que cette Majorité aux USA. Il y eut aussi une noble Minorité, dont fit partie Mark Twain. Hélas ! Ce grand accusateur des crimes de l'homme blanc partout dans le monde est présenté dans les manuels scolaires aux États Unis et les dictionnaires du «monde civilisé» partout comme un simple «humoriste». Est-ce vraiment amusant lorsque Mark Twain met en accusation devant le Tribunal de l'Histoire Léopold II de Belgique, coupeur de mains et de pieds de Congolais et coupable du meurtre de 15.000.000 d'Africains ? La seule fois où il utilisa un peu d'humour pour ce sujet fut lorsqu'il écrivit :
«Il y a beaucoup de choses humoristiques en ce monde ; entre autres celui de l'homme blanc qui croit être moins sauvage que d'autres sauvages.»

Manuel Langhorne Clemens en écrit d'ailleurs dans «Folowing The Equator», et par «nous» il n'entendait pas que ses compatriotes, mais nous tous :
«Dans beaucoup de pays nous avons mis le sauvage aux chaînes et l'avons fait mourir de faim. Dans beaucoup de pays nous avons brûlé le sauvage sur le bûcher, nous avons fait la chasse au sauvage, à sa femme et à ses enfants, avec des chiens et des fusils. Dans beaucoup de pays nous avons pris la terre du sauvage et fait de lui notre esclave en le fouettant tous les jours, en brisant sa fierté.»

1/. En 1974, le secrétaire perpétuel de l'Académie Nationale des Sciences du Mexique déclarait :
«Mon but est de saisir l'occasion du cinquième centenaire de Fray Bartolomé de Las Casas pour mettre en relief sa figure de créateur, ou au moins d'animateur de la reconnaissance des droits de l'homme. Un hommage fut rendu récemment à Las Casas en France et en Espagne, le reconnaissant comme père des droits de l'homme. Las Casas fut le promoteur des LOIS POUR LES INDES» (voir les paragraphes «Las Casas à la tête de la défense des Indiens» et «Attitude de la Couronne d'Espagne») «, une revalorisation du droit des individus. Ses polémiques furent l'expression d'une dynamique au service de la défense d'un groupe humain envahi par un autre.»
2/. Washington avait stipulé sur son testament que les esclaves Noirs de ses plantations devaient être affranchis ; le brave homme ! ... mais seulement après sa mort et celle de sa femme. Vision d'homme blanc, et pas seulement d'américain.
3/. Charles & Mary Beard, THE RISE OF AMERICAN CIVILISATION, The Macmillan Company, New York 1927-1947, vol. I, page 366.
4/. Cité par F. George Kay, THE SHAMEFUL TRADE, A.S. Barnes and Company, New Jersey 1968, page 164.
5/. Les Nordistes, les YANKEES, industriels de la Nouvelle Angleterre, supporters de Lincoln, étaient de sincères abolitionnistes mais pas toujours par pur altruisme. Les emplois industriels demandent une responsabilisation et une motivation des salariés que seule l'association récompense par le salaire et punition par le licenciement permettait ; ce qui demandait des hommes libres.
6/. Charles & Mary Beard, THE RISE OF AMERICAN CIVILISATION, The Macmillan Company, New York 1927-1947, vol. II, page 39.
7/. Idem, page 38.

c) L'extermination progressive.



Pour leur Déclaration des Droits de l'Homme, les Pères de la Patrie s'étaient "fondés sur les lois  immuables de la Nature". Pourtant ils déclarèrent à mort l'homme naturel!
J.W. Chivington se fit colonel de l'Armée des Tueurs d'Indiens, une armée qui n'était chargée d'aucune autre tâche que de celle de «libérer» les terres des Peaux-Rouges, et agresser en même temps les Indiens du Mexique qui avaient secoué le joug colonial et aboli l'esclavage. On a lu au paragraphe «Dès la naissance de la Nation Américaine...« comment Chivington reprit un de ses soldats qui voulait épargner un enfant Cheyenne du massacre de sa tribu, et rappela à cette occasion à ses soldats que : «Les lentes deviennent des poux» («nits become lice»). Il démontra ainsi à ses hommes la supériorité de notre civilisation par rapport à celle des Cheyennes...
«Quand Chivington se rendit au quartier général du Fort Lyon, il fut chaudement accueilli par le major Anthony. Chivington commença à parler de 'collectionner les scalpes' et de 's'y mettre pour que ça saigne'. Anthony répondit en expliquant qu'il avait 'attendu la bonne occasion pour leur tomber dessus'.»

