EUROPE
ET MONDE ARABE
LES CROISADES
LES CROISADES
La Croisade contre d'autres Chrétiens
La Quatrième Croisade fut la Croisade des chrétiens contre d'autres chrétiens. Ce ne fut plus une «guerre sainte» de la Croix contre le Croissant mais d'une Croix contre une autre Croix. C'est le pape Innocent III, inspirateur de la Croisade contre les chrétiens «hérétiques» Albigeois qui prêcha la Quatrième Croisade «contre les Infidèles». En réalité cette croisade fut dirigée par une coalition des Occidentaux avec les Marchands de Venise contre les chrétiens de Byzance, leurs concurrents commerciaux. Elle eut comme prélude le massacre des habitants de la ville hongroise de Zara, dont le pillage eut pour résultat que les coalisés s'entrégorgèrent pour le partage du butin. Il n'y a pas de preuve plus «flagrante» des «grands élans idéalistes» des croisés que cette Quatrième Croisade.
Constantinople fut pour cette Croisade le théâtre de pillages, viols, massacres de chrétiens, incendies volontaires et profanation d'Autels d' Églises chrétiennes, sans précédant dans l'Histoire, comme écrit Sir Runciman. Voici en quels termes cet historien anglais exprime son indignation sur le comportement des croisés à la prise de la chrétienne Constantinople par d'autres chrétiens :
«La mise à sac de
Constantinople est sans précédant dans l'Histoire. Durant neuf siècles la
grande cité avait été la capitale de la Civilisation Chrétienne.
Elle était pleine d'oeuvres d'art qui avaient survécu depuis la Grèce antique et des chefs-d’œuvre de ses exquis artisans.
Les
Vénitiens savaient apprécier en effet la valeur de ces choses. N'importe où ils
le pouvaient, ils mettaient la main sur les trésors et les amenaient pour orner
les squares, Églises et palais de leur Ville. Les Français et les Flamands
étaient par contre remplis du désir de destruction. Ils se jetaient dans les
rues en foule hurlante. Dans les maisons ils s'emparaient de tout ce qui
étincelait, détruisant tout ce qu'ils ne pouvaient pas amener ; ne faisant
de pause que pour assassiner, enlever des femmes ou défoncer des portes de
caves à vin pour se rafraîchir. Pas plus les Monastères que les Églises ou les
bibliothèques ne furent épargnées. Dans Sainte Sophie même (la célèbre
Basilique) des soldats ivres arrachaient des livres sacrés, des icônes et des
ornements, pour les piétiner. Pendant qu'ils buvaient dans les récipients de
l'Autel, une prostituée s'assit sur le trône du Patriarche pour chanter des
chansons françaises ribaudes. Des Nones étaient enlevées de leurs couvents. On
entrait et détruisait aussi bien les palais que les chaumières. Des femmes et
des enfants blessés gisaient mourant dans les rues. Les pillages et les
effusions de sang durèrent pendant trois jours, jusqu'à ce que la vaste et
jolie ville devint un abattoir. Même les Sarrasins auraient été plus
miséricordieux s'était écrié l'historien Niketas, avec raison.»(1)
Tout cela se passa le lendemain du jour où les croisés
s'emparèrent de la ville et en devinrent les maîtres absolus ; Constantinople avait capitulé sans
conditions. Malgré cela, le Doge Dandolo et les Francs, après s'être déjà
partagé les dépouilles de l'empire byzantin sans se battre entre eux (2),
donnèrent à leur soldatesque le feu vert pour la mise à sac. Ils avaient
pourtant eu toute la nuit pour méditer sur la façon de se comporter envers
leurs frères en Jésus Christ qui gisaient sans défense à leurs pieds :
«Il
n'y eut jamais plus grand crime contre l'Humanité que la Quatrième Croisade.
Elle détruisit et dispersa tous les trésors du passé que Byzance avait entassé
avec dévotion, et blessa mortellement une civilisation qui était encore active
et grande.»(3)
Ce fut cette IVème Croisade des «Chrétiens» qui
anéantit l'Empire Byzantin et non le Sultan Mehmet Fatih, qui, en 1453, ne
donna que le coup de grâce.
