CHUTE DE
CONSTANTINOPLE
CONQUETE PAR
LES TURCS
Le
siège de Constantinople en 1453 – miniature réalisée à Lille en 1455
(Manuscrit
de Bertrandon de la
Broquière , BNF, MS fr. 9087, f . 207v).
La
chute de Constantinople a eu lieu le 29 mai 14 53, lors de la prise de la ville par
les troupes ottomanes conduites par Mehmed II. Elle marque la disparition de
l’Empire byzantin, et donc la fin définitive de l'Empire romain en tant
qu’entité juridique.
Le
siège qui débute au début du mois d’avril 1453 intervient alors que la
situation de Byzance s’est considérablement dégradée lors des siècles
précédents. En 1453, l’empire se réduit aux alentours de Constantinople et au
Péloponnèse et il n’est plus en état de résister à la puissance montante qu’est
l’Empire ottoman à cette époque. Ce dernier a déjà assiégé Constantinople à
deux reprises sans résultats mais contrôle l'Anatolie et une grande partie des
Balkans. Malgré de multiples appels à l’aide des Byzantins en direction de
l’Occident, seules quelques rares troupes italiennes combattent aux côtés des 5
000 défenseurs byzantins conduits par l’empereur Constantin XI. Ces 7 000 à 8
000 hommes sont largement surpassés en nombre par les 80 000 à 100 000 soldats ottomans soutenus par une
flotte de plus de 120 navires. Après avoir résisté à plusieurs assauts, les
Byzantins finissent par céder le 29 mai 14 53. S’ensuit un large pillage de la ville
puis l’entrée de Mehmed II dans la cité. Il gagne à cette occasion l’épithète
de Fatih (le Conquérant) et fait de Constantinople la nouvelle capitale de son
empire qui entre dans sa période faste.
Au-delà
de la fin d’un empire déjà moribond, la chute de Constantinople a un impact
profond sur le monde et notamment en Occident. Héritier de l’Empire romain,
traditionnel rempart à l’expansion musulmane en Orient, l’Empire byzantin
laisse derrière lui un vide important. Cependant, malgré son déclin politique,
l’empire connaît lors de ses dernières années d'existence un profond renouveau
culturel dont les principaux représentants comme Jean Bessarion ou Manuel
Chrysoloras émigrent peu à peu en Italie et dans le reste de l’Europe à mesure
que l’Empire byzantin s’étiole.
De
nombreux historiens, dont Jules Michelet, ont estimé que la chute de
Constantinople constitue une vraie rupture marquant la fin du Moyen Âge et le
début de la
Renaissance. Toutefois , cette vision est de plus en plus
remise en cause et les historiens modernes considèrent plutôt la chute de
Constantinople comme une étape dans le processus de transmission du monde grec
vers le monde latin, conduisant à la Renaissance.
SOMMAIRE
Contexte
Un Empire byzantin à l'agonie
L’Empire
byzantin en 1450
En
1453, l’Empire byzantin est réduit à la portion congrue. Les Paléologues n’exercent
plus le pouvoir qu'autour de Constantinople et sur une partie du Péloponnèse.
Les Byzantins ne contrôlent plus les voies commerciales entre l'Occident et
l'Extrême-Orient qui avaient contribué à leur enrichissement. Les concessions
commerciales accordées aux Vénitiens et aux Génois se sont notablement accrues
au fil des siècles, et les caisses sont de fait vides 4.
La
ville a déjà été encerclée par les forces turques en 1391-1392 et 1394-1402 ,
mais devant l'obligation de combattre les Turco-Mongols à l'est, les Turcs ont
laissé la ville sauve. Les années qui suivent constituent une période de calme
relatif pour Constantinople, les Ottomans étant occupés par des querelles
dynastiques. Cette accalmie n'est pas mise à profit pour renforcer l’Empire. Celui-ci
ne dispose plus des moyens pour repartir à l'offensive même s'il parvient à
récupérer certains territoires dont la ville de Thessalonique 5. Les rivalités
théologiques entre les Églises d'Orient et d’Occident empêchent l’acheminement
d'aide aux Byzantins, et la méfiance envers les Occidentaux est grande suite au
sac de la ville lors de la quatrième croisade, en 1204. Lucas Notaras, dernier
grand amiral de la flotte byzantine et premier personnage de l'empire après
l'empereur, aurait dit : « Plutôt le turban que le chapeau de cardinal ». Si
l'authenticité de cette phrase est encore sujette à débat, il n'en reste pas
moins qu'elle symbolise le profond ressentiment entre les deux pôles de la
chrétienté 6.
