Alexis Ier Comnène
Alexis
Ier Comnène (grec : Ἀλέξιος
Α' Κομνηνός), (v. 1058N 1-1118), est empereur byzantin du 1er avril 1081 au 15 août 11 18. Il
est le troisième fils du curopalate Jean Comnène et d’Anne Dalassène et le
neveu de l’empereur Isaac Ier Comnène.
Son
règne de 37 ans est l’un des plus longs de l’empire byzantin et aussi l’un des
plus agités. Il révèle les qualités d’homme d’État d’Alexis dans des
circonstances dramatiques où les menaces sur l’Empire s’amoncellent de toutes
parts. Confronté à de nombreuses révoltes intérieures, l'empire est aussi la
proie de convoitises étrangères, qu'il s'agisse des Turcs, des Normands ou des
Petchenègues. Son règne est donc une lutte continuelle pour la survie de
l'empire. À sa mort Alexis lègue à son fils un territoire consolidé et agrandi.
Cependant, si à court et moyen terme le gouvernement d'Alexis Ier est un
succès, son bilan reste contrasté : début du déclin économique de l'empire du
fait de ses accords commerciaux avec les cités italiennes ; fermeture de la
société byzantine; fin d'une certaine renaissance culturelle.
S O M M A I R E
Une carrière
militaire
La
bataille de Malazgirt
Au
XIe siècle l'empire byzantin est marqué par l'ascension irrésistible d'une
noblesse fondée sur la naissance et l'accès aux fonctions militaires. Alexis
est membre d'une de ces familles. Il est élevé, ainsi que ses frères, par sa
mère Anne Dalassène en vue de monter un jour sur le trône. Celle-ci en effet
n'a jamais accepté le refus de son mari, Jean Comnène, de succéder à son frère
Isaac Ier Comnène lorsque celui-ci abdique en 1059 au profit de Constantin X
Doukas. Aussi pratique-t-elle une stratégie matrimoniale qui unit les Comnène à
toutes les grandes familles de l'empire. Alexis prend ainsi, de sa position de
courtisan, connaissance des principaux clans aristocratiques et de l'estimation
de leur importance.
Son
premier contact avec l'armée remonte aux mois qui précèdent la défaite de
Manzikert (1071) quand sa mère l'envoie rejoindre l'empereur Romain IV Diogène
pour remplacer son frère ainé Manuel Comnène, mort de maladie au cours de la
campagne. Alexis n'a que 13 ans. L'empereur lui ordonne cependant de retourner
immédiatement à Constantinople.
La lutte
contre Roussel de Bailleul
Au
cours de la décennie de chaos qui suit la défaite de Manzikert, Alexis se
montre un général capable. Vers 1073, il dirige sous les ordres de son frère
Isaac une petite armée, qui affronte les Turcs avec le mercenaire normand
Roussel de Bailleul. Il n'a que 15 ans. Cependant, la trahison du Normand
entraîne la défaite d’Isaac, qui est fait prisonnier1. Alexis poursuit la lutte
contre les Turcs avec une armée inférieure en nombre, bat en retraite avec
courage et regagne Constantinople à l'automne 1073. Le César Jean Doukas, oncle
de l'empereur, est battu et fait prisonnier par Roussel au pont du Sangarios
(près d'Ancyre), ainsi que son fils Andronic N 2. Roussel proclame son illustre
prisonnier empereur.
Le
chef normand représente une menace telle pour l’empire que Michel VII s’entend
avec les Turcs seldjoukides pour s’en débarrasser. Battu en Cappadoce par
l'émir turc Artouch, Roussel est fait prisonnier. Rapidement libéré contre
rançon, il se réfugie en Arménie, à Amasya, et se rend maître des principales
villes du Pont. Alexis N 3, qui a juste 17 ans, est alors nommé stratopédarque
(1075) et envoyé pour s’emparer du Normand. Il ne dispose guère de plus d'un
millier d'hommes et pratique une campagne de harcèlement. Alexis utilise aussi
la diplomatie (constante que l'on retrouve plus tard tout au long de son règne)
et prend contact avec un chef turc nommé Toutach, sans doute envoyé par Malik
Shah Ier. Celui-ci s'empare de Roussel et le livre à Alexis, qui se trouve
alors confronté au mécontentement des habitants d'Amasya, sur qui il compte
pour payer la somme promise aux Turcs N 4. Il rentre alors sur Constantinople
par mer, car la route terrestre est bloquée par des bandes turques, ce qui
illustre l'affaiblissement de l'empire.
Une
période troublée
En
novembre 1077, Nicéphore Bryenne, général issu d'une famille illustre N 5, se
révolte et s'empare de la
Macédoine , tandis que son frère Jean Bryenne tente d'assiéger
la capitale. Alexis en commande la défense avec l'aide de Roussel de Bailleul,
sorti de sa prison sur ordre de l'empereur Michel VII. Les deux anciens
adversaires remportent la victoire sur l'armée de Jean Bryenne en janvier 1078.
Cet exploit lève l'opposition de Michel VII au mariage d'Alexis avec Irène
Doukas, petite-fille du César Jean Doukas, oncle de l'empereur et véritable
chef de la famille Doukas. Le fils unique de celui-ci, Andronic, est mourant et
il parait important à Jean Doukas et à sa bru, Marie de Bulgarie, d'assurer
l'avenir de la famille à un protecteur à l'étoile montante d'autant que
l'horizon politique du Basileus semble incertain.
L'Empire
byzantin en 1076
En
effet, à peine cette victoire est-elle obtenue qu'une seconde révolte éclate,
menée par le duc des Anatoliques, Nicéphore Botaneiatès, en Asie mineure. Le 25 mars 10 78, une
émeute de ses partisans éclate dans Constantinople. Alexis, qui dirige les
troupes de la capitale, est persuadé qu'il est possible de tenir tête aux
insurgés, mais Michel VII préfère abdiquer (3 avril 10 78). Alexis tente alors
vainement de convaincre Constantin Doukas, le frère de Michel, d'accepter le
trône ; devant le refus de ce dernier, il se rallie à Nicéphore Botaneiatès.
Celui-ci, trop heureux de ce soutien qui lui livre la capitale, accepte avec
empressement et monte sur le trône sous le nom de Nicéphore III, épousant la
femme de Michel VII, l'impératrice Marie d'Alanie. Celle-ci cependant espère
préserver les droits au trône de son fils Constantin et cherche un protecteur
en la personne d'Alexis faisant de lui, en l'adoptant de façon officielle au
printemps 1078, le frère de son fils âgé de 4 ans. Il est plus que probable
qu'une liaison entre Alexis et Marie d'Alanie, réputée pour sa beauté,
intervient vers 1078, d'autant que la femme d'Alexis n'a à l'époque qu'une
douzaine d'années.
Alexis
écrase définitivement l’insurrection de Nicéphore Bryenne grâce à l’utilisation
de mercenaires turcs (printemps 1078). Bryenne est conduit à Constantinople et
aveuglé sur ordre de Nicéphore III2. Mais un troisième compétiteur, Nicéphore
Basilakios, qui avait succédé à Nicéphore Bryenne comme duc de Dyrrachium, se
soulève à son tour et s'empare de la Macédoine et de Thessalonique (printemps/été
1078). C'est Alexis, aidé de Tatikios, qui est chargé par Nicéphore III de
mettre fin à l'insurrection. Basilakios est vaincu par ruse et livré par ses
propres hommes. Il est aveuglé lors de son transfert vers la capitale. Alexis
est alors autorisé à rentrer dans la capitale avec ses troupes par Nicéphore
III et obtient la dignité de sébaste.
La prise
du pouvoir
Alexis
Comnène est dans un premier temps considéré avec honneur par le nouvel empereur
ainsi que sa famille. Le frère aîné d'Alexis, Isaac, de retour d'Antioche à
l'été 1078, est nommé sébaste lui aussi. Marié à une cousine de l'impératrice
Marie d'Alanie, il réside au palais impérial et devient proche du basileus.
L'âge avancé de Nicéphore III déclenche des ambitions : celles d'Alexis et de
son frère Isaac, soutenus par leur mère Anne Dalassène, mais aussi celle de
Jean Doukas qui a deux petits-fils, Michel et Jean, pouvant prétendre au trône.
Marie d'Alanie, enfin, n'a pas renoncé à l'empire pour son fils Constantin.
Alexis reste cependant le prétendant le plus sérieux : il est à la fois allié
aux Doukas par son mariage, adopté par Marie d'Alanie et surtout général
prestigieux ayant des relais nombreux dans l'armée.
Plan
de Constantinople
La
situation devient extrêmement critique pour l’empire avec l’installation du
sultan seldjoukide Soleïman à Nicée en 1078 et une menace d'invasion de
l'empire par Robert Guiscard et ses Normands. Nicéphore III commet alors une
première maladresse en dépouillant de ses attributs impériaux le jeune
Constantin Doukas, s'attirant ainsi la haine de l'impératrice. Un complot se
noue entre cette dernière et les frères Comnène. Alexis fait venir des troupes
vers la capitale. Mis au courant, Nicéphore décide l'arrestation et
l'aveuglement de ce dernier et de son frère, mais Marie d'Alanie prévient les
Comnène.
Dans
la nuit du 14
février 10 81, Alexis prend contact avec les généraux Grégoire
Pakourianos et Constantin Humbertopoulos et reçoit leur soutien, puis il quitte
la capitale et se rend à Schiza. Il reçoit alors l'appui, décisif sur le plan
financier, du César Jean Doukas, chef de cette famille. Pendant ce temps, à
Constantinople, les femmes de la famille Comnène sont enfermées dans un
monastère. À Schiza, Alexis est alors proclamé empereur, après que son frère
aîné, Isaac, s'est effacé à son profit. Il faut y voir la volonté du clan
Doukas dont est issue la femme d'Alexis. Finalement, c'est Isaac lui-même qui
chausse son frère des pantoufles pourpres, insigne impérial par excellence. Il
le seconde avec efficacité jusqu'à sa mort (vers 1104).
Alexis
marche ensuite sur la capitale dont il fait le siège. Cependant, Nicéphore
Botaneiatès dispose de troupes non négligeables, en particulier les corps
d'élites de mercenaires que sont les Varanges N 6 et les Chomatènoi N 7. De plus,
le Sénat et le peuple de Constantinople sont hostiles à Alexis. Enfin, la
majeure partie des troupes d'Asie Mineure soutient un autre prétendant au
trône, Nicéphore Mélissènos N 8, qui s'empare de Damalis, en face de la
capitale. C'est surtout avec le soutien des troupes « européennes », ainsi que
des auxiliaires Turcs, qu'Alexis assiège la capitale. Quelques attaques
infructueuses lui font prendre conscience que le plus simple est de circonvenir
une partie des défenseurs, souvent des mercenaires étrangers.
Alexis
rallie à sa cause le chef des Némitzoi (mercenaires allemands) qui garde la
porte d'Andrinople, et pénètre le jeudi saint (1er avril 1081) dans
Constantinople. Une partie de la ville est alors livrée au pillage par les
mercenaires d'Alexis3 avant que ce dernier ne reprenne le contrôle de ses
troupes. Nicéphore propose à Alexis un partage du pouvoir mais, sous
l'influence du patriarche Kosmas N 9, il finit par abdiquer et se retire dans
un monastère. Alexis écarte rapidement le dernier prétendant, Nicéphore
Mélissènos, qui proposait un partage de l'empire, en lui octroyant la dignité
de César et la ville de Thessalonique.
L'homme d’État
C’est
un homme jeune qui accède au pouvoir mais qui a déjà derrière lui une longue
expérience militaire dont les succès ont dépendu pour l’essentiel de son
habileté diplomatique plus que de ses qualités militaires. De petite taille, il
dégage de lui un charisme certain (que notent plus tard les chroniqueurs de la Première croisade) et un
parfait contrôle de soi. Peu cruel de nature, ses deux prédécesseurs terminent
leur vie l’un sur un trône épiscopal (Michel VII), l’autre dans un monastère
(Nicéphore III) N 10, il est capable cependant d’utiliser la ruse et même la
terreur quand la situation l’exige. En épousant Irène Doukas il s’allie à l’une
des plus grandes familles de l’empire ce qui conforte son trône mais toute sa
vie, et jusque sur son lit de mort, il est contraint de déjouer les intrigues
et complots de l’aristocratie byzantine et de son entourage familial. Ainsi sa
mère, une femme décrite comme dominatrice et possessive, éprouve une haine
féroce envers la nouvelle impératrice et son clan, haine partagée par Marie
d'Alanie, femme de Michel VII, de Nicéphore III Botaneiatès et probable
maîtresse d’Alexis avant son accession au trône1. Pour limiter les risques
d’usurpation, Alexis pratique une habile politique d’alliances matrimoniales.
Sa fille aînée, Anne, épouse ainsi Constantin Doukas (le fils de Michel VII et
de Maria d’Alanie), puis, après le décès de celui-ci, Nicéphore Bryenne, le
fils du révolté de Dyrrachium.
Le
redressement financier
La
situation de l’empire en 1081 est dramatique. Dans les Balkans les Byzantins
sont confrontés aux Normands de Robert Guiscard ainsi qu’aux invasions des
Petchenègues. Les peuples Slaves en Serbie et Dalmatie sont en dissidence N 11.
