L’INQUISITION
Inquisiteurs
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SOMMAIRE
L’INQUISITION
L’Inquisition (du mot latin inquisitio signifiant enquête,
recherche) était une juridiction spécialisée (autrement dit un tribunal), créée
par l'Église catholique romaine et relevant du droit canonique, dont le but
était de combattre l'hérésie, en faisant appliquer aux personnes qui ne
respectaient pas le dogme des peines variant de simples peines spirituelles
(prières, pénitences) à des amendes lorsque l'hérésie n'était pas établie, et
de la confiscation de tous les biens à la peine de mort pour les hérétiques.
L'Inquisition a été créée au XIIe siècle en France pour empêcher
la diffusion du sectarisme, principalement celui des Cathares et des Vaudois.
Cette Inquisition médiévale fut associée à partir du milieu du XIIIe à l'ordre
dominicain. Elle a duré jusqu'au XIVe siècle et a notamment persécuté les
Templiers et les Béguines. À la fin du Moyen Âge, le concept et la portée de
l'Inquisition furent significativement étendus, en Espagne et au Portugal ainsi
qu'aux colonies de leur empire, en particulier pour contrer la réforme
protestante et pour traquer les juifs et les musulmans faussement convertis au
catholicisme.
À la fin du XVe siècle, en particulier, l'Inquisition espagnole
condamna beaucoup d'hérétiques au bûcher, organisant des autodafés de grande
ampleur qui ont instauré une terreur durable ; toutefois, ensuite, la
proportion des peines les plus lourdes diminua rapidement au cours du XVIe
siècle. Alors qu'elle était sur le déclin, ses opposants, en particulier les
protestants des pays colonisateurs concurrents de l'empire espagnol, ont
commencé une campagne de contre-propagande qui a popularisé une exagération de
sa violence réelle (la légende noire de l'Inquisition).
L'institution a perduré au XVIIIe siècle, avant d'être abolie hors
des États papaux au début du XIXe, après les guerres napoléoniennes. Elle a été
réformée en 1908 par le pape Pie X, sous un nouveau nom et avec de nouveaux
objectifs, en tant qu'une des congrégations de la Curie romaine ; elle est
devenue en 1965 la
Congrégation pour la doctrine de la foi.
Dans
l'Histoire, il y a eu plusieurs juridictions spécialisées de ce type. Il est
possible de distinguer trois différentes inquisitions, qui font l'objet
d'articles séparés :
Racines de l'Inquisition
Avant
la publication d'Excommunicamus, l’acte fondateur de l'Inquisition médiévale
confiée principalement aux moines dominicains, par le pape Grégoire IX en 1231,
la lutte contre l’hérésie s'est développée en plusieurs étapes. On peut en
particulier citer l’ébauche d'une législation contre l'hérésie dès le deuxième
concile du Latran présidé par le pape Innocent II en 1139, puis, suite à la
promulgation de la bulle Ad abolendam par le pape Lucius III en 1184, la
création d'une « Inquisition épiscopale », menée de manière décentralisée par
les évêques, qui sera suivie par une « Inquisition légatine », confiée aux
cisterciens par le pape Innocent III en 1198, et enfin le choix de la procédure
inquisitoire lors du quatrième concile du Latran en 1215...
Les
hérésies connaissent un nouveau développement aux XIe siècle et XIIe siècles,
le plus souvent en suivant les routes de pèlerinage. Des
études locales ont en effet montré que les hérésies se répandent souvent par ce
biais, par le bouche à oreille : les pèlerins discutent entre eux, et avec les
villageois lors de leurs étapes, propageant ainsi des questions et des réponses
en dehors du pouvoir régulateur de la paroisse...
Après
la création de l'Inquisition, la définition de l'hérésie (pour laquelle elle
deviendra progressivement le seul tribunal compétent) sera constamment élargie.
Par opportunisme, on fait entrer dans le champ de l'hérésie des éléments de
plus en plus divers : l'apostasie de juifs et musulmans convertis, ou encore la
sorcellerie, laquelle leur est assignée formellement en 1326 par Jean XXII dans
la bulle Super illius specula2. Mais on appelle aussi hérétiques les
schismatiques à l'occasion de la lutte contre Frédéric II ou, au XIVe siècle,
du Grand Schisme d'Occident — ou encore ceux qui refusent de payer les dîmes,
voire les homosexuels (alors appelés bougres ou sodomites). La frontière se
brouille également entre indiscipline et hérésie : Jean XXII appelle
l'Inquisition contre les Spirituels, dissidents de l'ordre des franciscains,
puis les béguins.
Les
prérogatives croissantes de l'Inquisition et l'allègement constant de la
tutelle qui devrait s'exercer sur elle expliquent la toute-puissance de
l'institution au XIIIe siècle : les inquisiteurs prennent l'habitude de
travailler seuls, et sans rendre de comptes, leur permettant ainsi de se rendre
autonome vis-à-vis de l'Église.
Fonctionnement institutionnel
Le
fonctionnement de l'Inquisition relève à la fois du domaine du droit et de
celui de la religion.
Inquisiteur, Juge d'exception
Tomás
de Torquemada,
Premier
Grand Inquisiteur d'Espagne
Pour
le fonctionnement du droit canonique, les procès et jugements dans l'Église
relèvent d'un tribunal ecclésiastique, administré sous l'autorité de
l'ordinaire du lieu, le plus souvent l'évêque. Rome n'intervient qu'en deuxième
ligne, à la fois comme autorité d'appel, et comme garant du bon fonctionnement
de l'ensemble.
Quand
cette organisation locale se révèle insuffisante ou inadaptée pour défendre les
besoins de la foi, le pape peut décider de créer une fonction d’inquisiteur.
C'est un représentant à qui le pape délègue son autorité, pour juger toutes les
questions relatives à la foi dans une région donnée. C'est une juridiction «
d'exception », ce qui signifie que lorsque cette juridiction existe, elle est
seule compétente pour juger de l'orthodoxie d'une cause qui lui est soumise.
L'inquisiteur est donc essentiellement le représentant du pape, et hérite de
son autorité.
Ils
étaient choisis généralement parmi les franciscains ou les dominicains. Les
inquisiteurs réguliers vivaient en marge de la vie conventuelle, et pour accomplir
leur mission ils étaient relevés de leurs vœux d'obéissance envers leurs
supérieurs.
Aspects administratifs
L'organisation
que met en place l'inquisiteur pour réaliser sa mission de jugement — donc un
tribunal — est l'Inquisition, au sens administratif du terme. Le tribunal
inquisitoire possédait le plus souvent un siège fixe (où étaient notamment
conservées les archives très fournies, mais pas nécessairement : des
inquisiteurs ont été itinérants. Les inquisiteurs étaient assistés d'un
personnel nombreux : clercs, tels les notaires, greffiers, geôliers, etc.
Au
début de l'Inquisition, les inquisiteurs travaillaient par deux, avec des
compétences égales. Dans les tribunaux de district espagnols, ces deux
inquisiteurs-juges travaillaient systématiquement avec un procureur, deux
greffiers, un trésorier, un préposé aux litiges financiers, des qualificateurs
(experts en théologie) et du personnel subalterne3. Par la suite, la charge
d'une région fut confiée à un inquisiteur unique.
Procédure inquisitoire
Une
juridiction d'Inquisition tire son nom de sa capacité à avoir recours à la
procédure inquisitoire, procédure extraordinaire (et inconnue du droit romain).
Un tribunal classique ne peut pas se saisir spontanément d'une cause: il ne
peut intervenir que pour répondre à une plainte (droit civil) ou une
dénonciation (droit pénal). Au contraire, un tribunal d'Inquisition peut
examiner d'office (au sens littéral : de par sa mission même, son office) toute
question dans son domaine de compétence, sans avoir besoin d'être saisi par un
tiers. Ce pouvoir a été attribué pour permettre d'examiner rapidement et
efficacement tout ce qui pouvait être soupçonné d'hérésie.
Le
pouvoir inquisitoire est un pouvoir exorbitant du droit commun, susceptible
d'être employé abusivement, et — de ce fait — habituellement refusé aux
juridictions classiques. Il faut comprendre à quel point ce pouvoir est
extraordinaire : Napoléon Ier disait du juge d'instruction qu'il était «
l'homme le plus puissant de France », par sa liberté d'action, mais il ne
pouvait intervenir que sur commission. L'inquisiteur
cumulait les pouvoirs d'un juge d'instruction, d'un procureur, et avait la
faculté de s'autosaisir d'une affaire.
