INDIENS ET BARBARES
Le génocide Amérindiens et
la spoliation de leur continent.
BASILE Y. basile-y.com
Partie 04/ 05
II. L'«APOCALYPSE»
II. 1/. LE
DRAGON WISIGOTH EN AMÉRIQUE LATINE
a) les bases «légales» du
génocide.
En Amérique du Sud
«...tuant grand nombre (d'Indiens) en temps de
paix, les jetant aux chiens (pour être dévorés), les brûlant, coupant des
mains, des pieds, des nez et des seins, violant leurs femmes et leurs filles,
mettant le feu à leurs maisons, saccageant leurs semailles; de sorte qu'ils
meurent de froid et de faim, et ne leur resta plus que s'accoutumer, de pure
nécessité, à se manger les uns les autres.» (1)
En Amérique Centrale
«La puanteur des cadavres morts dans les mines fut si
grande que cela amena la Peste ,
surtout aux mines de Huaxicán, une demi-lieue aux alentours desquelles à peine
il y avait place pour marcher ailleurs que sur des cadavres ou des ossements.» (2)
A gauche, l'apport civilisateur de l'homme
blanc : obliger les Indiens à devenir anthropophages, obligation attestée
par le rapport ci haut, à gauche, du juge de l'Audience de Lima, le Licenciado
Fernando de Santillán, daté du 4 Juin 15 59.
A droite, c'est le doux franciscain Motolinia, dévoué
admirateur de Cotés qui parle. Le titre «APOCALYPSE» de cette partie est reprit
de ses écrits (3),
tel qu'il appréciait le Malheur que fut la Conquista pour les Indien. Les lignes ci-dessus
du père Motolinia et du juge à l'Audience de Lima sont un modèle de ce que fut
la «pacification» et la «christianisation» après les violences de la Conquista.
1/.
La ENCOMIENDA. On
«encomendait» aux soins d'un encomendero un certain nombre d'Indiens afin qu'il
les «christianise» en leur apprenant à mourir à la tache pour mériter le
Paradis, après avoir été baptisés (la plupart des temps à la chaîne) par
milliers à la fois.
2/. LE REPARTIMIENTO. Comme le Pape des conquistadores
Alexandre VI avait réparti le Monde entre Espagnols et Portugais, à son
exemple, ses fils spirituels se répartissaient les Indiens en les marquant au
fer rouge de la marque de l'encomendero. On fit aux Indiens sur leurs terres
des «guerres justes» pour justifier la mise en esclavage de «prisonniers de
guerre», et cela au moyen de la troisième tête du Dragon Wisigoth : le
requirimiento.
3/. REQUIRIMIENTO. On arrivait armés à outrance au
sein d'une agglomération d'Indigènes aux corps nus et sans armes, où personne
ne comprenait un mot d'espagnol, et un «Avoué de Sa Majesté» leur requérait ce
qui suit (en résumé) :
«Dieu créa le monde en six jours. Les hommes ayant péché, il envoya son Fils sur Terre pour leur Rédemption. Des méchants tuèrent le Fils de Dieu, qui, retournant au Ciel, laissa sur Terre pour le représenter, Saint Pierre. D'autres hommes ayant tué Saint Pierre aussi, il alla à son tour au Ciel, d'où il se fait représenter maintenant à Rome par notre Saint Père Alexandre VI.
Ce
morceau-modèle de morale est HISTORIQUE. Les Indiens n'y comprenant rien (4), ils
regardaient les conquistadores avec curiosité, se demandant ce qu'ils voulaient
bien dire - il n'y avait pas encore d'interprètes. Alors on faisait dresser un «constat»
par l'«avoué de Sa Majesté» sur la «Rébellion» des Indiens contre la Couronne de Castille.
Rebelle à Sa Majesté était considéré tout chef Indien qui n'acceptait pas que
de son peuple on fasse des esclaves ; ou celui qui avait dit oui au
Requirimiento sans y avoir rien compris, et s'était «désavoué par la suite».
Ils étaient alors traités en conséquence. Las Casas rapporte même qu'un
Couraca (chef Indien d'Amérique du Sud) avait répondu au conquistador
Martin Fernandez de Encico :
«Ce Saint-Père là, comme vous
l'appelez, devait être fou ou ivre au moment où il a distribué des terres qui
ne lui appartenaient pas.»
Et
Voltaire intellectualisa cette farce par les vers ci-dessous :
«Tu vois de ces tyrans la fureur
despotique :
Il pensent que pour eux le Ciel fit
l'Amérique.
Qu'ils en sont nés les rois : et
Zamore à leurs yeux,
Tout souverain qu'il fut, n'est qu'un
séditieux.» (5)
Tout
«séditieux» méritait donc qu'on fasse une «guerre juste»à son peuple avec de
lourdes épées sur des corps nus. C'était vite fait, et on n'avait plus qu'à
allonger les bras pour ramasser les «prisonnier» bons à marquer
au fer rouge de l'esclavage. Sepúlveda, qui, corrompu par les conquistadores
avait «scientifiquement» élaboré la théorie des «guerres justes», en dehors des
largesses de Cortés,
«Le
huit février 1554, le Conseil Municipal de Mexico lui envoya de la joaillerie,
des vêtements valant 200 pesos 'en remerciements pour le passé et pour
l'encourager pour l'avenir'.» (6)
La
haine de Sepúlveda envers Las Casas et les Indiens était payante !
Une fois les Indiens «pacifiés», on n'avait plus qu'à lutter entre
conquistadores pour avoir la plus grande part au REPARTIMIENTO. Pour ce
qu'était ce repartimiento, laissons un ex-encomendero nous l'expliquer, un
encomendero repenti et devenu moine pour l'absolution de ses péchés d'encomendero :
Jacinto de San Francisco. Ex-compagnon de Cortés, il avait été récompensé de
ses tueries d'Indiens par un repartimiento de survivants, et se mit à les faire
travailler dans les mines. Cependant, il lui restait un peu de l'Éthique des «nuits
du moyen âge». S'étant rendu compte que son état d'encomendero était une
négation des enseignements du christianisme, sincère croyant, il se repentit
d'avoir fait mourir des hommes au travail. Il abandonna tout et entra sous les
Ordres de St François d'Assise. Dans une lettre envoyée à Philippe II le 15 juillet 15 61,
il lui écrivit qu'après la
Conquista , lui et 23 de ses compagnons reçurent une
encomienda d'Indiens au repartimiento. Retourné quelques années après à cette
encomienda où étaient installés ses compagnons, il avait dû constater qu'il n'y
restait plus que 13 Indiens survivants, et que la région était complètement
dépeuplée. Le Père Pedro de Cordoba avait donc raison d'écrire, en sa qualité
de Provincial des Dominicains de la
Colonie au Cardinal Jimenez de Cisneros que : «les
Espagnols ne peuplent pas mais dépeuplent les Indes (Occidentales)» avec
le repartimiento, en ajoutant à sa lettre au Régent du Royaume :
«Les femmes ont travaillé
et travaillent sur ces terres tant et plus que les hommes, et cela demi nues,
sans manger, sans avoir de quoi se coucher, et même enceintes et ou après avoir
accouchées. Même Pharaon et les Égyptiens ne commettaient pas de telles
cruautés envers le peuple d'Israël.» (7)
On
lit sous la plume de Jeronimo de Mendieta (Historia Eclesiastica Indiana)
que «si un Indien était malade on lui disait qu'il mentait comme un
chien d'Indien...». Même le vice-roi du Pérou, le marquis de
Cañete, qu'on ne peut soupçonner de sympathie pour les Indiens, écrivait le 15 février 15 56 à
Philippe II :
«Que Votre Majesté comprenne qu'il ne
suffirait pas d'un Vice-Roi pour chaque colon, pour l'empêcher qu'il vole,
maltraite et tourmente les Indiens. Et si cela continue, il se passera la même
chose que sur l'Ile de Santo Domingo.»