La Cilicie ,
peuplée par des vagues de migrations arméniennes est quasi indépendante et se
déchire entre les luttes fratricides de plusieurs roitelets. De plus, la perte
de l’Anatolie prive le basileus d’importantes recettes fiscales et l’ancien
système de recettes fiscales s’est effondré. L’un des premiers défis auquel
s’attaque Alexis Ier est donc le problème financier. Les moyens utilisés par
l’empereur pour faire rentrer de l’argent ne sont guère populaires mais
néanmoins efficaces. La population est taxée à la limite du supportable,
certains biens de nobles et de l’Église sont confisqués, les peines judiciaires
sont fréquemment des amendes plutôt que des peines d’emprisonnement. Enfin
Alexis Ier prend deux décisions majeures qui se révèlent catastrophiques sur le
long terme : il accorde d’énormes avantages commerciaux à Venise par le
chrysobulle de 1082, au détriment du commerce byzantin lui-même, ce qui dans un
premier temps lui assure l’alliance de la puissante flotte de la cité des
doges, et il dévalue la monnaie impériale qui, durant sept siècles avait été la
seule monnaie stable du bassin méditerranéen. Cette politique permet à Alexis
de remettre sur pied une administration efficace, de recréer une véritable
armée et une flotte et même d’entretenir une cour fastueuse.
Le danger
normand (1081-1085)
L'Adriatique
en 1084
En
politique étrangère, la difficulté à laquelle est confrontée Alexis c’est de
savoir contre quel adversaire lutter en premier. Le calcul qu’il fait alors est
que la lutte contre les Turcs suppose un effort sur le long terme qu’il n’est
pas encore capable d’effectuer mais que les querelles internes affaiblissent
provisoirement les Seldjoukides. Aussi choisit-il dans un premier temps de
repousser l’attaque normande. Robert Guiscard et ses troupes viennent de
s’emparer d’Avlona et assiègent Dyrrachium depuis l’été 1081. Robert justifie
son intervention par sa volonté de rétablir sur le trône l'ex-empereur Michel VII
avec lequel il avait signé un alliance en 1074 N 12. Ses effectifs sont compris
entre 10 000 et 15 000 hommes N 13. Alexis lors de sa prise du pouvoir a
immédiatement remplacé le duc de Dyrrachium, Georges Monomachos, à la fiabilité
douteuse, par son beau-frère Georges Paléologue qui en organise immédiatement
la défense. La flotte vénitienne, alliée aux Byzantins, inflige une grave
défaite aux Normands en juillet 1081 qui lèvent le siège maritime mais pas le
siège terrestre.
En
octobre de la même année Alexis intervient avec une armée dont le corps
principal est la garde varègue composée, pour l’essentiel, d’Anglo-Saxons mais
recrute aussi de nombreux mercenaires turcs. Alexis repousse l'avis de ses
généraux expérimentés qui conseillent une guerre de harcèlement et attaque
immédiatement Robert Guiscard. La bataille est longtemps incertaine mais
finalement Alexis est battu sévèrement et doit fuir le champ de bataille en
abandonnant la tente impériale N 14. Dyrrachium tombe en février 1082, après
avoir ouvert ses portes aux Normands. Robert Guiscard contrôle ainsi la Via Egnatia qui lui
ouvre la route de Thessalonique et surtout de Constantinople.
C'est
dans ces circonstances dramatiques que se mesure l'habileté d'Alexis lequel a
toujours plusieurs fers au feu. Ce désastre militaire est effectivement
rapidement compensé par une habile politique diplomatique. Anne Comnène indique
qu'Alexis avait fortifié « les endroits situés en face de Robert et devant lui;
mais il n'avait pas négligé non plus d'intervenir derrière lui. » Un
rapprochement est mené avec l'empereur Henri IV en lutte avec le pape Grégoire
VII et ses alliés Normands N 15.
L 'empereur germanique intervient militairement devant
Rome en mai 1081 puis de nouveau au printemps 1082. Alexis soutient aussi les
revendications des neveux de Robert, Abagelard et Herman, qui lui disputent
l'héritage d'Onfroi de Hauteville, son frère aîné. Une partie des Pouilles se
soulève contre Robert au début de 1082. Enfin et surtout Alexis renforce son
alliance avec Venise. C'est dans ce contexte difficile pour l'empire qu'il faut
comprendre les privilèges commerciaux considérables obtenus par les Vénitiens
avec le chrysobulle de mai 1082. Venise, aidée d'une flotte byzantine, remporte
au printemps 1082 un second succès naval sur les Normands.
Ces
évènements obligent Robert Guiscard à repartir en Italie en avril 1082 avec une
partie de ses troupes. Il laisse son fils Bohémond en Grèce. Celui-ci s'enfonce
en territoire byzantin et Alexis se précipite pour essayer d'arrêter la marche
de l'envahisseur. Il est battu à Ioannina (mai 1082) puis de nouveau à Arta
(juillet 1082) et retourne (août 1082) à Constantinople reconstituer une armée.
Bohémond cependant assiège Larissa pendant 6 mois ce qui laisse à Alexis le
temps de recruter de nombreux mercenaires dont plus de 7000 turcs. Il réussit à
débaucher aussi une partie des officiers de Bohémond. À la fin de l'été 1083 il
entame une campagne d'embuscades. Il parvient par un stratagème à faire sortir
la cavalerie de Bohémond du siège de Larissa et massacre les fantassins de son
adversaire. Les soldats normands sont découragés et ne sont plus payés. Il est
ainsi aisé à Alexis de leur faire changer d'allégeance. Bohémond retourne alors
à Avlona puis en Italie afin de trouver de quoi payer ses troupes.
Pièce
de monnaie à l'effigie de Robert Guiscard
Robert
Guiscard cependant ne renonce pas. Il débarque en Grèce de nouveau en 1084 avec
une flotte importante et une armée bien équipée. Après un premier échec face
aux Vénitiens Robert remporte un large succès en face de Corfou et s'empare de
l'île. Mais la mort de Guiscard en juillet 1085, et la lutte de succession qui
éclate entre ses héritiers, libèrent l’empire d’un grand danger. Les troupes
normandes retournent en Italie et l’autorité impériale est rétablie sur les
provinces occidentales de l’empire.
La
politique d’Alexis face aux Turcs (1085-1092)
Le déclin de Byzance en Asie Mineure
En
Asie Mineure la situation de l'empire byzantin s'est terriblement dégradée
depuis la défaite de Manzikert face aux Turcs Seldjoukides en 1071. Le
principal chef turc est Soleïman Ibn Qoutloumouch. Il est chargé par le sultan
Malik Shah Ier de poursuivre la guerre contre les Byzantins et s'acquiert de sa
tache avec une telle vigueur que la quasi-totalité de l'Anatolie est perdue
pour Constantinople. Cette situation est rendue possible pour plusieurs
raisons. Depuis le règne de Basile II les grandes familles résident le plus
souvent à Constantinople. Il n'y a pas de ce fait de système local de défense
contre les Turcs, qui contrairement aux Arabes souhaitent s'établir en
Anatolie, sur le modèle du château fort d'Europe occidental4. La défense de ces
terres est laissée à l'empereur. De plus les rébellions incessantes contre les
empereurs après la fin de la dynastie macédonienne, et le recours à des
mercenaires turcs, favorisent l'avance de ces derniers. Soleïman soutient ainsi
en 1082 la tentative de Nicéphore Mélissènos. Quand ce dernier se soumet à
Alexis Soleïman s'est emparé de Nicée, d'une partie de la Bithynie et de quelques
cités de la Phrygie
et refuse de les rendre. Nicée devient même la capitale officielle du sultanat
seldjoukides d'Anatolie. À partir de 1084/1085 les derniers territoires sous
contrôle byzantin en Asie passent sous suzeraineté turque sauf quelques
territoires côtiers d'Asie Mineure (Propontide). Ainsi les Turcs s’emparent de
la grande cité d’Antioche (13 décembre 10 84) et des villes de Mélitène et Édesse peu
après, peuplées d’Arméniens pour la plupart. Seule Trébizonde, sur la cote nord
de la mer Noire, reste byzantine,
La politique d'Alexis face aux Turcs
Quand
Alexis devient empereur il est face à un choix. Quel ennemi combattre en
premier, les Normands ou les Turcs ? Contrairement à Robert Guiscard, dont
l'objectif est clairement Constantinople, les Turcs ne semblent pas avoir
encore de dessein impérial et représentent aux yeux d'Alexis un danger moins
pressant. Aussi, nous l'avons vu précédemment, fait-il le choix de défendre la
partie occidentale de l'empire. Pour cela il mène une intense activité
diplomatique pour acheter la paix aux seldjoukides afin de se consacrer à la
guerre contre les Normands et n'hésite pas à recruter des mercenaires turcs
dans ses propres troupes. Il parvient à reprendre Damalis, promontoire situé en
face de Constantinople de l'autre côté du Bosphore.
Face
aux Turcs la politique d'Alexis est d'une grande constance, « diviser pour
régner ». La mort en 1086 du principal chef turc, Soleïman Ibn Qoutloumouch,
qui venait de prendre Antioche et qui marchait sur Alep, tué par un de ses
rivaux jette la confusion chez les Turcs d’Anatolie et vient en aide au
basileus. Les différents subordonnés de Soleïman se rendent indépendants et
Nicée ainsi reste 6 ans entre les mains d’un rebelle, Abul Qasim, et ce n’est
qu’en 1092, peu avant sa mort, que Malik Shah Ier parvient à rétablir le fils
de Soleïman, Kılıç Arslan Ier. Alexis profite de cette situation confuse pour
reconquérir Cyzique et signe un traité d'assistance avec Abul Qasim (vers 1086)
N 16. Alexis reçoit des propositions d'alliances de Malik Shah Ier lui-même (à
l'époque le plus grand souverain du monde musulman) à au moins deux reprises.
En 1086, au moment où il négocie avec Abul Qasim (qui craint l'intervention du
sultan et se rapproche de Byzance pour cette raison) puis vers 1091/1092. À
cette époque Malik Shah cherche à se débarrasser de son frère Tutuch, qui
gouverne Antioche, et à rétablir le fils de Soleïman Ibn Qoutloumouch à Nicée.
Il propose à Alexis la restitution des villes de Bithynie et du Pont et un
mariage entre Anne Comnène et son fils aîné.
L'empire
seldjoukide à la mort de Malik Shah I, 1092
L'assassinat
de Malik shah en 1092 entraîne l'abandon du projet. Cependant Alexis est
confronté à un nouvel adversaire potentiellement plus dangereux, l’émir turc de
Smyrne, Tzakhas
La lutte contre Tzakhas
En
effet l’émir turc de Smyrne, Tzakhas, tente à la fois de fédérer les roitelets
turcs dans le cadre d’une alliance et se rend maître, entre 1080 et 1090, de la
côte égéenne et des îles de Lesbos, Chios, Samos et Rhodes avec la complicité
de nombreux Grecs qui forment l’armature de sa puissance navale. Alexis qui
vient de recréer une flotte lui inflige une défaite en mer de Marmara mais il
n’est débarrassé du danger qu’en suggérant à Kılıç Arslan, qui avait épousé vers
1092, la fille de Tzakhas, l’assassinat de son beau-père, ce qui est fait en
1093 lors d’un banquet à Nicée5. Alexis ne récupère pas pour autant les
possessions de Tzakhas du moins pas tout de suite et il doit attendre la
bataille de Dorylée et l’aide des Croisés pour en chasser le fils de Tzachas.
Le danger
petchenègue (1086-1091)
L’un
des facteurs qui expliquent la relative passivité d’Alexis dans les années
1086/1092 face aux Turcs est la menace immédiate et réelle que représentent les
Petchenègues sur la frontière danubienne. Ce peuple d’origine turque est
repoussé vers le sud par les Russes. Quand en 1083 Alexis décide d'exiler les
chefs Pauliciens, une secte dualiste implantée en Thrace et considérée comme
hérétique, certains traitent avec les Petchenègues, qui vivent à l'époque au
nord-est de l'actuelle Bulgarie, et qui commencent une série d'incursions. Une
expédition armée dirigée par le domestique d'Occident Grégoire Pakourianos est
vaincue à la bataille de Béliatova N 17 en janvier 1086 N 18 et les
Petchénègues s’emparent de la
Thrace en 1086 ou 1087 avec l’aide des Hongrois. Les
Byzantins sont battus à Silistrie en 1087 par des adversaires plus nombreux et
mieux organisés N 19.
Cependant
la discorde s'installe entre Petchénègues et Coumans à propos du butin
important de la bataille et Alexis en profite pour négocier une paix avec les
premiers. Il redoute une alliance des deux peuples. Cette paix n'est qu'une
fiction et les Petchénègues recommencent rapidement leurs incursions en Thrace.
Au printemps 1089 ils massacrent à Charioupolis environ 300 archontopouloi N 20
ce qui est ressenti à Constantinople comme une catastrophe majeure.
En
1091 les Petchenègues, occupent la région de Gallipoli et s'allient avec les
Seldjoukides et en particulier Tzakhas en février. Cette alliance,
potentiellement mortelle pour l’empire, échoue de par les divisions internes
aux Turcs et grâce à l’habileté diplomatique d’Alexis qui s’allie aux Coumans
dont près de 40 000 viennent d'arriver sur les pas des Petchénègues. C'est à ce
moment qu'Alexis utilise avec habileté son arme favorite, la diplomatie. Il
détache les Coumans de l'alliance petchénègue par une habile politique de
cadeaux et un banquet mémorable. Les Coumans s'allient alors aux troupes
byzantines et écrasent les Petchenègues le 29 avril 10 916 à la bataille de la
colline de Lebounion N 21. Le nombre de prisonniers est tel que les Byzantins
craignent une révolte de ceux-ci. Un grand nombre est alors massacré
probablement avec l'accord tacite d'Alexis bien qu'Anne Comnène tente de
dégager sa responsabilité.
Alexis
Ier est alors définitivement libéré N22 des menaces sur sa frontière
septentrionale et peut se consacrer entièrement à la lutte contre les
Seldjoukides.