Procédure pénale
Parler
de la « procédure pénale de l'Inquisition » introduit une catégorie peu
légitime : la procédure pénale employée par les juridictions d'Inquisition
était essentiellement celle de l'époque, avec peu de spécificité réelle. Les
procédures qui apparaissent aujourd'hui scandaleuses étaient globalement
normales pour l'époque : en regard de ce que connaît le droit moderne, les
garanties de procédure et les dispositions qui assurent aujourd'hui la
protection de l'inculpé étaient alors extrêmement rudimentaires, quelle que
soit la juridiction. Cependant, on peut souligner que les juridictions
d'Inquisition ont globalement été progressistes, par rapport à ce qui se
pratiquait à l'époque dans les procédures équivalentes de l'autorité civile.
Cette
procédure est issue de la redécouverte du droit romain. La procédure était
codifiée par des documents généraux (voir les décrétales citées dans les
sources latines), et par des instructions d'application promulguées par les
inquisiteurs pour les procédures de leur ressort. La procédure était
entièrement écrite, un notaire transcrivait tous les débats. L'ensemble de la
procédure se déroulait sous le contrôle de l'évêque du lieu, qui recevait copie
de tous les documents. Les actes de la procédure étaient normalement rédigés en
latin, langue officielle de l'Église, mais les interrogatoires étaient
naturellement faits en langue vernaculaire.
L'accusé
pouvait récuser un juge, ou faire appel à Rome. En cas d'appel à Rome,
l'ensemble des documents était envoyé sous scellés, et la cause était examinée
et jugée à Rome sur les pièces recueillies.
La
procédure de l'Inquisition a varié dans le temps, et selon les régions, mais
ses grandes lignes sont données ci-après.
Procédure type de l'Inquisition
Michael
Pacher, Saint Wolfgang et le Démon
Selon Valérie Toureille, « la procédure utilisée par l'Inquisition
reposait sur trois principes nouveaux : l'ignorance par l'accusé du nom des
témoins à charge, la suppression de certaines incapacités à témoigner et
l'emploi de la question ».
Décret de grâce
L'enquête
générale était proclamée dans une région entière. Quand l'Inquisition procédait
par secteur géographique, l'ouverture d'une enquête de l'Inquisition dans un
secteur hérétique donné prenait généralement la forme d'une prédication
générale, où l'inquisiteur exposait la doctrine de l'Église et réfutait les
thèses de l'hérésie. Il publiait ensuite un décret de grâce et un édit de foi,
convoquant tous les habitants devant l'inquisiteur.
Pendant
une durée fixée par le décret de grâce (typiquement de 15 à 30 jours), ceux qui
se présentaient en temps et en heure et confessaient spontanément leurs fautes
se voyaient imposer une pénitence religieuse (typiquement un pèlerinage), mais
échappaient aux sanctions du pouvoir civil. Inversement, l'édit de foi donnait
obligation de dénoncer les pratiques hérétiques.
Ces
premiers aveux spontanés, qui devaient être complets, permettaient également
par leur témoignage d'identifier des hérétiques qui ne s'étaient pas présentés.
Le délai accordé par le décret de grâce permettait également de mener des
enquêtes locales et, le cas échéant, de récolter des délations.
Les
fidèles suspectés d'hérésie qui ne s'étaient pas présentés pendant le délai de
grâce faisaient l'objet d'une citation individuelle.
Citation individuelle
La
citation individuelle se faisait le plus souvent par le biais du curé. Ceux qui
refusaient de comparaître se trouvaient excommuniés.
Un
suspect devait jurer (sur les quatre évangiles) de révéler tout ce qu'il savait
sur l'hérésie. Si le suspect reconnaissait immédiatement et librement ses
erreurs, il se voyait infliger des pénitences comme précédemment, et les peines
éventuelles étaient légères.
Le
serment était une arme redoutable entre les mains de l'inquisiteur. De
nombreuses sectes proscrivaient le serment, et la violation ou le refus du
serment était donc un indice sérieux d'hérésie. D'autre part, la sanction
contre les parjures était la prison à vie, très dissuasive.
Les
peines sérieuses ne concernaient que ceux qui refusaient de reconnaître leur
erreur, même après avoir juré de dire la vérité, et malgré des témoignages
permettant de douter sérieusement de leur sincérité. Pour ceux-là, la procédure
inquisitoire s'engageait réellement.
Le
décès de l'accusé ne suspendait pas la procédure : si le mort était coupable
d'hérésie, cette erreur devait être reconnue par un jugement.
Même
en l'absence d'aveux, le suspect n'était pas nécessairement emprisonné. Il
pouvait rester en liberté sur parole, sur caution, ou présenter des personnes
se portant garantes de sa comparution devant l'inquisiteur. L'incarcération pouvait
être utilisée, mais le plus souvent ne s'étendait pas à toute la durée de la
procédure.
Témoignages et défense
Scène
d'Inquisition par Francisco Goya
Des
protections étaient accordées aux accusés, comme aux témoins. Ainsi l'identité
des témoins à charge était tenue secrète, pratique courante de l'époque. Dans
cette même logique, les notions de confrontation de témoin et de
contre-interrogatoire étaient inconnues. En revanche, dans les tribunaux de
l'Inquisition, les accusés étaient autorisés à fournir une liste des personnes
susceptibles de leur en vouloir, lesquelles étaient alors récusées comme
témoins.
Les
tribunaux de l'époque n'acceptaient pas de témoignages d'origine douteuse :
voleurs, prostituées, personnes de mauvaise vie, mais également hérétiques et
excommuniés. Très rapidement, les tribunaux d'Inquisition se démarquent de
cette règle, en ce qui concerne le témoignage d'hérétiques, pour des raisons
pratiques évidentes : les activités hérétiques étaient généralement cachées,
les témoignages correspondants ne pouvaient guère provenir que des hérétiques
eux-mêmes. Cette pratique est officialisée en 1261 par Alexandre IV.
L'accusé
bénéficiait d'une protection générale certaine dans la manière dont on
punissait le faux témoignage : les témoignages étaient obtenus sous serment, et
le crime de parjure était sévèrement sanctionné par la réclusion à vie.
L'accusé
a généralement le droit à un défenseur, mais ce droit était le plus souvent
théorique dans le cas de l'Inquisition, faute de volontaire. Les avocats
d'hérétiques risquaient d'être eux-mêmes accusés de complaisance avec l'hérésie
poursuivie. Pour la même raison, les accusés traduits devant un tribunal
d'Inquisition ne bénéficiaient généralement pas de la présence de témoins à
décharge.
Question et torture
Diverses
manières dont le Saint Office fait donner la question,
par le
graveur protestant Bernard Picart (1673-1733)
(Madrid,
Biblioteca National).
La
procédure inquisitoriale accorde une grande importance à l'aveu de l'accusé. En
effet, juridiction religieuse, l'inquisition se préoccupe du rachat des âmes
donc souhaite obtenir le repentir des accusés. Toute une procédure est alors
mise en place pour obtenir leur témoignage. Pour
aider les clercs à procéder aux interrogatoires, des manuels de l'inquisiteur
sont rédigés dont les plus célèbres sont le Manuel de l'inquisiteur de Bernard
Gui, le manuel d'Eymerich, et le manuel de Torquemada5. On y indique la
procédure, les questions à poser, les pressions morales et les pressions
physiques que l'on peut y faire subir. L'inquisiteur doit extraire la vérité
éventuellement « par la ruse et la sagacité ». Parmi les pressions physiques,
on peut citer la réclusion qui, selon Bernard Gui, « ouvre l'esprit », ainsi
que la privation de nourriture et la torture. Mais une des particularités de
l'instruction inquisitoriale est le secret : l'accusé et ses proches ne
connaissent aucun des chefs d'inculpation et la défense se fait donc à
l'aveugle.
Fréquence de l'usage de la torture
La
fréquence de l'usage de la torture, majoritairement reconnue durant les siècles
précédents comme faisant quasi systématiquement partie de la procédure
inquisitoriale, est remise en cause par des historiens contemporains.