(8)
Par
Santo Domingo il entend La
Española (actuellement Haïti/Saint Domingue), où il
n'est pas resté un seul survivant autochtone. Ceux amenés par la suite du
continent en esclavage furent exterminés à leur tour, ce qui explique qu'on ne
voit plus aujourd'hui aux Antilles que des survivants
d'esclaves Noirs. C'était cela le repartimiento que le père Jeronimo de
Mendieta juge comme suit :
«De
toutes les pestes, rougeole, syphilis, goitres et typhus (maladies importées de
l'Europe) la pestilence la plus redoutable fut le repartimiento.» (9)
Ce
repartimiento inauguré par Colomb aux Antilles, après avoir eu pour conséquence
l'extermination TOTALE des habitants initiaux des Iles, s'installa au Nord du
continent d'Amérique du Sud sous le même nom. Passé plus loin, au Pérou, il
devint la MITA. Mais
ce ne fut qu'un changement de nom (10). Ainsi,
encore en 1781, trois siècles après son initiateur Colomb,
«Les
Indiens de vieille souche inca souffraient toujours de l'horrible tourment de
la «mita», qui était ni plus ni moins que le repartimiento de jeunes, les plus
sains et les plus robustes, entre les Espagnols propriétaires de mines. De
sorte que chaque année les gouverneurs mettaient la main sur ces malheureux,
qui, sans appel ni décharge, étaient enterrés vivants dans les mines, d'où ils
ne sortaient qu'impotents, décrépits ou morts.» (11)
1/.Cité par Alejandro Lipschutz dans EL
PROBLEMA RACIAL EN LA
CONQUISTA DE AMERICA, éd.Siglo XXI, Mexico 1975, page 121.
2/. Motolinia, MEMORIALES, éditions UNAM, Mexico 1971, page 29.
3/. Idem, page 28.
4/. Quand l'interprète de Pizarro traduisit cela à Atahualpa, l'Inca du
Pérou lui répondit : «qu'est-ce que ce Dieu qui se fait tuer par des
hommes ? Le mien est le soleil, personne ne peut le tuer ! »
5/. Voltaire, Alzire, acte 4, scène 3.
6/. Actes du Conseil Municipal de Mexico, cités par Juan Friede dans
«Bartolomé de Las Casas, PRECURSOR DE L'ANTICOLONIALISMO», éditions Siglo XXI,
Mexico 1974, page 196.
7/. Cité par Juan Friede dans «Bartolomé de Las Casas, PRECURSOR DE
L'ANTICOLONIALISMO», éditions Siglo XXI, Mexico 1974, page 35.
8/. Idem, page 206.
9/. Idem, page 242.
10/. Le mot quechua MITA perdit chez les encomenderos la signification
noble qu'il avait chez les Incas, de protection des travailleurs. On a
tout détruit chez les Indiens en les «civilisant», même leur langue !
11/. Vic. F. Lopez, MANUEL DE LA HISTORIA ARGENTINA ,
Buenos Aires 1949, page 165.
b) Sadisme, traîtrise et avidité.
Ce fut justement en cette année 1781 que le légendaire Tupac Amaru s'est mis à la tête d'une insurrection contre
«La
répression fut épouvantable. Le sang des insurgés coula à torrents au Haut Pérou,
et les chefs du soulèvement ont eu leurs bras et jambes attachés à quatre
jeunes et vigoureux chevaux et arrachés vifs et palpitants de leurs troncs.» (1)
Les
Mongols tuaient aussi, mais en coupant tout simplement les têtes, sans sadisme.
Il est vrai qu'ils étaient des «sanguinaires barbares asiates». TUER est
malheureusement dans la nature humaine et animale. On tue pour vivre, on tue
par méchanceté, par bêtise, on tue chez les carnivores et omnivores de la Terre. Mais JOUIR de
la tuerie, observer avec une maladive curiosité les souffrances des suppliciés,
c'est du sadisme. Jadis on se bousculait pour se placer aux premiers rangs du
spectacle des Bûchers et des Écartèlements. Et combien d'autres signes
manifestes de sadisme, tels que les bouts d'acier fixés aux ergots des coqs
destinés à des combats bien populaires.
Le sadisme de ceux qui écartelèrent Tupac Amaru et ses compagnons au Haut Pérou avait été inauguré précisément dans la capitale des Incas Cuzco, par le «gran capitán de
«Il
prit une femme de l'Inca Manco, une jeune et jolie femme à laquelle celui-ci
était très attaché. Il ordonna qu'elle soit complètement dénudée, attachée à un
arbre, flagellée avec des verges, et lardée par la suite de flèches jusqu'à ce
que mort s'en suive.» (2)
A
son sadisme Pizarro ajoutait une autre «qualité», très
répandue chez ses pairs d'alors : la fourberie. Après avoir promis au
dernier des Incas, Atahualpa, la vie sauve contre une fabuleuse rançon, après
avoir reçu des sujets de cet Inca beaucoup plus d'or que la rançon demandée (3), il le fit
exécuter malgré tout par strangulation - au Garrote, comme on faisait récemment
encore en Espagne. Cette exécution fut une faveur pour Atahualpa
par rapport à celle bien plus cruelle que Pizarro lui réservait, et qui lui fut
épargnée par son acceptation in extremis du baptême. C'est ainsi que le dernier
des Incas régnant, devenu Juan de Atahualpa (4) échappa à
l'horrible sort du Bûcher que lui destinait l'aumônier de Pizarro Valverde.
Celui-ci avait été gratifié par Pizarro de l'évêché de Cuzco en vertu des
droits que le REALPATRONATO conférait au conquérant du Pérou. Cela vaut la
peine d'ouvrir ici une parenthèse sur les origines et le fonctionnement du
realpatronato qui faisait du roi d'Espagne le PATRON de l'Eglise espagnole. De
par cette capitulation du Pape-conquistador Alexandre VI en faveur de la Couronne d'Espagne, les
prêtres et hauts prélats de la
Colonie comme de la Métropole devaient obéissance à leur roi ou aux
représentants du royaume dans la
Colonie , vice-rois ou gouverneurs. Ils étaient nommés ou
déposés à volonté par leurs catholiques majestés ou leurs représentants sur
place. En outre, ce n'était pas à leurs supérieurs hiérarchiques en religion
qu'ils devaient prêter serment, mais aux rois ou à ceux qui les nommaient sur
place. Et une fois nommés au service de la Couronne , le Saint Siège n'avait plus qu'à
consacrer la nomination...
La conséquence de ce beau travail du Pape Borgia fut que d'une Eglise Universelle on avait fait une Eglise-Maison du roi d'Espagne, avec un clergé séculier de fonctionnaires du roi (5). C'est ainsi que Valverde fut consacré évêque de Cuzco par un Pizarro qui finit ses jours comme un voyou, lardé de coups de poignards par une bande rivale (6).
