Le roi Sancho le Gros et la Médecine judéo-arabe
Je ne voudrais pas prendre congé du lecteur sans revenir, pour la dernière fois, sur la médecine judéo-arabe. Au Xme siècle, la Reine de Navarre Doña Toda était affligée par l'injustice qu'on avait commise envers son petit-fils, le roi de León, Don Sancho El Gordo (Sancho le Gros). En effet, les notables du royaume avaient intrigué avec son frère pour le renverser du trône, sous le prétexte qu'il était monstrueusement gros et ne pouvait, en cet état déficient de santé, s'occuper des affaires de son royaume. Sancho Crassus, comme l'appelèrent les chroniqueurs d'alors dans leur latin, souffrait d'une obésité si monstrueuse, que personne dans son royaume n'était capable de le guérir de ce mal qui le rendait impotent.
Dans
ces circonstances, la fière Doña Toda, mettant l'amour de son petit-fils
au-dessus de sa haine contre 1'"Infidèle", envoie une ambassade
auprès d'Abd al-Rahman III pour plaider sa cause. Elle sollicita sa bienveillance
afin que ses fameux médecins Juifs (1)
guérissent Don Sancho le Gros, et une fois la guérison accomplie, que le
puissant Khalife de Cordoba rende Justice en réinstallant son petit-fils sur le
trône de ses ancêtres usurpé par ses rivaux.
Le superbe Abd al-Rahman ne voulut pas laisser échapper une telle occasion de montrer son caractère chevaleresque en redressant une injustice, tout en étalant les splendeurs de sa Cour devant des roitelets chrétiens sous-développés (comme ils l'étaient alors par rapport aux Arabes) ainsi que le haut niveau de ses hommes de science. Il promit de faire guérir Sancho le Gros de son obésité, ainsi que de le ré-introniser roi de León en prêtant son concours militaire. Il n'y mit qu'une seule condition : que la fière Doña Toda, la Reine de Navarre, aille en personne à Cordoba présenter sa requête.
On vit ce spectacle grandiose de la Reine de Navarre se rendant à travers les rues de Cordoba à l'Alcazar d'Al Zahrâ d'Abd al-Rahman flanquée de deux rois chrétiens : Don Garcia Sanchez I et Don Sancho El Gordo, ainsi que des prélats et Grands de son royaume. Ils étaient tous fascinés des splendeurs de Cordoba. Le Palais d'Al Zahrâ "était soutenu par quatre mille colonnes de marbre précieux aux formes les plus élégantes". En effet, que serait aujourd'hui l'Espagne pour les touristes sans les vestiges qu'y laissèrent les Arabes? Cordoba, Sevilla, La Ronda, Granada, Toledo et ailleurs. Sans ce que laissèrent les Arabes, et sans ce que représentent les Gitanos comme capital de sympathie.
Enfin, soyons brefs, le gros roi de León Sancho, impotent par obésité, fut parfaitement guéri de son mal, et sans que des "pilules amaigrissantes" (comme les nôtres aujourd'hui) détruisent son organisme. Le captivant historien de los Rios écrit :
"La
guérison de Don Sancho le Gros avait été due à la science de l'Hébreu Abou
Joseph Aben Hasdaï, et attribuée aux herbes arabes. Don Sancho était en effet
revenu de Cordoba rendu à sa maigreur précédente." (2)
Comme
nous dirions aujourd'hui : "il avait retrouvé sa ligne", mais guéri
avec des herbes et une diète. Avis aux gobeurs de "pilules
amaigrissantes" soumis à la pub mensongère.
Les médecins Arabes et Juifs ne s'étaient pas arrêtés à la simple mise en pratique de l'Art d'Hippocrate, mais l'avaient élevé à un niveau supérieur :
"En
médecine, les médecins Arabes étaient des observateurs attentifs, et leurs
procès verbaux cliniques ajoutèrent beaucoup à ce q'ils apprirent des
Grecs." (3)
De
plus, ils propagèrent la
Médecine en Afrique, partout où ils y avaient porté leur
civilisation. D'après l'africaniste Anglais Basil Davidson,
"En
1415, un nommé Anselme d'Isalguier rentra (d'Afrique) chez-lui à Marseille et
Toulouse amenant(...) un docteur, qui avait irrité énormément la profession
médicale française, en traitant pas moins que le Dauphin Charles, héritier du
trône de France." (4)
Il
n'avait demandé en récompense aucun missionnaire à dévorer...
BASILE Y.
Web :
basile-y.com
1/. Je n'ai pas relevé ce conte des Mille Et Une Nuits chez un
historien Arabe ou Juif, mais chez le christianissime historien Espagnol José
Amador de Los Rios, dans son ouvrage, HISTORIA SOCIAL, POLÍTICA Y RELIGIOSA DE
LOS JUDIOS DE ESPAÑA Y PORTUGAL, Aguilar 1960, Madrid, pages 87 à 91.
2/. Chronicon de Sampiro, traduit du latin et cité par Amador de Los
Rios dans son ouvrage déjà cité, page 90.3/. De Lacy O'Leary, HOW GREEK SCIENCE
PASSED TO THE ARABS, Londres 1964, page 4.4/. B.Davïdson, AFRICAN KINGDOMS, New
York 1971, page 85.
Mohamed ZEMIRLINE
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