En
1422, Mourad II, ayant mis fin aux querelles dynastiques, assiège
Constantinople, impliquée dans les intrigues de la cour ottomane 7. S'il ne
parvient pas à prendre la cité, il pille les possessions byzantines du
Péloponnèse et met le siège devant Thessalonique. Le sultan négocie néanmoins
un traité de paix et le versement d'un tribut avec Jean VIII Paléologue afin de
retourner mater la révolte de Küçük Mustafa en Anatolie, soutenue par les
Byzantins.
En
1430, les forces turques prennent et mettent à sac Thessalonique, réduisant la
population en esclavage. La menace ottomane se fait de plus en plus pressante
et le basileus Jean VIII est décidé à trouver un accord avec l'Église
d'Occident. Aussi, en 1438, il prend la mer pour l'Italie en emmenant avec lui
des théologiens et des évêques (ils sont près de 700 à avoir fait le voyage).
Les deux Églises se réunissent aux conciles de Ferrare et de Florence. Un
accord est trouvé entre les Églises latine et orthodoxe en 1439 8.
En
1440, les Turcs sont repoussés devant Belgrade et le pape en conçoit de grands
espoirs. Il prêche donc pour une nouvelle croisade. Celle-ci est commandée par
Ladislas III Jagellon, roi de Pologne et de Hongrie. En 1444, les croisés sont
mis en déroute à la bataille de Varna et Ladislas est tué 9.
En
1448, une nouvelle bataille a lieu à Kossovo Polié ; les Turcs, grâce à des
forces quatre fois plus nombreuses, remportent la victoire sur les troupes
hongroises de Jean Hunyadi. C'est la dernière tentative pour aider l'Empire
byzantin agonisant. La même année, Jean VIII décède sans descendance et c'est
son frère, Constantin, despote de Morée, qui lui succède. L'Empire byzantin n'a
alors plus les moyens de s'opposer aux forces ottomanes et est contraint
d'envoyer une ambassade à Mourad pour que celui-ci donne son assentiment à
l'accession au pouvoir de Constantin 10.
Arrivée de Mehmed II
Dès
son accession au trône, Mehmed II
se
fixe comme objectif la prise de Constantinople.
Mehmed
II, âgé de 21 ans, succède à son père Mourad II, mort en février 1451. C 'est un jeune homme
volontaire et autoritaire qui s'est fixé comme objectif principal la prise de
Constantinople 11. Le conseiller de l'empereur Georges Sphrantzès perçoit
rapidement la menace que peut faire peser le jeune sultan et propose à
Constantin de se marier avec la princesse serbe Mara Brankovic, la belle-mère
de Mehmed et veuve de Mourad. Cette union permettrait entre autres d'allier la Serbie à l'Empire byzantin.
Toutefois, Mara Brankovic refuse, arguant du fait qu'elle a juré de ne se
consacrer qu'à Dieu dans le cas où ce dernier la délivrerait de Mourad et des
Turcs 12. Dans le même temps, Mehmed sécurise ses arrières en renouvelant la
paix avec Venise en 1452 tandis que Raguse s'engage à augmenter son tribut. Il
renouvelle aussi la paix avec l'Empire byzantin et promet d'assurer la pension
d'Orkhan, un membre de la famille du sultan résidant à Constantinople et
possible prétendant au trône ottoman. En échange de cette pension, les
Byzantins acceptent de ne pas soutenir une éventuelle rébellion d'Orkhan. Cette
souplesse est due aux difficultés que Mehmed rencontre en Anatolie. L'émir de
Karaman tente de profiter de la succession pour se révolter mais doit se
soumettre après que Mehmed est venu en personne rétablir l'ordre dans la région
13. Le sultan peut dès lors se consacrer à la conquête de la cité byzantine qui
continue de perturber les relations entre les deux parties de l'Empire ottoman.