Et ils leur sont «tombés dessus» :
«L'attaque dégénéra en massacre des hommes, des femmes et des enfants. Trente à quarante femmes avaient cherché refuge dans une excavation ; elles envoyèrent comme messagère une petite fille de six ans avec un linge blanc fixé à un bâton ; elle n'eut que le temps de faire quelques pas et fut abattue. Toutes les femmes réfugiées dans le trou furent ensuite tuées ainsi que quatre ou cinq hommes qui essayaient de les défendre. Elles n'offrirent aucune résistance. Chacune d'elles fut scalpée. Je crus apercevoir une femme enceinte au ventre tailladé et il me sembla voir l'enfant dans ses entrailles. Le capitaine Soule me confirma par la suite que je ne m'étais pas trompé. Je vis le corps d'Antilope-Blanche... et j'entendis un soldat dire qu'il en ferait une blague à tabac. ... je vis une petite fille de cinq ans cachée dans un trou de sable ; deux soldats l'en extirpèrent, tirèrent leurs pistolets et la tuèrent, puis la traînèrent par un bras sur le sable. Je vis un grand nombre de bébés tués dans les bras de leurs mères.»

Cette longue citation est extraite des rapports officiels conservés au Sénat des États Unis sur le massacre des Cheyennes en 1864 (39e Congrès, 2e Session) et cités par Dee BROWN (3). Ce n'était pas le début de l'Apocalypse provoquée par le Dragon Angle, mais cela donne une idée de ce qu'elle fut. Ceci se passait au 19e siècle ; la tuerie avait déjà commencé au XVIIme siècle, mais de façon artisanale, c'était une tuerie d'envahisseurs, et pas encore un génocide. Pourtant, même durant ces opérations perpétrées sous la couronne britannique, nos cousins se distinguèrent. Les «pèlerins» du MAY-FLOWER, ainsi que d'autres immigrants britanniques, échappèrent à la mort par la faim ou le froid grâce à la miséricorde des Peaux-Rouges de la tribu du chef Massasoit qui leur étaient venus en aide. Sans reconnaissance envers l'humanité des «sauvages», les descendants directs de ces mêmes «pèlerins» payèrent dans le Massachusetts une prime pour tout Indien scalpé. Le montant de la prime n'était pas uniforme, il variait selon l'âge et le sexe des scalpés. En 1703 on payait 40 £ pour chaque scalp. Avec l'approche de l'INDEPENDANCE DAY des «Droits de l'Homme» il y eut inflation des prix. Ainsi en 1720 le prix monta à 100 £ pour chaque Peau-Rouge scalpé de sexe masculin au-dessus de 12 ans, et 50 £ pour chaque femme ou enfant en dessous de 12 ans. Avant de poursuivre sur la tuerie du Massachusetts, permettez-moi de m'arrêter un peu sur l'histoire du mot et de l'acte de scalper. En ouvrant mon dictionnaire français à l'article scalp, je lis : «Peau du crâne avec sa chevelure, enlevée par les Indiens d'Amérique à leurs ennemis vaincus». Même interprétation dans le Brockhaus et dans le Duden allemands (4). Comme je suis très sceptique sur l'objectivité de nos dictionnaires quand il s'agit de «peuples primitifs», je doute que scalper un vaincu ait été une tradition indienne plutôt qu'un «apport civilisateur» anglo-saxon en Amérique du Nord. Car si scalper un ennemi tué était vraiment une coutume indienne, on aurait emprunté aux Indiens leur mot pour désigner l'acte «traditionnel», comme on a fait avec tomahawk (hache de guerre), wigwam (tente), mocassin (chaussure de peau), TOTEM, etc., etc. Ainsi,

1/. Si la coutume de scalper un ennemi vaincu était vraiment une tradition indienne, pourquoi n'a-t-elle jamais existé en Amérique Centrale ou du Sud ? En effet, en aucune chronique de la Conquista on trouve mentionné le mot scalper. Mieux que cela, ce mot 
n'existe pas plus dans le dictionnaire de
 la Real Asademia 
Española que dans Espasa-Calpe. Ils ne mentionnent pas ce mot, parce que l'acte n'eut jamais lieu sur les terres indiennes sur lesquelles les Espagnols avaient posé pied cent cinquante ans avant les Anglo-Saxons.

2/. Le mot SCALP est un mot anglais d'origine étymologique scandinave. Je me demande comment un mot pourrait exister dans une langue si l'acte ne l'a pas précédé ? A quoi a donc servi ce mot dans l'histoire des peuples scandinaves ? On lit toutefois dans Hérodote (IV. 64) que chez le peuple européen des Scythes, après avoir tué l'ennemi on buvait son sang et emportait en trophée son cuir chevelu arraché de la boîte crânienne. Hérodote cite le fait, mais malheureusement sans mentionner le mot scythe.

3/. L'éditeur d'Hérodote en allemand H.W. Haussig, dans une note en relation avec l'acte de scalper chez les Scithes, indique que cette coutume d'arracher «la peau du crâne avec sa chevelure» de la tête d'un ennemi vaincu fut empruntée plus tard aux Scythes par différents peuples, entre autres par des Lombards, cousins germains des Scandinaves et des Anglo-Saxons.