D'abord,
ils rappellent que la pratique de la torture (ou « question », du latin quæstio)
était à l'époque utilisée aussi dans les tribunaux séculiers, sauf par exemple
en Aragon, et n'était donc pas l'apanage de l'Inquisition.
Ensuite,
ils revoient à la baisse les anciennes estimations. Ainsi, Bennassar évalue
entre 7 et 10 % le nombre de prisonniers de l'Inquisition espagnole ayant subi
ces supplices et précise que « l'usage de la torture n'a jamais été la règle
pour l'Inquisition et peut même apparaître, à certaines époques, comme
l'exception ».
Trait
singulier de la torture sous l'Inquisition, la noblesse ne bénéficiait pas de
privilège particulier comme cela était le cas auprès des autres tribunaux.
Cependant,
l'usage de la torture en particulier, et le nombre de victimes de l'inquisition
en général, reste difficilement quantifiable car la plupart des données
statistiques concernant la période avant 1560 ont disparu. Les aveux obtenus
sous la torture n'étant pas recevables, cette partie de la procédure ne faisait
généralement pas l'objet d'un enregistrement écrit et les archives des procès
sont le plus souvent muettes ou au mieux allusives sur ce sujet. On trouve
ainsi dans les minutes des interrogatoires de courtes phrases du type,
confessionem esse veram, non factam vi tormentorum, qui à la fois évoque
l'hypothèse d'une torture, et nie que l'aveu noté en ait été l'effet (« l'aveu
est spontané, non fait sous la force de la douleur »). Les notations explicites
postquam depositus fuit de tormento (« après son retour de la torture ») sont
rarissimes.
Limites de la torture
Bartolomé
Bennassar, parlant de l'Inquisition espagnole, rappelle que la pratique de la
torture y est très codifiée. Trois tortures sont préconisées : l'eau, la poutre
et le feu.
Bennassar
considère pour preuve que la torture fut appliquée avec modération le fait que
nombreux sont ceux qui y résistèrent. De même, Laurent Albaret considère qu'au
XIIe siècle, « la pratique de la torture (…) est modérée et le personnel
inquisitorial sincèrement peu convaincu de ses résultats ».
L'usage
de la torture posait un problème moral pour les inquisiteurs, qui, en tant que
clercs, n'avaient pas le droit de verser le sang. Après un flou juridique
initial, cette pratique est officiellement autorisée pour l'Inquisition en 1252
par la bulle Ad extirpenda, sous réserve de ne conduire ni à la mutilation ni à
la mort, et en excluant les enfants, les femmes enceintes et les vieillards de
son champ d'application. De plus, il a souvent été exigé par le pape qu'elle ne
puisse être donnée qu'avec le consentement de l'évêque du lieu. Dans cette bulle,
l'accusé bénéficie de deux protections : la question ne peut être donnée qu'une
fois, et les aveux doivent être répétés librement pour être recevables.
Une
autre source disponible permettant de se faire une idée sur l'usage de la
torture dans les procès de l'Inquisition sont les manuels et instructions des
inquisiteurs. Dans les manuels, l'interdiction de soumettre plusieurs fois à la
question semble ne pas avoir été prise au sérieux : des arguments formels
permettaient de justifier que cette interdiction est formellement respectée,
tout en la laissant sans effet. La question était par exemple considérée comme
formée de plusieurs étapes, la fin d'une étape n'impliquant pas la suspension
de toute la procédure. Un autre argument a été que la découverte de nouvelles
charges justifiait à nouveau l'usage de la question spécifiquement contre cette
charge. Enfin, l'interdiction ne concernait que l'accusé par rapport à son chef
d'accusation, pas le cas des témoignages obtenus de la part d'autres témoins.
Selon
Nicolas Eymerich, inquisiteur général d'Aragon, la torture n'était toutefois
pas un moyen fiable et efficace d'obtenir la vérité (quæstiones sunt fallaces
et inefficaces) car il estimait que, non seulement la capacité de résistance
variait considérablement d'un individu à l'autre, mais aussi que certains
accusés usaient de sorcellerie pour devenir insensibles à la douleur, voire
préféraient mourir que de confesser. En 1561, l 'inquisiteur général Fernando de Valdés fit
preuve du même scepticisme. Néanmoins, il a été relevé de nombreux cas d'abus ;
un des pires exemples, loin d'être un cas isolé, fut sans doute celui de Diego
Rodriguez Lucero, inquisiteur de Cordoue de 1499 à 1507, date à laquelle il a
finalement été relevé de ses fonctions.
Avis d'un jury
Dans
les cas difficiles, le tribunal devait entendre l'avis d'un collège de boni
viri, conseil (en latin consilium) formé de trente à une centaine d'hommes de
mœurs, de foi et de jugement confirmés. Ce conseil est imposé et confirmé par
les instructions du pape à partir de 1254. Son rôle ira croissant dans
l'Inquisition, et sera étendu à d'autres juridictions pour finalement être à
l'origine du jury moderne.
Après
qu'ils ont prêté serment de s'exprimer en conscience, l'ensemble des actes du
procès leur était transmis, mais de manière anonyme, censuré du nom de la
personne accusée. Ils transmettaient deux avis à l'inquisiteur : sur la nature
de la faute constatée, et sur la nature de la sanction opportune.
L'inquisiteur
reste souverain et responsable de sa sentence, mais l'avis de ce conseil était
le plus souvent suivi, et quand il ne l'était pas, c'était pour amoindrir les
sanctions proposées.
Prononcé du jugement
Le
Pape et l'inquisiteur, peinture de Jean-Paul Laurens
Les
sentences de l'Inquisition étaient prononcées dans une cérémonie officielle, en
présence des autorités civiles et religieuses. Cette cérémonie — une liturgie
dans le sens antique du terme — avait pour fonction de marquer symboliquement
la restauration de l'équilibre social et religieux qui avait été rompu par
l'hérésie. C'était donc un acte de foi public, ce qui est la signification
exacte du terme portugais « auto da fé ».
Un
jour ou deux avant le prononcé, les inculpés se voyaient lire à nouveau les
charges retenues contre eux (traduites en langue vernaculaire), et étaient
convoqués pour entendre le verdict de l'inquisiteur, avec les autorités du lieu
et le reste de la population.
La
cérémonie s'ouvrait tôt le matin, par un sermon de l'inquisiteur, d'où son
autre nom de « sermon général ». Les autorités civiles prêtaient ensuite
serment de fidélité à l'Église, et s'engageaient à prêter leur assistance dans
sa lutte contre l'hérésie.
La
lecture des verdicts venait ensuite, en commençant par les « actes de clémence
» : remises de peines ou commutations. Les pénitences de toutes nature (dons,
pèlerinages, mortifications, etc.) suivaient ensuite. Venaient enfin les
sanctions proprement dites, jusqu'aux plus sévères qu'étaient l'emprisonnement
à vie ou la peine de mort. Les condamnés étaient alors remis au bras séculier
par une formule solennelle : Cum ecclesia ultra non habeat quod faciat pro suis
demeritis contra ipsum, idcirco, eundum reliquimus brachio et judicio saeculari
(« Puisque l’Église n’a plus à présent à accomplir son rôle contre ceux-ci,
pour cette raison, nous les laissons au bras séculier et à sa justice »). Sur
ce, la cérémonie s'achevait. L'inquisiteur avait achevé son rôle, l'Église
s'était prononcée sur l'hérésie.
Chacun
pouvait alors rentrer chez soi avec sa bonne conscience retrouvée — sauf bien
sûr les coupables de crimes contre la société, à qui le « bras séculier »
allait faire subir leurs peines. Contrairement aux pénitences religieuses, ces
peines étaient en effet définies par le pouvoir temporel. Elles sanctionnaient
les crimes commis contre la foi et l'Église, toutes deux officiellement
protégées par l'État.
Peines et pénitences
Pénitents
se flagellant
Le
tribunal inquisitoire n'infligeait pas de peines à proprement parler, mais des
« pénitences ». Les moins graves étaient appelées « pénitences arbitraires ».
C'était la flagellation publique au cours de la messe, les visites aux églises,
les pèlerinages, l'entretien d'un pauvre, le port de la croix sur les
vêtements, etc.