La conduite de Pizarro et de ses acolytes ne fut qu'une partie de l'Apocalypse. C'est à l'échelle continentale que le Dragon Wisigoth a semé la désolation. Motolinia, qui nous a dépeint une vision apocalyptique des mines de Huaxycán, était un sincère moine franciscain qui n'aimait pas que l'on parle trop de tout cela. C'était en même temps l'homme qui avait écrit à Charles Quint une longue lettre contre Las Casas, l'accusant de calomnier l'Espagne (7) ; lettre-réquisitoire dans laquelle il consacre une partie en éloges de Cortés. On s'imagine alors la réalité qui régnait en ces lieux, du Nord du Mexique au Sud du Chili, lorsque même Motolinia s'en indigne. C'est pour cela d'ailleurs qu'il lui est souvent donné la parole ici.
Celui qui se souvient de l'emploi de chevaux dans les mines en Europe encore au début du 20ème siècle, se rappellera aussi qu'il y avait alors une Société Protectrice des Animaux qui menait la lutte contre le procédé barbare qui consistait à enterrer vivants des animaux dans les mines. S'il n'y avait eu pas aux colonies espagnoles et portugaises d'Amérique des Ordres religieux protecteurs d'Indiens, ce n'auraient pas été les épouses des encomenderos qui auraient fondé une société protectrice de ces «chiens d'Indiens», comme elles les appelaient. Hélas ! Les protecteurs des Indiens ne purent qu'atténuer les conséquences de l'Apocalypse que porta le «monde civilise» aux Indiens.
«Les chiens vivaient mieux que les Indiens parce qu'aux chiens on donnait à manger mais pas à eux.» criait le père Pedro de Gante (8) en protestation contre la vie qu'on leur imposait. Et on fit tout cela par AVIDITÉ, par une soif pathologique de l'or. Fray Pedro de Gante écrivait au roi d'Espagne :
«Ils
sont les vassaux de Votre Majesté. Ils coûtent le sang du Christ. Jamais, en
aucune partie du Monde, on a vu imposer des tribus à des gens sur des biens
qu'ils ne possèdent pas. Ils sont tellement misérables, qu'ils n'ont que des
herbes et des racines à manger.» (8)
On
était avide de gagner le plus d'or possible et sans travailler, tout en
traitant les Indiens de paresseux. «C'est l'Avidité qui fut la cause de tant
de guerres» écrivait le chantre espagnol de LA ARAUCANA , Alonso de
Ercilla, un homme qui avait vécu ces guerres de tueurs d'Indiens. Les menteurs
de la Conquista
ajoutèrent de nombreux zéros aux chiffres sur les sacrifices humains faits par
les Indiens, pour mieux jouer aux «porteurs de civilisation». Mais Las Casas
leur répondit :
«Les Espagnols sacrifient à leur Déesse
AVIDITÉ plus d'Indiens en un an que ceux-ci commirent de sacrifices humains à
leurs idoles en cent ans.» (9)
Motolinia, faisant chorus avec les menteurs, écrivait
que «les Indiens sacrifient tous les trois quatre jours 80.000 hommes à leur
dieu Ahuizotl», c'est à dire plus de 20.000 par jour !... (10) Haut menteur
pour rester dans l'ambiance, mais retournant à son Christ il devient sérieux
pour protester contre le DEPEUPLEMENT des terres conquises,
et il dément ses propres mensonges en écrivant : «L'AVIDITÉ de nos
Espagnols a détruit et DEPEUPLÉ cette terre davantage que tous les sacrifices
humains et guerres homicides pratiqués du temps du paganisme» (11). C'était
l'intime ami de Cortés et pas l'«énergumène» Las Casas qui écrivait cela. La
cause du dépeuplement dont parle Motolinia fut le fait de les faire travailler
dans les mines sans leur laisser le temps de semer et planter. Ainsi, c'est
affamés qu'ils devaient arracher l'or aux entrailles de la terre, ou le
chercher dans les cours d'eau. C'était affamés qu'on les faisait plonger pour
la pèche aux huîtres perlières finissant souvent par apaiser, eux les affamés,
la faim des requins. Ce fut cette sorte d'esclavage qui causa le dépeuplement,
une sorte d'esclavage inconnu dans l'Histoire de l'Humanité avant la Renaissance. Avant
l'aube de cette ère nouvelle, en Europe comme en Asie, en Afrique ou ailleurs,
l'esclavage était une INSTITUTION sociale sans distinction de couleur, sans le
génocide d'une «race inférieure» par une «race supérieure». On n'était pas
esclave parce qu'on était Noir, Indien ou Canaque, mais parce qu'on appartenait
à la catégorie sociale des esclaves - souvent des blonds aux yeux bleus comme
les Anglais que, les voyant au marché d'esclaves à Rome : «ce n'est pas
des Anglos mais des Angelos (anges) qu'on devrait les appeler» s'exclamait le
Pape Grégoire le Grand. Très souvent même l'esclave s'incorporait à la famille,
comme la servante de Molière, comme les innombrables esclaves des Harems de
l'Islam qui sont devenues les mamans des futurs Sultans ou Khalifes. Quant à
l'Amérique, avant l'invasion des barbares Européens, l'esclavage y était tel
que même Motolinia trouvait qu'«il ne méritait pas son noms» :
«Ceux
qu'on appelait esclaves, ils leur manquaient beaucoup de conditions pour être
appelés tels. Ils avaient leur pécule, ils pouvaient acquérir une propriété,
fonder un foyer avec femme et enfants, et ne pouvaient être vendus qu'a
certaines conditions.» (12)
C'était
cela la «barbarie» des Indiens dont parlèrent nos historiens, et dont les
barbares Européens avaient été chargés par la providence de civiliser en «mettant
en esclavage jusqu'à des femmes avec leurs nourrissons de
trois-quatre mois au sein, en les marquant au fer rouge grand comme une joue
d'enfant,» (13)
écrivait avec indignation l'évêque de Michoacán Don Vasco de Quiroga. «Fer
grand comme une joue d'enfant avec lequel tout acheteur posait son nom sur la
figure de tout esclave. Ils portaient, les malheureux, toute la face marquée au
fer rouge.» (14)
Ce fer rouge avait été le Sceau de l'Avidité de l'homme blanc. L'Avidité avait dit Las Casas, l'Avidité lui fit écho Alonso de Ercilla. Mais c'était là, de surcroît, une avidité de VANDALES ! Les Aztèques les appelèrent Barbares. Je ne sais pas comment les appelèrent en quechua les Péruviens lorsqu'ils les ont vus fondre en barre leurs objets d'Art en or, pour pouvoir faire «équitablement» le partage de leur Dieu, sans oublier le Quinto (15) pour Charles Quint :
«L'Histoire
ne connaît pas de pareil butin..., le travail pour fondre ces objets était
confié à des orfèvres Indiens qui étaient requis à défaire l'oeuvre de leurs
propres mains. Ils travaillèrent nuit et jour, mais la quantité à être fondue
était telle, que cela avait pris un plein mois. Quand le tout fut réduit en
barres d'égale dimension, il fut pesé sous la surveillance de
l'inspecteur royal.» (16)
...et
partagé entre 170 délinquants de vol à main armée, le 171ème étant leur patron
Charles Quint. Ainsi le vandalisme eut lieu sous le Haut Patronage de Sa
Catholique Majesté, qui mérita pour cela la litière en or massif (17), en plus de
son Quinto en or en barres. Mais je ne crois pas que, comme écrit Prescott, «l'Histoire ne connaît pas de pareil butin». Il oublie le compère
millénaire de Charles Quint, Alexandre le Grand, qui rasa la sublime
Persépolis, en emportant son butin sur 3.000 chameaux et 20.000 Mules (18) sous prétexte
de porter aux «Barbares» les «Lumières de l'Hellénisme». Il n'y avait pas
encore de christianisme à exporter. Après lui ce furent les Romains les
exportateurs de «Lumières».
