Mehmed II
Mehmed II par Gentile Bellini. vers 1480. Wikimedia
Le
sultan Mehmet II le Conquérant ou Mehmed II Fatih1 (en turc : Fatih Sultan
Mehmet Han) fut le 7e sultan de l'empire ottoman.
Il
était le quatrième fils de Mourad II2. Il serait né le 30 mars 14 32 à Edirne3 de
Huma Hatun.
C'est
la prise de Constantinople en 1453 qui lui valut son surnom de « Fatih »
(Conquérant). Il régna à deux reprises (entre 1444 et 1446 puis entre 1451 et
1481) ; dans l'intervalle, c'est son père Mourad II qui reprit le pouvoir.
C'était un homme vigoureux et un chef militaire redoutable.
Il
était curieux de littérature et des beaux-arts, écrivit des poèmes en turc et
en grec; composa des chansons, il s'intéressait à la philosophie et aux
sciences, à l'astronomie en particulier. Il fit venir à Constantinople des
artistes italiens, dont Gentile Bellini qui fit de lui un portrait célèbre. Il
avait appris plusieurs langues, dont le latin et le grec ancien.
Il
mourut le 3 mai 14 81
à Gebze. Son fils Bayezid lui succéda.
Il
eut sept épouses, une fille et quatre fils : Mustafa, Bayezid, Cem (ou
Jem/Djem) et Korkut.
SOMMAIRE
Biographie
Premier
règne
Fils
cadet de Mourad, Mehmed eut une enfance et une instruction difficiles4. Il
devint l'héritier du trône à la mort de son frère aîné Alaeddin en 1444. Pour
des raisons mal connues, Mourad II abdiqua en sa faveur en juillet ou août de
la même année5 et se retira à Manisa.
Le
court règne de Mehmed fut agité, sur les plans intérieur et extérieur. Le
gouvernement était partagé entre la faction du grand vizir Çandarlı Halil,
homme de confiance de Mourad mais qui entretenait de mauvaises relations avec
Mehmed, et d'autre part les autres vizirs plus proches du jeune sultan5. Des
mouvements populaires provoquant un incendie à Edirne suivirent la prédication
d'un derviche hurufi, protégé par Mehmed contre le grand mufti et Halil6.
En
1446, Halil Pacha fomenta une révolte des janissaires qui remirent Mourad II au
pouvoir jusqu'à sa mort en 1451. Au printemps 1448, Mehmed participa aux côtés
de son père à une campagne infructueuse contre Skanderbeg7.
Accession
au trône
Mehmed
monta sur le trône le 18
février 14 51, dans des circonstances troublées (présence du
prétendant Orkhan à Constantinople, opposition des janissaires, mauvaises
relations avec le grand vizir Çandarlı Halil). Le nouveau sultan adopta une
politique prudente de conciliation : il maintint Halil au poste de grand-vizir,
et fut le premier sultan à accorder aux janissaires un don de joyeux
avènement8. En conquérant l'émirat de Karaman en mai et juin 1451 et en
renouvelant les traités de paix avec Venise en septembre et avec la Hongrie en novembre de la
même année, Mehmed montrait ses qualités de stratège comme militaire et comme
diplomate.
Le siège
de Constantinople
Dès
le début de son règne, Mehmed II se concentra sur le projet de faire de
Constantinople la capitale de son pays. Il avait conscience que posséder
Constantinople serait une source de richesses et qu'ainsi il aurait le contrôle
du commerce vers la mer Noire dans un sens et vers la mer Méditerranée dans
l'autre sens. Lorsqu'il fit part de son projet, la majorité du divan et en
particulier le grand vizir Halil Pacha, critiqua le sultan parce qu'il
surestimait ses capacités.
Un
saxon nommé Orban fabriqua de nouveaux canons gigantesques qui allaient jouer
un rôle important dans la prise de la ville.