La
pénitence était souvent réduite par la suite. Les archives de l'Inquisition
montrent de nombreux exemples de pénitences atténuées ou levées pour des motifs
variés, parfois sur simple demande. On cite ainsi le cas d'un fils obtenant la
libération de son père en faisant simplement appel à la clémence de
l'inquisiteur, d'autres sont libérés pour assister leurs parents malades «
jusqu'à leur guérison ou leur mort ».
Mais
l'Inquisition condamne aussi à des peines économiques et sociales. La
confiscation des biens lui permet de bénéficier de subsides lui permettant de
fonctionner26. L'Inquisition espagnole condamne aussi à l'ostracisme par le
biais du port du sanbenito27 ou par l'exposition de celui-ci avec le nom du
condamné dans les églises28. La peine de l'inhabileté29 conduisait aussi à la
ruine et la misère celui qui en était frappé30.
En
revanche, les hérétiques qui ne s'étaient pas présentés dans les délais de
grâce, ou ceux qui étaient retombés dans l'hérésie, encouraient la prison à
vie. La prison connaissait deux modes possibles : le « mur large », comparable
à une résidence surveillée, et le « mur étroit », réclusion solitaire. Le mur
étroit pouvait être aggravé en carcer strictissimus, le condamné mis au cachot
(communément appelé un in pace) étant attaché par des chaînes, et privé de tout
contact.
Le
relaps, ou l'obstiné qui refusait d'avouer son crime (qui devait par ailleurs
avoir été démontré), était abandonné à l'autorité séculière, et la peine de son
crime était souvent l'incarcération ou le bûcher. En toute rigueur, la peine la
plus sévère que prononçait l'Église était l'excommunication. Les condamnations
à mort étaient prononcées en fonction de la loi civile et exécutées par les
autorités séculières. Il faut dire, cependant, qu'il n'y avait pas de
séparation nette entre les domaines civils et religieux : les autorités civiles
étaient elles-mêmes tenues d'apporter leur concours sous peine
d'excommunication.
L'appel
Dans
certaines circonstances, en particulier en cas de faute lors du déroulement de
la procédure, l'accusé peut faire appel au pape. En pratique, cette possibilité
est rarement offerte. Bernard Gui précise que l'inquisiteur passe outre à tout
privilège d'exemption et à l'appel. À Valence en 1494, ce droit à l'appel est
dénié à ceux condamnés pour hérésie31. Au XVIe siècle, l'appel au pape et au
parlement se généralise et permet de bloquer la procédure tant que la plainte
n'a pas été analysée.
Victimes de
l'inquisition
Le nombre de personnes abandonnées à la justice civile et livrées
au bûcher est difficile à évaluer. La mémoire collective est marquée par les exécutions
massives de Montségur, Vérone ou du Mont-Aimé et par la répétition des bûchers
à certaines périodes de l'Inquisition espagnole.
Les registres des procès ont partiellement disparu et les
historiens sont amenés à évaluer le bilan humain seulement à partir de
documents partiels. Ce principe d'évaluation conduit à des résultats
extrêmement variables, de 400 victimes pour les dix premières années à
plusieurs millions sur plusieurs siècles et dans de nombreux pays selon
l'estimation de l'historien Jules Michelet en 1862. Juan Antonio Llorente dans son étude Histoire
critique de l'Inquisition d'Espagne depuis l'époque de son établissement par
Ferdinand V, jusqu'au règne de Ferdinand VII, en 1818, estime à environ 30 000
condamnations à mort physique et 15 000 par effigie38 durant les trois siècles
de l'Inquisition espagnole de 1481 à 1781 (date de la dernière exécution) dont
8 800 pour la période de Torquemada. Cependant, des historiens contemporains
trouvent cette évaluation grandement exagérée39 et la désignent comme un
instrument de la légende noire au XIXe siècle.
«Agostino Borromeo, un des meilleurs spécialistes, estime que,
pour l'Inquisition espagnole (...), sur 44 674 inculpés, quelque 800 furent
condamnés à mort.»
Les
quelques études menées pour le XIIIe siècle donnent une proportion de
condamnations au bûcher inférieure à 10 % des peines. D'après Patrick Henriet,
« Il ne fait aucun doute qu'au XIIIe siècle, comme encore par la suite, la
justice inquisitoriale s'est montrée beaucoup moins expéditive que celle des
cours civiles »Bartolomé Bennassar pointe la grande variabilité en nombre de
ces condamnations selon les périodes (rigoureuses ou plus calme). Il évalue
ainsi à 40 % des personnes jugées celles montant sur le bûcher lors de la
période la plus terrible de l'inquisition espagnole (fin du XVe siècle), pour
tomber à 1 % dans la seconde moitié du XVIIe siècle44. D'après Jean Dumont,
Bernard Gui a prononcé, entre 1308 et 1323, 42 condamnations au bûcher sur 930
sentences, soit 4,5 %45.
Au
temps de l'inquisition triomphante, on posa en 1524 à Séville une plaque
commémorative donnant un bilan des quarante premières années de l'inquisition
espagnole, supposées les plus terribles :
«
L'an du Seigneur 1481 […] a commencé en ce lieu le Saint Office de
l'Inquisition contre les hérétiques judaïsants, pour l'exaltation de la foi.
Par lui, depuis l'expulsion des juifs et des Sarrasins jusqu'en l'année 1524
[…] plus de vingt mille hérétiques ont abjuré leurs criminelles erreurs, et
plus de mille obstinés dans l'hérésie ont été livrés aux flammes, après avoir
été jugés conformément au droit […] ».
D'après
l’ecclésiastique Henri-Dominique Lacordaire, « l'inquisition est un progrès
véritable comparée à tout ce qui avait eu lieu dans le passé. À la place d'un
tribunal sans droit de grâce, assujetti à la lettre inexorable de la loi, on
avait un tribunal flexible duquel on pouvait exiger le pardon par le repentir,
et qui ne renvoya jamais au bras séculier que l'immense minorité des accusés.
L'inquisition a sauvé des milliers d'hommes qui eussent péri par les tribunaux
ordinaires »
En
mars 2000, l 'Église
catholique a offert sa repentance officielle contre, notamment, les excès de
l'Inquisition, et a lancé en 1998 une étude sur l'Inquisition qui a donné lieu
à la publication d'un document de 800 pages recensant les dommages causés par
celle-ci et dans lequel Jean-Paul II manifestait le repentir de l’Église
romaine.
Problème du jugement d'opinion
Destruction
par le feu de livres (autodafé) condamnés par l'Inquisition (il s'agit en fait
ici d'une représentation du miracle de Fanjeaux et de Saint Dominique par Pedro
Berruguete, où livres cathares et catholiques étaient livrés au jugement par le
feu, une scène bien antérieure à l'Inquisition).
Liberté de conscience
Pour
la doctrine catholique, à la suite de la Bible , qui affirme « Dieu ne veut pas la mort du
pécheur, mais qu'il se convertisse » (Ez 33:11, 2P 3:9, prologue de la règle de
St Benoît), la position de l'Église est qu'il faut tuer l'hérésie, mais non les
hérétiques.
À
l'époque même où la première Inquisition est fondée, Bernard de Clairvaux
formule que « la foi doit être persuadée, non imposée ».
Dominique
de Guzmán, de son côté, fonde son ordre des prêcheurs pour réduire l'hérésie
albigeoise par la prédication et l'exemple d'une vie mendiante, se démarquant
de la croisade guerrière menée à la même époque sous Innocent III — la solide
formation dogmatique des Dominicains leur vaudra ultérieurement de fournir bon
nombre d'inquisiteurs. Dans sa lignée, Thomas d'Aquin, futur docteur de
l'Église, affirme clairement, dans la Somme Théologique ,
que la liberté de conscience est absolue : pour lui, si un chrétien voit un
conflit entre le dogme et sa conscience, il doit suivre sa conscience et non le
dogme.
Dire la vérité du dogme
Même
si la conscience est libre, cette liberté ne se comprend que par rapport à deux
devoirs dans la pensée catholique :
• Le devoir moral de chaque individu de
chercher la vérité et de vivre en conséquence ;
• Le devoir institutionnel de l'Église
d'annoncer et de défendre ce qu'elle perçoit de la Vérité , c'est-à-dire
typiquement le dogme.
