Un Grand Imam d’Al-Azhar
Ash-Sharif.
Sheikh Abd Al-Halim
Mahmud (1910-1978)
SOMMAIRE
L’Imam Abd Al-Halim
Mahmud 1910-1978
Un Grand Imam d’Al-Azhar
Ash-Sharif.
Un enfant précoce et un étudiant brillant
Sheikh `Abd Al-Halîm Mahmûd naquit en
1910 au village As-Salâm, près de la ville de Belbeis, dans la Province de Sharqiyyah, au
sein d’une famille pieuse de la classe moyenne en Egypte. Ses parents
descendent directement du petit fils du Prophète — paix et bénédictions sur lui
— Al-Husayn Ibn `Alî Ibn Abî Tâlib - que Dieu les agrée tous deux
ainsi que toute la famille du prophète. Son père, Sheikh Mahmûd `Alî Ahmad
Al-Husaynî fut un savant d’Al-Azhar et le juge du village.
Sheikh `Abd Al-Halîm Mahmûd apprit le
Coran dans l’école coranique du village. Alors qu’il était très jeune, il finit
la mémorisation du Coran. A cause de son jeune âge, il ne put intégrer un
Institut Religieux d’Al-Azhar l’année où il finit l’apprentissage du Coran.
En 1923, il alla avec son père vers le Caire afin de
suivre les cours du cycle primaire d’Al-Azhar. Deux ans plus tard, il quitta le
Caire pour continuer son éducation à l’Institut Religieux d’Al-Azhar qui venait
d’ouvrir ses portes dans la ville d’Az-Zaqâzîq, la capitale de sa province
natale.
De nombreuses voies d’éducation s’ouvraient au jeune
Sheikh `Abd Al-Halîm. A cette époque, de nombreuses écoles pour la
formation des enseignants ouvrirent leurs portes. Elles bénéficiaient d’une
bonne cote du fait que leurs diplômés étaient bien rémunérés. Cependant, le
père du jeune Sheikh `Abd Al-Halîm insista pour que son fils, poursuive
son éducation à Al-Azhar. Sheikh `Abd Al-Halîm trouva un compromis
satisfaisant, mais très contraignant, en suivant trois systèmes d’éducation
simultanément.
La persévérance de Sheikh `Abd Al-Halîm porta
ses fruits. Au début du cycle secondaire, son savoir était largement supérieur
à celui de ses collègues. C’est pourquoi, en classe de seconde, il couvrit en
une année tout le programme du secondaire et obtint le baccalauréat d’Al-Azhar.
Par conséquent, l’enseignement supérieur d’Al-Azhar ouvrit grandes ses portes
pour accueillir l’étudiant brillant et précoce que fut Sheikh `Abd Al-Halîm.
Le Sheikh commença son cycle universitaire à Al-Azhar
en 1928 à une époque où l’éducation supérieure de l’Université n’était pas
divisée en Facultés. Il avait beaucoup de respect pour ses professeurs. Parmi
les savants qui l’ont marqué, il cite Sheikh Mahmûd Shaltût, Sheikh Hâmid
Meheisen, Sheikh Az-Zankalôni, Sheikh Muhammad `Abd Allah Daraz, Sheikh Muhammad
Mustafâ Al-Marâghî et Sheikh Mustafâ `Abd Ar-Râziq.
A l’époque où Sheikh `Abd Al-Halîm était
étudiant, il participa aux activités de deux associations islamiques de
prédication : l’Association des Jeunes Musulmans (Jam`iyyat Ash-Shubbân
al-Muslimîn) et l’Association de la Guidance Islamique
(Jam`iyyat al-Hidaya al-Islamiyyah) dont le président était le savant connu
Sheikh Muhammad Al-Khidr Husayn.
Son parcours en France
En 1932, Sheikh `Abd Al-Halîm termina ses
études à Al-Azhar. Accompagné de sa femme, il partit étudier en France à la Sorbonne. A Paris, Sheikh `Abd Al-Halîm resta le savant attaché
à ses principes et fidèle à la ligne droite qu’il avait suivie. En 1937, il
finit ses études à la
Sorbonne et en 1938 Al-Azhar le choisit pour figurer dans la
délégation de savants préparant une thèse en France. La chose qui marqua Sheikh
`Abd Al-Halîm, et contre laquelle il lutta en France, fut les préjugés de
nombreux orientalistes et leur parti pris contre l’islam.
Sheikh `Abd Al-Halîm termina en 1940 sa thèse
traitant du soufisme et de la vie de Al-Hârith Ibn Asad Al-Muhâsibi. Son
encadrant, l’orientaliste Massignon, le laissa naviguer seul dans la dernière
phase de sa thèse où il lutta contre les préjugés des orientalistes Allemands.