Que nos lexicographes et indo-germanistes éclairent notre lanterne sur ce «mystère». En attendant, l'hebdomadaire littéraire allemand DIE ZEIT du 5/5/78, dans un reportage sur le Danemark sous le titre «Trinquer avec le Skalp», nous apprend que les ancêtres des Danois buvaient dans des «Skalps en forme de bols», c'est à dire en forme de boîtes crâniennes. Aujourd'hui «Skäl» signifie en danois «a votre santé». Et «Skäl» dérive étymologiquement de SKALP, écrit DIE ZEIT. Par cette façon de trinquer, écrit ce journal, les Danois font aujourd'hui allusion à des «fautes et des crimes» de jadis.

Les écrits de Voltaire concordent avec DIE ZEIT, en élevant le Scalp au niveau du Walhalla du dieu Wotan :

Revenons maintenant aux tueries du Massachusetts. La plus ignoble, de par la personnalité des scalpés, fut celle des Narragansetts et de leur allié «King Philip» en 1675-77. Ce «King Philip» était le fils du chef Massasoit, dont la tribu avait sauvé justement de la mort par la faim et le froid les pères et mères des tueurs. C'est le théologien Cotton Mathers, maître à penser de la Nouvelle Angleterre, qui menait l'ambiance sadique pendant laquelle il exhibât la tête de «King Philip» et s'empara d'un morceau de sa mâchoire en souvenir (6). Ce Cotton Mathers était à ce moment la tête pensante de la colonie, en même temps que son Grand Inquisiteur. Comment aurait-il pu être humain envers les Peaux-Rouges, alors qu'en 1692 il avait fait pendre en quatre mois treize hommes et six femmes (les «sorcières de Salem») parmi les colons, pour péché de sorcellerie (7) ? Calviniste, il avait appris le grec et l'hébreu pour étudier la Bible dans le texte, au lieu de se contenter du latin mais rester humain. A la suite d'un massacre perpétré par ses ouailles à son exemple sur un village indien qu'ils attaquèrent par surprise la nuit, il rendit grâce à son dieu «de lui avoir permis d'envoyer en un jour 600 païens en Enfer» (8).

C'était cela la Nouvelle Angleterre des XVIIme - XVIIIme siècles, bien qu'au 19e siècle elle essaya de donner des leçons d'humanité aux tueurs d'Indiens de l'Ouest. Les Peaux-Rouges luttèrent pour défendre leur vie avec le courage du désespoir et des valeureux chefs qui étaient à leurs têtes.

Les Algonquins, une fédération composée d'une centaine de tribus parlant une quarantaine de langues et avec une culture s'approchant de celle des Aztèques, avaient déjà été décimés durant les guerres que se faisaient en Amérique du Nord les rois de France et d'Angleterre. Ils avaient lié leur sort à celui des Français contre les Anglais, croyant que ceux-là valaient mieux que ceux-ci. Hélas ! Quand ces deux visages pâles firent la paix, les pauvres Algonquins furent trahis par leurs alliés français sur le tapis vert où fut conclu le Traité de Paris de 1763. Ils continuèrent la lutte contre les Anglais sous leur chef Pontiac qui réussit à réunir, entre autres, les tribus Ottawa, Micmac, Delaware, Wyandot. Ils furent cependant anéantis par les Anglais avant l'INDEPENDENCE DAY. Les Iroquois, alliés des Anglais contre les Français et après contre les Américains, furent abandonnés à leur tour par les Anglais. Leur chef Thayendanegea continua la lutte, qui ne pouvait naturellement finir autrement que par la loi du mieux armé.

Vint le tour des Cherokees et des Creeks, qui après avoir été décimés, furent repoussés dans les années 1820 au-delà du Mississipi, vers l'Ouest, au slogan TO THE WEST, qui était alors l'inconnu redouté de tout le monde. Ils s'étaient accrochés avec désespoir à leurs terres ; on fut impitoyable, utilisant le raisonnement : «il est impossible de laisser à ces quelques centaines de milliers d'indigènes condamnés à la stagnation et à la barbarie ces terres qui sont les plus riches du Monde» (9). Ce fut l'illustre Président Andrew Jackson qui avant d'être porté à la Présidence organisa l'extermination des Cherokees et des Creeks par la méthode devenue classique pour lui : moitié à coup de fusil moitié à coup d'interprétations de ses signatures apposées sous les traités conclus avec les Indiens.