Un
tribunal d'Inquisition, par lui-même, ne fait que se prononcer sur l'orthodoxie
du cas qui lui est soumis. Un tel jugement est un devoir institutionnel et ne
pose aucun problème moral. Le drame de l'Inquisition n'est pas d'examiner
l'orthodoxie d'une cause ; il commence quand l'Église accepte que la
conséquence de son jugement soit liée à une sanction pénale du pouvoir
temporel.
Atteinte à l'ordre social
Les
habitants de Carcassonne expulsés de la cité en 1209
Pour
la société médiévale, le christianisme fait partie de l'ordre social, et
l'ordre social se fonde sur la religion.
• Dans cette organisation, sur le plan
religieux, une hérésie constitue nécessairement une rupture de l'ordre social.
Inversement, sur le plan politique, la seule manière de contester l'ordre
établi est d'entrer en rupture (schisme) avec la religion institutionnelle.
• Il est normal que le pouvoir temporel
défende d'une manière ou d'une autre l'ordre social, en sanctionnant au besoin
ce qui le met en danger (même si la défense est délicate, et doit s'exercer
avec prudence, pour ne pas tomber dans un immobilisme réactionnaire).
• Dans la mesure où l'hérésie met en
danger la société, elle doit être combattue par le pouvoir temporel. Mais dans
la mesure où l'hérésie s'exprime dans le domaine de la foi, elle doit être
jugée par une autorité religieuse.
Par
conséquent, les tribunaux religieux se mettent à juger des fauteurs de troubles
sociaux. Ce partage des rôles est acté dans l’arrangement de Vérone (1148)
entre le Pape et l'Empereur : les hérétiques doivent être jugés par l'Église
avant d'être remis au bras séculier, pour y subir « la peine due » (debita
animadversione puniendus).
Inquisition et pouvoir
«
L'histoire de l'Inquisition est l'illustration du drame qui menace les hommes
chaque fois qu'une liaison organique s'établit entre l'État et l’Église », a
écrit l'historien et professeur Bartolomé Bennassar.
Le
fonctionnement même de l'inquisition (promulgation d'édit obligeant à la
dénonciation, tenue et conservation de registres sur toutes les dénonciations,
procédure soumise au secret) en fait une formidable outil de répression47 dont
le pouvoir religieux et royal usera.
Selon
les époques, l'Inquisition servira ou s'opposera au pouvoir politique. En
France, l'inquisition médiévale, dans ses débuts, est principalement au service
du pape qui tente de rasseoir son autorité et de lutter contre les hérésies et
le roi s'opposera parfois à la rigueur de la répression. Mais, dès la fin du
XIIIe et jusqu'au XVe siècle, les souverains sollicitèrent le pouvoir
inquisitorial pour se débarrasser des individus devenus gênants pour les
puissants48. Au XIVe siècle, le pape réagit à certaines dérives sur l'autonomie
laissée à l'inquisition en exigeant la collaboration entre inquisiteurs et
évêques. Le droit absolu de l'inquisiteur est remis en question. Mais les
juridictions civiles fragilisent aussi peu à peu la puissance d'un tel
tribunal. À Toulouse, en 1331, un commissaire du roi assimile l'inquisition à
une juridiction royale, en 1412,
l 'inquisiteur de Toulouse est arrêté sur l'ordre du roi.
En Dauphiné, le tribunal est progressivement subordonné au Parlement de
Grenoble.
En
Espagne, l'inquisition est sous l'autorité du roi. C'est lui qui désigne les
inquisiteurs. Le pape n'aura que très peu d'influence sur l'inquisition
espagnole et face à l'intransigeance d'un Torquemada, il ne peut qu'élever une
protestation. Instrument du pouvoir, elle est d'abord une force d'unification
dans l'Espagne après la
Reconquista. Elle se met ensuite au service du pouvoir devenant
une arme contre les fueros. Elle sert à lutter contre les ennemis du pouvoir
(parti navarrais, Antonio Pérez, répression des émeutes de 1591, répression de
la révolution de 1640 en Catalogne, prise de parti dans la guerre de Succession
d'Espagne). Elle fournit, par ses condamnations, de la main d'œuvre pour les
galères et se plie aux aléas de la politique (indulgence envers les hérétiques
anglais en 1604 lors de la construction de la paix). Elle sert aussi de police
politique en contrôlant les étrangers. Elle devient peu à peu une force
réactionnaire contre les changements au sein de l'Espagne dont la puissance
perdurera jusqu'en 1808.
Histoire des représentations de
l'Inquisition
L'Inquisition,
par la violence de son système de contrôle de la liberté de penser et de
terreur, et en particulier par ses grands autodafés publics, a durablement
marqué l'imaginaire collectif. Cependant, des études d'historiens contemporains
tendent à relativiser la fréquence et l'intensité de l'usage des moyens les
plus violents, comme la torture et les condamnations à mort, pour rétablir une
image plus objective et nuancée de la norme du fonctionnement de cette
institution51.
Confronter
l'image populaire de l'Inquisition aux recherches historiques a amené les
historiens, à la fin du XXe siècle, à étudier l'histoire des représentations de
ce sujet pour comprendre l'origine et la nature de l'écart entre idéologie et
réalité52.
La Réforme protestante et l'Inquisition
La
première phase de diffusion écrite d'une représentation idéologiquement
orientée de l'Inquisition est liée à la répression de la Réforme protestante, en
particulier sur les territoires espagnols, sous les règnes de Charles Quint
puis de son fils Philippe II.
En
1522, Charles Quint crée un poste d'Inquisiteur Général des Pays-Bas, qui
étaient alors en possession du roi d'Espagne, en y nommant François Vander
Hulst, pour étendre son pouvoir impérial à travers cette institution et lutter
plus efficacement contre les schismatiques. Cette Inquisition hollandaise,
principalement au milieu du XVIe siècle, réprima de manière particulièrement
violente ce qui était considéré par l'Église catholique comme une hérésie. Les
victimes de cette répression religieuse furent considérées comme des martyrs de
la Réforme ,
et la répression elle-même alimenta dans la population néerlandaise le rejet du
régime espagnol, qui fut obtenu à la suite de près d'un siècle de troubles
(guerre dite de Quatre-Vingts Ans, 1566-1648 ).
L'indépendance de la Hollande
se construisit ainsi sur un fond de lutte pour la liberté religieuse, contre
l'Espagne catholique et son Inquisition.
À
la fin du XVIe siècle, le thème de l'Inquisition passe ainsi dans la culture
des Églises réformées, porté par un culte des héros à la fois nationaliste et
religieux. De nombreux pamphlets commencent à diffuser alors une image réaliste
mais caricaturale de l'Inquisition, décrivant les pires pratiques
inquisitoriales comme étant la norme d'une institution vicieuse et fanatique.
C'est ainsi qu'en 1567 le protestant espagnol Antonio del Corro (sous le
pseudonyme Reginaldus Gonzalvus Montanus) expose les pratiques de l'Inquisition
espagnole dans son ouvrage Sanctae Inquisitionis Hispanicae Artes aliquot
detectae ac palam traductae, en présentant « chaque victime de l'inquisition
comme innocente, chaque inquisiteur comme vénal et trompeur, et chaque étape de
la procédure inquisitoriale comme une violation des lois de la nature et de la
raison » (Peters 1988, p. 134). Ce livre aura un énorme succès : réimprimé et
traduit à de nombreuses reprises, il restera longtemps la référence absolue sur
l'Inquisition pour ses détracteurs. Une autre source notable sera l'Apologie de
Guillaume de Nassau, publiée en 1581 par le huguenot Pierre Loyseleur de
Villiers. La majorité des charges contre l'Inquisition s'appuieront ensuite sur
de telles sources.