Quand la Seconde Guerre
mondiale éclata, Sheikh `Abd Al-Halîm dut retourner en Egypte en empruntant la
voie du Cap de Bonne Espérance.
Sa carrière en Egypte
Sheikh `Abd Al-Halîm commença sa carrière
professionnelle en tant que professeur à la Faculté de Langue Arabe d’Al-Azhar. Il travailla
en 1951 à la Faculté
des Fondements des Sciences Religieuses (Usûl Ad-Dîn) dont il devint le doyen
en 1964.
En
1969, il fut nommé secrétaire général de l’Académie des Recherches Islamiques
(Majma` al-Buhûth al-Islamiyyah). En 1970, il fut nommé vice-Imâm d’Al-Azhar.
En 1971, il occupa le poste du ministre d’Al-Awqâf (ministre du culte et des
affaires islamiques). En 1973, il fut nommé Grand Imâm d’Al-Azhar et devint
ainsi la plus grande autorité religieuse d’Egypte.
Au début des années 1960, une vague anti-Azharite
s’éleva dans les médias en Egypte. Cette vague calomnieuse contre Al-Azhar et
ses savants fut entretenue par des figures puissantes du gouvernement. En guise
de réponse, Sheikh `Abd Al-Halîm cessa de porter des vêtements
occidentaux et repris son costume traditionnel d’Al-Azhar. Il demanda aux
savants d’Al-Azhar d’en faire autant. Durant cette période, des vagues de
critiques déferlaient dans les journaux à tendance socialiste dressés contre
les savants d’Al-Azhar. Sheikh `Abd Al-Halîm ne fut pas épargné dans ces
articles diffamatoires.
De plus, Sheikh `Abd Al-Halîm, une des plus
grandes figures parmi les savants musulmans de son temps, fournit tous ses
efforts pour conserver l’indépendance d’Al-Azhar loin de toute sphère
d’influence. En 1974, un projet de loi visa à rétrograder les savants
d’Al-Azhar. Le Sheikh menaça de démissionner de son poste de Grand Imâm. En
raison de son extrême popularité parmi les savants et les étudiants d’Al-Azhar
et dans les milieux islamiques, on le persuada de garder le poste de Grand Imâm
et la loi ne fut pas votée.
Il essaya de modifier la loi de 1961 concernant
Al-Azhar, laquelle ôtait au Grand Imâm une part importante de ses
responsabilités et pouvoirs et mettait en péril l’indépendance d’Al-Azhar
vis-à-vis du pouvoir politique. Les efforts de Sheikh `Abd Al-Halîm
portèrent leurs fruits : il obtint une reformulation de la loi en
question. Cette réussite provoqua un fort enthousiasme dans les milieux azharites.
En 1975, suite à l’assassinat du ministre d’Al-Awqâf,
Sheikh Adh-Dhahabî, la police égyptienne sévit contre un groupe extrémiste
appelé At-Takfîr wa al-Hijrah. Au cours du procès des membres de ce
groupe, les juges demandèrent à Sheikh `Abd Al-Halîm de donner son
opinion et lui suggérèrent de prononcer une fatwa déclarant l’apostasie du
groupe. Le Sheikh refusa qu’on lui dicte ses fatwas. Et afin de donner un
jugement équitable, il refusa de formuler une opinion avant d’étudier leurs
idées et de les analyser à la lumière des enseignements islamiques. La fermeté
de sa position déchaîna les médias contre lui et contre Al-Azhar de façon
générale.
Dans un autre registre, des membres du personnel de la
compagnie aérienne Egypt-Air refusèrent de travailler tant que le vin était
servi sur leurs avions. Mais leurs supérieurs n’acceptèrent pas de mettre fin à
cette pratique. Ces membres du personnel se retournèrent alors vers le Grand
Imâm pour obtenir son soutien. Il rappela aux dirigeants de la compagnie le
Hadîth du prophète selon lequel « Nulle obéissance n’est due à une
créature impliquant la désobéissance au Créateur ». L’intervention de
Sheikh `Abd Al-Halîm eut un impact sur les dirigeants de la compagnie
qui acceptèrent de répondre à la requête du personnel.
Au milieu des années 70, des membres du gouvernement
tentèrent de faire passer une loi, non conforme à la loi islamique (Shari`ah),
au sujet du divorce. Sheikh `Abd Al-Halîm s’opposa fermement à cette
loi. Il a fallu attendre sa mort pour que cette loi soit débattue...
Au début des années 70, les idéaux communistes se
répandirent dans certains milieux intellectuels et estudiantins. Afin de les
mettre en garde contre les failles et les déviances du communisme, Sheikh `Abd
Al-Halîm encadra la publication de nombreux ouvrages analysant et
critiquant le communisme à la lumière des enseignements islamiques.