Les
rapports avec l’Occident
Les
rapports diplomatiques d’Alexis Ier avec les pays occidentaux d’Europe sont
dans un premier temps relativement conflictuels. Le pape Grégoire VII avait
entretenu de bonnes relations avec Michel VII et, après la déposition de
celui-ci en 1078, excommunié immédiatement son successeur Nicéphore III. Cette
excommunication s’étend en avril 1081 au nouvel empereur, Alexis Ier. Ce
dernier tente en juin 1081 de renouer le contact et d’avoir l’appui du pape
contre les entreprises de Robert Guiscard mais sans que ses lettres reçoivent
de réponses. L’empereur Henri IV, en conflit avec le pape, prête une oreille
plus attentive aux ambassadeurs d’Alexis et aux subsides que l’empereur
byzantin lui verse. Alexis, en représailles à l’attitude de Grégoire VII, ferme
les églises latines de Constantinople. La mort de ce dernier le 25 mai 10 85 est
accueillie avec soulagement7. L’élection en mars 1088 sur le trône pontifical
d’Eudes de Lagery sous le nom d’Urbain II permet une amélioration nette des
relations diplomatiques. En délicatesse avec les Normands de Sicile et Henri
IV, il parvient habilement à accroître son influence politique et spirituelle.
En 1095 son autorité est considérable.
Urbain
II souhaite renouer le contact avec la chrétienté orientale et entreprend des
négociations avec Alexis, sous le contrôle étroit de Roger de Sicile qui a
succédé à son frère Robert Guiscard mais qui se désintéresse de la conquête de
l’empire byzantin. En septembre 1089 Urbain II lève officiellement le ban
d’excommunication contre Alexis Comnène, en présence des ambassadeurs de
celui-ci. Le même mois un synode s’ouvre à Constantinople et constate,
opportunément, que le nom du pape a été omis dans les diptyques de l’Église non
par quelque décision canonique, mais vraisemblablement par manque d’attention1.
Le patriarche de Constantinople Nicolas III écrit à Urbain II et lui donne un
délai de 18 mois pour expédier une lettre systatique afin de réparer cet «
oubli ». La réconciliation avec la papauté est un succès nécessaire à Alexis
qui abandonne, par réalisme, les religieux grecs en Italie tels Romain,
archevêque de Rossano et le métropolite de Trani inquiets des empiétements du
pape sur leurs territoires et qui soutiennent l’anti-pape Guibert de Ravenne.
Même
si Urbain II, peu soucieux d’aborder avec Byzance des questions de théologie,
n’envoie pas de lettre systatique les bonnes relations sont rétablies. En 1090,
une ambassade byzantine apporte un message d’amitié au pape. Certes les
controverses théologiques se poursuivent N 23, mais en sourdine.
La Première croisade
Une situation paradoxale
La
situation pour Alexis Ier au milieu des années 1090 est paradoxale. Le pouvoir
seldjoukide semble décliner. Le sultan Malik Shah Ier est mort en 1092 et sa
disparition entraîne un guerre de succession qui divise profondément les Turcs.
Le successeur de Malik Shah, son frère Tutuch, meurt à son tour en 1095
laissant deux fils, frères ennemis, régner l’un sur Alep (Ridwan) l’autre sur
Damas (Dukak). Des chefs Turcs et Kurdes s’établissent en Irak et en Syrie. Kerbogha,
l’atabeg de Mossoul, grignote progressivement le territoire de Ridwan. Les
Fatimides s’implantent progressivement dans le sud de la Palestine et se
rapprochent de Jérusalem où gouvernent les Ortoqides. Enfin un clan chiite, les
Banou Ammar s’implante à Tripoli. Pour Alexis, il existe donc une opportunité
réelle de reprendre pied en Anatolie et en Syrie d’autant qu’il a rétabli la
domination byzantine sur les Balkans et la côte ionienne. Mais le point faible
des Byzantins est l’armée dont les effectifs restent trop faibles et peu
expérimentés à l’exception des mercenaires N 24 dont la fiabilité est parfois
douteuse. Alexis, qui doit garder des effectifs importants dans les Balkans et
sur sa frontière danubienne, a donc besoin de recrues supplémentaires s’il
souhaite passer à l’offensive contre les Turcs. Sa politique de rapprochement
avec le pape se révèle utile si elle permet d’user de l’influence de celui-ci
pour enrôler de nouvelles recrues. D’autant que par le passé des seigneurs
occidentaux sont déjà venus combattre aux côtés des Byzantins N 25. C’est ainsi
que des plénipotentiaires Byzantins sont amenés à prendre la parole lors du
concile de Plaisance réuni par Urbain II en mars 1095, peu avant son départ
pour la France
et Clermont. Nous ignorons le détail de leurs discours mais ils semblent
insister sur les épreuves subies par les chrétiens orientaux et sur la
nécessité de s’enrôler sous la bannière impériale afin de chasser les «
Infidèles ». Cette intervention marque fortement Urbain II qui invite les
chrétiens qui l’écoutent à s’engager par serment à aller secourir l’empire de
Constantinople8. De plus dans un contexte général de recul de l’Islam en Europe
(Espagne, Sicile), le pape envisage un dessein plus vaste que le simple envoi
de mercenaires à Alexis Ier, il songe désormais à une « guerre sainte »9.
L’appel de Clermont
Lors
du concile de Clermont, convoqué pour le 24 novembre 10 95, Urbain II invite ses
auditeurs N 26 à employer leurs forces pour la défense de leurs frères d’Orient
victimes des sévices que leur infligent les musulmans. Ce n’est pas d’ailleurs
un projet nouveau. Grégoire VII en avait formulé un similaire au moment de la
défaite de Mantzikert mais qui avait été abandonné après la déposition de
Michel VII. Lorsque le pape quitte Clermont le 2 décembre, il ignore encore le
succès que va avoir son appel dans toute l’Europe et qu’il a déclenché un
mouvement dont les conséquences pour la Chrétienté et Byzance sont incalculables.
Alexis Ier se prépare à l’arrivée des croisés
En
1096, Alexis est dans une période de calme assez inédite dans l’histoire
complexe de l’Empire. Il vient d’infliger une cuisante défaite aux Coumans et a
ainsi stabilisé sa frontière danubienne pour longtemps. Mais les renseignements
qui lui parviennent d’Europe sont inquiétants. Ce ne sont pas des troupes
réduites, incorporables sans grandes difficultés dans son armée, qui
proviennent de l’Occident mais de véritables armées. Si l’on en croit Anne
Comnène, l’empereur et la cour apprirent que « Tout l’Occident et toutes les
tribus barbares d’au-delà de l’Adriatique, jusqu’aux Colonnes d’Hercule
faisaient mouvement vers l’Asie à travers l’Europe amenant des familles
entières avec eux. ». Ce que semble craindre Alexis c'est une attaque sur sa
capitale dont les richesses peuvent exciter les convoitises des occidentaux. De
plus il apparaît clairement qu'une première expédition composée de bandes
inorganisées (la croisade populaire) précède la croisade seigneuriale. L'idée
d'une attaque sur Constantinople paraît avoir été retenue par l'entourage
impérial10 qui n'oublie pas les tentatives récentes de Bohémond de Tarente
quelques années plus tôt, lequel Bohémond participe à la croisade.
Alexis
cependant ne perd pas son sang-froid. Afin d’empêcher les pillages il est
nécessaire de nourrir les armées croisées. Aussi fait-il aménager des dépôts de
provisions dans les grands centres urbains de l’empire. Il organise aussi des
unités afin d’encadrer les déplacements des troupes occidentales pour éviter
tout débordement. Le neveu d’Alexis, Jean Comnène, gouverneur de Dyrrachium
reçoit l’ordre d’accueillir les chefs de la Croisade cordialement mais de veiller à contrôler
leur moindre déplacement. L’amiral Nikolaos Mavrokatalon est envoyé dans
l’Adriatique afin de signaler l’arrivée des premiers navires francs.
La croisade populaire
Les
premières bandes de la croisade populaire, celles « dirigées » par Gautier
Sans-Avoir, arrivent dans l'Empire fin mai 1096 dans la région de Belgrade et
après quelques incidents, sont sévèrement encadrées jusqu’à Constantinople où
elles arrivent en août. Le 26 juin les croisés, également de la croisade
populaire, dirigés par Pierre l'Ermite pillent la ville de Belgrade N 27. En
juillet Nicétas, le gouverneur d'Alexis, qui vient d'envoyer des renforts,
massacre une partie des croisés devant Nish. Finalement le reste du voyage se
déroule sans encombre mais les troupes d'Alexis encadrent fortement les
croisés. Habilement, Alexis reçoit Pierre l'Ermite, assure le ravitaillement de
ces troupes indisciplinées. Il ne se fait visiblement aucune illusion sur la
valeur militaire de cette croisade populaire mais cherche, afin de limiter les
risques de pillages, à s'en débarrasser le plus vite possible. Arrivée le 1er
août 1096 à Constantinople, la croisade populaire est transportée par la flotte
impériale en Asie le 6 août. Elle est anéantie par les Turcs le 21 octobre,
près de Nicée N 28.
La croisade des seigneurs
Les
grands seigneurs occidentaux arrivent en ordre dispersé quelque temps après
l'échec de la croisade populaire. Le premier à partir est le frère du roi de
France Philippe Ier, le comte Hugues de Vermandois. Il arrive début octobre
1096 à Bari et embarque pour Dyrrachium. Il prend la précaution d'envoyer une
ambassade à Jean Comnène, le gouverneur de la ville, afin d'être reçu selon son
rang. Son arrivée est mouvementée puisque son navire fait naufrage mais il est
accueilli avec honneur par les Byzantins, selon les consignes données par
Alexis. Ce dernier reçoit Hugues avec chaleur... tout en limitant sa liberté de
mouvement N 29
Carte
de la Ire
croisade
Godefroy
de Bouillon inquiète davantage Alexis car son armée est importante et il
apparaît assez vite que la création d'une principauté en Orient ne déplairait
pas, sinon à Godefroy du moins à son jeune frère Baudouin N 30. Godefroy et ses
troupes passent par la
Hongrie N 31. Alexis, tout en envoyant une escorte à la fois
pour accueillir les croisés et les surveiller, organise un ravitaillement
efficace des troupes lorraines et germaniques et la traversée de la péninsule
balkanique s'effectue sans désordres jusqu'au 12 décembre 10 96. Ce jour là les
troupes de Godefroy ravagent pendant 8 jours les alentours de Selymbria sans
que l'on sache les raisons précises N 32 L 'arrivée de Godefroy et d'une armée
nombreuse pose problème à Alexis Ier. Il doit en effet s'assurer de
l'allégeance des croisés mais les éloigner rapidement de sa capitale qui vient
déjà de souffrir du passage des bandes de Pierre l'Ermite. Dans un premier
temps Godefroy refuse l'allégeance car son suzerain est l'empereur d'Allemagne
ce qui amène Alexis à lui couper le ravitaillement pour faire pression sur lui.
Baudouin pille alors les faubourgs de la capitale jusqu’à ce qu'Alexis fasse
machine arrière. Godefroy décide d'attendre les autres chefs croisés avant de
prendre une décision. En mars 1097 de nouveaux affrontements éclatent et le
jeudi 2 avril, celui de la
Semaine sainte, Godefroy tente de pénétrer dans la ville mais
est repoussé par les troupes d'Alexis. Cette défaite révèle à Godefroy sa
faiblesse et il prête serment quelques jours (5 avril8) plus tard tandis que son
armée est transportée sur la rive asiatique du Bosphore.
Arrivée
des Croisés à Constantinople
Pour
Alexis il est temps car le 9 avril 10 97, Bohémond de Tarente arrive à Constantinople.
Ce dernier désire se constituer une principauté au Levant car en Sicile ses
ambitions sont contrecarrées par son oncle Roger Ier de Sicile. Son armée est
moins nombreuse que celle de Godefroy mais est bien équipée et d'une valeur
militaire de premier ordre. Alexis le sait parfaitement, lui qui a déjà
combattu les Normands au début de son règne. La traversée de la Grèce de cette troupe se
déroule correctement, Bohémond maintenant une discipline de fer. Pour Alexis,
Bohémond est le croisé le plus dangereux. Homme de guerre médiocre N 33 c'est
un redoutable diplomate et un politique avisé N 34. Il a pris conscience, bien
mieux que Godefroy et Baudouin, du redressement byzantin, et qu'un affrontement
direct conduirait la croisade au désastre. Il estime préférable de s'entendre
avec Alexis (lequel le rencontre seul à seul) et prête sans hésitation le
serment d'allégeance au Basileus N 35 le jour de son arrivée. Les troupes de
Bohémond sont transportées par la marine d'Alexis en Asie le 26 avril. Le
lendemain arrive une nouvelle armée croisée dirigée par le comte de Toulouse
Raymond IV.
Godefroy
de Bouillon et les barons reçus par l'empereur Alexis
Le
comte de Toulouse estime qu'il est le seul à pouvoir diriger la croisade. Il a
déjà lutté contre les musulmans (en Espagne), est le seul à avoir rencontré
Urbain II et il est accompagné du légat du pape, Adhémar de Monteil, évêque du
Puy. Raymond offre aux yeux d'Alexis un contraste frappant par rapport aux
autres chefs croisés. Plus civilisé, plus courtois il est considéré comme un homme
fiable et honnête par les Byzantins. Cela n'empêche pas les troupes d'Alexis
d'infliger une défaite cuisante aux troupes de Raymond11 qui pillaient les
Balkans en avril 1097. Raymond refuse de prêter serment à l'empereur N 36 et
n'accepte qu'un serment modifié dans lequel il s'engage à respecter la vie et
l'honneur du Basileus et ne rien tenter contre lui. Alexis se contente de cet
accord. Les relations entre Raymond IV et Alexis se réchauffent rapidement car
l'empereur comprend vite qu'il dispose, avec le comte de Toulouse, d'un allié
contre Bohémond à l'intérieur même de la croisade.
Peu
après arrive la dernière armée des croisés, dirigée par le duc de Normandie,
Robert II, Étienne de Blois et le comte de Flandre Robert II sans anicroches
particulières. Le serment à l'empereur est prêté sans résistance aucune par les
chefs de cette dernière expédition.