L'Angleterre
du XVIIe siècle est à la fois protestante, en contact culturel et économique
étroit avec la Hollande ,
et en lutte d'influence contre l'Espagne catholique. De plus, depuis 1533, elle
baigne dans un anti-papisme officiel et la réconciliation avec Rome durant le
bref règne de Marie Tudor (de 1553 à 1558), assortie de persécutions contre les
protestants, ne fera que radicaliser le rejet du catholicisme sous le règne
suivant d'Elizabeth I. Dans ce contexte, le thème de l'Inquisition trouve un
nouveau relais dans les milieux protestants et nationalistes anglais (Peters
1988, p. 139-144). En décrivant les violences des débuts de l'Inquisition espagnole
comme une norme du fonctionnement de cette institution et, par extension, du
catholicisme (on trouve un exemple précoce de cette relecture dans l'histoire
et l'œuvre d'Antonio del Corro(es)), la référence à l'Inquisition permet aux
Anglais de valoriser, par contraste, la liberté et la libération apportées par
le protestantisme, et de justifier moralement la lutte contre le catholicisme
aussi bien externe (guerre contre l'Espagne) qu'interne (persécutions
religieuses en Irlande).
L'anticléricalisme et l'Inquisition
Le
XVIIIe siècle est celui des Lumières, dont la philosophie se définit comme se
démarquant de l'obscurantisme passé : la religion naturelle s'oppose au dogme
traditionnel. L'idée de chercher la vérité à travers le libre exercice de la raison
éclairée par le débat, portée par la noble ambition de former des hommes «
libres et de bonnes mœurs », est alors opposée au dogmatisme que symbolise
l'Inquisition.
L'incursion
de l'Inquisition dans le domaine du débat scientifique avec le procès de Galilée
(1633) fut à l'origine de la réaction de Descartes et de sa philosophie
mécaniste. La confusion entre vérités de foi et recherche d'un fondement
scientifique posa un problème de méthode, qui reste actuel. La revendication
d'une certaine autonomie par Galilée est à l'origine du principe d'autonomie de
la science, qui s'oppose aux méthodes jugées arbitraires de l'Inquisition. Ce
programme passe des loges anglaises, largement en symbiose avec l'Église
d'Angleterre, et essaime en France, dans une élite intellectuelle qui commence
à être déchristianisée. Les francs-maçons, qui étaient alors devenus des
ennemis farouches de l'Église catholique et de l'Inquisition, surtout après
leur première condamnation par le Pape en 1738, ont utilisé les descriptions les
plus négatives de l'Inquisition pour illustrer les débats sur l'obscurantisme
et la liberté.
L'Inquisition
devient alors un thème récurrent du discours anticlérical. Voltaire la prend
pour cible constante. Diderot et d'Alembert la prennent également pour cible
dans leur Encyclopédie : dans le Discours préliminaire de l'Encyclopédie,
d'Alembert la critique sévèrement, sans la nommer, pour la condamnation de
Galilée. Le thème de cette nouvelle image n'est plus seulement la violence,
mais la raison. L'Inquisition devient le symbole de l'obscurantisme,
l'instrument par lequel l'Église impose un dogme par la violence.
Victor
Hugo, 1883.
Au
XIXe siècle, le thème des lumières continue à vivre dans le discours
anticlérical, et est de plus relayé par la vision que le romantisme a donné du
Moyen Âge, dont l'image est reconstruite à cette époque (voir par exemple dans
un autre registre le cas de Viollet le Duc). Ainsi, Jules Michelet publie en
1841 le Procès des Templiers, en 1862 La Sorcière ; Victor Hugo publie en 1882 un drame en
quatre actes intitulé « Torquemada », et relate, dans Notre Dame de Paris, le
sort d'Esméralda. Quelques années plus tôt, en 1867, le Don Carlos de Verdi,
d'après Friedrich von Schiller, avait diffusé dans le public une image à la
fois négative et emblématique avec le personnage du « Grande Inquisitore, cieco
e nonagenario » (le « Grand Inquisiteur, aveugle et nonagénaire »). Ce genre de
thème littéraire (se présentant parfois comme des œuvres historiques, voir
Histoire de l'Inquisition en France) entretient et développe l'image d'une
Inquisition menée par des ecclésiastiques rigides et pervers ayant opprimé les
populations de la même manière barbare à toutes les époques. Cette vision est
également propagée par l'école publique rendue publique, laïque et obligatoire
par les lois Jules Ferry.
Dans
l'épopée des Pardaillan, un des succès de la littérature d'aventure du début du
XXe siècle, l'Inquisition espagnole apparaît non seulement comme une
juridiction spéciale, mais encore comme une organisation occulte autonome, plus puissante que le
pape et disposant de son propre service de renseignement.
Au
XXe siècle, l'Inquisition passe dans le vocabulaire courant, devenant un mot
commun pour désigner un certain genre de persécution, hystérique, souvent
collective et toujours spectaculaire. Le genre littéraire toujours actif se
prolonge dans la bande dessinée, les jeux vidéo, faisant plus souvent référence
aux stéréotypes de la légende noire de l'Inquisition que prétendant refléter
une réalité plus nuancée sur la base des recherches historiques
contemporaines1.
À
la fin du XXe siècle, deux œuvres occupent une place à part. Dans son roman Le
Nom de la rose (1980), Umberto Eco choisit pour personnage principal un ancien
inquisiteur, Guillaume de Baskerville, qui fait office de détective élucidant
une série de meurtres. Un an plus tard, dans son film La Folle Histoire du
monde (1981), Mel Brooks se met lui-même en scène dans un sketch parodique qui
représente l'inquisition sous la forme d'une comédie musicale.
Perception contemporaine de l'Inquisition
La
superposition de ces mouvements et enjeux sociaux a probablement contribué à
grossir les traits les plus noirs de la méthode de l'Inquisition : torture,
dogmatisme, injustice envers des victimes innocentes, fanatisme, antijudaïsme,
obscurantisme, etc.
La
très grande majorité des publications contemporaines qui n'émanent pas de
spécialistes de l'histoire véhiculent une représentation de l'Inquisition
uniforme et très négative, reproduisant des images stéréotypées, telles que des
scènes de torture sadique, des conditions d'emprisonnement inhumaines, des
inquisiteurs en plein délire fanatique prenant plaisir à condamner à mort des
innocents et les flammes d'un bûcher dressé sous un ciel d'orage, d'où le
condamné lance une dernière malédiction.
Sur
le plan sémantique, les mots de la famille « Inquisition », « inquisitorial »,
etc. sont passés dans le langage courant avec une connotation très négative, et
l'idée générale de quelqu'un qui fait subir un interrogatoire en règle sans en
avoir le droit moral.
Bien
sûr, cette image de l'Inquisition n'est pas uniquement le fruit de la
propagande négative diffusée par les opposants de l'Église catholique et des
pays qui y étaient alliés : elle repose sur la mémoire de faits historiques ne
représentant qu'une proportion mineure de l'activité de cette institution mais
réels, non négligeables et qui, par rapport aux normes sociales et éthiques
contemporaines, sont extrêmement choquants, alors même qu'ils n'étaient pas
exceptionnels pour leur époque (l'usage de la violence pour terroriser les
populations a davantage été une méthode imposée par les monarques pour
contrôler et unifier leur territoire, et ainsi donner naissance à l'État
moderne, qu'une spécificité de l'Inquisition au sein de son époque).
Pour
Mgr Claude Dagens : « l'Inquisition fait partie, avec les Croisades, les
guerres de religion et les pratiques d'exclusion à l'égard de certaines
personnes (notamment les Juifs), de la mémoire sombre de l'Église. Il n'est
donc pas question de se refuser à des démarches de repentance. Il constate
néanmoins que cette mémoire sombre entraîne une perte de visibilité de
l'Église, et qu'elle se traduit aujourd'hui par une certaine indifférence
religieuse. Les chrétiens doivent y faire face à partir d'une culture
historique plus solide. Il ne faut pas que des épisodes négatifs du passé
s'imposent dans le présent d'une manière fantasmatique. Le travail de la
mémoire n'est pas fait pour aggraver une culpabilité collective, mais pour
libérer la conscience sous le regard de Dieu et pour aller de l'avant ».
Chronologie de l'Inquisition
Lutte contre les hérésies dans l'Empire romain
• Ier siècle : Dans ses épîtres, Paul de
Tarse mentionne les premières divisions et querelles au sein des communautés
chrétiennes primitives (Tit 3 :10, 1Tim 1 :20).
• IIe siècle : Irénée de Lyon rédige
Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur également appelé Contre les
hérésies, qui est à la fois un manuel de vie chrétienne et informe sur les
principales "déviances" de cette époque qui ne se nomme pas encore
les hérésies.