Chez
les Indiens du Pérou l'or n'avait aucune valeur marchande ; le Veau d'Or y
était inconnu. L'or ne servait que pour confectionner des objets d'Art pour le
Culte de leur dieu Soleil. Il était un objet au service de leur dieu, d'un dieu
dont ils ne se servaient d'ailleurs pas pour gagner de l'or ! Lénine qui
ne croyait en aucun dieu et qui ne prévoyait pas d'avenir pour l'or proclama
dans un discours sur la NEP ,
en fin de 1921, «quand nous aurons triomphé à l'échelle mondiale nous ferons
des latrines avec l'or» (je cite de mémoire).
Pour les conquistadores les Indiens qui n'adoraient pas le Veau d'Or étaient des barbares. Une autre caractéristique de leur barbarie fut celle d'attacher davantage de souci à la vie de l'homme qu'a la possession de perles (très appréciées cependant) dont la pêche était rigoureusement interdite (19) à cause des dangers qu'elle comportait pour les pêcheurs. Il est vrai que ceux qui faisaient mourir les Indiens à la pêche aux huîtres perlières, se croyaient absous du péché d'homicide en faisant l'offrande de quelques perles à la Maman du Christ!
1/. Vic. F. Lopez, MANUEL DE LA HISTORIA ARGENTINA ,
Buenos Aires 1949, page 166.
2/. William H.Prescott, THE COMPLETE WORKS, London 1896, volume VI,
pages 125-126.
3/. Huit tonnes d'argent, 28 tonnes d'or, et la litière en or massif
(pour Charles Quint), sur laquelle était porté l'Inca Atahualpa durant son
règne, écrit Ricardo PALMA dans TRADICIONES PERUANAS COMPLETAS, Madrid 1961,
page 12.
4/. L'interprète Indien de Pizarro, Felipillo, était un converti qui
n'avait encore rien compris au Dogme de la Trinité. Chargé de
l'expliquer à Atahualpa, il lui dit : «trois Dieux ET un seul Dieu» au
lieu de trois Dieux EN un seul Dieu. Atahualpa, étonné, après avoir tant
entendu parler du Dieu Unique des chrétiens, lui répondit : «alors comme
cela, cela fait quatre Dieux». Ce qui lui valut la haine de Valverde.
5/. Richard Konetzke, SÜD-UND MITTELAMERIKA, F.W.G. Band 22, pages 225
à 247.
6/. Le premier acte «chrétien» de Valverde fut celui d'établir la Dîme (el Diesmo) chez les
Indiens, contre laquelle s'élevaient tant les pères franciscains que les pères
dominicains.
7/. Motolinia, MEMORIALES, éd.
UNAM, Mexico 1971, page 403.
8/. Juan Friede, Bartolomé de Las Casas PRECURSOR DE L'ANTICOLONIALISMO,
éditions Siglo XXI, Mexico 1974, page 70.
9/. Idem, page 89.
10/. Idem, page 114.
11/. Motolinia, MEMORIALES, éd. UNAM, Mexico 1971, page 29.
12/. Idem, page 366.
13/. Vasco de Quiroga, dans HUMANISTAS DEL SIGLO XVI, édition UNAM,
Mexico 1946, page 73.
14/. Motolinia, MEMORIALES, éd. UNAM, Mexico 1971, page 28.
15/. QUINTO : le cinquième des rapines, envoyé par les
conquistadores à la
Couronne.
16/. William H.Prescott, THE COMPLETE WORKS, London 1896, volume V,
page 416.
17/. La litière en or massif, sur laquelle était porté l'Inca Atahualpa
durant son règne, écrit Ricardo PALMA dans TRADICIONES PERUANAS COMPLETAS,
Madrid 1961, page 12.
18/. Écrit son admirateur l'helléniste allemand J.G. Droysen :
GESCHICHTE ALEXANDERS DES GROSSEN, Kröner Verlag, Leipzig 1939, page 238.
19/. Garcilaso de La Vega ,
COMENTARIOS REALES, Livre IV, page 668.
c) Les atrocités.
Mais que pourrait-on reprocher à l'analphabète Pizarro ? A cet homme qui, après tout, n'était qu'un porcher dans son pays : Pablo Neruda l'appelle le «Porc d'Estramadura». Que pourrait-on lui reprocher à part avoir pris pour modèle l'homme le plus prestigieux de son temps : Christophe Colomb ? C'est le propre fils de Colomb, Hernando Colón, son biographe, qui écrit au sujet de son père, avec orgueil :
«D'un côté avec des chevaux, de l'autre
avec des lévriers, ils donnèrent l'assaut, tuant et faisant tant de massacres,
qu'en peu de temps il y eut la victoire, au service de Dieu, avec un grand
nombre de prisonniers et d'exterminés.»
Las
Casas qui cite cet acte de bravoure «au service de Dieu» le commente par ces
mots : «une si exécrable injustice n'était certainement pas au service de
Dieu «. Ce commentaire valut à Las Casas l'épithète de «paranoïaque». Il
s'agissait dans le cas glorifié par le fils de Colomb d'un assaut de 200
conquistadores (1)
armés jusqu'aux dents avec des armes à feu et de lourdes épées qui fendaient un
Indien en deux, et des lévriers sauvages qui les déchiquetaient. C'était un
assaut contre des milliers d'infortunés, «hommes femmes et enfants», armés de
bâtons et de flèches, et dont «pas même un pour cent ont pu échapper» écrit Las
Casas.
Quand
on était fatigué de tuer à la chasse à l'homme, on commençait le pasatiempo
(passe-temps). On passait son temps en tournois pour voir qui fendait le mieux
un Indien en deux, d'un seul coup d'épée, ou en concours de la mise à mort à
l'arbalète (2).
Un autre pasatiempo nous est rapporté par un autre ecclésiastique espagnol, le
Vicaire Morales, qui écrit :
«Il y a des Espagnols qui dressent des
chiens carnassiers pour les habituer à tuer des Indiens. Ils font cela parfois
comme pasatiempo pour voir si les chiens si prennent bien.» (3)
Les
chiens et les chevaux des conquistadores furent de véritables Dragons
d'Apocalypse pour les Indiens. Ces derniers n'avaient jamais vu de chevaux et
voyaient soudain arriver chez eux ces bêtes qui étaient pour eux des monstres.
En effet, les conquistadores qui les montaient armés de longues épées et de
lances, faisaient dans la multitude des corps nus et sans défense d'autant plus
de ravages que les chevaux rendaient leur fuite impossible, ils étaient
toujours rattrapés. Les chiens n'étaient pas pour eux des animaux inconnus,
mais ceux des conquistadores étaient des lévriers dressés à être sauvages et
friands de chair d'Indiens. Le chien, le plus docile et servile des animaux,
est comme les langues d'Esope. Il peut être un gentil compagnon pour l'homme si
on ne le dresse pas à être sauvage, comme il peut devenir tigre une fois dressé
dans ce but par l'homme. Il ne suffit donc pas aux conquistadores d'être
cruels, il leur fallut, de surcroît, dresser des chiens à leur image. Ces
lévriers que les conquistadores appelaient fièrement «perros bravos» (chiens
sauvages) devenaient épouvantables quand ils entendaient «Tomalo» (attrape-le).
Ils sautaient alors sur les Indiens, comme des tigres.