Il fut le pionnier de l’unification des efforts des
prédicateurs musulmans. Afin d’établir une ligne de conduite harmonieuse et
mature, il dirigea un comité, sans antécédent, de la Da `wah Islamique, réunissant
des savants d’Al-Azhar, des dirigeants de groupes islamiques et des ordres
soufis. Il tissa également des liens entre Al-Azhar et des organisations de
Da`wah dans d’autres pays.
Pendant qu’il occupait le poste de Grand Imâm, il
ordonna la construction d’un grand nombre d’Instituts Religieux d’Al-Azhar.
Sheikh `Abd Al-Halîm fut le premier savant azharite à
appeler publiquement à l’application de l’ensemble de la Shari `ah Islamique (loi
islamique) dans le pays. Lorsque certains membres du gouvernement lui
signifièrent qu’il fallait beaucoup de temps pour détailler toutes les lois de la Shari `ah, il mit en place
des comités de spécialistes où des savants d’Al-Azhar avaient pour mission
d’étudier dans le détail l’application de la loi islamique dans tous les
domaines et leur substitution aux lois non islamiques. Sheikh `Abd Al-Halîm
encadra ces comités, même lorsque sa santé se détériora et qu’il fut transporté
à l’hôpital.
Ouvrages
Sheikh `Abd Al-Halîm était un écrivain
talentueux. Il écrivit plus de 60 livres . Il était connu pour son caractère
posé, généreux et tendre. Ses élèves retiennent sa modestie et son savoir
abondant. Sa sensibilité soufie se dégage de ses ouvrages. A l’image de l’Imâm
Al-Hârith Al-Muhâsabi qui fait l’objet de sa thèse en France, il
était le reflet du noble visage du soufisme, celui qu’incarnaient les pieux de
l’Islam, à savoir un soufisme basé sur le respect et l’application des
enseignements coraniques et les traditions du Prophète - paix et bénédictions
sur lui. Parmi ses ouvrages nous pouvons citer :
- Muhammad le Messager d’Allah
- Somme de Fatwas
- Les preuves du statut de Prophète
- L’Islam et le Communisme
- Notre Jihâd Sacré
- Abû Al-Hasan Ash-Shadhlî
- Dhû’n-Nûn Al-Misrî
- Notre maître Zayn Al-`Âbidîn
- As-Sayyid Ahmad Al-Badawî
- Le sieur connaisseur de Dieu, Sahl At-Tostarî
- Somme de Fatwas
- Les preuves du statut de Prophète
- L’Islam et le Communisme
- Notre Jihâd Sacré
- Abû Al-Hasan Ash-Shadhlî
- Dhû’n-Nûn Al-Misrî
- Notre maître Zayn Al-`Âbidîn
- As-Sayyid Ahmad Al-Badawî
- Le sieur connaisseur de Dieu, Sahl At-Tostarî
Il édita et annota un certain nombre d’ouvrages
anciens, dont Ar-Ri`âyah li Huqûqi’llâh,
"L’Observance des Droits de Dieu" de l’Imâm Al-Muhâsibî et Latâ’if Al-Minan, "Manne Des Bienfaits"
de l’Imâm Ahmad Ibn `Atâ’illâh d’Alexandrie, l’auteur des
célèbres Hikam.
Disciple de la confrérie soufie shadhilie à laquelle
il dédia l’un de ses ouvrages, l’Imâm `Abd Al-Halîm Mahmûd participa
plus généralement à une réelle revivification du patrimoine soufi tant par ses
discours que par ses ouvrages. Son travail n’est pas celui d’un historien ou
d’un académicien qui analyse la discipline du soufisme et les récits de ses
hommes, mais il s’agit de l’expression d’un cœur qui a goûté à cette discipline
et qui projette à travers son expérience spirituelle et son savoir l’essence de
cette composante de l’islam qui traite des œuvres du cœur. Outre l’hommage qui
est rendu à des figures clefs de la spiritualité islamique, ses écrits visent à
guérir les cœurs et encouragent les aspirants à marcher sur les pas de leurs
pieux prédécesseurs, car les bienfaits de Dieu ne tarissent jamais ;
seulement chacun reçoit à la hauteur de la sincérité de son effort.
Au vu de ses écrits et de sa vie, l’Imâm `Abd Al-Halîm
Mahmûd fut surnommé à juste titre « Le père du soufisme dans l’ère
contemporaine ».
En 1978, un voile de deuil couvrit l’Egypte. L’âme de
Sheikh `Abd Al-Halîm Mahmûd retourna auprès de son Créateur. La
tristesse de la société égyptienne fut proportionnelle à la popularité de ce
Grand Imâm d’Al-Azhar et ses obsèques furent suivies par un grand nombre de
musulmans.
Mardi 16 mai 2000 .
http://www.islamophile.org/spip/L-Imam-Abd-Al-Halim-Mahmud.html
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