• 287 : L'empereur Dioclétien décrète la mise
à mort des manichéens, les chefs seront brûlés vifs. Ce précédent dans le droit
impérial justifiera par la suite qu'on brûle les hérétiques60.
• 313 : Constantin promulgue l'édit de
Milan autorisant le christianisme dans l'Empire romain.
• 385 : L'évêque Priscillien, dont les
thèses sont condamnées au synode de Saragosse en 380, est exécuté par
l'empereur Magnus Maximus auprès duquel il avait fait recours à Trèves. Ce «
meurtre » suscite à l'époque le scandale et la protestation de nombreux évêques
parmi lesquels Ambroise de Milan et l'évêque de Rome Sirice.
• 407 : Contre le donatisme, la loi
romaine assimile l'hérésie à un crime de lèse-majesté. À la même époque,
Augustin d'Hippone et Jean Chrysostome s'opposent à l'usage de la violence dans
la lutte contre l'hérésie.
• 556 : Exécution de manichéens à Ravenne
par la justice de l'empire.
Hérésies de l'an mille
• 1000 : Expansion de l'hérésie
manichéenne.
• 1022 : En France, Robert le Pieux fait
condamner 13 hérétiques à être brûlés vifs.
• 1139 : Concile de Latran II. Anathème
contre les ennemis de la Foi.
Les hérétiques doivent être punis.
• 1148 : Arrangement de Vérone entre le
Pape et l'Empereur : les hérétiques doivent être jugés par l'Église avant
d'être remis au bras séculier.
• 1150 à 1200 : Forte expansion de
l'hérésie cathare. Répression de l'hérésie par la collaboration de l'autorité
civile et de l'évêque du lieu (Flandres, France, etc.). Les hérétiques sont
brûlés et leurs biens confisqués. Une trentaine d'hérétiques sont brûlés en
Angleterre par Henri II (1166). À cette époque, Bernard de Clairvaux rappelle
que la foi ne doit pas être imposée. À Cologne et Liège, à la même époque, la
foule veut brûler des hérétiques cathares emprisonnés, contre l'avis de
l'évêque qui s'interpose.
• 1179 : IIIe concile du Latran ; anathème
contre les Cathares. Acceptation de principe de la croisade contre les
Albigeois, qui ne sera effectivement lancée que 30 ans plus tard. Interdiction
est faite aux Vaudois de prêcher.
Inquisition médiévale
Exécution
des Templiers
• 1199 : le pape Innocent III assimile
l'hérésie au crime de lèse-majesté défini dans le droit romain hérité de
l'Antiquité dans la bulle Vergentes in senium61.
• 1200 : Vers cette époque : promulgation
de lois punissant de mort les hérétiques par l'empereur Frédéric II (1220), par
Louis VIII en France (1226), par Raymond V de Toulouse (1229), Pierre II
d’Aragon (1226), etc. Le bûcher devient la sanction usuelle contre les
hérétiques.
• 1205 : le pape Innocent III, dans sa
bulle Si adversus vos, condamne ceux qui viennent à la défense des hérétiques,
leur interdisant de fait le secours d'un avocat, voire de témoins à décharge.
• 1207 : le pape Innocent III fait prêcher
la croisade contre les albigeois. Elle prendra fin par le Traité de Paris
(1229)
• 1213 : la décrétale Licet Heli permet
d'appliquer la procédure inquisitoire contre les hérésies. Elle sera complétée
par la décrétale Per tuas litteras.
• 1215: IVe concile du Latran, qui
reprend et met en ordre toutes les dispositions relatives à la procédure
inquisitoriale.
• 1231: Constitution Excommunicamus
condamnant l'hérésie, excommunie les hérétiques, et officialisant les
ordonnances du pouvoir temporel : la prison à vie pour les repentants, le
bûcher pour les hérétiques récalcitrants.
• À partir de 1231 : Les premiers
inquisiteurs sont désignés et missionnés par le Saint-Siège, qui fait des choix
pour le moins malheureux. Le premier des inquisiteurs Conrad de Marbourg, nommé
en 1231, sera assassiné en 1233. En 1235, Robert le Bougre est nommé
inquisiteur de France. L'Inquisition est confiée aux dominicains, mais cette
fondation a lieu après la mort de leur fondateur, opposé à toute forme d'action
autre que la prédication et la persuasion verbale.
• 1232 : suivant l'avis de son confesseur
Raymond de Peñafort, Jacques Ier d'Aragon demande l'instauration d'une
Inquisition en Aragon.
• avril 1233 : Bulle Ille humani generis :
la compétence contre les hérésies est retirée aux tribunaux ecclésiastiques
quand un tribunal d'Inquisition existe.
• 1234 : les tribunaux d'Inquisition sont
installés à Toulouse et Carcassonne. Ils sont confiés aux Dominicains.
• 1237 : Raymond VII de Toulouse obtient
la suspension de l'Inquisition dans ses États.
• 1237 : à Carcassonne, répression
particulièrement musclée par Ferrier, surnommé le marteau des hérétiques. Ce
surnom sera plus tard donné à Torquemada et Antoine de Padoue.
• 1239 : en Champagne, Robert le Bougre
fait brûler 180 personnes au Mont-Aimé, jugées en à peine une semaine.
• 1242 : premier manuel de l'Inquisition,
élaboré par Raymond de Peñafort.
• 1242 : deux inquisiteurs, Guillaume
Arnaud et Étienne de Saint-Thibéry, sont assassinés à Avignonet.
• 1244
: fin de l'hérésie à Montpellier, le tribunal de l'Inquisition y est supprimé.
• 1246 : Innocent IV veut suivre de près
et intervient dans le fonctionnement des tribunaux d'Inquisition, ce qui cause
des frictions (voir Inquisition médiévale).
• 1249 : sans passer par le tribunal de
l'Inquisition, Raymond VII de Toulouse fait brûler quatre-vingts hérétiques en
sa présence, sans leur permettre de se rétracter.
• 1250 : l'Inquisition (inquisitio
hereticæ pravitatis) est en place et fonctionne dans toute l'Europe
occidentale.
• 1252 : Pierre de Vérone, qui sera
surnommé « Pierre Martyr », est assassiné en Italie. Il est canonisé un an plus
tard.
• 1252 : Innocent IV promulgue la bulle Ad
extirpanda autorisant l'usage de la question dans les enquêtes de
l'Inquisition. Cette autorisation est confirmée en 1259 (Alexandre IV) et 1262
(Clément IV), date à laquelle les inquisiteurs sont finalement autorisés à
assister à la question.
• 1254 : Innocent IV renouvelle
l'interdiction faite aux autorités civiles d'emprisonner ou de brûler les
hérétiques sans l'avis de l'évêque du lieu, interdiction souvent rappelée par
la suite.
• 1255 : Innocent IV prescrit l'usage des
boni viri.
• 1255 : les dominicains s'établissent à
Toulouse.
• 1261 : Le témoignage des hérétiques et
apostats est officiellement admis devant les tribunaux de l'Inquisition.
• 1273 : Thomas d'Aquin dans la Somme théologique considère
que la peine de mort peut être légitimement employée pour assurer le maintien
de l'ordre public, y compris contre les hérésies.
• 1278 : deux cents Cathares sont brûlés à
Vérone.
• 1286 : plainte du consul de Carcassonne
au roi de France sur la cruauté des inquisiteurs du lieu.
• 1300 : procès et éradication des
Guillelmites à Milan
• 1301 : Philippe IV le Bel prend prétexte
des excès de l'Inquisition pour reprendre la main sur le fonctionnement de ces
tribunaux.
• 1306 : Clément V ordonne une enquête sur
le fonctionnement de l'Inquisition dans le sud de la France.
• 1307 : les premiers Templiers sont
brûlés sur ordre de Philippe le Bel.
• 1308 : Bernard Gui est nommé inquisiteur
de Toulouse.
• 1310 : Marguerite Porete, dite
Marguerite des Prés est brûlée pour hérésie, femme de lettres, mystique et
chrétienne du courant des béguines, née vers 1250, brûlée avec son livre Le
Miroir des âmes simples et anéanties….
• octobre 1311 - mai 1312, le concile de
Vienne, est convoqué par le pape Clément V, pour statuer de l'Ordre du Temple.