De plus, la prise de Constantinople permettrait de réaliser le vieux rêve
ottoman d'un empire universel, héritier du prestige de l'Empire romain. Dans le
même temps, Constantin XI envoie une ambassade protester contre le retard dans
le paiement de la pension d'Orkhan. Les ambassadeurs rappellent aux Ottomans
qu'Orkhan est un prétendant possible. Cette menace à peine voilée est présentée
au grand vizir Halil Pacha, traditionnellement amical envers les Byzantins. Il
prévient ces derniers que Mehmed II est plus dangereux qu'il n'y paraît 14.
Voici la traduction de la réponse d'Halil retranscrite par l'historien
britannique Donald Nicol :
« Je connais depuis longtemps, Grecs stupides,
vos manières sournoises. Le sultan défunt était pour vous un ami débonnaire et
attentionné. Le sultan Mahomet ne voit pas les choses de la même façon. S'il ne
parvenait pas avec sa fougue habituelle à s'emparer de Constantinople, ce
serait uniquement parce que Dieu continue à fermer les yeux sur vos procédés
sordides. Vous êtes bien niais si vous croyez pouvoir nous effrayer avec vos
puérilités, alors que l'encre de notre dernier traité n'est pas encore sèche.
Nous ne sommes pas des enfants sans force ni raison. Si vous croyez pouvoir
tenter quelque chose, allez-y. Si vous voulez amener les Hongrois de ce côté du
Danube, faites-les venir. Si vous voulez reprendre les places que vous avez
perdues depuis longtemps, essayez donc. Mais sachez ceci : ni là ni ailleurs,
vous n'irez bien loin. Tout ce que vous risquez, c'est de perdre ce qui vous
reste 15. »
Si
la réponse du sultan est relativement courtoise, le comportement des Grecs
illustre la menace que l'Empire byzantin peut faire peser sur l'Empire ottoman,
ne serait-ce qu'en appelant les Occidentaux à lancer une nouvelle croisade ou
en soutenant les divers prétendants ottomans 16. Dès l'hiver 1451, Mehmed
commence le blocus de Constantinople qui doit lui permettre à terme de prendre
la ville.
Préparation du siège
Les
ruines de la forteresse de Rumeli Hisarı.
À
partir de ce moment, toute la politique de Mehmed vise à détruire l'Empire
byzantin. À la fin de l'année 1451, il expulse les Grecs de la vallée de la
basse Strouma et mobilise un millier d'ouvriers pour construire la forteresse
de Rumeli Hisarı à l'endroit le plus étroit du Bosphore, en face du fort
d'Anadolu Hisarı construit par Bayezid Ier dans les années 1390 sur la rive
asiatique du Bosphore. Constantin envoie une ambassade auprès du sultan pour
exprimer son opposition à un tel projet contraire aux traités
byzantino-ottomans interdisant la construction de forteresses turques dans la
région ; mais Mehmed II la rejette. Il commence la construction de la
forteresse le 15
avril 14 52. Constantin a conscience que cette structure n'est que
la première étape d'une attaque contre Constantinople. En effet, elle empêche
l'arrivée de renforts en provenance des colonies génoises de la mer Noire 17.
Constantin tente de protester mais il n'a aucun moyen d'agir contre les Turcs.
Peu après la fin de la construction de la forteresse en août 1452, Mehmed vient
inspecter les forteresses de Constantinople avant d'interdire l'accès à la
ville par la mer. Un navire vénitien dirigé par Antonio Rizzo qui tente de
forcer le passage est coulé par les canons du fort de Rumeli Hisarı. Les visées
ottomanes sont alors claires pour l'empereur, d'autant plus que les janissaires
ont massacré les habitants du bourg d'Epibation, proche de la forteresse de
Rumeli Hisarı 18,19. Constantin met alors la ville en état de défense et en
fait fermer toutes les issues à l'exception des portes militaires 20. Il
emprisonne brièvement les sujets turcs présents dans la cité avant de les
relâcher, constatant l'inefficacité de cette action21.
Grâce
à sa nouvelle forteresse, Mehmed peut espérer prendre Constantinople à l'usure
en la privant de tout approvisionnement et de renfort mais une telle stratégie
reste très incertaine. Deux camps s'opposent au sein de l'état-major ottoman.