La campagne électorale de Jackson se fit sous le signe de la glorification de ses mérites de meilleur tueur d'Indiens que le candidat concurrent. C'est comme tel qu'il fut élu président des USA. On faisait encore en 1946 son éloge de champion des tueurs d'Indiens en ces termes dans les manuels scolaires américains : «Le général Andrew Jackson, un frontiersman du Tennessee qui n'aimait rien de mieux que la chasse à l'Indien (Indian hunt)» (10). D'autres préfèrent la chasse au garenne. Ils ne seront jamais de grands hommes ! Avec quel lyrisme on dépeint l'«ère jacksonienne», la «Démocratie jacksonienne». Quelle leçon de «Morale» ! Ou de démoralisation plutôt quand on sait qu'il s'agissait d'un homme qui en signant un Traité avec les Indiens faisait toujours suivre sa signature du serment qu'il la respecterait «aussi longtemps que l'eau coule et l'herbe pousse» (as long as the grass grows and water runs), et JAMAIS il ne respecta un Traité quand il avait intérêt à le violer. C'est sous sa Présidence que fut promulguée la Loi INDIAN REMOVAL ACT, en 1830. «Removal» = déménagement. Un euphémisme pour l'expropriation associée à l'extermination. Les Indiens qui survécurent à cette Loi jacksonienne l'appelèrent - en traversant le Mississipi pour se réfugier vers l'Ouest - THE TRAIL OF TEARS, le sentier des larmes. Après les Cherokees et les Creeks se fut le tour des Seminoles...

1/. Cette hantise des rouges de peau se retrouva peut-être, après la dernière guerre mondiale, dans l'hystérie macarthiste contre les rouges de la politique, qu'on appela aussi «les Rouges» comme les Indiens. Ce fut au cri pathologique de «voilà les Rouges» que James Forestal, ex-Premier Secrétaire de la Défense des Etats Unis, s'est jeté dans le vide su haut d'un gratte-ciel en 1949. Serait-ce le Grand Esprit des Sioux qui s'est vengé?
2/. NdC : L'Église Méthodiste a depuis demandé pardon aux Indiens pour les exactions commises par J.W. Chivington.
3/. ENTERRE MON COEUR A WOUNDED KNEE, coédition Stock-Opera Mundi 1973, pages 120 à 126.
4/. Mon dictionnaire anglais (J.Mc Laughlin de chez Garnier) est plus pudique. Il ne donne pas les Indiens d'Amérique comme coutumiers du fait. J'ai même consulté un dictionnaire américain (éditions Henry Holt & Co., New York) datant de 1876, siècle de l'extermination des Peaux-Rouges. Il est aussi discret que l'anglais sur ce sujet.
5/. Voltaire, ESSAI SUR LES MŒURS, éditions Garnier 1963, tome I, page 363.
6/. William Z. Foster, OUTLINE POLITICAL HISTORY OF THE AMERICAS, International Publishers, New York 1951, page 213.
7/. Idem, page 99.
8/. Gerhard Ludwig, MASSENMORD IN WELTGESCHICHTE, Stuttgart 1951, page 45.
9/. D.S. Muzzey, A HISTORY OF OUR COUNTRY, éditeurs Ginn &Co., Boston 1946, page 36 (manuel scolaire).
10/. Idem, page 252, note 1.

d) Paroles bafouées et massacres.



«Durant sept ans les soldats entraient dans les marais, seulement pour y trouver la défaite et dans certains cas la mort. Sept généraux tombèrent, parmi lesquels il y en avait qui étaient les meilleurs de l'armée régulière. A la fin, les États Unis reconnurent leur défaite. Osceola, le grand chef Seminole, fut invité à la conférence de paix, SOUS LA GARANTIE D'UN SAUF-CONDUIT ; mais il fut aussitôt frappé à la tête, lié, jeté dans un donjon, où il mourut l'année même. N'oubliez pas que tout cela fut l'oeuvre d'une Armée sous les ordres directs du Président des États Unis (Jackson)» (1)

C'est ainsi que le président de l'ère jacksonienne eut sa petite vengeance de grand homme. Comme l'eut le général Custer, en faisant assassiner 350 femmes et enfants, pour atteindre l'immortalité dans la Galerie des héros des États Unis (2).

Après l'assassinat d'Osceola il fallait continuer à «libérer» les terres de leurs occupants Seminoles et se venger des Noirs fugitifs. Cette besogne fut confiée au général Zacharie Taylor, élevé lui aussi par la suite à la plus haute dignité de la Nation, à la Présidence de la République, en récompense de ses mérites de meilleur tueur de Peaux-Rouges que son concurrent aux élections. Non seulement tueur d'Indiens des États Unis, mais également d'Indiens du Mexique, qui venaient à peine de secouer le joug du colonialisme espagnol.