La
forteresse de Roumélie
(Rumeli
Hisarı)
En
1452, Mehmed fit construire sur la rive européenne une forteresse en face de
celle que Bayezid Ier avait construite sur la rive asiatique. Ce château fut
appelé forteresse de Roumélie (Rumeli Hisarı) tandis que celle de Bayezid Ier
s'appelait forteresse d'Anatolie (Anadolu Hisarı). Au cours de ces préparatifs,
il renouvela les traités de paix signés avec la Serbie et la Valachie et signa un
nouveau traité de paix avec la
Hongrie.
De
son côté, l'Empire byzantin se préparait en accumulant des réserves de
nourriture pour un long siège. L'empereur Constantin XI Paléologue fut inquiet
en apprenant la construction de la forteresse de Roumélie à proximité de la
ville. Il voulut demander l'aide du pape. Ce dernier mit comme condition à
cette aide l'unification des deux Églises catholique et orthodoxe. Mais les
rivalités entre les hommes religieux amenèrent l'empereur à abandonner tout
espoir d'une nouvelle croisade pour lui venir en aide.
Une
fois les préparatifs terminés, Mehmed envoya un message à l'empereur byzantin
l'invitant à se rendre. L'empereur Constantin XI rejeta cet ultimatum. En avril
1453, Mehmed assiégea la ville, détruisant tout aux environs et enfermant la
population dans ses murs.
Le
19 avril deux tours sur roues furent construites pour pouvoir franchir les
murailles légendaires de la ville. La bataille devint sanglante et Mehmed se
rendit compte que tant que sa marine n'entrait pas en jeu, la ville pourrait
continuer à être soutenue par les navires vénitiens et génois. Il fallait
trouver un moyen de pénétrer dans la
Corne d'Or mais celle-ci était bien défendue à son entrée par
un système de chaînes. Il imagina alors de tirer les bateaux à terre sur la
rive européenne et de les faire entrer par l'extrémité de la Corne d'Or (22 avril 14 53). La
marine ottomane se trouva ainsi au milieu de la ville et elle put bombarder ses
murs depuis l'intérieur.
Le
mardi 29 mai 14 53,
l'attaque finale fut lancée (cf. la chute de Constantinople). Plusieurs vagues
successives furent repoussées mais les régiments turcs parvinrent au bout de
quelques heures à pénétrer dans la ville et Constantin XI périt dans la
bataille. À midi, au terme
d'une lutte héroïque de part et d'autre, la capitale était prise. L'Empire
romain d'Orient, État vieux de 1125 ans, s'était écroulé. Mehmet II entra dans
Constantinople dans l'après midi
du 30 mai 14 53
et mit fin au pillage de la cité avant la fin des trois jours habituellement
accordés aux soldats8. Il effectua la prière du midi dans la Basilique Sainte-Sophie ,
qui marqua sa transformation en mosquée.
Entrée
de Memed II dans Constantinople
(Peinture
de Fausto Zonaro (1854 - 1929))
Finalement,
Constantinople devint capitale de l'Empire ottoman. Le premier décret du sultan
après la prise de la « Nouvelle Rome » fut de repeupler la ville morte. Il
autorisa donc l'installation de civils, y compris chrétiens, dans la ville, à
qui il laissa une relative liberté de culte, marquée par l'intronisation à la
tête de l'Église grecque orthodoxe d'un nouveau patriarche, Gennadios, connu
pour ses positions anti-unionistes ; il instaura aussi un patriarcat arménien
apostolique en 1461. Il se fit appeler Kayser-i Rum: l'empereur romain.
En
1462, il lança la construction du palais de Topkapı.
S'étant
présenté comme seigneur des combattants de la foi, il œuvrait dans sa conquête
pour acquérir une légitimé au yeux du reste du monde musulman. Les chroniqueurs
le qualifient régulièrement de gâzi des gâzis, de champions de la guerre
sainte, etc15.
La
conquête des Balkans
Mehmed
II annexa ce qui restait du despotat vassal de Serbie après la chute de la
forteresse de Smederevo en 1459. Le royaume de Bosnie fut incorporé à l'Empire
après la mort du roi Étienne Tomašević en 1463.