Celui d'Halil Pacha, l'ancien grand-vizir de Mourad, est opposé à une guerre
coûteuse et au résultat incertain : prendre Constantinople ne lui semble pas
une priorité car la menace qu'elle fait peser sur l'Empire ottoman est
négligeable. Contre lui, les principaux chefs militaires de l'Empire ottoman
qui ont la faveur du sultan, réclament la guerre. À la fin de l'année 1452,
Mehmed se décide à prendre la ville. Il obtient le soutien unanime des hauts
dignitaires ottomans 22. Dès l'automne 1452, Turahan Beg lance un raid contre
le despotat de Morée pour empêcher toute coalition byzantine de se mettre en
place. Au début de l'année 1453, le gouverneur ottoman d'Europe envoie son
armée prendre les villes byzantines d'Anchialos et de Messembria qui se rendent
sans résistance 23. Les villes de Selymbria et de Périnthus tentent en vain de
résister 24.
Byzance appelle à l'aide
La
défaite chrétienne à Varna peinte par Jan Matejko.
Cette bataille incite les
États chrétiens à la prudence face à la puissance ottomane.
Passivité des États
occidentaux
Depuis
la fin du XIVe siècle, les autorités byzantines recherchent tant bien que mal
l'aide occidentale pour lutter contre les Turcs. Parfois, les empereurs font de
longs voyages en Europe, à l'image de Manuel II Paléologue lors du siège de
Constantinople de 1394-1402 . Dès
son arrivée au pouvoir, Constantin XI envoie de nouvelles ambassades dans les
différents États chrétiens dans l'espoir de susciter une nouvelle croisade.
Toutefois, la défaite de Varna décourage les États occidentaux. De surcroît,
ces derniers sont persuadés que l'arrivée de Mehmed II est une bonne nouvelle
après l'ère d'expansion de l'Empire ottoman sous Mourad 25. Cette impression
est renforcée par le fait que Mehmed renouvelle les différents traités avec
Venise ou avec Jean Hunyadi. De même, le prince de Valachie, les chevaliers de
Rhodes, les seigneurs de Lesbos et de Chio sont assurés de la paix. Enfin, le
souverain de Serbie reprend le contrôle de quelques villes occupées par les
Ottomans sous Mourad 26.
La
plupart des souverains d'Europe occidentale s'investissent dans d'autres
missions que celles d'endiguer le flot ottoman. Les Français et les Anglais
sont engagés dans les derniers combats de la guerre de Cent Ans. Charles VII
est alors trop occupé à restaurer la puissance française tandis que Frédéric
III de Habsbourg cherche avant tout à obtenir la couronne impériale à Rome Note
1. En outre, il s'oppose à Jean Hunyadi, le régent du trône de Hongrie que
lui-même convoite. Or, si la participation de la Hongrie à une croisade est
indispensable, celle-ci ne peut agir seule. En effet, ses défaites contre
Mourad l'ont fragilisée.
De
surcroît, Jean Hunyadi s'oppose rapidement au roi Ladislas V de Hongrie qui, en
atteignant la majorité, veut s'émanciper de sa tutelle. Le duc Philippe III de
Bourgogne n'est pas réticent à partir en croisade, mais sa priorité reste son
opposition au roi de France Charles VII, tandis que le souvenir de la capture
de Jean Sans Peur lors de la bataille de Nicopolis reste vivace 27. De nombreux
souverains sont quant à eux bien trop éloignés des rivages de Constantinople
pour envoyer de l'aide à l'Empire byzantin. De même, les souverains de la
péninsule Ibérique concentrent leurs efforts à la lutte contre les dernières
possessions musulmanes dans la région. Seul le roi Alphonse V d'Aragon est prêt
à défendre Constantinople, mais ses visées sur les dernières possessions
byzantines rendent son aide peu digne de confiance 28,29. De son côté, la Russie reste empêtrée dans
ses affaires intérieures et condamne fermement l'union des deux Églises signée
par Jean VIII quelques années plus tôt pour s'assurer le soutien de la papauté.
Enfin, la principauté de Valachie reste neutre du fait de son statut de vassal
de l'Empire ottoman 30.