Quand ces chiens ne leur servaient pas à la chasse à l'Indien, c'était les Indiens qui leur servaient de pâture :
«...que
ceux qui sont de vrais chrétiens sachent ce qu'on n'a jamais entendu en ce
monde. Pour nourrir leurs chiens, ils mènent des Indiens enchaînés en fil
durant leur chemin, qui vont comme s'ils étaient un troupeau de porcs. Ils les
tuent et tiennent une boucherie ambulante de viande humaine, en se disant les
uns aux autres : 'prête-moi un quart de ce coquin pour donner à manger à
mes chiens jusqu'à ce que j'en tue un moi-même', comme s'il s'agissait d'un
quart de mouton ou de porc. Toutes ces choses diaboliques viennent d'être
prouvées maintenant en des procès que se sont fait entre eux-mêmes quelques tyrans.
Que peut-il y avoir de plus sauvage !» (4)
On
a lu au pargraphe «Las Casas dénonce le génocide amérindien» comment ceci fut
confirmé, de façon atténuée par la pudeur, dans la chronique de Pedro Cieza de
León. Mais les chiens ne leur servirent pas seulement à dévorer des Indiens. Il
leur est arrivé même une fois de régaler les palais des
conquistadores. Dans une expédition vers l'Amazone dirigée par Gonzalo Pizarro,
frère de Francisco, on avait amené un millier de chiens dévoreurs d'Indiens.
Perdus dans la Jungle ,
et sans Indiens à se mettre sous la dent, ils tuèrent les chiens dévoreurs
d'Indiens, pour les dévorer eux-mêmes (5). Dans un autre
cas semblable, au Nord de l'Amérique du Sud, ils épargnèrent leurs chiens car
ils préférèrent la chair d'Indiens. En effet, quand des «Wisigoths»
(qualificatif justifié au paragraphe «Origine et moeurs des conquistadores») fraternisent
avec des «Teutons» (qualificatif pour les conquistadores allemands, par
analogie), voici ce qu'il arrive : Durant une expédition
du fameux chasseur d'hommes allemand Dalfinger et sa bande composée d'Allemands
et d'Espagnols fraternellement unis, égarés dans la forêt au cours d'une de
leurs chasse à l'homme et pillages pour le compte de la Maison de WELSER de Augsbourg, «pressés par la faim, ils tuèrent les
Indiens qui les accompagnaient, pour les manger. A la suite de cela ils prirent
peur les uns des autres et se dispersèrent» (6).
Mais
revenons à nos «Wisigoths» sans «Teutons». Au Nord de l'Amérique du Sud, sur
les terres qui forment aujourd'hui les Républiques de Venezuela, Colombie et
Panama, les Indiens, qui n'étaient pas des «douces brebis» comme ceux des îles,
leur donnèrent du fil à retordre. Cependant, avec un Tueur qui
s'était déjà fait la main de longue carrière contre l'Infidèle comme Pedrarias - celui qui fit couper la
tête au père de ses petits enfants - on les «pacifia». Les hommes de Pedrarias
allèrent même jusqu'à «plonger leurs épées dans le ventre de 70 à 80 femmes et
jeunes filles prises à la chasse à l'homme» (7). Au Mexique, en
plus du massacres du menu peuple, une Boucherie de la Noblesse Aztèque
fut commise pour voler leurs bijoux. Cette boucherie coûta d'ailleurs la
fameuse Noche Triste (triste nuit) au conquistadores : ils furent chassés
de Mexico en y laissant des frères d'armes sacrifiés sur les autels du dieu de
la guerre Huitchilopotchtli ! Il y en eut même qui se noyèrent dans la Lagune , enfoncés sous le
poids des barres en or et autres butins qu'ils ne voulaient
pas lâcher, sans compter ceux qui moururent au combat contre les valeureux
Aztèques. Cette «Triste Nuit» fut provoquée par la félonie du principal
lieutenant de Cortés, Pedro Alvararo. «Son seul mobile fut l'avidité»
écrit l'historien mexicain Alfonso Toro (8). C'était le 20
mai 1520. Ce jour-là les Mexicains fêtaient leurs Pâques Texcatl. Toute la
noblesse était réunie au Grand Temple consacré au dieu Texcatlipoca, parée de
ses plus précieux joyaux : une vraie provocation au meurtre pour des
Chevaliers-du-Vol-à-Main-Armée. Une fois le Temple plein, Alvarado fit poster
des hommes armés devant toutes les issues et les hijos de algo («fils de
quelque chose», qui donna par contraction Hidalgo, noble espagnol) partirent à
l'assaut en tuant la noblesse comme des lapins pour s'emparer de leurs bijoux.
Le prétexte évoqué fut que leurs victimes s'étaient réunies pour préparer un complot.
Cette boucherie est mentionnée dans les manuels scolaires d'Histoire au Mexique
sous le titre de MATANZA DEL TEMPLO MAYOR, Boucherie du Grand Temple. Une
cinquantaine de conquistadores payèrent leur avidité sacrifiée ; leur
avidité et la félonie d'Alvarado. Mais le félon échappa au châtiment...
Le «complot», l'éternel mensonge-institution de
«Nombreuses fois, maintenant que je suis
vieux, je m'arrête à considérer les choses héroïques que nous avons vécues en
ces temps. Il me semble les voir aujourd'hui, et je dis que nos actions nous ne
les accomplissions pas nous, mais elles étaient tracées par Dieu.» (10)
C'est
Dieu qui traçait leurs actions, comme Odin, accompagné des Hugin et de Munin
traçait les actions des Wisigoths avant le christianisme. Il faut dire aussi
que les Bûchers étaient encore une distraction de plus pour les conquistadores,
un pasatiempo comme le «tomalo» des chiens et les Tournois où l'on cherchait
qui fendrait le mieux un Indien en deux d'un seul coup d'épée.
Nous avons vu au paragraphe «Las Casas d'abord conquistador» l'indignation de
Las Casas contre ceux qui ont mis sur le Bûcher le cacique Hatuey comme «Rebelle
à Sa Majesté». Un Peu avant d'allumer ce Bûcher, un prêtre se présenta à lui,
lui proposant de le baptiser in extremis pour lui épargner l'Enfer. Hatuey lui
répond en lui demandant si dans cet Enfer il y avait aussi des chrétiens. Sur
la négative de 1'aumônier, il lui dit alors qu'il préférerait aller en Enfer
pour s'épargner la promiscuité des chrétiens. Las Casas nous rapporte un autre
cas de déformation du christianisme. Il s'agissait d'un encomendero nommé
SALVADOR. Salvador veut dire en Espagnol SAUVEUR, c'est à dire le Christ.
«Un jour, un moine
franciscain, prêchant aux Indiens qui appartenaient à ce Salvador comment Dieu
était le Salvador du Monde, et qu'il était bon et faisait du bien aux hommes,
ceux-ci commencèrent à cracher et blasphémer de Salvador, disant qu'il n'était
qu'un méchant et cruel qui les affligeait et les tuait, croyant que le
religieux était en train de louer ce pécheur de Salvador.» (11)
Naturellement
il s'agit là de rustres, de petits encomenderos, des analphabètes en général.