Un autre Président des États Unis élu pour ses mérites de meilleur tueur d'Indiens, fut en 1840 le général William Henry HARRISON. Le succès de sa campagne électorale orchestrée par SEWARD (3), de l'aile gauche du parti d'Abraham Lincoln, fut lié au slogan : «Harrison, le héros de Tippecanoe». C'est en effet à Tippecanoe que Harrison attaqua traîtreusement (le Dragon Angle était bien armé, mais la traîtrise était la pièce maîtresse de sa panoplie) le Chef Algonquin Tecumseh, dont le peuple, combattants et non-combattants, fut littéralement massacré par les hommes de Harrison. Tecumseh tué, il fut dépouillé, et sa peau servit à fabriquer des cuirs pour aiguiser les rasoirs.

Des Algonquins transportons-nous maintenant chez les Apaches. Pauvres Apaches ! «INDIENS SAUVAGES ET SANGUINAIRES» lit-on dans le dictionnaire espagnol Espasa-Calpe. Complétons encore une fois ses informations en nous référant à Dee Brown. La félonie des visages pâles envers le chef apache Cochise (invité à des «pourparlers de paix» pour subir le sort d'Osceola) n'avait pas servi de leçon au «sanguinaire»(?) apache Mangas. Arrêté en arrivant au rendez-vous sous la tente du capitaine de l'armée américaine Shirland, sur le sommet de laquelle flottait un drapeau blanc, il passa de vie à trépas dans la nuit suivante, sur ordre du général Joseph West, qui avait dit aux gardes : «demain matin je le veux mort». Et voici comment est mort Mangas, un vieillard, qui ne voulait que la paix avec les Américains - à son âge il n'avait plus envie de se battre.

«Les soldats chauffaient leurs baïonnettes dans le brasier avant de les appliquer sur les jambes et les pieds de Mangas. Après avoir enduré ce supplice à plusieurs reprises, le vieillard se dressa et protesta en espagnol de façon véhémente, disant aux sentinelles qu'il n'était pas un enfant avec lequel on s'amusait. Mais à peine avait-il crié son indignation que les deux hommes posèrent leurs mousquetons puis tirèrent presque en même temps sur leur victime. Lorsque Mangas s'effondra en arrière, les gardes vidèrent leurs pistolets dans le corps affalé. L'un des deux soldats le scalpa, l'autre lui coupa la tête et la fit bouillir afin de vendre plus tard le crâne à un phrénologue de l'Est. Ils jetèrent le corps décapité dans un trou. Le rapport officiel disait que Mangas avait été tué au cours d'une tentative d'évasion.» (4)

Parmi les Peaux-Rouges le calvaire des Apaches fut des plus douloureux. En 1873 encore, les Apaches des tribus Tontos et Aravaipa «furent encerclés et leurs femmes et enfants criblés de balles» (5). Un autre chef Apache, Eskiminzin et son petit clan de cent cinquante subirent le même sort (6). Pourquoi ? Parce que :

«Tucson, en 1871, était une oasis de 3.000 trafiquants : cabaretiers, marchands, entrepreneurs, chercheurs d'or, et de quelques profiteurs qui avaient fait fortune pendant la guerre de Sécession, et qui espéraient en faire autant grâce à une guerre contre les Indiens.» 

«Dans l'ensemble ils étaient hostiles à l'existence de districts où des Apaches travaillaient pour subvenir à leurs besoins et vivaient an paix. De telles conditions entraînaient la réduction des forces militaires et, de ce fait, une diminution des profits de guerre
(7) Alors,
«Des hommes mis en position sur le terrain en contrebas ouvrirent sans tarder le feu sur le village, et dès que les Apaches se sauvèrent en courant, un feu roulant tiré du haut des falaises leur coupa la route. En l'espace d'une demi-heure tout était fini. Les Apaches qui n'avaient pas réussi à fuir étaient tués ou faits prisonniers...»

«Lorsque Whitman arriva au village, celui-ci brûlait encore et le sol était jonché de cadavres de femmes et d'enfants mutilés. 'J'ai découvert (témoigne le lieutenant Whitman) de nombreuses femmes abattues dans leur sommeil couchées sur des bottes de foin qu'elles avaient ramassées le matin même. Les blessés qui n'avaient pu se sauver avaient le crâne défoncé à coup de massues ou de pierres, tandis que d'autres étaient criblés de flèches après avoir été mortellement blessés par balles. Tous les corps étaient dépouillés de leurs vêtements.»
«Le chirurgien C.B. Briesly, qui accompagnait le lieutenant Whitman, raconta qu'un bébé de six mois avait reçu deux balles et l'une de ses jambes était presque arrachée.» (8)

Tout cela ne s'est pas passé durant les «ténèbres du moyen âge», mais après la Renaissance et le Siècle des Lumières. Le lieutenant Whitman qui eut le courage de tout démasquer et le faire enregistrer dans les documents officiels, était un Don Quichotte. On le punit en brisant sa carrière militaire, pour lui apprendre qu'on ne tolérait pas de gêneurs.
Je regarde encore ce gros manuel scolaire américain de 1946 de Muzzey (9), professeur à Columbia University. On y lit :
«Ce fut un triste évènement que le massacre du général George A. Custer, avec sa force de 264 hommes, par les Indiens Sioux, sous leur chef Siting Bull, à Little Big Horn, au Montana, le 25 Juin 1876. Il a fallu 20 ans de batailles menées par quelques-uns des meilleurs généraux de la guerre civile et coûta au gouvernement 20.000.000 de Dollars avant que les hommes rouges fussent finalement pacifiés.»