Ambiguïté des États italiens
De
nombreux États de la péninsule italienne sont directement concernés par la
situation à Constantinople. Ainsi en est-il de la papauté qui cherche à juguler
la progression des forces musulmanes en Europe. Pour s'assurer le soutien du
pape, Jean VIII a signé l'« Union », celle des deux Églises, au concile de
Florence mais celle-ci reste très formelle et les divergences dogmatiques
persistent. Elles poussent le patriarche unioniste Grégoire III Mammé à trouver
refuge à Rome en 1451 face à l'opposition des anti-unionistes. De fait, le pape
Nicolas V reproche la subsistance du schisme, et cela ne favorise pas l'envoi
de soutiens, d'autant plus qu'à l'image des autres États européens, les
Italiens semblent assez peu conscients du danger que Mehmed II fait peser sur
les derniers bastions byzantins. Les exilés grecs en Italie tentent de défendre
la cause byzantine mais sans succès probants. En 1451, Constantin envoie un
ambassadeur en Italie où il demande la permission à Venise de recruter des
archers crétois, puis porte à Rome un message des anti-unionistes. L'objectif
de l'empereur est de montrer que les oppositions subsistent à l'Union des Deux
Églises et il demande au pape de réunir un nouveau concile pour régler les
différends. Mais le pape reste inflexible et demande à Constantin de régler les
problèmes par lui-même 31.
Venise
est embarrassée par la situation. Si elle se rend compte assez vite que la
générosité de Mehmed ne dure pas, certains dignitaires vénitiens pensent que la
chute de Constantinople améliorerait la stabilité de la région, ce qui ne
pourrait qu'être bénéfique pour le commerce. La défense d'un empire presque
perdu risquerait d'encourager Mehmed à s'en prendre aux possessions vénitiennes
dans la région. Toutefois, cette opinion est loin de faire l'unanimité car bon
nombre de Vénitiens sont conscients qu'après Constantinople, c'est aux colonies
vénitiennes que Mehmed risque de s'en prendre. Cette impression est renforcée
après qu'un navire a été coulé par le fort ottoman de Rumeli Hisar. Cependant,
Venise dispose d'une marge de manœuvre étroite. Elle est engagée dans une
guerre coûteuse en Lombardie, ses relations avec le pape sont mauvaises tandis
que celles qu'elle entretient avec Gênes sont proches du conflit, ce qui rend
toute coopération impossible 32. De plus, la protection des places vénitiennes
en Orient est une tâche qui occupe la grande majorité de la flotte. De fait, si
Venise s'engage à défendre les chrétiens, elle demande aussi à ses gouverneurs
d'Orient de ne pas provoquer les Turcs. Cette position ambiguë illustre bien la
difficulté de la situation pour Venise qui autorise néanmoins l'empereur à
recruter des soldats en Crète. Gênes se trouve dans une situation similaire et
si elle ne déclare pas la guerre au sultan, elle n'empêche pas ses citoyens de
prendre parti contre les Ottomans. Tout Génois peut défendre Constantinople
mais en son nom propre, les gouverneurs de Péra et de Chio doivent éviter toute
provocation envers les Turcs 33. Malgré son intransigeance, le pape Nicolas se
refuse à abandonner Constantinople mais ses appels à une croisade restent
lettre morte bien qu'Alphonse V ait envoyé une flottille de dix navires en mer
Égée, avant de la retirer pour qu'elle participe à d'autres combats 34.
En
dépit de ces échecs, le pape envoie le cardinal Isidore de Kiev à
Constantinople pour faire aboutir l'Union. Il arrive le 26 octobre 14 52 avec 200
archers recrutés à Naples et Léonard, l'archevêque génois de Lesbos 35.
Constantin réunit alors un comité en faveur de l'Union et Lucas Notaras se
charge des négociations bien que les plus fervents opposants à un compromis
restent à l'écart. L'empereur les réunit mais les anti-unionistes réclament à
nouveau la tenue d'un concile à Constantinople. Malgré la persistance de cette
opposition, l'Union est proclamée solennellement le 12 décembre dans la
basilique Sainte-Sophie 36. Toutefois, peu de Byzantins assistent à la
cérémonie et, parmi les partisans de l'Union, beaucoup attendent simplement la
venue de renforts occidentaux, après quoi le compromis serait renégocié. Par
conséquent, derrière cette Union formelle se cache la volonté politique de
Byzance d'obtenir des secours à tout prix, y compris en acceptant un compromis
dont la portée reste minime et ne met pas fin aux dissensions à l'intérieur du
christianisme 37.