La
conquête des territoires albanais se révéla plus difficile. Skanderbeg,
fédérant d'autres seigneurs de guerre, repoussa à deux reprises les armées
ottomanes, en 1466 et 1467. Après son décès en 1468, ses partisans parvinrent à
contenir les armées ottomanes jusqu'en 1480.
Conquête
des vestiges de l'Empire byzantin
En
1460, Mehmed II fit la conquête définitive du despotat de Morée, où régnaient
les deux frères de Constantin XI, Démétrios et Thomas. Démétrios se soumit rapidement
au sultan qui lui donna une somme importante et quelques îles de l'Égée en
apanage, tandis que Thomas s'enfuit avec ses enfants en Occident.
Guerre en
Anatolie
En
1461, Mehmed II se tourna vers l'Anatolie. Il conquit la principauté djandaride
et l'Empire de Trébizonde en août 1461.
En
1464, Ibrahim le bey de Karaman mourut, et sa succession fut disputée. Deux
frères s'opposaient. L'un, Ishak avait obtenu le soutien de Uzun Hasan sultan
des Akkoyunlu (clan des « Moutons Blancs »), l'autre, Pir Ahmed reçut le
soutien de Mehmed. Pir Ahmed commit l'erreur de chercher un arrangement avec
les Vénitiens, Mehmed considéra que c'était une trahison. Il partit en campagne
et conquit Konya et Karaman. Pir Ahmed se réfugia chez les Akkoyunlu. L'armée
ottomane et l'armée des Akkoyunlu s'affrontèrent près de Otlukbeli le 11 août 14 73 :
l'armée ottomane, la mieux équipée de l'époque, écrasa ses adversaires.
Conflits
avec les Hongrois et les Moldaves
Articles connexes : Bataille de Vaslui, Bataille de Valea Albă et
en:Battle of Breadfield.
Conquête
de la Crimée
L'objectif
de Mehmed II était alors de contrôler le bassin de la mer Noire et de supprimer
la suprématie vénitienne et génoise sur la région. En 1475, il conquit les
colonies génoises de Crimée, installant l'Empire ottoman au nord de la mer
Noire en en faisant un lac turc. Cela lui donna le contrôle du trafic
d'esclaves et de la route de la soie.
Ayant
pris le contrôle des routes commerciales, Mehmed II fit construire de nouveaux
ports et une flotte pour pouvoir concurrencer Venise et Gênes dans le commerce
maritime.
Dernières
conquêtes
En
1477, il se dirigea sur la côte Est de l'Adriatique pour y prendre quelques
îles aux Vénitiens et obtenir un traité de paix avec Venise en 1480. Un de ses
vizirs, Gedik Ahmed Pacha prit pied en Italie et conquit Otrante.
Mort
Alors
qu'il se rendait vers l'Orient pour une nouvelle campagne militaire, Mehmed
mourut sur la route le 4
mai 14 81, peut-être empoisonné à l'instigation de l'ordre des
derviches Halvetî et de son fils Bayezıd 16.
Après
sa mort, ses deux fils Bayezıd (appelé Bajazet par les Européens), l'aîné, et
Djem (appelé Zizim) se disputèrent le pouvoir. Défait à deux reprises, Djem se
réfugia en Occident où il mourut en 1495 dans des conditions jamais élucidées.
Bilan du règne
Mehmed
fut principalement un homme de guerre qui augmenta à la fois sa flotte et son
armée, dont il fit l'une des plus redoutables d'Europe. Il renforça le pouvoir
personnel du sultan en écartant la famille Çandarlı et en nommant ses esclaves
au poste de grand vizir, en mettant au pas les familles de beys des frontières.
Il réorganisa l'empire en dotant les non-musulmans d'une hiérarchie
centralisée, en faisant d'Istamboul une capitale puissante, en édictant un
célèbre recueil de lois (kânûnnâme) 17.