Finalement
la gestion par Alexis de cette arrivée massive de seigneurs occidentaux (entre
60 000 et 100 000 hommes,
chiffres considérables pour l'époque) se révèle particulièrement habile. Entre
1096 et le printemps 1097 il a réussi à accueillir l'ensemble des forces
croisées, à les ravitailler sans que les inévitables débordements et maraudes
prennent une ampleur démesurée. De plus, à l'exception notable de Raymond IV de
Toulouse avec lequel il conclut un arrangement particulier, l'empereur obtient
un serment d'allégeance des chefs de la croisade. Il est peu probable qu'Alexis
se fasse beaucoup d'illusion sur la validité de ce serment mais cela lui donne un
avantage juridique en cas de litige.
La reconquête de l'Asie Mineure
La prise de Nicée
Plus
que la prise de Jérusalem l'objectif d'Alexis Ier est la reconquête de l'Asie
Mineure sur les Turcs. L'objectif premier est donc la prise de Nicée la
capitale seldjoukide. Le souverain turc Kılıç Arslan Ier vient de commettre
l'erreur, après avoir écrasé la croisade populaire, de partir en guerre contre
d'autres princes musulmans afin de contrôler Mélitène12. Il est tellement
persuadé que les croisés ne pousseront pas jusqu’à sa capitale qu'il y laisse
sa femme, ses enfants et son trésor.
L'armée
croisée s'est réunie à Pélékan qu'elle quitte le 26 avril 10 97 pour Nicomédie. Elle
franchit le défilé où la croisade populaire a été massacrée. Godefroy de
Bouillon, sur les conseils d'Alexis, avance prudemment et n'atteint Nicée que
le 6 mai 10 97.
Le 13 mai arrive Bohémond et ses Normands, puis le 16 mai Raymond de Toulouse et
le 3 juin les soldats du duc de Normandie. Alexis lui-même débarque à Pélékan
afin de garder à la fois le contact avec sa capitale (si les choses tournent
mal) et de pouvoir, en cas de victoire, mettre Nicée sous le tutelle byzantine.
Le 21 juin Kılıç Arslan Ier arrive avec son armée mais ne peut forcer le
dispositif croisé. Il se rend rapidement compte qu'en terrain découvert ses
troupes ne sont pas de taille à vaincre les croisés et se retire dans les
montagnes, abandonnant la ville à son sort.
Cependant
les croisés constatent que la ville est bien protégée et que le siège risque de
s'éterniser d'autant que le blocus est incomplet la ville étant ravitaillée par
le lac Askanios. Les croisés demandent alors l'intervention d'Alexis. Celui-ci
attend probablement ce moment de montrer que sa coopération est indispensable.
Il envoie des troupes terrestres dirigées par les généraux Tatikios et
Tzitas13, et fournit une flottille pour bloquer le lac, dirigée par Manuel
Boutoumitès. La garnison comprend alors que la situation est désespérée et
entre en négociations avec l'empereur (par l'intermédiaire de Boutoumitès). Le
19 juin au matin les croisés ont par conséquent la surprise de voir l'étendard
impérial flotter sur la ville. Alexis récupère ainsi habilement Nicée sans que
la ville subisse les conséquences brutales d'une mise à sac, d'autant que la
majorité des habitants sont des chrétiens. Si les chefs croisés se satisfont de
la situation N 37 ce n'est pas le cas des hommes de troupes frustrés du
pillage. Alexis anticipe tout mouvement de colère en ravitaillant largement la
croisade et en distribuant une partie du trésor de Kılıç Arslan. Alexis en
profite alors pour demander l'allégeance des seigneurs de second rang, qu'il
obtient, ainsi que celle de Tancrède. Celui-ci accepte après une violente
algarade avec son oncle Bohémond.
Le
traitement généreux des Turcs prisonniers par Alexis surprend et choque
beaucoup les Croisés. Le Basileus autorise les officiers et fonctionnaires à
racheter leur liberté et reçoit à Constantinople la famille de Kılıç Arslan
avec des honneurs royaux avant de la renvoyer au sultan.
La victoire de Dorylée
Le
26 juin, soit une semaine après la chute de Nicée, la croisade reprend sa
route. Alexis prend la précaution de lui adjoindre un contingent byzantin
dirigé par Tatikios. Kılıç Arslan s'est allié avec ses adversaires
Danichmendides et tente une embuscade près de Dorylée le 1er juillet 1097 sur
l'avant-garde croisée dirigée par Bohémond. L'arrivée dans la journée du reste
de l'armée transforme la bataille en déroute pour les Turcs qui abandonnent
leur campement.
Tatikios
conseille alors d'emprunter la route sud de l'Anatolie moins dangereuse.
Cependant les relations entre les Byzantins, qui reprochent aux croisés leur
indiscipline et leur ingratitude, et les « Francs », qui craignent une
traîtrise des Byzantins, restent fraîches N 38.
Alexis
profite de la victoire de Dorylée et de la marche de la croisade vers Antioche
pour consolider la présence byzantine dans l'ouest de l'Asie Mineure. Il
constate, non sans crainte, que la défaite vient de réconcilier les Turcs
seldjoukides et les Danichmendides créant de fait une puissance considérable.
S'appuyant sur sa marine il expédie le césar Jean Doukas, son beau-frère,
reconquérir l'Ionie et la
Phrygie. Une simple démonstration de force a raison de
l'émirat de Smyrne où le fils de Tzakhas se rend à condition d'avoir la vie
sauve. L'amiral byzantin Kaspax réoccupe toutes les îles de la mer Égée de
l'émirat tandis que Jean Doukas s'empare des grandes cités lydiennes (Sardes,
Philadelphie, Laodicée). À la fin de 1097 le contrôle byzantin sur la Lydie est total et Jean
Doukas se prépare à entrer en Phrygie afin de rétablir le contrôle de l'empire
sur la route sud (vers Attalie) puis jusqu'aux principautés arméniennes des
Monts Taurus c'est-à-dire la route d'Antioche.
Antioche
Les
croisés arrivent devant Antioche le 21 octobre 10 97 N 39. Bohémond, impressionné
par la taille et la puissance des murailles décide d'en faire son fief. Il a
l'exemple d'Alexis à Nicée et décide que la ville doit se rendre à lui seul
afin que ses prétentions soient difficiles à contester. Mais le siège dure
longtemps et la famine s'installe. Le départ pour Chypre N 40 de Tatikios
(février 1098), représentant d'Alexis, départ qu'il justifie en annonçant qu'il
doit retourner en territoire impérial afin d'organiser un meilleur ravitaillement,
est exploité immédiatement par Bohémond. Puisque le représentant de l'empereur
quitte l'armée, la croisade s'estime libérée de toute obligation envers Alexis.
Ce qui en clair signifie qu'il ne faut pas lui remettre la ville d'Antioche.
L'arrivée le 4 mars
10 98 de matériel de siège envoyé par Alexis ne change pas l'état
d'esprit des occidentaux. Finalement Bohémond parvient à se faire livrer la
ville par trahison le 3
juin 10 98. Mais le 7 juin une armée musulmane dirigée par Kerbogha
assiège à son tour les croisés dans Antioche.
La
seule chance de salut pour les croisés est donc l'arrivée de l'empereur Alexis.
Celui-ci, après la reconquête du sud de l'Asie Mineure par Jean Doukas (fin
1097/début 1098), prend la tête de son armée et progresse vers Antioche. Mais
il rencontre en chemin, à Philomélion près d'Attaleia, Étienne de Blois, l'un
des chefs croisés qui s'est enfui du siège d'Antioche le 2 juin peu avant la
prise de la ville, et qui lui indique que les Turcs ont certainement anéanti la
croisade. Alexis n'a aucune raison de mettre en doute le récit d'Étienne de
Blois N 41 et poursuivre son offensive lui apparaît dangereux face à des Turcs
qu'il imagine grisés par la victoire. Il apprend de plus que les Turcs
concentrent des troupes dans la région du haut Euphrate. Le risque d'être pris
en tenaille par deux armées turques lui semble important. Alexis réunit ses
officiers et son conseil et annonce qu'il fait retraite et se contente des
gains territoriaux non négligeables obtenus jusqu'alors. Un demi-frère de
Bohémond, au service de l'empereur depuis des années, Guy, demande à Alexis de
continuer, persuadé qu'il est encore temps de sauver la croisade mais Alexis
demeure intraitable et l'armée byzantine remonte vers le nord14.
Prise
d'Antioche par les Croisés. Miniature de Jean Colombe tirée des Passages
d'outremer de Sébastien Mamerot, BNF Fr 5594, f .59v.
Cette
décision a, pour la suite des croisades, un impact considérable. À court terme
elle arrange les ambitions de Bohémond qui en tire parti pour revendiquer avec
plus de force la possession d'Antioche. Sur le long terme cette décision
d'Alexis renforce chez les croisés le sentiment de méfiance envers les
Byzantins orthodoxes. La victoire des croisés sur Kerbogha, le 28 juin, pose
immédiatement le problème de la dévolution de la ville. Dans un premier temps
des ambassadeurs sont envoyés, à la fureur de Bohémond, prévenir Alexis et lui
demander de prendre le contrôle de la ville. Mais la nouvelle du départ
d'Alexis parvient peu après aux croisés. À leurs yeux cela équivaut à un
suzerain qui manque à ses obligations d'assistance. L'opinion qui prévaut chez
les croisés c'est que l'empereur est déchu de ses droits sur la ville et
qu'eux-mêmes sont libérés de leur serment envers Alexis.
Alexis
envoie cependant en mars 1099 une ambassade pour réclamer la restitution de la
ville. En vain. Alexis offre de venir en personne participer à la reconquête de
Jérusalem mais les croisés refusent (à l'exception notable de Raymond de
Saint-Gilles). Le comte de Toulouse est le seul chef croisé à maintenir de
bonnes relations et des rapports privilégiés avec Alexis N 42. Il rend ainsi
aux Byzantins la ville de Laodicée (février 1099) dont il était le protecteur
depuis l'été 1098 N 43. Alexis cherche en effet à reprendre le contrôle des
ports de la Cilicie
et de la Syrie
du nord. Pour cela il envoie des troupes venues de Chypre. Une flotte venue de
Pise pille en 1099 les îles Ioniennes puis tente de s'emparer de Laodicée avec
l'aide de Bohémond. Raymond de Saint-Gilles revient rapidement de Jérusalem et
force Bohémond à lever le siège.
L'échec de Raymond de Saint-Gilles
En
ce début d'année 1100 deux seigneurs occidentaux se partagent donc la Syrie du Nord : Bohémond à
Antioche et Raymond de Saint-Gilles qui contrôle Laodicée « au nom de
l'empereur ». Il est certain qu'Alexis compte sur Raymond pour reprendre
Antioche à Bohémond. Une occasion se présente avec l'arrivée à Constantinople
d'une nouvelle croisade. Raymond se rend en toute hâte (juin 1100) à
Constantinople où il est investi du commandement des croisés N 44. Il prête une
seconde fois serment à Alexis mais un serment différent de celui de 1097. Il ne
s'agit plus de restituer à l'empire les anciennes terres byzantines reconquises
(à l'exception d'Antioche) mais plutôt de constituer un état indépendant,
dirigé par Raymond, sous suzeraineté byzantine. Cette nouvelle croisade,
composée pour l'essentiel de Lombards, de Normands et de Français (on y
retrouve Étienne de Blois) emprunte, contre l'avis d'Alexis, la route au
nord-est de l'Anatolie. Il semble que l'objectif affiché par certains de ses
chefs soit la libération de Bohémond fait prisonnier peu de temps auparavant
par les Turcs (août 1100) danichmendides et retenu en Cappadoce à Sivas. Les
croisés sont vaincus par les divers émirs Turcs de la région. Raymond de
Saint-Gilles et Étienne de Blois parviennent cependant à s'enfuir et à
rejoindre la capitale de l'empire (septembre 1101). Alexis est de prime abord
furieux contre Raymond qui s'est enfui en pleine bataille mais très vite se
réconcilie avec lui. Le comte de Toulouse demeure quelque temps à
Constantinople avant de repartir en Syrie.
En
effet le neveu de Bohémond, Tancrède de Hauteville, reprend Laodicée aux
Byzantins (1102) et s'empare de quelques bourgades de Cilicie. Raymond de
Saint-Gilles tente en vain de s'emparer à nouveau de la ville puis signe un
traité avec Tancrède qui reconnaît aux Normands la possession d'Antioche et
Laodicée. Le comte de Toulouse s'empare alors de Tortose avant de descendre
plus au sud afin d'assiéger Tripoli dont il souhaite faire sa capitale.
Cependant son échec, ainsi que celui d'Alexis, face à Bohémond et Tancrède est
patent. Antioche reste aux Normands et Raymond n'est plus en mesure de disputer
la Syrie du
nord à son concurrent. Alexis toutefois dissocie ses mauvaises relations avec
Bohémond de ses relations avec les autres croisés. Ainsi il obtient, contre
rançon, la libération des Francs qui avaient été faits prisonniers à la
bataille de Ramla en mai 1102.
Le traité de Dévol
Alexis
cependant tente une nouvelle intervention en 1103. C 'est ainsi que
Laodicée est reprise par un corps expéditionnaire byzantin tandis que les
villes de Cilicie se révoltent contre les Normands. Bohémond (libéré par les
Turcs en mai 1103) et Tancrède ne possèdent pas les effectifs nécessaires pour
tenir la principauté et Alexis a la maitrise de la mer. Bohémond se décide
alors à partir pour l'Italie (janvier 1105) où il lève une armée de Normands.
Il se rend ensuite en France et cherche à mettre au point une croisade contre
Alexis. Il affirme que l'empereur a trahi les croisés à Antioche ainsi que la
croisade de 1101. Ces mensonges rencontrent un large écho en Occident. Les
lettres diplomatiques d'Alexis, trouvées en 1099 dans les bagages du sultan
fatimide d'Égypte, avec lequel il a d'excellentes relations, après la bataille
d'Ascalon prouvent aux yeux des croisés la collusion entre Alexis et les
princes musulmans. C'est pourquoi les captifs de Ramla, libérés par Alexis,
sont comblés de cadeaux par le basileus avant d'être renvoyés en Europe afin de
réfuter les calomnies de Bohémond.