Cortés cependant n'était ni l'un ni l'autre. D'une intelligence supérieure, ses
trahisons, fourberies, perfidies et bigoteries de faux-dévot n'étaient que plus
abominables. Il ne recula ni devant le poison ou le poignard pour se
débarrasser d'adversaires de son acabit (voir paragraphe «Combats fratricides»),
ni devant des exécutions sommaires de quiconque le gênait. Il empoisonna sa
femme Catalina Juarez (la
Marcaida ) pour enterrer son passé de truand - il voulait
entrer dans le «beau monde» qui était maintenant à ses pieds. Il effaça de la
face du Monde tous ceux qui eurent le malheur de se trouver au travers de son
chemin. Comment un tel homme aurait-il pu se comporter différemment envers les
Indiens alors que lui et ses semblables les tenaient pour des «animaux à
langage articulé» selon les théories de Sepúlveda ? Il
fit «chauffer» (en les badigeonnant à l'huile) les pieds de Guahutemoc, dernier
Tlatoani des Aztèques, pour lui extorquer l'aveu sur la cache du trésor de la Confédération , et
finit par le faire pendre comme «traître à Sa Majesté» après lui avoir promis
la vie sauve. Il fit traîtreusement exécuter Xicotengal El Mozo, le fils du roi
de Tlaxcala, son allié, sans lequel lui et tous ses compagnons auraient fini
sacrifiés sur les autels des Pyramides après la Noche Triste. Son Entrada
(voir paragraphe «Origine et moeurs») à la Gran Tenotchtitlán
(Mexico) lui rapporta plus de trois tonnes d'or rien que des objets d'Art qu'il
fit fondre, sans compter l'argent, les pierres précieuses et les perles. Bernal
Díaz pensait à propos de ce butin qu'«il n'y avait certainement pas dans le
Monde de si grandes richesses» (12). Il
s'agissait là pourtant que d'un butin qui précédait d'une dizaine d'années
celui bien supérieur pris par Pizarro au Pérou.
Le butin de Cortés au Mexique lui valut
«la
valeur combattante d'un guerrier aztèque n'était pas estimée selon le nombre
d'ennemis qu'il avait tués, mais d'après la quantité de prisonniers qu'il avait
pris pour les sacrifices.» (14)
Ne
soyons pas choqués : en matière de sacrifice de prisonniers sur les autels
des dieux il n'y a absolument aucune différence entre ce que faisaient les
Aztèques et la pratique du «Herem» dans l'Ancien Testament : Nombres, XXI,
1 - 3, Juges I, 17, 1 Rois XX, 42, etc., etc. Ce «Herern» était
l'accomplissement du voeu de massacrer «hommes, femmes, enfants et vieillards»
pris à l'ennemi, en offrande à Dieu. C'était pire que chez les Aztèques qui ne
sacrifiaient que des guerriers... En occupant Canaan, nos ancêtres avaient fait
une véritable boucherie de tous ses habitants au nom du «Herem». C'était là
l'accomplissement de voeux comme on en fait aujourd'hui en promettant à Dieu ou
à ses saints de faire le sacrifice de telle ou telle chose s'ils nous aident à
recouvrer notre santé ou réussir dans nos entreprises. Ce n'est plus le «Herem»
en vies humaines parce que le Talmud et le nouveau Testament ont humanisé
l'Ancien Testament. Mais ils n'ont pas humanisé les conquistadores ! Grâce
à leur allié le roi Indien de Tlaxcala, Cortés et sa bande retournèrent
vainqueurs à Mexico, et alors commença l'Apocalypse pour les Aztèques, et même
pour les Tlaxcaltèques, leurs ex-alliers.
1/. Las Casas, HISTORIA DE LAS INDIAS, Fondo
de Cultura Económica, Mexico 1951, tome I, p. 416.
2/. Idem, p. 458.
3/. William H.Prescott, THE COMPLETE WORKS, London 1896, volume VI, page 13.
4/. Las Casas, BREVISIMA RELACIÓN, Buenos Aires, 1953, page 100.
5/. William H.Prescott, THE COMPLETE WORKS, London 1896, volume VI, pages 133 à 134.
6/. Rafael M.Granados, HISTORIA DE COLOMBIA, Medellin 1953, page 101.
7/. Las Casas, HISTORIA DE LAS INDIAS, Fondo de Cultura Económica, Mexico 1951, tome III, page 89.
8/. Alfonso Toro, HISTORIA DE MÉXICO, éditions Patria, Mexico 1956, tome II, page 156.
9/. Idem, page 121.
10/. Bernal Díaz del Castillo, HISTORIA VERDADERA DELA CONQUISTA DE LA NUEVA ESPAÑA , Mexico
1955, page 213.
11/. Las Casas, HISTORIA DE LAS INDIAS, Fondo de Cultura Económica, Mexico 1951, tome III, page 101.
12/. Bernal Díaz del Castillo, HISTORIA VERDADERA DELA CONQUISTA DE LA NUEVA ESPAÑA , Mexico
1955, page 205.
13/. Idem, pages 364 et 402.
14/. Motolinia, HISTORIA DE LOS INDIOS, éditions Gili, Barcelone 1914, pages 43 - 44.
2/. Idem, p. 458.
3/. William H.Prescott, THE COMPLETE WORKS, London 1896, volume VI, page 13.
4/. Las Casas, BREVISIMA RELACIÓN, Buenos Aires, 1953, page 100.
5/. William H.Prescott, THE COMPLETE WORKS, London 1896, volume VI, pages 133 à 134.
6/. Rafael M.Granados, HISTORIA DE COLOMBIA, Medellin 1953, page 101.
7/. Las Casas, HISTORIA DE LAS INDIAS, Fondo de Cultura Económica, Mexico 1951, tome III, page 89.
8/. Alfonso Toro, HISTORIA DE MÉXICO, éditions Patria, Mexico 1956, tome II, page 156.
9/. Idem, page 121.
10/. Bernal Díaz del Castillo, HISTORIA VERDADERA DE
11/. Las Casas, HISTORIA DE LAS INDIAS, Fondo de Cultura Económica, Mexico 1951, tome III, page 101.
12/. Bernal Díaz del Castillo, HISTORIA VERDADERA DE
13/. Idem, pages 364 et 402.
14/. Motolinia, HISTORIA DE LOS INDIOS, éditions Gili, Barcelone 1914, pages 43 - 44.
d) Les Dix Plaies d'Égypte.
C'est le religieux le plus dévoué à Cortés, Motolinia, qui appela tout cela «Apocalypse». En tant que religieux, il y voyait la «main de Dieu» et rendait Dieu ainsi complice des crimes des conquistadores ! Ces crimes étaient pour lui le fléau que Dieu envoyait pour fustiger les Indiens d'avoir cru à des «faux dieux» (avant l'arrivée du «vrai dieu» des conquistadores, le Veau d'Or ?). Il essayait de tout expliquer par
«Comme
les impositions se succédaient si rapidement qu'à peine avait-on payé un
tribut, arrivait le suivant à payer. Pour y faire face ils vendaient leurs
enfants. Et ceux qui ne payaient pas leur tribut étaient voués à la mort, soit
par des tortures soit au moyen d'emprisonnements cruels, parce qu'ils les
traitaient bestialement, on les tenait pour inférieurs aux bêtes.» (1)
«Les
esclaves Indiens qui sont morts à ce jour dans les mines ne pourraient être
comptés. Et l'or de cette terre fut un autre Veau d'Or comme Dieu ; ils
firent le voyage depuis la
Castille pour venir l'adorer...» (2)
Motolinia
voulait ménager la chèvre et le chou mais finit par dire ici exactement la même
chose que le «calomniateur de l'Espagne» Las Casas. Revenons aux Plaies
d'Egypte
«Le fer rouge ne coûtait
pas cher. On posait sur ces visages tant de marques en plus du fer du roi, tant
que toute la face en était écrite, puisque chaque acheteur posait ses
initiales. C'est pour cela que cette huitième plaie ne valait pas mieux (que
les autres).» (3)
Le
fer rouge du roi avec lequel on marquait leurs faces a été dessiné par Bernal Diaz
dans sa chronique (4) : . C'était une petite marque que le «fer de Sa
Majesté», qui indiquait la qualité d'esclave en général, son destin sans
retour. Chaque propriétaire d'esclaves (et qui ne l'était pas ?), une fois
en possession de l'«objet» acheté - ils changeaient souvent de propriétaires -
marquait sur la face de l'infortuné ses initiales, comme on faisait avec le
cheptel.