Jamais n'exista dans l'Histoire de l'Humanité une
civilisation qui poussa sa soif de pillage au point de profaner ses propres
Temples. L'Homme Blanc n'a-t-il pas mis à feu et à sang ce qui fut sa propre
capitale spirituelle ? De même lorsqu'en 1527 la soldatesque du «Bouclier
de la Santa Fé
Catolica», Charles V, maltraita et mit en prison son Souverain Pontife Clément
VII, viola les Nones et pilla les Églises de la Ville Eternelle ?
Les hommes chargés par la
Couronne d'Espagne de «christianiser» les Indiens n'ont-ils
pas attaqué le 4
Mars 1530, à coup de lance, une procession de l'Église de Mexico
défilant avec des Croix en Deuil et son évêque Fray D. Juan de Zumárraga à sa
tête, pour protester contre les conquistadores de l'Antéchrist qui avaient
prostitué en Amérique leur religion ? Et ces Croisés de la «Guerre Sainte»
de l'Église-Maison de Sa Gracieuse Majesté Britannique, ces Drake, Hawkins et
leurs bandes d'impitoyables pirates qui pillèrent et saccagèrent partout des
Églises catholiques assassinant prêtres, femmes, enfants et vieillards pour
mériter d'être anoblis par leur «Grande Reine Elizabeth» ?
Non, ils n'étaient ni Arabes, ni Mongols, ni Turcs, ni
quelconques Asiates les créatures de l'Homme Blanc qui violèrent les fiancées
du Christ dans leurs couvents à Constantinople. Un de ces Vandales, laissant
son sabre (pour un instant), prit sa plume pour nous décrire lui-même, de sa
main d'assassin, la mentalité et la «morale» de ses compères, ainsi que leur
conception du christianisme occidentalisé (4).
Geoffroi de Villehardouin, Maréchal de Champagne et Romania réunies, un des
acteurs des massacres et mise à sac de Constantinople, à la fin du
chapitre XII de sa Chronique (5),
et après avoir énuméré les résidences que se choisirent les nobles chefs,
écrit :
«le
reste de l'armée s'éparpilla à travers la ville et gagna beaucoup de butin ; de
si grande quantité que personne aurait pu estimer le montant de sa valeur. Il
comprenait de l'or, de l'argent, des services de table, des pierres précieuses,
du satin, de la soie, des manteaux de fourrures d'écureuil, de petit gris et
d'hermine, et tout objet de choix que l'on puisse trouver sur cette terre.
Geoffroi de Villehardouin déclare ici que, à sa connaissance, tant de butin n'a
jamais été gagné en aucune cité depuis la création du monde.
Chacun
prit quartier où il lui avait plu, et il ne manquait pas des fines demeures en
cette ville. Aussi les troupes des Croisés et des Vénitiens étaient installées
comme il faut. Ils s'en réjouirent tous, et remercièrent Notre Seigneur pour
l'honneur et la victoire que leur accorda ; de sorte que ceux qui avaient été
pauvres vivaient maintenant dans la richesse et le luxe. Ils célébrèrent ainsi
les Rameaux et Pâques suivantes avec des coeurs pleins de joie pour les faveurs
dont Notre Seigneur et Sauveur les combla. Et ils peuvent Le louer, puisque
toute leur armée, ne s'élevait pas à plus de vingt mille hommes, et avec Son
aide ils conquirent quatre cents mille et plus ; et cela à la plus grande, la
plus puissante, et la plus solidement fortifiée ville du. monde.»(6)
Et tout cela «avec l'aide de Notre Seigneur et Sauveur».
A quoi bon sans cela devenir chrétien si le Christ ne vous aide pas à tuer pour
pouvoir vivre «dans la richesse et le luxe». Des «Grands Élans Idéalistes»
comme dirait Louis Bréhier.