Ce
dernier reçoit la bénédiction du pape Pascal II pour une croisade contre
Byzance. Il épouse Constance, la fille du roi de France Philippe Ier et obtient
la main de Cécile de France, une autre fille de Philippe, pour Tancrède resté à
Antioche. Le 9
octobre 11 07 Bohémond débarque à Avlona en Épire avec une
importante armée puis le 13 il met le siège devant Dyrrachium. Rapidement
l'expédition se transforme en désastre. Alexis, s'appuyant sur l'alliance avec
Venise parvient à couper les communications de son adversaire avec l'Italie.
Puis il bloque les cols des montagnes isolant l'armée de son adversaire de tout
ravitaillement. La famine guette rapidement les troupes normandes. Alexis en profite
alors pour acheter de nombreux barons normands à qui il distribue honneurs et
largesses. À partir de septembre 1108 des négociations s'ouvrent et une
rencontre directe entre Alexis et Bohémond a lieu N 45.
Le
traité de Dévol (septembre 1108) spécifie que Bohémond se reconnaît l'homme
lige du basileus pour Antioche. Bohémond ne peut contracter de nouvelles
alliances qu'avec l'accord de l'empereur N 46. Bohémond promet son appui
militaire contre tout ennemi d'Alexis en Europe et en Asie. Il promet aussi de
traiter Tancrède en ennemi si celui-ci refuse le traité. Bohémond reçoit en
échange un fief constitué d'Antioche, du port de Saint-Syméonmais un fief en
viager qui doit retourner à Alexis après la mort de Bohémond. Ce dernier est
donc, selon les clauses de ce traité inspiré directement des pratiques
occidentales et non byzantines, à la fois le lieutenant de l'empereur et son
vassal. Le littoral de Cilicie revient à l'empire. En théorie à la conclusion
de ce traité l'empire retrouve la suzeraineté de toute la Syrie du nord et sur
l'ensemble des états croisés à l'exception du royaume de Jérusalem. Parmi les
signataires du traité figurent les représentants du roi de Hongrie, Coloman,
beau-père du fils d'Alexis Jean N 47 ainsi que de nombreux conseillers d'Alexis,
tous occidentaux tel Marinos Néapolitès (originaire de Naples), Pierre d'Alipha
et Roger le Franc. Ce phénomène témoigne de l'occidentalisation de la cour
d'Alexis où vivent et travaillent pour l'empereur des Lombards et Italiens du
sud ainsi que de nombreux Normands y compris de la famille de Bohémond N 48
L'échec final d'Alexis en Syrie
Par
le traité de Dévol Alexis espère avoir mis fin à la question d'Antioche, par la
soumission de Bohémond, d'autant qu'il estime avoir fait preuve de modération.
Mais Tancrède de Hauteville qui gouverne en réalité la ville depuis près de 10
ans au nom de son oncle ne l'entend guère ainsi. Son objectif n'est pas, comme
Bohémond, de s'emparer du trône byzantin mais bien d'imposer la domination
normande en Syrie du nord.
Le
départ de Bohémond pour l'Europe, après la signature du traité N 49 lui laisse
les mains libres car lui ne l'a pas ratifié. Ainsi en 1108 il reprend, avec
l'aide d'une escadre pisane, la ville de Laodicée puis s'empare (en 1109) des
villes de Cilicie, en particulier Mamistra, aidé il est vrai par l'incapacité
du général en chef de l'armée d'orient, l'arménien Aspiétès. Alexis envoie une
ambassade et propose une négociation, en vain.
À
la fin de 1108 le bilan de l'intervention des croisés est, pour l'empire, assez
ambigu. Certes Alexis a ainsi pu repousser les Turcs et reprendre l'Asie
Mineure occidentale (Nicée et Smyrne en particulier) mais la Syrie du nord reste
indépendante et toute idée de suzeraineté byzantine sur les états latins
d'orient reste chimérique.
Alexis
se révèle ainsi incapable d'aider Bertrand, le fils de Raymond de Saint-Gilles
contre les visées de Tancrède et de Guillaume Jourdain. C'est le roi de
Jérusalem Baudouin Ier de Jérusalem qui à Tripoli, après la prise de la ville,
en 1109 convoque un plaid solennel qui règle la question du partage des terres
croisées. C'est donc le roi de Jérusalem qui possède le rôle de suzerain et
d'arbitre sur l'ensemble des états latins d'orient et non le basileus.
Carte
des états latins d'Orient. En jaune clair, le royaume de Jérusalem vers 1100 ;
en orange la principauté d'Antioche et entre les deux le comté de Tripoli
Alexis
ne se décourage pas cependant mais il dispose d'une faible marge de manœuvre.
Il tente de nouer des alliances contre Tancrède, y compris auprès des chefs
musulmans15. Il envisage vers 1111 une expédition militaire mais en est dissuadé
par son conseil. Il tente alors d'isoler le normand par une intense activité
diplomatique. À l'automne 1111 une ambassade conduite par Michel Boutoumitès
est envoyée auprès de Bertrand, avec de fortes sommes d'argent. L'objectif est
de persuader les autres chefs croisés du bien-fondé d'une attaque contre
Tancrède N 50. Mais le comte de Tripoli est devenu l'homme-lige du roi de
Jérusalem Baudouin Ier et celui-ci, bien que désireux de garder des relations
cordiales avec Constantinople, ne veut pas d'une restauration de l'autorité
impériale à Antioche, à proximité de son royaume. L'ambassade rejoint
Constantinople sans avoir rien obtenu (été 1112). Cet échec explique sans doute
l'intense activité diplomatique d'Alexis auprès des républiques italiennes afin
de trouver de nouveaux alliés et surtout empêcher une nouvelle croisade comme
celle que Bohémond avait mis en place en 1107/1108.
Le recours
aux républiques italiennes et à la papauté
Les
relations entre Pise et l'empire au cours de cette période sont conflictuelles.
Depuis 1099 la cité italienne, ainsi que celle de Gênes, pille régulièrement
les côtes de l'empire et à au moins deux reprises les Pisans ont soutenu les
Normands lors des sièges de Laodicée (1099 et 1108). C'est pourquoi Alexis
tente d'obtenir un accord diplomatique et entame des négociations vers
1109/1110.
En
octobre 1111 Alexis publie un chrysobulle qui accorde aux Pisans des privilèges
commerciaux et une position qui n'est surpassée que par Venise16. Cette
dernière reste un allié du basileus mais ce dernier cherche visiblement par cet
accord à rééquilibrer ses relations avec les républiques italiennes. Byzance
s'engage à ne pas entraver la marche des pèlerins se rendant en Terre Sainte
sur les bateaux pisans tandis que la cité reconnaît la suzeraineté d'Alexis
«depuis la Dalmatie
jusqu'à Alexandrie» et prête un serment de fidélité qui fait de la commune un
vassal de l'empire. C'est un énorme succès pour Alexis car vis-à-vis de Venise
le message est clair, la
Dalmatie fait partie intégrante de l'empire (autorité toute
virtuelle à l'époque). Comprendre Alexandrie dans l'accord est certes une
fiction (la ville appartient au monde musulman) mais illustre la volonté du
basileus de ne pas renoncer à ses prétentions sur la Syrie , la Palestine et l'Égypte.
Pour Pise l'accord est avant tout économique mais les relations avec le roi de
Jérusalem Baudoin de Boulogne sont fraîches depuis le conflit entre ce dernier
et le patriarche Daimbert de Pise ce qui est un probable facteur du
rapprochement avec Byzance17.
Il
est plausible que cette alliance entre Pise et Byzance n'ait pas été bien vue
par Venise. Toujours est-il qu'en 1112 une ambassade vénitienne, conduite par
le patriarche de Venise lui-même, est reçue à Constantinople afin de persuader
le basileus de laisser la sérénissime république étendre son emprise sur la Dalmatie 18. Bien
qu'Alexis revendique aussi cette région il ne peut se permettre de se fâcher
avec son puissant allié et donne un accord de principe en laissant en suspens
la question de la suzeraineté finale sur cette province N 51.
Au
même moment Alexis négocie avec le pape Pascal II. Il espère se concilier
celui-ci et les barons du sud de l'Italie dans ses projets contre Tancrède et
Antioche). Mais la condition posée par le pape, la reconnaissance par Byzance
de la primauté papale, est excessive, et Alexis le sait bien, aux yeux du
clergé byzantin et de la population de l'empire. Une nouvelle ambassade est
envoyée auprès de Pascal II et 1117 sans que l'on sache son contenu exact ni ses
résultats mais il est probable que cela concerne encore les revendication
d'Alexis sur les états croisés et la question de l'union des églises.
Les
dernières années.
En
1113 il semble qu'Alexis, malgré l'échec de son ambassade auprès du roi de
Jérusalem et du pape, mais avec la neutralité des républiques italiennes de
Pise et Venise, souhaite tenter une action contre Antioche. Mais à ce moment il
doit se retourner à nouveau contre les Seldjoukides. En effet la période qui
suit la première croisade permet à Alexis de consolider ses positions en Asie
Mineure occidentale ainsi que sur ses côtes nord et sud. Mais il est confronté
en permanence à des infiltrations de Turcs, souvent nomades avec des troupeaux
d'ovins et de caprins, dont la présence ruine progressivement l'agriculture
sédentaire de ces régions. En 1115 Alexis remporte une victoire contre Malik
Châh Ier seldjoukide du sultanat de Roum à Philomélion N 52 mais qui reste sans
lendemains. Les Turcs reprennent rapidement Laodicée de Phrygie (Denizli) et
pénètrent dans la vallée du Méandre. Ils coupent ainsi la piste d'Attalie.
Alexis se prépare à une nouvelle expédition militaire lorsqu'il est atteint par
la maladie (en 1118)19
Il
ne renonce pas cependant à Antioche mais tente une nouvelle approche. Une
ambassade est envoyée dans la capitale de la principauté afin de négocier un
mariage entre son petit-fils N 53 et l'héritière d'Antioche. La tentative
échoue mais elle est le signe qu'Alexis accepte la réalité des faits et de la
présence permanente des croisés à Antioche et en Syrie du nord.
Dans
les Balkans la situation reste instable. Des infiltrations de Coumans
nécessitent une intervention personnelle d'Alexis dans la région de
Philippopolis en 1114.
Lutte
autour d'un mourant
Alexis
Ier souffre depuis de nombreuses années de la goutte mais les premiers
symptômes de la maladie qui va l'emporter apparaissent en 1112. En effet il se
prépare à se rendre à Dyrrachium pour rencontrer des émissaires normands (des
Pouilles) lorsqu'il tombe brutalement malade. La gravité de son état fait
craindre son décès aux habitants de Constantinople et l'empereur à peine remis
doit se montrer à cheval sur l'agora. À partir de ce moment la lutte pour la
succession semble ouverte. Selon Zonaras20 Alexis aurait donné à son épouse
Irène des assurances en vue d'une éventuelle régence au nom de son fils. Aucun
acte officiel après le rétablissement rapide d'Alexis ne vient confirmer ceci
mais il est vrai qu'Irène semble jouer un rôle plus important et qu'elle
accompagne son époux dans plusieurs voyages. En 1115 Nicéphore Bryenne, le
gendre d'Alexis (le mari d'Anne Comnène N 54) prend en charge le gouvernement
avec le soutien d'Irène tandis qu'Alexis guerroie contre les Turcs. De retour
en 1116 de ce qui est sa dernière campagne le basileus s'alite et s'en remet à
son épouse. Celle-ci tente alors de faire déshériter son fils Jean au profit de
son gendre21. Jean essaye de se créer un réseau et reçoit le soutien de son
frère, nommé Isaac, et de son ami d'enfance, d'origine turque, Jean Axouch22.
Il possède cependant un avantage considérable car il a été couronné du vivant
de son père en 1092 et celui-ci jusqu'à la fin ne remet pas en cause ce choix.
Au
début de l'année 1118 Alexis tombe de nouveau malade. Son médecin, Nicolas
Kalliklès N 55, s'inquiète de la douleur persistante de l'empereur à l'épaule.
Au cours de l'été l'empereur se plaint de ne pouvoir respirer N 56 Il s'agit
très vraisemblablement d'angine de poitrine. L'étouffement est sans doute dû à
un œdème pulmonaire aigu qui témoigne d'une grave insuffisance cardiaque23.
L'alerte de 1112 était probablement un premier infarctus. Au mois d'août son
état s'aggrave et Alexis est incapable d'avaler autre chose que de la bouillie.
Il reste cependant conscient jusqu'au 15 août avant de décéder dans la nuit du
15 au 16 entouré de sa femme et de ses trois filles24.
Alors
que son père est à l'article de la mort, Anne Comnène tente, avec l'aide de sa
mère, de faire déshériter Jean au profit de son mari. En pure perte car Alexis
ne revient pas sur son choix de 1092 et confirme Jean en lui donnant l'anneau
impérial peu avant de mourir N 57. La tentative échoue aussi en grande partie à
cause de la pusillanimité de Nicéphore. En effet, alors qu'Alexis n'est pas
encore mort, Jean, avec l'aide de son frère Alexis, se fait proclamer empereur
par la foule de ses partisans tandis que la garde du palais et Nicéphore
Bryenne hésitent. Cette hésitation est favorable à Jean II qui consolide sa
position en nommant ses proches et ses principaux soutiens aux postes-clés N
58. Le rôle principal est confié à un ami d'enfance, d'origine turque, Jean
Axouch qui devient Grand Domestique et commandant de l'armée. Quelques jours
plus tard Anne ourdit un nouveau complot contre son frère qui se repose dans sa
résidence de Philopation mais celui-ci est prévenu à temps par Nicéphore
Bryenne lui même qui décidément n'a guère envie de devenir empereur.