«La
puanteur des esclaves morts dans les mines a causé une telle pestilence,
surtout dans les mines de Oaxicán, qu'à une demi lieue à la ronde à peine
pouvait-on marcher ailleurs que sur des cadavres. Et les corbeaux qui venaient
s'y repaître étaient si nombreux qu'ils cachaient le soleil. C'est ainsi que se
dépeuplèrent beaucoup de villages. D'autres Indiens fuyaient dans les
montagnes, abandonnant leurs maisons et leurs biens.» (5)
Las
Casas n'avait donc ni exagéré «pathologiquement» ni «calomnié» l'Espagne, en
écrivant comme le fait ci-haut Motolinia :
«Ils
fuyaient dans les montagnes, et je crois, s'ils le pouvaient, ils
choisiraient l'Enfer le considérant un moindre mal que les Espagnols.» (6)
Tous
ces Colomb, Cortés, Pizarro avaient ceci de commun qu'ils étaient tous des
truands, des aventuriers. Pedrarias était un vieux traîneur de sabre. Mais les
hommes de la noblesse ne se comportèrent pas différemment (Don Vasco de Quiroga
était un merle blanc !). En pensant au premier vice-roi envoyé par la Couronne au Mexique, Don
Antonio de Mendoza, j'ouvre par curiosité l'encyclopédie espagnole
Espasa-Calpe, et je lis ce qui suit :
«Militaire
et noble Espagnol, nommé en 1535 premier Vice-roi en Nouvelle-Espagne. Fonda
l'Université et différents collèges, établit l'imprimerie, encouragea et
réglementa les travaux des mines, le commerce, l'agriculture, les lettres et
les beaux-arts, il dicta des lois administratives sages et écrivit des oeuvres
importantes».
Même
en France, on lit dans le Petit Robert : «...il installa la première
imprimerie et le premier collège d'Amérique».
Alors,
qu'Espasa-Calpe et les autres encyclopédies me permette de compléter ses
informations par ce qui suit sur la «sage administration» de Don
Antonio de Mendoza. Sous ses ordres directs et en sa présence :
«Après
la capture de la Colline
de Mixton, grand nombre d'Indiens faits prisonniers furent mis à mort en sa
présence et sous ses ordres (de Mendoza). Quelques-uns furent placés en file et
mis en pièces à coups de canon, d'autres furent déchiquetés par des chiens.
D'autres étaient livrés à des Noirs pour être mis à mort, et ceux-ci les
tuèrent à coup de couteaux pendant que d'autres étaient pendus. Ailleurs
également des Indiens étaient jetés à des chiens en sa présence.» (7)
On
peut donc fonder Université et Collèges et en même temps faire déchiqueter des
hommes par des chiens sauvages. Pour Espasa-Calpe Las Casas «fut parfois
injuste envers l'Espagne». Sans doute pour avoir méprisé Mendoza. Il dédaigna
les politesses que lui avait fait transmettre ce vice-roi par un de ses
courtisans, «parce qu'il le tenait pour excommunié» à cause de ses crimes
envers les Indiens. Las Casas n'absout pas Mendoza de son péché d'exterminateur
d'Indiens, et Mendoza se vengea en faisant détruire un des ouvrages de Las
Casas intitulé CONFESIONARIO.
Ce noble bâtisseur d'Université et Tueur d'Indiens à la fois, nous rappelle un autre Mendoza, prénommé Garcia-Hurtado. Un jeune loup qui ne pensa même pas à créer d'Université. Arrivant au Chili en 1557, le légendaire Indien Araucán Caupolicán lui rend la vie dure contre son oeuvre de «pacification». Finalement, la poudre, les chiens, les «Centaures» (les cavaliers tels que les Indiens les percevaient), les lances d'aciers, les lourdes épées et les trahisons de la parole donnée eurent raison des bâtons et des flèches des admirables Araucáns. Pour nos encyclopédies, il était nécessaire de les «pacifier» et Caupolicán était le «Rebelle», le «séditieux» de Voltaire, que des «esforzados varones» (hommes persévérants) (comme on les appelle dans les manuels scolaires espagnols) ont «dompté» en lui couper les mains avant de le tuer.
«Alors Valdivia le bourreau coupa les mains du cacique
Renvoya les prisonniers avec leurs nez et oreilles coupés
Valdivia taille ma terre avec son épée : ce morceau pour toi
Valdés ; cet autre à toi Montero ; celui-ci à toi Inés»(8)
Renvoya les prisonniers avec leurs nez et oreilles coupés
Valdivia taille ma terre avec son épée : ce morceau pour toi
Valdés ; cet autre à toi Montero ; celui-ci à toi Inés»(8)
Les
Araucáns firent en fin de compte justice de Valdivia. Mais les encyclopédies en
donnent une version mensongère :
« ...en
combattant contre des insurgés araucáns, il fut dérouté, et, fait prisonnier,
on lui coupa les bras que les Indiens mangèrent en sa présence, vivant encore
pendant trois jours entre des tortures féroces et d'horribles souffrances.»
Les
Araucáns ne commirent pas d'actes de sadisme. Ils le tuèrent à coup de massue,
ils n'avaient pas d'autres armes. LA ARAUCANA de Alonso de Ercilla témoigne et se
range du côté des Indiens. On y trouve un démenti catégorique et sans équivoque
des mensonges sur la mort de Valdivia, écrit par un homme qui l'a vécue sur
place en acteur. Ercilla fit la guerre aux Araucáns, prenant part à sept
batailles de «pacification», durant lesquelles le conquistador finit par être
sensibilisé par les Indiens. Se battant le jour et composait son ARAUCANA la
nuit disent ses biographes. Dans son oeuvre il est bien question de cruautés et
de tortures, mais de celles commises exclusivement par les conquistadores
envers des chefs Araucáns tels que Caupolicán et Galvarino. Le premier empalé
et fléché, le deuxième les mains coupées, et tous deux morts bravement en
méprisant leurs bourreaux de façon ostentatoire, tandis que Valdivia, comme
écrit Ercilla : «humble et obéissant demanda qu'on ne le tue pas».
Les Araucáns le tuèrent, écrit Ercilla, «avec une masse de genévrier en
visant bien la tête». Ils ne voulaient pas le faire souffrir, ils étaient
humains.
C'est
ainsi lâchement qu'il était mort Valdivia, et pas en lui coupant les bras pour
les manger devant lui durant trois jours. L'auteur de l'article mensonger n'a
même pas pensé à nous révéler l'hémostatique utilisé par les Araucáns pour le
maintenir en vie durant trois jours, après lui avoir coupé les deux bras...
pour les manger !
Les titres donnés par Ercilla aux Chants de son épopée sont évocateurs ! Chant III : «muerte de Valdivia», il est mort. Chant XIV : «suplicio de Galvarino», Chant XVIII : «suplicio de Caupolicán». Suppliciés tous les deux !!! Les «barbares» Indiens tuent l'ennemi, les «civilisés» le supplicient ! C'est un conquistador qui l'affirme !