«Des hommes rouges finalement pacifiés». Repose en paix «homme rouge», l'homme blanc t'a pacifié en tuant tes enfants et en déchirant le ventre de ta femme. Quand on massacrait des Indiens des professeurs d'Histoire appelaient cela «pacifier» dans leurs manuels scolaires. Mais quand des «hommes rouges» faisaient Justice de leurs «pacificateurs», ils appèlaient cela «massacre». Quel malheur que les Peaux-Rouges n'aient pas fait Justice de Custer avant qu'il perpétue ses crimes ! Quel dommage qu'on n'ait pas érigé alors un Tribunal de Nürnberg comme on a fait pour les criminels de guerre nazis !

Custer-les-fesses-dures, comme l'appelaient les Indiens parce qu'il était un «dur» pour les longues chevauchées, était possédé par la manie de collecter les scalpes d'Indiens. Il sévissait sous les ordres du générai Phil Sheridan au célèbre slogan : «IL N'Y A DE BON INDIEN QUE D'INDIEN MORT» (10), et il était un subordonné modèle. C'est pour cela qu'on donna son nom à une ville, comme firent les Espagnols avec Valdivia (voir le paragraphe «Les Dix Plaies d'Égypte»). Le lieutenant-colonel du 7e régiment de cavalerie Armstrong Custer avait reçu ordre du général Phil Sheridan de sévir contre les Indiens de la tribu de Chaudron-Noir :

«Les ordres que Custer avait reçus de Sheridan étaient explicités : 'progresser vers le Sud en direction des Antilope Hills, puis vers la Washita, quartier d'hiver supposé des tribus hostiles ; détruire leurs villages, massacrer ou prendre tous les guerriers et faire prisonniers les femmes et les enfants'.»

«En l'espace de quelques minutes les soldats de Custer détruisirent le village de Chaudron-Noir. Ne tuer ou ne prendre que les guerriers les obligeait à les séparer du reste des villageois - vieillards, femmes et enfants. Ils estimaient que c'était là une tâche trop dangereuse et qui prendrait trop de temps ; aussi jugèrent-ils plus efficace et plus sûr de massacrer tout le monde aveuglement, sans faire de distinction. Ils tuèrent ainsi cent trois Cheyennes, or onze seulement parmi eux étaient des guerriers.» (11)
Quand il ne resta plus grand chose en vie, un des survivants fit la déclaration suivante au Reverend W.J. Cleveland :
«Ils nous ont fait des promesses plus que je n'en puisse me souvenir ; mais ils n'en respectèrent qu'une seule : ils s'étaient promis de prendre nos terres, et ils les ont prises.» (12)

Et voici comment ils les ont prises :
«Chaque butte cachait une forme humaine déchiquetée par des Schrappels et des balles de carabine, couverte par du sang coagulé, et congelée en des contorsions de mort violente. Ils étaient de tout âge et de tout sexe. L'assaut à décharge de fusils et canons ne ménagea personne. Paddy Starr trouva trois femmes enceintes criblées de balles. Une autre femme avec son abdomen envolé. Un garçonnet de dix ans avec un bras, une épaule et la poitrine déchiquetés par un obus. «D'autres firent des découvertes similaires.» (13)

À la page suivante du même ouvrage on lit qu'
«Il y a eu en tout 146 morts, 102 hommes et femmes adultes, 24 hommes vieux, 7 vieilles femmes, 6 garçons entre 5 et 8 ans et 7 bébés au-dessous de 2 ans. Leurs corps furent jetés sans cérémonie dans une fosse. 'C'était à fendre le coeur d'un homme, même s'il était en pierre', dit un observateur de la scène, 'de voir des petits enfants avec leurs corps cribles de balles jetés nus dans un trou'. Quand le dernier corps roula dans la fosse, les blancs s'alignèrent autour d'elle pour prendre des photos. Après cela ils jetèrent des pelletées d'immondices dessus et chevauchèrent de retour à l'Agence.»
Ils ne s'alignèrent pas pour pleurer, mais pour prendre des photos. Ces appareils photo à eux seuls prouvaient à certains que notre civilisation était supérieure à celle des Indiens...