Selon
Nicétas Choniatès, c'est Jean Axouch qui parvient à réconcilier l'empereur avec
sa sœur Anne, laquelle, avec son mari, se console de la perte de ses ambitions
par les joies plus tranquilles du métier d'historien. De façon générale Jean II
se montre clément avec ceux qui se sont opposés à lui, une fois son trône
affermi.
La politique
religieuse d'Alexis
Alexis
comme nombre de ses prédécesseurs a des relations tendues avec l'Église
orthodoxe, surtout au début de son règne. Pourtant il est un empereur
profondément croyant et qui se veut le champion de l'orthodoxie religieuse. Il
aime les discussions théologiques et n'hésite pas à argumenter et discuter des
heures durant avec tous ceux que l'Église orthodoxe considère comme hérétiques,
y compris les musulmans. Il n'hésite pas en 1114 à Philippopolis, alors qu'il
lutte contre une invasion des Coumans, à palabrer de longues heures avec les
Pauliciens, nombreux dans cette région. Selon Anne Comnène il mène une lutte
apostolique qui lui fait mériter le surnom de « treizième apôtre »25, titre que
seul Constantin le Grand avait obtenu avant lui.
Il
faut préciser que le règne d'Alexis correspond à une période ou les
débordements hérétiques atteignent un point qui semble culminant aux yeux de
l'Église mais aussi de l'empereur. Le nombre de procès pour hérésies atteint un
niveau inconnu depuis longtemps. Il est donc nécessaire pour Alexis de redonner
à l'Église un lustre dans un domaine auquel elle se consacre
traditionnellement, la théologie et d'être celui qui se consacre au salut de
son peuple en étant présent sur les fronts missionnaires et répressifs. Un
témoignage important de cette action est la Panoplie dogmatique d'Euthyme Zigabène, une œuvre
commandée par Alexis lui-même et qui compile l'ensemble des hérésies connues à
l'époque.
Les
relations avec les Patriarches
Les
relations entre la hiérarchie orthodoxe et le nouvel empereur commencent sur de
mauvaises bases. À peine au pouvoir Alexis, avec le soutien de sa mère, songe à
divorcer d'Irène Doukas sans doute au profit de Marie d'Alanie. Le patriarche
Kosmas refuse et fait pression pour qu'Irène soit couronnée avec son mari. Anne
Dalassène, la mère d'Alexis ne lui pardonne pas et obtient son renvoi et son
remplacement par Eustratios Garidas.
Une
crise beaucoup plus grave éclate cependant quelques mois à peine après son
accession au trône. Pour trouver les ressources nécessaires afin d'affronter
les Normands de Robert Guiscard (fin 1081) Alexis lance un appel urgent à sa
mère et son frère Isaac qui gouverne Constantinople en son absence. Isaac
réunit un synode, explique l'urgence de la situation et se référant à une loi
qui remonte à Justinien N 59 ordonne la saisie de certains biens
ecclésiastiques. Isaac rencontre une faible opposition, et reçoit même l'accord
du nouveau patriarche. Mais les premiers échecs militaires, et la vue des
ouvriers arrachant l'or et l'argent aux portes des églises, font monter
l'hostilité à ces mesures. Un évêque, Léon de Chalcédoine N 60 prend la tête de
la contestation. Pour désamorcer la fronde Alexis promulgue un chrysobulle
(août 1082) dans lequel il promet de ne plus jamais toucher aux trésors de
l'Église. Puis il réunit une assemblée composée des sénateurs, des principaux
dignitaires religieux (hiver 1083/1084) et donne un compte-rendu précis des
prélèvements qui ont été effectués. Il ordonne de plus le dédommagement de
certains monastères et certaines églises qui avaient été davantage spoliés
(l'église du Christ Antiphonètès par exemple).
Cela
n'empêche pas Léon de Chalcédoine de poursuivre sa campagne en ciblant surtout
le patriarche, favori d'Anne Dalassène. Il accuse ce dernier de messalianisme
ce qui oblige Alexis à nommer une commission d'enquête. Eustratios Garidas est
innocenté mais il préfère abdiquer en 1084. Un nouveau patriarche, Nicolas
Grammatikos est alors élu et reste à la tête du patriarcat jusqu'en 1111. Avec
ce dernier l'entente semble totale, du moins les premières années, et Alexis
peut étendre son interventionnisme dans les affaires de l'Église à un niveau
rarement atteint sous ses prédécesseurs. C'est ainsi qu'Alexis intervient dans
une querelle qui oppose le clergé de la capitale aux métropolites et évêques
orientaux de plus en plus nombreux à Constantinople du fait de l'avance turque
en Asie Mineure. Le synode est ainsi divisé entre ces deux groupes. En 1094, à
la suite d'une nomination contestée, le patriarche qui n'arrive pas à un accord
avec les membres du synode transmet l'affaire à l'empereur. Alexis tranche et
appuie la nomination. Le métropolite d'Ancyre, Nicétas proteste et affirme
(s'appuyant sur le De fide orthodoxa de Jean Damascène) que « ce n'était pas
l'affaire des empereurs de légiférer pour l'Église.». La réponse d'Alexis est
cinglante « quiconque s'oppose au décret impérial doit être puni de sacrilège
»26. Dorénavant le basileus s'octroie le pouvoir d'intervenir et d'avoir le
dernier mot en cas d'élection contestée. Pour Alexis ce retour du césaropapisme
est une revanche sur l'époque ou le patriarche Michel Cérulaire tentait de se
débarrasser de son oncle Isaac Ier.
Le procès
de l'humanisme Jean Italos
Le
procès de Jean Italos, qui se tient dès le début du règne d'Alexis (mars/avril
1082), pose le problème de la société byzantine qui connaît à l'époque une
pleine effervescence intellectuelle et qui semble prête à basculer dans le
mouvement de redécouverte de l'Antiquité et d'approche de la pensée rationnelle
qui va caractériser l'occident à la fin du XIIIe siècle. La reprise en main
d'Alexis est si ferme qu'elle anéantit ce mouvement. L'historienne Elisabeth
Malamut utilise l'expression de « Renaissance avortée ».
Jean
Italos est un philosophe d'origine normande et né probablement en Italie. Il
entame de brillantes études à Constantinople et devient un proche de Michel
Psellos auquel il succède comme « consul des philosophes » sous le règne de
Michel VII. Si le règne de ce dernier se révèle particulièrement calamiteux sur
le plan politique, la cour du souverain est largement ouverte aux intellectuels
et aux controverses philosophiques et religieuses. Cependant déjà à cette
époque Italos est mis en difficulté pour les thèses qu'il professe et les rumeurs
d'hérésie le concernant se font persistantes. Ses théories sont réunies par
l'empereur en neuf propositions (sans que l'auteur soit mentionné) et soumises
au synode qui les estiment contraires aux dogmes fondamentaux de l'Église.
L'arrivée
au pouvoir d'Alexis en 1081 fait perdre au philosophe la protection impériale.
Jean Italos demande au nouveau patriarche, Eustratios Garidas, une enquête sur
son orthodoxie N 61 Un nouveau synode se réunit ou Isaac Comnène, le frère du
basileus, joue un rôle majeur. La brillante défense d'Italos semble emporter
l'adhésion du patriarche mais l'intervention d'une foule hostile au philosophe
contraint Garidas à remettre l'affaire entre les mains de l'empereur N 62. C 'est pourquoi Alexis
préside en mars 1082 une cour qui accuse Italos et ses disciples d'arianisme et
de sabellianisme. . Les propositions sont anathématisés et, bien que ces
accusations soient réfutées par Italos, il lui est interdit, ainsi qu'à ses
disciples, d'enseigner et de prendre part au moindre débat théologique27.
L'introduction d'un mémoire qui contient neuf propositions païennes attribuée à
Italos ainsi qu'une dixième qui l'accuse d'iconoclasme renforce l'accusation
d'autant qu'Italos maintient les neuf premières. Un synode est alors convoqué
afin de faire appliquer les décisions prises et Italos, sur qui les pressions
sont énormes, doit anathématiser, le 13 mars 10 82 (dimanche de l'orthodoxie qui
commémore la victoire sur l'Iconoclasme) ses propositions. Il est ensuite
définitivement exilé.
Ce
qui est finalement reproché à Italos c'est d'avoir voulu intégrer la pensée
philosophique de l'Antiquité (Aristote en particulier) dans son enseignement et
dans ses réflexions théologiques28. Le courant intellectuel incarné au XIe
siècle par Michel Psellos, Nicétas Byzantios, Jean Mavropous, Jean Xiphilin,
et, dans une moindre mesure par Italos, et qui se caractérise par une
redécouverte des œuvres de l'Antiquité bénéficie de l'impulsion donnée par
l'empereur Constantin IX (1042-1055) et l'aristocratie civile qui contrôle le
pouvoir à cette époque dans une phase de paix relative et de prospérité (la
dynastie des Doukas en est la représentante la plus emblématique). De nombreux
clercs, surtout le clergé de Sainte-Sophie, sont en relations étroites avec
Italos. Les hésitations du patriarche au début du procès sont révélatrices.
L'arrivée d'Alexis au pouvoir renverse la situation. Il est le représentant de
cette aristocratie militaire d'Asie, qui privilégie l'action29 et prône des
valeurs plus réalistes, adaptées aux difficultés du temps. Dans le domaine
religieux Alexis est le défenseur d'une stricte orthodoxie. Chrétien sincère il
subit de plus l'influence de sa mère, Anne Dalassène, une femme dévote et
constamment entourée de moines, lesquels sont généralement hostiles au courant
intellectuel incarné par Italos, ainsi qu'aux clercs de Sainte-Sophie. La
prophétie de l'un d'eux, Cyrille le Philéote N 63, sur le destin impérial de
son fils influence probablement le comportement d'Anne. C'est ainsi qu'Alexis,
depuis l'enfance, est accompagné d'un moine en toutes circonstances y compris
sur les champs de batailles.
Par
conséquent l'affaire Italos dépasse la personnalité et les idées du philosophe.
Elle a été instrumentalisée par Alexis qui proclame sa volonté de restaurer l'empire
ainsi qu'une stricte orthodoxie religieuse. Les poursuites contre les disciples
d'Italos touchent surtout les membres de l'aristocratie civile, souvent membres
du sénat, qu'Alexis soupçonne de comploter contre lui ainsi que les membres du
clergé de Sainte-Sophie. Cependant Alexis sait aussi transiger. Devant la
montée du mécontentement chez les clercs de la capitale il autorise cinq
anciens élèves d'Italos, diacres de Sainte-Sophie, à poursuivre leur
enseignement une fois que la preuve de leur refus des options hérétiques du
philosophe ait été apportée. L'un d'eux, nommé Eustratios, devient même, plus
tard, un proche conseiller spirituel de l'empereur. Mais de façon globale
l'action d'Alexis s'est traduit par la disparition complète de ce mouvement de
renaissance intellectuelle et cela pour au moins trois siècles.
La lutte
contre les hérésies dualistes
Le
règne d'Alexis correspond à une phase de lutte contre les diverses hérésies
christologiques et dualistes, en particulier les Bogomiles et les Pauliciens,
qui connaissent un regain de vigueur en ces temps troublés. Le fondement
spirituel de ces mouvements religieux est simple. Pour eux le mal ne vient pas
de la désobéissance de l'homme vis-à-vis de Dieu mais d'un principe extérieur
appelé Satan au pouvoir équivalent au bien. Ces hérésies adoptent rapidement un
comportement sectaire et refusent parfois de reconnaître les autorités
religieuses et laïques.
Les Pauliciens
Les
Pauliciens sont rapidement remarqués par Alexis quand un contingent de 3000 d'entre
eux, venant de Philippopolis participent en 1081 à la bataille Dyrrachium
contre les Normands. Après la défaite ils refusent de se rendre aux
convocations de l'empereur et celui-ci, une fois le danger passé à la fin de
1083 fait exiler leurs chefs. Ces derniers s'allient aux Petchénègues et
participent à la bataille de Bélatiova (janvier 1086) où les Byzantins sont
écrasés. Plus tard, dans les années 1114/1115, alors que le danger petchénègue
semble passé, Alexis tente d'utiliser la persuasion envers les Pauliciens
allant, personnellement, discuter théologie avec les chefs de la secte.
La lutte contre les Bogomiles
La
réaction contre l'hérésie bogomile d'Alexis est beaucoup plus violente. Cela
s'explique probablement par le fait que cette dernière a déjà profondément
pénétré dans la capitale. Dès le Xe siècle les Bogomiles sont présents en
Bulgarie, puis jusqu'en Asie Mineure au milieu du siècle suivant. Dans sa
Panoplie dogmatique, Euthyme Zigabène fait un exposé complet de la doctrine
bogomile. Ce qui inquiète l'empereur c'est l'habileté des Bogomiles à passer
inaperçu et l'aura dont ils bénéficient dans le peuple et certains cercles des
élites de la capitale30. Alexis fait arrêter le chef de la secte à
Constantinople, un certain Basile31. Selon sa fille Alexis agit avec ruse et
prudence et approche Basile en lui faisant miroiter une certaine attirance de
sa part vis-à-vis de la doctrine bogomile. Basile est convié à l'exposer, en
1104, devant l'empereur mais derrière un rideau, caché, se trouvent réunis le
Sénat et le saint-synode. À la fin de l'exposé le rideau est levé et Basile
condamné comme hérétique. Tandis qu'Alexis le presse d'abjurer il fait arrêter
les principaux dirigeants de la secte. Finalement Basile est mis à mort dans
l'hippodrome afin que son châtiment soit visible de tous. Il est brûlé vif.