Les titres donnés par Ercilla aux Chants de son épopée sont évocateurs ! Chant III : «muerte de Valdivia», il est mort. Chant XIV : «suplicio de Galvarino», Chant XVIII : «suplicio de Caupolicán». Suppliciés tous les deux !!! Les «barbares» Indiens tuent l'ennemi, les «civilisés» le supplicient ! C'est un conquistador qui l'affirme !
Des historiens, se pâment d'admiration sur la personnalité de Valdivia. Il avait disent-ils du talent pour la «mise en valeur» de
Les
manuels scolaires chiliens honorent Valdivia comme un «père de la Patrie ». Le vrai héros
national du Chili fut cependant l'Araucán Lautaro, le justicier de Valdivia.
C'est encore Pablo Neruda qui l'honore en écrivant :
«Lautaro était une fine flèche
Souple et bleu fut notre père» (9).
Les
Araucáns n'étaient pas les douces brebis des Antilles exterminés en une
génération. Ils étaient magnifiques comme les Seminoles, les Cheyennes, les
Sioux. Les Espagnols ont dû mettre trois siècles pour en venir à bout. Comme
ils étaient trop fiers pour se soumettre, les manuels scolaires les traitent de
«sauvages». Sauvage Lautaro ? Garçon d'écurie de Valdivia, digne fils de
son peuple araucán, il s'évade - il ne voulait pas que le collier marque son
cou comme celui du chien à La
Fontaine - pour aller trouver ses frères Mapuches, les
enflammer pour une guerre contre les coupeurs de mains, de nez et d'oreilles,
contre les incendiaires de récoltes et profanateurs de Temples. Il leur
dit : «Les chrétiens ne sont pas des dieux, Valdivia est un homme comme
nous». Comme on a lu dans un paragraphe précédant, les Indiens avaient pris
les conquistadores pour des dieux. Lautaro organise alors la guerre par vagues
successives, il entraîne les conquistadores à livrer bataille sur un terrain
défavorable pour la cavalerie, les harcèle, épuise leurs chevaux, et, quoique
armés que de massues et de flèches, les Araucáns sont victorieux. «Alors
Valdivia», comme dit Neruda, alors du bourreau on fit justice. Valdivia est
mort au XVIme siècle, mais on l'honore toujours au Chili. Toute une province et
une ville du Chili portent aujourd'hui le nom de Valdivia.
A
l'inverse du Chili, ce n'est pas au Mexique qu'on rencontrerait le moindre
hommage à la mémoire de son compère Hernán Cortés, qui y est toujours abhorré.
On peut comparer les manuels scolaires des deux pays. A Mexico, tous les ans
les Indiens dansent en costumes folkloriques autour de la statue de Guahutemoc,
le chef Indien assassiné traîtreusement (voir paragraphe «Les atrocités») par
Cortés. De même, à Tlaxcala on commémore tous les ans
l'assassinat par le même Cortés du Prince tlaxcaltèque Xicotengal. En outre,
pour commémorer en 1823 l 'anniversaire
de leur Indépendance, des patriotes mexicains avaient projeté d'aller chercher
les cendres de Cortés dans sa tombe, pour les faire voler aux quatre vents. De
ses descendants mis au courant les prirent de vitesse et allèrent la nuit les
enlever en même temps que les armes avec lesquelles il coupait les mains et les
têtes des Indiens. Ils les apportèrent secrètement à son descendant à Palerme,
le Duc de Monteleone (10).
Au Chili, ni Lautaro, ni Caupolicán sont honorés dans les grandes villes. Mais Neruda les immortalisa et les Mapuches survivants ne les oublient pas.
A
l'inverse du Chili, les Indiens du Mexique gardent leur personnalité, fiers de
leur IDENTITE, ils imposent le respect de l'Indio, même quand ils ne
sont pas de «puros Indios». Ils sont comme le héros du roman de Sinclair Lewis «Kingsblood
Royal», qui, découvrant juste un peu de sang noir dans ses veines était fier
d'être Noir même si sa peau restait blanche. Il faut dire ici qu'au Mexique ce
ne furent pas des Européens nés dans les colonies comme Bolivar ou O'Higgins
qui levèrent le drapeau de l'Indépendance, mais deux prêtres mestizos. Les
hommes politiques du Mexique sont obligés d'en tenir compte et de respecter les
Indios.
Les Indiens sont attachés à leur identité. Pourtant, que n'avait pas fait l'évêque de Yucatán, Diego de Landa, pour les «endoctriner» avec son sanbenito ? Infirmant la règle qui régnait chez les réguliers, celle de la défense des Indiens, de Landa, aveuglé par le fanatisme, se comporta en persécuteur. Il mena l'Inquisition avec une rage aveugle, pour obliger les Indiens à se convertir par la terreur. L'historien jésuite Père Mariano Cuevas écrit de lui qu'il était «impétueux et irréfléchi, passions qui le conduisirent à des mesures atroces et imprudentes» (11).
Le
Révérend Père avait bien mesuré son langage. Sebastian Vasquez est plus précis
encore dans sa lettre à Philippe II, datée du 25 mars 15 65, lorsqu'il écrit que «le
nombre des torturés et pendus s'élevait à 4.549 personnes, dont 84 hommes et
femmes furent coiffés du sanbenito.» (12)
«Ce n'est pas sans amertume que l'évêque
Francisco de Toral, franciscain comme lui, mais avec une meilleure vision de la
réalité, écrit à Philippe Il : 'J'ai dit tout cela à Votre Majesté, afin
qu'elle sache qu'au lieu de doctrine les Indiens subirent ces misérables tourments,
et au lieu de leur faire connaître Dieu on les a fait désespérer. Et ce qui est
pire et que l'on soutient, est que sans supplice on ne peut prêcher la loi de
Dieu. » (13)
Le
Dragon Wisigoth en Amérique Latine fut tel que nous venons de voir. Le rappeler
serait de l'anachronisme s'il n'y avait encore du racisme dans le monde et si
le cas du génocide des Amérindiens était moins exemplaire.
2/. Idem, page 17.
3/. Idem, page 18.
4/. Bernal Díaz del Castillo, HISTORIA VERDADERA DE LA CONQUISTA DE LA NUEVA ESPAÑA , Mexico
1955, page 319.
5/. Motolinia, HISTORIA DE LOS INDIOS, éditions Gili, Barcelone 1914,
page 19.
6/. Las Casas, HISTORIA DE LAS INDIAS, Fondo de Cultura Económica,
Mexico 1951, tome III, page 24.
7/. Arthur S. Aiton, THE SECRET VISITA AGAINST VICEROI MENDOZA, cité
par Lewis HANKE dans BARTOLOMÉ DE LAS CASAS, La Haye 1951, page 58.
8/. Pablo Neruda, CANTO GENERAL, Sección III, Chant XXI.
9/. Idem, Sección I, Chant IV.
10/. William H.Prescott, THE COMPLETE WORKS, London 1896, volume VI,
page 457.
11/. Mariano Cuevas, HISTORIA DE LA IGLESIA DE MÉXICO,
Editorial El Paso, Mexico 1928, tome II, page 88.
12/. Biblioteca Nacional de México, Sección de Manuscritos I, Volume 15
- 4-160.
13/. A. Garibay, Introduction à RELACIÓN DE LAS COSAS DE YUCATÁN de
Diego de Landa, editorial Porua, Mexico 1959, page XII.
Web : basile-y.com
© 2000 Copie autorisée
si sans modification et si auteur Basile Y. cité
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