1/. Clarc Wissler, INDIANS OF THE UNITED STATES, cité par William Z. Foster, OUTLINE POLITICAL HISTORY OF THE AMERICAS, International Publishers, New York 1951, page 218.
2/. Le procédé de Andrew Jackson n'est pas une félonie spécifiquement américaine. Elle fut courante au sein du «monde civilisé» dans ses rapports avec les «peuples primitifs». La même méthode fut employée par Napoléon le Grand bien avant Jackson, pour se venger de Toussaint l'Ouverture, le général Noir, qui au service de la Révolution française avait défendu avec succès Haiti contre les anglais du général Maitland (appelés par les planteurs esclavagistes français) et avait battu par la suite à plate couture les soldats de l'"Aigle d'Austerliz"...
3/. Seward était le grand théoricien du TO THE WEST, vers le Pacifique, et de là «jusqu'aux plaines d'Asie»...
4/. Dee BROWN, ENTERRE MON COEUR A WOUNDED KNEE, coédition Stock-Opera Mundi 1973, page 257.
5/. Idem, page 267.
 6/. Idem, page 260.
 7/. Idem, page 262.
8/. Idem, page 264, (Ministère de l'Intérieur des USA, Rapport de 1871, page 488).
9/. D.S. Muzzey, A HISTORY OF OUR COUNTRY, éditeurs Ginn &Co., Boston 1946, page 459.
 10/. Charles & Mary Beard, THE RISE OF AMERICAN CIVILISATION, The Macmillan Company, New York 1927-1947, vol. II, page 131.
11/. Dee BROWN, ENTERRE MON COEUR A WOUNDED KNEE, coédition Stock-Opera Mundi 1973, page 222.
12/. Robert M. Utley, THE LAST DAYS OF THE SIOUX NATION, Yale University Press, 1973, page 59.
13/. Idem, pages 2 et 3.

e) Le bilan.


Les Sioux adoraient Dieu en dansant et chantant pour s'unir a Lui. «Shocking» dirent nos «chrétiens» américains. Manque-t-on de respect envers Dieu en dansant devant Lui ? La seule prière possible doit-elle être à genoux comme faisaient Chivington, Custer, Sheridan, Jackson et d'autres éminents «chrétiens» massacreurs d'Indiens ! Pour punir les Sioux de leurs soi-disant «profanations», on décréta la peine de mort pour tout danseur de Ghost Dance. Les massacreurs étaient tous de fervents et assidus lecteurs de la Bible Hébraïque, ou Ancien Testament (1), mais ce qu'ils privilégiaient dans leurs pieuses lectures était les passages dans lesquels sont décrits l'art et la manière d'égorger des femmes et des enfants, par exemple 2Samuel XV-3 et Nombres XXXI-17/18, non les passages des Saintes Écritures où
«David et toute la maison d'Israël jouaient devant Jéhovah de toute sorte d'instruments, et David, au milieu des réjouissances, dansait de toute sa force devant le Dieu d'Israël». (2Samuel VI-5 et 15-14)

Les Juifs fervents dansent encore aujourd'hui devant JHWE. Les vieux Nehibim hébreux dansaient en extase devant l'Éternel (1Samuel X-5-6 et 2Rois III-15). Les prophètes de Baal à Tyr dansaient (lRois XVIII-26). Les Derviches Musulmans adorent Allah en dansant. La mythologie grecque faisait également danser les prêtres de Cybèle, les Corybantes, devant leur patronne, déesse de la Terre et mère du dieu de la Lumière Zeus ; Cybèle était la «Magna Matter» des Romains. De même les Vestales dansaient à Rome autour du Feu Sacré.
Et pourquoi ne pas danser devant Dieu ? Il est émouvant de voir la fervente allégresse des Africains catholiques qui dansent devant le Christ. Les Gitans de Séville, des plus fervents parmi les chrétiens, adorent le Christ en dansant devant Lui. Les Indiens du Mexique vont tous les 12 décembre devant la «Virgen de Guadalupe», en pèlerinage, en marchant sur les genoux pendant des kilomètres ! Ils y arrivent, les genoux ensanglantés, avec des larmes dans les yeux, et ils dansent alors, enivrés d'allégresse, devant la Mère du Christ 
Çiva dans la mythologie indienne, crée le monde en dansant.
Revenons aux Sioux. Après les avoir «pacifiés» on les jeta dans une fosse et on les couvrit d'immondices. Pour perpétuer leur souvenir, au lieu d'avoir honte, quand on parle d'eux aujourd'hui, on dit : «ruse de Sioux».
«Toutes ces guerres coloniales contre les Indiens furent poursuivies avec une férocité désespérante. Les colons blancs se surpassèrent en sauvage brutalité, massacrant en masse des non-combattants, hommes, femmes et enfants, torturant les prisonniers et les brûlant sur le bûcher.» (2)