L'édit de
1107
L'empereur
cependant est inquiet. Le procès de Jean Italos, la multiplication des
hérétiques jusque dans la capitale et dans le clergé montrent qu'une réforme de
l'église parait indispensable. Alexis accuse le clergé de négligence32, en
particulier dans l'enseignement de la foi et de la prédication, et de s'être
tourné vers des intérêts essentiellement matériels. En se détournant de la
prédication le clergé, et en particulier les moines, a permis à l'ignorance de
se développer et à l'hérésie de prospérer. Cette rhétorique permet à Alexis de
proposer la création d'un ordre de prêcheurs rattaché à l'Église patriarcale.
Ces
prêcheurs appelés Didascales, sont recrutés au sein du clergé patriarcal et
perçoivent, pour les clercs titulaires, une rémunération. C'est aussi pour
Alexis un moyen de renforcer le contrôle impérial sur l'Église et en
particulier sur le clergé de Sainte-Sophie dans la capitale. Les didascale
reçoivent un rôle d'enseignement mais aussi de surveillance morale33. Une
mesure prise par Alexis prouve d'ailleurs qu'il existe à l'époque une relative
crise de recrutement dans l'Église. En effet Alexis autorise les Didascales à
rester diacres s'ils le souhaitent mais offre de grands avantages (salaires
élevés et pensions) pour ceux qui embrassent la prêtrise. Parallèlement Alexis
encourage les évêques à exercer les tâches d'enseignement eux-mêmes, « parce
que ce n'est pas un déshonneur pour un évêque, mais un très grand honneur, que
d'entrer même dans la demeure d'un pauvre.. »34
Ce
qui apparait clairement à travers cet édit c'est que la position d'Alexis, très
favorable aux moines durant sa jeunesse, sous l'influence probable de sa mère
Anne Dalassène, a évolué vers la méfiance. La réflexion d'Anne Comnène dans son
Alexiade : « On ne verra pas en effet une chevelure mondaine chez les Bogomiles
; leur perversité se cache sous le manteau et le capuchon..»35 illustre le fait
qu'un grand nombre d'hérétiques sont des moines à commencer par Basile le
leader de la secte dans la capitale. Ces moines dits « gyrovagues » ne
travaillent pas et ne vivent que de la charité. Déjà lors du concile de
Chalcédoine, en 451 les autorités ecclésiastiques tentent de contrôler ces
moines errants qui entrent souvent en conflit avec les évêques. Cet édit de
1107, ajouté à la compilation de toutes les hérésies, écrite sous le nom de
Panoplie dogmatique par Euthyme Zigabène sur ordre du basileus vers 1104,
démontre cette volonté de réforme et de reprise en main de l'Église. La
création des didascales choisi au sein du clergé patriarcal est à l'origine de
ce que l'on nomme « l'École patriarcale».
Le
contrôle de l'Église sur l'enseignement
Il
semble que le nombre de didascales dans la capitale soit au nombre de 12. Les
trois principaux dépendent de Sainte-Sophie et les 9 autres dirigent les écoles
d’enseignements rattachés aux principales églises de Constantinople. Les liens
entre ces écoles et l'Église existent déjà et de nombreux directeurs et
professeurs de ces établissements étaient déjà désignés par le patriarche.
L'enseignement dispensé dans ces écoles est de nature profane et a comme
objectif de préparer aux matières théologiques enseignées par les trois
didascales de Sainte-Sophie. L'édit pris par Alexis renforce la mainmise du
clergé patriarcal qui dirige dorénavant la totalité des écoles de la capitale.
L'effacement des laïcs dans l'enseignement semble progressif mais réel et
contraste avec la période précédente où des laïcs comme Michel Psellos et, à un
moindre degré, Jean Italos avaient eu une influence déterminante. Le rôle des
didascales est plus ample que celui d'enseignant puisqu'Alexis souhaite qu'ils
puissent interpréter les écritures (dans un sens évidemment favorable à
l'orthodoxie)36. Cette réforme aboutit par conséquent à une reprise en main de
l'Église par le pouvoir impérial et par le renforcement du rôle du patriarcat
et du clergé de Sainte-Sophie qui devient pour les derniers siècles de l'Empire
le lieu de formation et de recrutement des principaux ecclésiastiques.
La réforme
monastique
L'intérêt
d'Alexis pour les questions religieuses est en partie lié à l'importance et au
rôle des moines dans son entourage. Anne Dalassène avait veillé à l'instruction
de ses fils par des moines. Et Alexis est systématiquement accompagné d'un
moine lors de chaque campagne militaire. Certes l'empereur, nous l'avons vu
précédemment, semble vers la fin de son règne se méfier des déviances
hérétiques de quelques moines, surtout des itinérants, et confie la mise en
place de sa réforme religieuse au clergé de Sainte-Sophie mais il n'en reste
pas moins que les questions liées au monachisme prennent dans son esprit une
grande importance. Les relations entre le basileus et les moines sont fondées
sur l'intercession de ces derniers, par leurs prières, afin de donner la
victoire à Alexis sur les ennemis de l'Empire et de l'autre sur le devoir de
l'empereur de sauvegarder les monastères. De plus, le règne d'Alexis se
caractérise par d'importants transferts de richesses vers l'entourage familial
des Comnènes. Une part non négligeable est utilisée à la fondation de
monastères. C'est ainsi le cas du monastère du Christ Pantépoptès, fondé par
Anne Dalassène où elle est ensevelie. Grégoire Pakourianos fonde le monastère
de la
Théodokos Pétritziôtissa (près de Philippoupolis) et Manuel
Boutoumitès celui de la
Théotokos de Kykko (sur l'île de Chypre). En avril 1088
Alexis promulgue un chrysobulle accordant l'île désertique de Patmos, celle où
est mort Saint Jean, au moine Christodule afin d'y fonder le monastère de
Saint-Jean-le-Théologien.
Mais
une réforme semble nécessaire en particulier de la charistikè. En effet, si
l'on excepte les nouvelles fondations, la quasi-totalité des monastères
appartient aux mains de riches administrateurs, souvent laïcs, que l'on nomme
les charisticaires. La charistikè consiste en l'attribution d'un monastère,
souvent en mauvais état voire en ruine, afin de le restaurer mais sans en
donner la propriété. Rapidement les charisticaires en profitent pour aliéner de
façon illégale de nombreuses propriétés ecclésiastiques. Ils n'hésitent pas
parfois à choisir eux-mêmes les moines et à persuader les novices de céder tout
ou partie de leurs biens. Certains n'hésitent pas à inscrire des laïcs, membres
de leur famille, sur les listes du personnel du monastère afin de bénéficier de
prébendes ecclésiastiques (adelphata). Alexis lui même au début de son règne,
alors que son pouvoir est chancelant, utilise ce système pour récompenser ses
fidèles37. Certains religieux considèrent aussi que la nomination
d'administrateurs laïcs dans au sein d'une communauté de moines est une
perversion de la vie monastique.
Ce
n'est qu'en 1094, après le synode des Blachernes, qu'Alexis commence à
s'attaquer au problème. Le patriarche Nicolas Grammatikos tente un inventaire
des monastères appartenant au patriarcat. L'obstruction est telle qu'elle
contraint l'empereur à intervenir en décembre 1096 par une novelle Sur le droit
du patriarche concernant les monastères. Il y rappelle le pouvoir absolu du
patriarche de contrôler et de corriger tout dysfonctionnement et surtout il lui
redonne toute latitude dans les nominations des esômonitai (laïcs résidant à
l'intérieur d'un monastère et destinés à embrasser la vie monastique). Il interdit
aussi d'inscrire des laïcs sur la liste du personnel et donc ainsi d'avoir
accès aux adelphata.
Les
droits38 du fondateur d'un monastère, l'une des caractéristiques du monachisme
byzantin sont en revanche préservés. Ce patronage laïc (appelé éphoreia) est
différent du système des charisticaires en ceci que le fondateur, l'éphoros
doit préserver sa fondation afin qu'il ne tombe en de mauvaises mains et ne pas
exploiter à son profit personnel les revenus du monastère. Ainsi le monastère
de Notre-Dame-Pleine-de-Grace a pour première éphoros Eudocie Comnène, une
fille d'Alexis, qui y réside comme nonne après son veuvage. Après sa mort en
1118 lui succède sa propre mère Irène Doukas, puis sa fille Anne, la sœur de
cette dernière Marie, la fille de celle-ci Irène et ainsi de suite dans la
branche féminine de la famille. Alexis lui-même est le patron dans sa capitale
du monastère du Christ Philanthrôpos, de celui de Saint-Môkios et d'une autre
fondation en Thrace.
Ce
type de patronage n'est pas un phénomène marginal et se poursuit bien après le
règne d'Alexis. Il existe un double intérêt à ce système. Pour le monastère qui
en théorie est séparé du monde extérieur mais dépend de la société alentour
pour ses ressources. Un patronage, surtout impérial, est l'assurance de ne
manquer d'aucun soutien. Pour le patron, c'est l'assurance d'un coûteux
investissement mais dont l'objectif est d'assurer le souvenir (et la pérennité)
de sa personne et de sa famille dans le temps. Alexis attend donc de ses
dotations que les moines intercèdent, par leurs prières, pour sa sauvegarde
personnelle mais aussi pour celle de l'empire. Il y a cependant une réelle
volonté de faire de la réforme monastique décrite précédemment l'un des points
d'appui de la rénovation religieuse qu'il appelle de ses vœux.
La
Renovatio
Le
règne d'Alexis correspond à un renforcement de l'autocratie impériale.
L'exemple le plus frappant vient des réformes religieuses décidées, nous venons
de le voir, par l'empereur et non le patriarche. Mais la multiplicité des
compétences impériales renforce ce phénomène d'autant qu'Alexis, dont le modèle
est Basile II39, est un des basileus parmi les plus actifs. Il organise un
système de gouvernement centralisé qui repose essentiellement sur lui et entre
les mains de ses fidèles. Surtout il place les membres de sa famille à de
nombreux postes mettant ainsi en place un système de gouvernement qui repose
entièrement entre les mains de ses parents.
Les
principes de la Renovatio
Alexis
à une tendance très nette à confondre l'Empire avec la maison des Comnènes40.
S'il ne prend soin de couronner qu'un seul de ses fils, contrairement à
certains usages des dynasties précédentes, il donne à ses autres enfants, à ses
gendres, à ses frères et neveux les plus hautes dignités. L'exemple de
Nicéphore Bryenne, son gendre, véritable bras droit d'Alexis dans ses dernières
années de règne en est l'illustration. À la mort de son frère Isaac, Alexis
prend en charge tous ses enfants et les élèvent sans faire de distinction avec
les siens41.
Famille
De son mariage avec Irène Doukas Alexis
a 9 enfants :
Anne Comnène qui épouse Nicéphore Bryenne.
Marie Comnène mariée à Grégoire Gabras puis
à Nicéphore Katakalon.
Jean II Comnène son successeur.
Andronikos Comnène, sebastokratōr
Isaac Comnène, sebastokratōr.
Eudocie Comnène mariée à Michel Iasitès.
Theodora Comnène qui épouse Constantin
Kourtikès puis Constantin Ange.
La dynastie des Ange descend de
Théodora.
Manuel Comnène.
Zoé Comnène
Surtout,
Alexis va associer étroitement sa famille, enfants, neveux, nièces dans un
réseau complexe d'alliances matrimoniales qui lient les Comnènes à toutes les
grandes familles de l'aristocratie byzantine42.
Notes et références
Notes
↑ Certaines sources donnent la date de
1048. John Norwich, Byzantium: The Decline and Fall. Alfred A. Knopf, Inc.
(ISBN 978-0-679-41650-0) p. 4
↑ Le futur beau-père d'Alexis Ier
↑ Son frère Isaac a été nommé en 1074 duc
d'Antioche et se trouve confronté à la révolte de la ville qu'il écrase dans le
sang. Il est de nouveau fait prisonnier par les Turcs peu après avant d'être de
nouveau libéré sans doute contre une rançon. Cet éloignement d'Isaac pendant 4
ans, il ne rentre à Constantinople qu'en 1078, favorise sans aucun doute la
carrière militaire d'Alexis devenu l'aîné des Comnène dans la capitale.
↑ Les habitants d’Amasia estiment le
gouvernement de Roussel si efficace qu’ils tentent de le sauver et ne renoncent
qu’à la nouvelle (fausse) de son énucléation.
↑ Le père du futur mari d'Anne Comnène, la
fille d'Alexis, duc de Dyrrachium
↑ Ces troupes d'élites sont chargées de la
sécurité personnelle de l'empereur. Créé par Basile II ce corps est composé à
l'origine de Russes puis plus tard d'Anglais et de Danois
↑ Troupes originaires de la ville de Chôma
↑ Il est le beau-frère d'Alexis dont il a
épousé la sœur Eudoxie
↑ Un proche de la famille Doukas
↑ Après la bataille de Dorylée la sultane,
femme du vaincu Kılıç Arslan Ier, est traitée avec honneur (avec son
nouveau-né) puis conduite auprès de son frère l’émir de Smyrne.
↑ « ...en même temps qu'il montait sur le
char impérial, aussitôt affluèrent à la fois de partout tous les dangers : le
Celte s'était ébranlé et montrait la pointe de sa lance, l'Ismaélite tendait
l'arc, l'ensemble de la population nomade et tous les Scythes se précipitèrent
sur nous avec d'innombrables chariots. », Anne Comnène, L'Alexiade, XIV, 7, 1.
↑ Le fils de ce dernier, Constantin Doukas,
avait été fiancé à Hélène la fille de Robert Guiscard en 1076 et cette dernière
était venue vivre à la cour de Constantinople en attendant que le mariage soit
consommé. Alexis parvenu au pouvoir la traite d'ailleurs fort bien.
↑ Le chiffre de 30 000 donné par Anne
Comnène est très exagéré
↑ Guillaume de Pouille estime à au moins 5
000 le nombre de Byzantins tués, sans compter les mercenaires turcs.