• 1312 : les constitutions Multorum
querela et Nolentes sont promulguées lors du concile de Vienne, exigeant le
contrôle de l'évêque du lieu pour tous les actes importants de la procédure de
l'Inquisition.
• 1314 : les Maîtres Templiers sont brûlés
pour hérésie sodomie, etc.
• 1317-1322
: Années terribles pour les Spirituels et les Béguins, considérés comme
hérétiques, ceux-ci sont poursuivis, jugés et nombre d'entre eux sont livrés au
bûcher
• 1321 : le dernier dignitaire cathare, Guillaume
Bélibaste, est brûlé à Villerouge-Termenès, par l'Inquisition de Carcassonne.
• 1324 : Jean de Beaune, inquisiteur de
Carcassonne.
• 1326 : l'archevêque de Cologne intente
un procès en Inquisition contre le théologien dominicain Jean Eckhart.
• 1328 : dernier hérétique brûlé à
Carcassonne.
• 1400 : la fonction d'inquisiteur devient
progressivement un titre accessoire ou honoraire.
• 1415 : Jean Hus est brûlé pour hérésie.
XVe siècle et Inquisition espagnole
• 1478 : Isabelle la Catholique obtient du
pape Sixte IV la bulle créant l'Inquisition espagnole. Elle est mise en place
et commence à fonctionner en 1480, les inquisiteurs étant nommés par les
souverains.
• 1481 : Organisation des premiers Auto da
fé
• 1482 : Dans un bref du 29 janvier, Sixte
IV condamne les excès de l'Inquisition espagnole.
• 1483 : Torquemada est nommé par le pape
grand inquisiteur d'Espagne. Il publie son code de l'inquisiteur en 1484. Sa
rigueur suscite de nombreuses protestations et l'intervention de Sixte IV.
• 1484 : Innocent VIII promulgue la bulle
Summis desiderantes affectibus autorisant l'Inquisition à agir en matière de
sorcellerie.
•1486 Parution du Marteau des sorcières
(malleus maleficarum) des inquisiteurs Henri Institoris et Jacques Sprenger et
début de la chasse aux sorcières
• 1492 : Décret d'expulsion des juifs
d'Espagne (Décret de l'Alhambra, resté officiellement en vigueur jusqu'en
1967).
XVIe siècle, Réforme et Renaissance
• 1512-1517
: Ve concile du Latran. Les livres imprimés doivent être soumis à l'avis de
l'Église (voir 1559).
• 1520 : Organisation d'une Inquisition
moderne aux Pays-Bas.
• 1523 : Premiers martyrs de la Réforme aux Pays-Bas.
• 1525 : L'Inquisition espagnole commence
à poursuivre les illuministes et se défie des mystiques. Les mystiques espagnols
seront souvent inquiétés par l'Inquisition : c'est le cas de Thérèse d'Avila et
de Jean de la Croix ,
futurs docteurs de l'Église.
• 1531 : L'Inquisition est établie au
Portugal par autorisation du pape Clément VII.
• 1542 : Création du Saint-Office à Rome,
cour d'appel pour les jugements concernant les hérésies et la foi, et tribunal
des causes réservées au pape. Il est à l'origine de l'Inquisition romaine.
• 1550 : Le théologien réformateur
Heinrich Bullinger déclare à Genève que l'hérésie peut être punie de la peine
de mort, comme le meurtre ou la trahison.
• 1553 : l'antitrinitariste Michel Servet,
poursuivi par l'inquisition espagnole, est capturé et exécuté par le
consistoire protestant de Genève.
• 1559 : Création de l’Index par le
Saint-Office de Rome. Le premier index espagnol, dit de Valdés, est publié
quelques mois plus tard : il incorpore de nouvelles œuvres, en particulier en
langue romane : sur 670 ouvrages interdits, 170 sont en langue vulgaire.
• 1559 : Crise protestante en Castille : l'Inquisition
anéantit brutalement des groupuscules hétérodoxes en Espagne (1559-1563).
• 1563 : Publication de The Book of
Martyrs, de John Foxe, un martyrologe protestant qui donnera une consistance
durable aux représentations anticatholiques en Grande-Bretagne (bûchers,
tortures, etc.).
• 1568 : Début de la guerre de
Quatre-Vingts Ans aux Pays-Bas espagnols, en partie motivée par la crainte de
voir s'établir dans les Flandres une Inquisition de type espagnol.
• 1600 : L'Inquisition romaine condamne le
dominicain Giordano Bruno à être brûlé vif.
• 1601 : Raymond de Peñafort est canonisé.
• 1605 : Dans son fameux roman, Miguel de
Cervantes met en scène un Don Quichotte poursuivi par l'Inquisition (et
l'Inquisition espagnole ne l'inquiète pas particulièrement).
• 1616 : Les idées de Copernic sont
condamnées par le Saint-Office, Galilée doit cesser d'enseigner ses thèses.
• 1633 : Condamnation des thèses de
Galilée, qui se voit assigné à résidence.
XVIIIe siècle et XIXe siècle
• 1717 : Fondation de la Grande Loge
d'Angleterre, début de la franc-maçonnerie moderne.
• 1759 : Voltaire dénonce les excès de
l'Inquisition dans Candide.
• 1781 : Dernière exécution par le feu :
María de los Dolores López condamnée au bûcher le 7 novembre 17 81 à Séville.
• 1808 : Le roi d'Espagne Joseph Bonaparte
abolit l'Inquisition d'Espagne.
• 1814 : L'Inquisition est rétablie en
Espagne par Ferdinand VII.
• 1815 : Publication des Lettres à un
gentilhomme russe sur l'Inquisition espagnole par le comte Joseph de Maistre.
• 1817 : Llorente publie l’Histoire
critique de l'Inquisition en Espagne.
• 1820 : L'Inquisition espagnole est
supprimée de fait par la révolution espagnole, mais reste inscrite dans les
textes62.
• 1823 : À la restauration, Ferdinand VII
ne remet pas en vigueur l'Inquisition.
• 1829 : Publication de Histoire de
l'Inquisition en France, qui s'avérera être un document purement fantaisiste63.
• 1831 : Victor Hugo publie Notre-Dame de
Paris.
• 1834 : L'Inquisition espagnole est
définitivement abolie.
• 1841 : Jules Michelet publie Le Procès
des Templiers.
• 1862 : Michelet publie La Sorcière.
• 1880 : Dostoïevski présente « le grand
inquisiteur » dans Les Frères Karamazov.
• 1882 : Victor Hugo publie Torquemada,
drame en quatre actes.
Période contemporaine
• 1965 : la congrégation du Saint-Office
est remplacée par la
Congrégation pour la doctrine de la foi, compétente pour ce
qui touche aux points de doctrine et aux mœurs.
• 1966 : dissolution de l'Index.
• 1981 : le cardinal Ratzinger est nommé à
la tête de la
Congrégation pour la doctrine de la foi.
• 1992 : sous la présidence du cardinal
Ratzinger, repentance de l'Église catholique qui reconnaît ses erreurs dans
l'affaire Galilée64.
• 1994 : pour la préparation du Jubilé de
l'an 2000, dans la lettre apostolique Tertio Millenio adveniente, Jean-Paul II
souhaite que « l'Église prenne en charge, avec une conscience plus vive, le
péché de ses enfants, dans le souvenir de toutes les circonstances dans
lesquelles, au cours de son histoire, ils se sont éloignés de l'esprit du Christ
et de son Évangile, présentant au monde, non point le témoignage d'une vie
inspirée par les valeurs de la foi, mais le spectacle de façons de penser et
d'agir qui étaient de véritables formes de contre-témoignage et de scandale » ;
l'Inquisition n'est pas encore mentionnée explicitement65.
• 1998 : le pape Jean-Paul II décide
d'ouvrir les archives concernant l'Inquisition et l'Index dans les Archives
secrètes du Vatican66.
• 1998 : le Vatican lance les premiers
travaux de recherche sur l'Inquisition ; un Symposium international est
organisé sur l'Inquisition (29-31 octobre)67 .
• 2000 : sous la présidence du cardinal
Ratzinger, repentance officielle de l'Église catholique contre les excès de
l'Inquisition64.
• 2004 : premiers résultats de l'étude
menée par le Vatican sur l'Inquisition et réactions
http://fr.wikipedia.org/wiki/Inquisition
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