Le Conquistador Bernal Diaz del Castillo, qui écrivit la Chronique de la prise de
la Gran
Tenotchtitlán, le fit avec plus de pudeur alors que les
Aztèques n'étaient pas ses «frères en Jésus Christ». C'est pour cela que le
chroniqueur byzantin Doucas (à l'occasion du siège de Constantinople en 1453
par le Sultan Mehmet Fatih) écrit :
«Si en ce moment un Ange était
vraiment descendu du Ciel pour annoncer : 'acceptez le réunification des
Églises et je chasserai l'ennemi de la ville', ils n'auraient quand même pas
accepté ; ils auraient préféré être livrés aux Turcs plutôt qu'à l'Église de
Rome.»(7)
Ils ne pouvaient pas accepter de se soumettre à
l'intolérance de Rome envers les «hérétiques» ou «schismatiques», sachant très
bien qu'en Islam on gardait ses traditions et sa liberté de louer Dieu comme on
l'entendait. Au sujet de la tolérance religieuse de l'Islam envers tous ses
sujets, l'historien espagnol Americo CASTRO rappelle ce que fut l'occupation
musulmane de l'Espagne durant huit siècles :
«Coexistence
de chrétiens, maures et juifs ; modèle prestigieux de tolérance islamique.»(8)
Aujourd'hui un théologien anglais confirme le
chroniqueur byzantin Doucas, cité ci-haut, en écrivant au sujet de la prise de
Constantinople en 1455 par les Turcs :
«Ce
n'était pas un changement facile, mais les Turcs le rendirent moins dur
eux-mêmes, car ils traitèrent leurs sujets chrétiens avec une remarquable
générosité. Les mahométans du 15e siècle étaient de loin plus
tolérants envers les chrétiens, que les chrétiens occidentaux l'étaient
entre eux.»(9)
On est en droit de se demander où certains
historiens ont été cherché leurs informations sur les Églises chrétiennes
persécutées par les Turcs, pour justifier les Croisades dites «libératrices».
En préférant «plutôt le Turc que le pape» (10) les Grecs de Byzance, pour une fois dans leur Histoire, ont su faire l'unanimité dans leurs rangs, et ils la firent avec clairvoyance. Les Turcs se comportèrent toujours sur le terrain religieux comme culturel le plus libéralement du monde envers toute sorte de chrétiens ou Juifs. Ce ne fut jamais le cas des Génois, Catalans, Vénitiens ou Francs. Les Turcs étaient particulièrement admirateurs de la culture hellénistique. Le mot turc effendi (11) est un titre de noblesse que l'on donnait à un lettré seulement, à quelque classe sociale qu'il appartienne. Ce mot est dérivé du grec «Aphthendis», seigneur...
Il n'est donc pas étonnant que les chrétiens d'Orient préférèrent vivre plutôt sous la domination turque que sous celle des «Frangui», comme Alexandre Nevski, le père de la patrie russe, avait préféré se soumettre au tribut des Tatars Mahométans plutôt que de se laisser envahir par les Chevaliers de l'Ordre Teutonique Allemand. Un détail additionnel au sujet de ces chevaliers autant affamés d'ESPACE VITAL (notion qui réapparut sous Hitler) que les croisés : ils y allaient avec la bénédiction d'Innocent IV. Car, quoique depuis Innocent III jusqu'à Innocent IV trois papes avaient occupé le Saint Siège, l'écrasement par les armes du christianisme «schismatique» russe restait le complément de la mise à sac précédée de carnage à Constantinople en 1204.
Mais il n'y a pas eu que les Grecs pour préférer les Turcs aux Occidentaux. Il n'y a pas eu qu'Alexandre Nevski pour préférer devenir tributaire des Tatares musulmans, plutôt que de laisser envahir son pays par les Chevaliers allemands envoyés par Innocent IV. Les Chrétiens coptes d'Ethiopie eurent aussi leur choix à faire entre les missionnaires portugais et leurs bonnes relations avec les Arabes. Ils n'hésitèrent pas, heureusement pour eux, à expulser plutôt cette avant garde catéchiste au service du roi marchand d'épices Manuel 1er du Portugal, appelé Le Fortuné pour avoir fait fortune avec les épices que lui amena la soldatesque de Vasco da Gama. L'idole de ces missionnaires et de TOUT l'Occident, Vasco da Gama, fut ce monstre qui, en 1502, fit un ORADOUR-SUR-GLANE flottant (Hitler n'a rien inventé) des occupants d'un navire plein de pèlerins musulmans de retour de La Mecque pour montrer aux «Infidèles» la miséricorde «chrétienne».(12)
Tant les Chrétiens de Russie que ceux de l'Orient, après l'expérience des Croisades, préférèrent toujours avoir affaire aux Musulmans qu'aux «Chrétiens de l'Occident». Runciman en cite des très nombreux exemples :
«Le
Patriarche de Jérusalem écrivait à son collègue de Constantinople : 'Ils (les
Musulmans) sont justes, n'usent pas d'injustice et ne nous font pas violence.'.»