Pour
financer ses nombreuses campagnes militaires, il pratiqua une politique de
dévaluation de la monnaie ainsi qu'une réforme de la propriété qui lui valurent
l'hostilité des ordres religieux ainsi qu'une certaine impopularité 18.
Il
laissa ainsi à sa mort un empire plus vaste et plus puissant, mais une armée
fatiguée, une situation économique précaire, un peuple mécontent et une élite
irritée et divisée ; cette situation fut l'une des causes de la guerre civile
qui s'ensuivit 19.
Références
↑ fatih, de l'arabe فَاتِح fātiḥ, conquérant; victorieux
↑ Halil İnalcık: Mehmed II. dans: Türkiye
Diyanet Vakfı İslâm Ansiklopedisi. Band 28, TDV Yayını, Ankara 2003, S.
395–407.
↑ Babinger, Mehmed der Eroberer, Piper
Kitabevi, Münih 1987, s.8
↑ Vatin 1989, p. 81
↑ a et b Vatin 1989, p. 76
↑ Vatin 1989, p. 77
↑ Vatin 1989, p. 78
↑ a et b Vatin 1989, p. 88
↑ (en) James Smalls, Homosexuality in Art,
Parkstone International, (2012), 277 pages, p. 134, ISBN 978-1-7804-2952-6
↑ (en) Marios Philippides, Walter K. Hanak,
The Siege and the Fall of Constantinople in 1453: Historiography, Topography,
and Military Studies, Ashgate Publishing, Ltd., (2011), 759 pages, p. 256, ISBN
978-1-4094-1064-5
↑ (en) George Haggerty, Bonnie Zimmerman,
Encyclopedia of Lesbian and Gay Histories and Cultures, Garland Science, 2003,
p. 1385 : « When Mehmed II captured the city in 1453, his troops were
dispatched immediately to capture the most beautiful boys of the Christian
aristocracy for him. »
↑ Philip Mansel, Constantinople, Hachette,
2011 (544 pages), p. 47 : « Like the city itself, he [Mehmed II] was a
collection of contrasts: cruel and gentle, ruthless and tolerant, pious and
pederast. »
↑ a et b (en) Wayne R. Dynes, Stephen
Donaldson, Asian Homosexualities, Taylor & Francis (1992), 368 pages, p. 28
↑ Thierry Ganchou, « Le rachat des Notaras
après la chute de Constantinople ou les relations « étrangères » de l'élite
byzantine au XVe siècle », dans Michel Balard et Alain Ducelier, Migrations et
diasporas méditerranéennes (Xe siècle-XVIe siècle siècles), Paris, Publications
de la Sorbonne ,
2002 n.27 p.155 (lire en ligne [archive])
↑ Henry Laurens, John Tolan et Gilles
Veinstein, Europe et l’Islam (L'): Quinze siècles d’histoire, Odile Jacob,
2009, 482 pages p. (ISBN 2738122191 ),
p.191-p,192
↑ N.
Vatin, L'ascension des Ottomans, in Histoire de l'Empire ottoman, p 103 et 105
↑ N. Vatin, L'ascension des Ottomans, in
Histoire de l'Empire ottoman, p 103-104
↑ N. Vatin, L'ascension des Ottomans, in
Histoire de l'Empire ottoman, p 104-105
↑
Vatin 1989, p. 105
Bibliographie
- André
Clot, Mehmed II : le conquérant de Byzance (1432-1481), Paris, Perrin, 1990,
331 p. (ISBN 978-2262007195)
- (en)
John Freely, The Grand Turk : Sultan Mehmet II-Conqueror of Constantinople and
Master of an Empire, Overlook Press, 2010, 265 p. (ISBN 978-1590204009)
- Franz
Babinger, Mehmed der Eroberer, Piper Kitabevi, Munich, 1987
- Olivier
Weber, Le grand festin de l’Orient, Robert Laffont, 2004.
- Nicolas
Vatin, « L'ascension des Ottomans », dans Robert Mantran, Histoire de l'Empire
ottoman, Paris, Fayard, 1989
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mehmed_II
Mohamed ZEMIRLINE
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