Malgré
cette avancée, Byzance a un besoin criant de renforts, et Constantin envoie de
nouveaux ambassadeurs à travers l'Europe en 1452. De nouveau, il doit faire
face à la passivité des républiques italiennes. Le roi d'Aragon permet
seulement aux Byzantins de s'approvisionner en divers vivres et matériaux en
Sicile. De même, le pape reste contrarié par les problèmes auxquels fait face
l'Union tandis qu'une révolte à Rome en janvier 1453 l 'empêche de se
mobiliser pleinement en faveur de Constantinople, d'autant plus qu'il souhaite
l'intervention active de Venise avant toute mobilisation 38.
Forces en
présence
Les Ottomans
Le
canon des Dardanelles, du type de celui qui a été utilisé par les assiégeants
ottomans à Constantinople en 1453. Il appartient aujourd'hui à l'armurerie
royale du Royaume-Uni.
Il
est difficile de chiffrer exactement les effectifs turcs, même si de nombreuses
évaluations ont été données, bien souvent exagérées. Il est évident qu'une
grande partie de l'armée ottomane fut mobilisée pour prendre la ville. Seuls
les hommes de Turahan Beg et les garnisons de défense des frontières ne furent
pas engagés dans la bataille. Dans le même temps, des milliers d'irréguliers
(des bachibouzouks) furent recrutés tandis que de nombreux hommes furent
attirés par la possibilité du pillage. Les sources de l'époque citent
couramment le nombre de 200 000
soldats. Le cardinal Isidore de Kiev mentionne le nombre de 300 000 hommes 39, Barbaro celui de 160 000 et le marchand Giacomo Tedaldi celui
de 200 000 dont 60 000
combattants 40. Les historiens modernes s'accordent sur le fait que ces
chiffres sont bien souvent exagérés. Steven Runciman s'appuie sur les sources
turques et donne le chiffre de 80 000 soldats auxquels s'ajoutent 20 000
bachibouzouks sans compter le grand nombre de non-combattants 41. Parmi ces
non-combattants figurent de nombreux musiciens. Selon Constantin d'Ostrovica,
un des membres du contingent serbe au sein de l'armée ottomane, ils ont pour
fonction d'impressionner psychologiquement les défenseurs aux côtés du
bombardement continuel de l'artillerie 42. Comparativement aux effectifs des
assiégés, la disproportion est énorme. Au sein de l'armée ottomane, les
janissaires sont au nombre de 12 000. Ils constituent l'élite de l'armée de
Mehmed. En outre, Đurađ Branković, le despote de Serbie et vassal du sultan,
envoie un contingent combattre au sein de l'armée turque 43.
À
la différence du siège de 1422, Mehmed s'appuie en grande partie sur la flotte
pour mener à bien les opérations. La ville de Constantinople est facilement
accessible par la mer et sans la maîtrise de celle-ci, il est presque
impossible de prendre la ville. Les Arabes ont été repoussés à deux reprises
par l'action de la marine byzantine tandis que les Francs et les Vénitiens ont
profité de leur domination sur les mers pour prendre d'assaut la ville par la Corne d'Or. Toutefois, la
flotte ottomane reste embryonnaire et les Turcs doivent souvent faire appel à
des navires d'autres nationalités pour assurer les liaisons entre l'Europe et
l'Asie. Lors des mois précédant le siège, Mehmed bâtit une grande flotte qui se
rassemble au mois de mars vers Gallipoli. Aux côtés des nombreuses embarcations
de fortune figurent des trirèmes et des birèmes de grande taille ainsi que des
fustes, plus petites et plus rapides, et une pléthore de navires de différents
types 44. Il est difficile de chiffrer l'importance exacte de la marine
ottomane, mais selon les sources italiennes, elle est composée de six trirèmes,
dix birèmes, quinze galères à rames, soixante-quinze fustes, une vingtaine de
parapandaires (navires utilisés pour le transport), ainsi qu'un nombre
substantiel de bateaux de petite taille pour les communications. Selon Tedaldi,
l'armada turque compte 70 galères, 68 galères légères, de 18 à 20 navires de
différents types (peut-être des navires de transport) et de nombreux autres
navires et embarcations de tous types 45. L 'historien britannique David Nicolle
estime la taille de la marine ottomane à cent vingt six navires 46. La flotte
pénètre en mer de Marmara à la fin du mois de mars 47. Toutefois, si cette
flotte est quantitativement impressionnante, les navires sont qualitativement
inférieurs à ceux d'Europe occidentale, ce qui explique les résultats
contrastés de l'armada ottomane lors du siège 48.