(13)
«En Juin 1104 les habitants Arméniens d'Artah livrèrent leur ville aux Musulmans, enchantés d'échapper à la Tyrannie d'Antioche (Principauté franque de Bohémond).»(14)
«En Juin 1104 les habitants Arméniens d'Artah livrèrent leur ville aux Musulmans, enchantés d'échapper à la Tyrannie d'Antioche (Principauté franque de Bohémond).»(14)
Retombés de nouveau sous la Tyrannie des Occidentaux,
«Ils
(les Chrétiens d'Antioche) se remémoraient avec nostalgie des temps où sous le
juste gouvernement des Musulmans, ils pouvaient exercer leur Culte comme ils
l'entendaient.»(15)
Et résultat du «christianisme» des Occidentaux, à la
cinquième Croisade, deux cents ans après la première,
«Les
nouvelles de Palestine n'étaient pas encourageantes. Jacques de Vitry, qui y
avait été envoyé comme évêque d'Acre, fit une relation amère de ce qu'il y
avait trouvé en arrivant. Les Chrétiens d'Orient haïssaient les Latins et
auraient préféré la domination musulmane.»(16)
BASILE Y.
www.basile-y.com
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Droits réservés
1/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE
CRUSADES, 1968, tome III, page 123.
2/. Il était rare qu'ils ne se battent
entre eux pour le partage du butin.
3/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE CRUSADES, 1968, tome III, page 130.
3/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE CRUSADES, 1968, tome III, page 130.
4/. «Je me convertirai au christianisme
- avait dit leur ancêtre Clovis - si le Dieu des chrétiens m'aide à vaincre mes
ennemis»...
5/. Joinville & Villehardouin,
CHRONICLES OF THE CRUSADES, Penguin Classics, London 1970, pages 92-93.
6/. Confirmation par témoin oculaire de
la relation que fait Runciman sur la conduite des Croisés à Constantinople.
7/. Cité par R.F.Peters, GESCHICHTE DER
TÜRKEN, Kohlhamer 1961, page 33.
8/. Americo Castro, LA REALIDAD HISTORICA DE ESPAÑA, Mexico 1966, page 198.
8/. Americo Castro, LA REALIDAD HISTORICA DE ESPAÑA, Mexico 1966, page 198.
9/. Timote Ware THE ORTHODOXE CHURCH,
Penguin Books 1969, page 96.
10/. «Plutôt le Turc que le Pape», c'était aussi le cri des Uilenspiegel aux Pays-Bas.
11/. Hérité de l'Arabe.
10/. «Plutôt le Turc que le Pape», c'était aussi le cri des Uilenspiegel aux Pays-Bas.
11/. Hérité de l'Arabe.
12/. Edgar Prestage, THE PORTUGUESE
PIONEERS, page 159, dans la traduction allemande chez Goldmann Verlag, titre :
DIE PORTUGESISCHEN ENTDECKER.
13/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE CRUSADES, 1968, tome I, p.27.
14/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE CRUSADES, 1968, tome II, p. 45.
15/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE CRUSADES, 1968, tome II, page 465.
13/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE CRUSADES, 1968, tome I, p.27.
14/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE CRUSADES, 1968, tome II, p. 45.
15/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE CRUSADES, 1968, tome II, page 465.
16/. Steven RUNCIMAN, A HISTORIY OF THE
CRUSADES, 1968, tome III, page 146.
Textes
de :
BASILE Y.
www.basile-y.com
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Mohamed ZEMIRLINE
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