↑ Malgré ses difficultés financières Alexis
envoie 144 000 pièces d'or à
Henri, soit 2 000
livres , et une alliance matrimoniale entre Jean Comnène,
le neveu d'Alexis, et une princesse germanique est envisagée
↑ À l'occasion de ce traité Abul Qasim est
reçu en grande pompe à Constantinople et l'hippodrome est rouvert. Ce traité
rend la cité de Nicomédie et les rives anatoliennes de la mer de Marmara à
l’Empire.
↑ Aujourd'hui Plovdiv en Bulgarie
↑ Grégoire Pakourianos est tué au cours de
la bataille
↑ Les Petchénègues ont des troupes en
lignes protégées par des chariots couverts et Alexis opte imprudemment pour une
bataille en terrain ouvert face à un adversaire aux effectifs supérieurs
↑ Corps de troupe créé par Alexis à son
avènement et constitué de soldats recrutés parmi les fils de soldats tués à la
guerre
↑ Ils sont définitivement vaincus par Jean
II Comnène en 1122.
↑ En réalité le danger petchenègues n'est
définitivement éliminé que par son fils Jean II Comnène
↑ L’archevêque de Bulgarie, Théophylacte,
écrit un traité où il demande à ses lecteurs de ne pas attacher une importance
démesurée aux divergences et explique certains malentendus entre les églises
orientales et occidentales par la pauvreté du latin pour les termes
théologiques. Le patriarche de Jérusalem Siméon II critique à la même époque
l’usage latin du pain azyme dans la communion mais en des termes très modérés
(Bernard Leib, Deux Inédits byzantins sur les azymites, éditions A.Picard,
1924, pp. 85-107).
↑ Les mercenaires sont pour l’essentiel des
Anglo-Saxons qui constituent la
Garde varègue, laquelle cependant ne comporte plus de
Normands, et des Petchénègues dont les survivants ont été en partie recrutés
par Alexis.
↑ Le comte Robert le Frison vers 1090 par
exemple.
↑ Pour la grande majorité des seigneurs
régionaux impliqués dans la gestion des diocèses mais aucun grand baron
↑ Le gouverneur byzantin, Nicétas, avait
tenté d'imposer un seul point de passage de la Save puis comprenant que ses troupes étaient
insuffisantes pour contenir une telle horde il s'était réfugié à Nish et les
habitants de Belgrade avaient abandonné la ville
↑ Alexis envoie sa flotte chercher les
survivants réfugiés à Kibotos mais prend la précaution de les faire désarmer
↑ Ce qu'admet parfaitement Anne Comnène
dans l'Alexiade, X, VII, 2-5. Les sources occidentales affirment qu'il est
retenu prisonnier (Foucher et Albert) mais cela ne correspond pas avec son
comportement postérieur.
↑ Celui-ci est d'ailleurs parti à la
croisade avec sa femme normande, Godvère de Toëni et ses enfants.
↑ Le roi de Hongrie, Coloman, exige que
Baudouin et sa famille lui soit livrés en otage le temps du passage de la
croisade dans son pays
↑ Godefroy invoque pour excuse l'emprisonnement
supposé d'Hugues de Vermandois.
↑ Mais son neveu Tancrède de Hauteville
(régent d'Antioche) supplée à cette faiblesse
↑ Anne Comnène dans l'Alexiade (XIII, X,
4-5) dresse de lui un portrait dans lequel, bien qu'elle haïsse profondément
Bohémond, elle ne peut dissimuler son admiration pour son charme et sa
prestance
↑ Ce que refuse absolument son neveu
Tancrède qui parvient à passer en Asie sans l'aide des navires impériaux
↑ Il craint en effet de devoir être soumis
aux ordres de Bohémond lequel a prêté serment et de perdre aussi sa relation
privilégiée avec le pape
↑ Ils estiment que l'objectif de la
croisade est loin d'être atteint
↑ Tatikios est dit inimicus dans la Gesta Francorum ,
VI, 16.
↑ Sauf Baudouin de Boulogne occupé à se
tailler un fief au nord-est qui devient ensuite le comté d'Edesse
↑ Chypre est l'île par laquelle transite le
ravitaillement et l'assistance byzantine en monnaie, arme et chevaux
↑ Étienne de Blois selon la Chronique anonyme (115)
dit ceci à l'empereur : « Sache bien qu'Antioche est prise (...) et que tous
les nôtres subissent un siège accablant, et sont, je le présume, à l'heure où
je parle, exterminés par les Turcs. Tourne les talons au plus vite, pour ne pas
tomber à ton tour entre leurs mains, toi et l'armée, que tu mènes avec toi. »
↑ Les rapports entre Raymond et Bohémond
sont exécrables
↑ Laodicée, reprise aux Turcs par le
corsaire Guynemer de Boulogne vers août 1097, est arrachée à ce dernier par des
marins anglais et cédée au duc de Normandie Robert Courteheuse. Finalement lors
de l'été 1098 c'est Raymond de Saint-Gilles qui en devient le protecteur.
↑ Sans que l'on sache si c'est de sa propre
initiative ou de celle de l'empereur
↑ Bohémond demande à être dispensé de la
proskynèse au cours de l'entrevue ce que refuse Alexis qui accepte cependant de
se lever de son trône et de prendre Bohémond par la main. L'époque où
l'empereur communique par un intermédiaire, y compris avec ses hôtes dans son
palais, est bien révolue.
↑ « Car l'unique suzeraineté à laquelle
j'ai promis obéissance est celle de votre Majesté et celle de votre fils très
cher.. ». Anne Comnène, L'Alexiade, XIII, 12, 9.
↑ Le futur Jean II a épousé Irène Pyriska,
la fille de Coloman, en 1105
↑ Le demi-frère de Bohémond, Guy de
Hauteville, fils de Robert Guiscard passe au service d'Alexis en 1084 et y
reste jusqu'en 1097 où il s'insurge contre la décision du basileus de ne pas
porter secours aux croisés à Antioche.
↑ Il meurt vers 1111 en Italie
↑ Alexis écrit à Bertrand la lettre
suivante : Tu ne dois pas te montrer inférieur à ton père dont tu dois aussi
scrupuleusement la fidélité envers nous. Apprends que je pars en personne à
Antioche pour châtier celui qui n'a pas tenu les serments redoutables qu'il
avait fait à Dieu et à moi-même. Quant à toi, aie soin de ne lui prêter nulle
assistance, et de pousser les comtes à nous rester fidèles, de telle sorte que
d'aucune manière Tancrède ne soit soutenu. Anne Comnène, L'Alexiade, XIV, 2, 6.
↑ Les Vénitiens ne s'attaquent à cette
dernière qu'en 1116
↑ Philomélion, Philomelium, Φιλομήλιο,
Filomilio : actuellement Akşehir près d'Iconium/Konya la capitale des
Seldjoukides de Roum
↑ L'un des fils de Jean II Comnène
↑ L'héritier désigné est le fils d'Alexis,
Jean. Mais sa sœur ainée, Anne Comnène ne l'entend pas ainsi. Enfant elle est
fiancée à Constantin Doukas à qui Alexis promet l'accès au trône impérial à sa
mort. Mais Constantin meurt assez jeune (en 1087) et la naissance de Jean
Comnène (en 1088) donne un héritier à Alexis. Anne épouse alors Nicéphore
Bryenne
↑ Il est aussi un poète de la cour
d'Alexis. Il compose après le décès du basileus sa lamentation funèbre
↑ Anne Comnène, opus cité, XV,11,4 : Quelle
est donc enfin cette douleur que j'éprouve en respirant? ...Du reste c'est
comme si une pierre très lourde se trouvait posée sur mon cœur et me coupait la
respiration en plein milieu..
↑ Jean réussit à voir son père
subrepticement, tant la garde d'Irène et d'Anne autour du mourant est forte,
profitant de son transfert au cinquième étage du monastère des Manganes.
↑ Il n'assiste toutefois pas aux
funérailles d'Alexis persuadé que son assassinat est prévu ce jour
↑ En réalité il s'agit d'une loi qui
autorisait ce type de saisie pour le rachat de prisonniers
↑ Décrit par Anne Comnène comme « ni très
savant ni très cultivé » mais menant « une vie vertueuse, bien que ses manières
fussent grossières et désagréables »
↑ Sans doute pour faire taire les rumeurs.
Il n'est pas impossible que l'empereur ait fait pression sur Italos.
↑ Italos échappe à la foule et se réfugie
dans les combles de Sainte-Sophie
↑ Choisi par les Comnène pour être le guide
spirituel de la famille
Références
↑ a, b et c Steven Runciman, Histoire des
Croisades, 1951 [détail de l’édition]
↑ Bréhier 2006, p. 236
↑ Jean Zonaras, Epitomé historion, XVIII,
20.
↑ Malamut 2007, p. 88
↑ Anne Comnène, l’Alexiade, IX, III, 3.
↑ Michel Mourre, Dictionnaire
encyclopédique d’Histoire, éditions Larousse-Bordas 1996, pp 4281-4282 .
↑ Anne Comnène, l’Alexiade, III, X, 1-8.
↑ a et b Jean Richard, Histoire des
croisades, fayard, 1996
↑ Charles Joseph Hefele, Histoire des
Conciles, Edit.Le Touzey et Ané, 1930
↑ Jean Richard, Histoire des croisades,
Fayard (édition), 1996, p.57
↑ Raymond d'Aguilers, Historia Francorum
qui ceperunt Jerusalem, I-II
↑ D'après la chronique de Matthieu
d'Edesse, II, CXLIX.
↑ Anne Comnène, l'Alexiade, XI, II, 3-4 et
III, 11-12,
↑ Gesta Francorum, IX, 27
↑ Malamut 2007, p. 427
↑ Ostrogorsky, Histoire de l'État byzantin,
p. 388
↑ Elisabeth Malamut, Alexis Ier Comnène,
éditions Ellipses, 2007.
↑ Selon le chroniqueur vénitien du XIVe
siècle, Andrea Dandolo
↑ Anne Comnène, l'Alexiade, XV, XI, 1-23.
↑ Jean Zonaras, Epitome Historiarum, XVIII,
24, 17-18.
↑ Jean Zonaras, Epitome Historiarum, XVIII,
26, 14-19.
↑ De la même manière que son père s'était
appuyé sur son frère ainé Isaac et sur Tatikios.
↑ Malamut 2007, p. 438
↑ Une autre hypothèse est formulé par R.P
Verdun, un ancien médecin des hôpitaux de Paris, et est détaillé dans l'édition
des Belles Lettres (Anne Comnène, L'Alexiade, Les Belles Lettres, Paris, 2006).
Selon lui Alexis I, serait mort d'un cancer et plus précisément « d'une tumeur
maligne à évolution rapide [...] qui envahit le cou »
↑ Élisabeth Malamut, opus cité, p.192
↑ Malamut 2007, p. 197
↑ Nous ordonnons que quiconque, à compter
de ce jour, quelle que soit sa condition, accueillera chez lui pour instruire
des élèves, l'Italien ou ceux que le saint et grand Synode aura convaincus
d'être de l'élite de ses disciples et des plus intimes ; ou encore se rendra
chez eux pour cause d'instruction, sera sur-le-champ exilé à perpétuité de
cette reine des villes. Procès 154
↑ Malamut 2007, p. 204
↑ Les conseils d'Alexis à son fils Jean à
la fin de sa vie sont révélateurs : Laisse un homme délicat parler en public.
Mais considère l'action plus honorable que le discours. Mousai 351
↑ Malamut 2007, p. 221-222
↑ Anne Comnène, XV, 8, 3 : Ainsi
découvrit-on l'archisatrape de Satanaël, Basile, dans un habit de moine, le
visage austère, la barbe rare, de haute taille.
↑ Malamut 2007
↑ P.Gautier, L'Edit d'Alexis Ier sur la
réforme du clergé, REB 31, 1973, p.193 : Ils auront l'œil sur les quartiers, ne
se bornant pas à enseigner le peuple et à proposer à tous le bien, mais encore
en réprimant ceux qui mène une vie peut-être scandaleuse, tantôt par des
conseils, du fait qu'ils sont capables de persuader, tantôt par des rapports au
très saint patriarche qui en référera lui-même à ma majesté ou encore à ceux
qui exercent leur autorité dans la capitale quand naturellement l'affaire requiert
le bras et l'autorité de l'État
↑ Elisabeth Malamut, opus citéité, p.239.
↑ Anne Comnène, L'Alexiade, XV, 8, 1.
↑ Ce double rôle est ainsi défini par
Nicolas Mouzalôn, futur archevêque de Chypre : Car mon service alors consistait
à être présent dans l'église aux temps fixés, à exhorter les enfants de
l'église, à nourrir des écritures les petits de ma nourrice (l'Église), extrait
de Démission 152-162. Cité par J.Darrouzès, L'éloge de Nicolas III par Nicolas
Mouzalôn, REB 46, 1988.
↑ Malamut 2007, p. 258
↑ Ils comprennent le droit à être enseveli
dans le monastère, à des cérémonies commémoratives et, parfois, le droit de
nommer l'abbé (ou l'abbesse).
↑ Malamut 2007, p. 268
↑ Jean Zonaras, (Epitome Historiarum,
XVIII, 29) dénonce ce fait après la mort du basileus : « Alexis a usé du bien
commun non comme un économe, mais comme un propriétaire, il a considéré comme
sa propre maison ce qu'il appelait l'empire »
↑ Jean Zonaras, Epitome Historiarum, XVIII,
24, 13 : «Isaac mourut, laissant de nombreux enfants, qu'Alexis, puisque leur
mère ne survécut qu'un an à peine à la mort de son mari, prit en charge,
unissant les jeunes gens à des femmes et donnant les jeunes filles à des hommes
et il chérit et dota ses neveux et nièces.»
↑ Par
le jeu des alliances matrimoniales la majeure partie des têtes couronnées
actuelles d'Europe sont des descendants d'Alexis.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis_Ier_Comnène
Mohamed ZEMIRLINE
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