«THE SAVAGE MUST GO», les sauvages doivent partir, disparaître et même leurs bisons. On avoue, même dans les manuels scolaires américains, qu'on a détruit volontairement leurs bisons «desquels ils dépendaient pour leur viande, leurs vêtements et leurs tentes» (3). Et le professeur d'Histoire qui rédigea ce manuel scolaire jadis trouvait tout à fait normal d'exterminer des bisons, pour faire mourir les Indiens de Faim et de Froid, quand ils ne pouvaient les atteindre par le fer et le feu. Après tout cela, comment justifier encore que ce soient les Peaux-Rouges que l'on traitait de «sauvage» dans la Déclaration d'Indépendance.

En fait, tout s'est déroulé entre deux Déclarations officielles :

1/. Par ordonnance de la jeune République des États Unis (1787),
«Le maximum de bonne foi doit être observée envers les Indiens ; leur terre et leur propriété ne doivent jamais leur être prises sans leur consentement.»
2/. Quatre vingt dix ans après cette Déclaration solennelle, une fois que l'extermination à 90% des Peaux-Rouges fut un fait accompli, dans un message au Congrès des USA, le Président R.B. Haynes déclara laconiquement :
«Beaucoup, si non la plupart, de nos guerres avec les Indiens ont eu pour origine des promesses non-tenues et des actes d'injustice de notre part.» (4)

Belle consolation posthume ! On perpétua le souvenir des Indiens en donnant leurs noms à des États ou des villes : Dakota, Delaware, Ottawa, Wyoming, Sioux, Utah et autres, et même à une marque d'automobiles.

Tout cela ne perpétua que le souvenir de l'ethnocide. Quant aux descendants Indiens des survivants du génocide, ils vécurent la commémoration des 200 ans de la date du Feu Vert pour la «pacification» radicale, en compagnie des descendants des «pacificateurs». Le Bicentenaire du 4 juillet 1776, de l'INDEPENDENCE DAY, fut fêté par un gigantesque Carnaval :
«The Biggest in The World» (le plus grand du Monde), comme tout ce qui se fait aux USA.

D'après Newsweek, 25.000.000 de citoyens des États Unis ont été d'accord pour collaborer à l'organisation de ce Bicentenaire, armés de toute la panoplie de leur folklore. Rien n'y manqua. Ni les costumes de «chevaleresques» Cow Boys ni ceux des «fourbes» Indiens. Mais les quelques Peaux-Rouges descendants des survivants qu'avaient-ils à voir avec ces «Injuns» de Carnaval ? Que pouvaient-ils commémorer, eux ? Les Vols, les Viols, les Trahisons, les Massacres, les Fourberies des criminels de guerre Sheridan, Custer, Chivington, Jackson, Taylor, Harrison ? Et j'en passe. Et les 6.000.000 de Chicanos qu'ont-ils célébré ? La joie d'être traités par les WASPs de «Greasballs» sur les terres arrachées à leur patrie mexicaine en 1848 ? Et les «Niggers» ? Que pouvaient-ils célébrer ? La victoire des esclavagistes Américains sur les marchands d'esclaves Britanniques ?

En fait, toutes ces injustices sont l'oeuvre de ce qu'on commémora au Bicentenaire. Car, en 1776, par «Droits de l'Homme» on n'entendait que le droit des WASPs à exterminer les Peaux-Rouges et à maintenir en esclavage les Noirs.
Tout cela est l'interprétation des droits de l'homme que fit le Dragon Angle, célébrés maladroitement au Bicentenaire, et ce n'est pas son traditionnel «GOD BLESS AMERICA» (Dieu bénisse l'Amérique) qui y changera quoi que se soit.

1/. Beaucoup se prénommaient et se prénomment Abraham, Isaac, Jacob, Dav (David.), Sam (Samuel), «oncle Sam», Dan (Daniel), Ben (Benjamin), malgré l'antisémitisme au grand jour hier et larvé aujourd'hui.
2/. J. Frost, «INDIAN WARS OF THE UNITED STATES», cité par William Z. Foster, OUTLINE POLITICAL HISTORY OF THE AMERICAS, International Publishers, New York 1951, page 25.
3/. D.S. Muzzey, A HISTORY OF OUR COUNTRY, éditeurs Ginn &Co., Boston 1946, (manuel scolaire), page 459, note 1.
4/. Charles & Mary Beard, THE RISE OF AMERICAN CIVILISATION, The Macmillan Company, New York 1927-1947, volume II, page 131.

SOURCE :
Web : basile-y.com
© 2000 Copie autorisée si sans modification et si auteur Basile Y. cité
http://www.basile-y.com/auteur/indiens.html

Dr. Mohamed ZEMIRLINE

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