En
plus de ces effectifs impressionnants, les Ottomans disposent d'une artillerie
puissante chargée de détruire les murailles de Constantinople. Mehmed ordonne à
ses fonderies de concevoir des canons suffisamment performants pour abattre des
remparts 49. Parmi ces canons figure celui d'Urbain ; cet ingénieur hongrois
avait d'abord proposé d'assister Constantin XI mais ce dernier, n'ayant pas les
finances suffisantes pour satisfaire les demandes de l'ingénieur, Urbain se
tourne donc vers les Ottomans. Après avoir conçu un des canons de Rumeli Hisar,
il en fabrique un autre qui sort des fonderies en janvier 1453. Ce canon très
connu possède des dimensions impressionnantes : le tube mesure huit mètres de
longueur et les boulets pèsent près de 600 kilos, mais la cadence de tir
n'excède pas les sept boulets à la journée. L'essai du canon impressionne le
sultan qui l'incorpore à son armée 50,51.
Les Byzantins
Carte
montrant le relief de Constantinople
et ses murs pendant la période byzantine.
Effectifs
L'historien
byzantin contemporain des faits Georges Sphrantzès a effectué un compte très
précis du nombre de Grecs en mesure de porter les armes à la fin du mois de
mars 1453. Il l'évalue à 4 773 très exactement, dont la plupart ne sont que de
simples moines ou citoyens byzantins en âge de combattre 52, Note 2. Ce chiffre
est très faible et beaucoup d'hommes ne sont pas des soldats de métier. À cette
date, l'armée byzantine n'est plus que l'ombre d'elle-même et la garnison de
Constantinople ne compte que quelques centaines d'hommes 53.
Toutefois,
un nombre substantiel d'étrangers se joignent aux Byzantins. Selon Sphrantzès,
il s'élève à un peu moins de 2 000. Parmi eux, se trouvent 700 Génois Note 3
menés par Giovanni Giustiniani, ancien podestat de Caffa, qui arrive à
Constantinople le 26
janvier 14 53 54 ; ses connaissances en matière militaire sont
précieuses pour Constantin, qui lui confie la responsabilité de la défense des
murailles terrestres. En outre, Giustiniani a embarqué avec lui un ingénieur
allemand ou écossais du nom de Johannes Grant spécialisé dans le génie
militaire. Quelques hommes en provenance de Péra se joignent à la défense de la
cité malgré la neutralité officielle de la colonie génoise, située sur la rive
septentrionale de la Corne
d'Or, en face de Constantinople. D'autres nobles génois arrivent à
Constantinople parfois accompagnés de quelques hommes à l'image de Jacob
Contarini ou des frères Bocchiardi (Antonio, Paolo et Troïlo). Quelques
Catalans dirigés par leur consul Note 4 se mettent au service de l'Empire
byzantin ainsi que le prétendant Orkhan et sa suite 55.
De
plus, la colonie vénitienne de la ville, dirigée par Girolamo Minotto, se joint
à la défense de Constantinople après la destruction du navire d'Antonio Rizzo
par les canons de Roumeli Hisar 56. En outre, plusieurs navires dirigés par
Alviso Diedo et Gabriele Trevisano arrivent à Constantinople au début de
l'année 1453. Toutefois, 700 hommes dirigés par Pierre Davanzo parviennent à
quitter Constantinople le 26 février à bord de sept navires (six crétois et un
vénitien) 57,58. Cette défection réduit le nombre de navires à la disposition
des assiégés. En effet, seuls vingt-six navires de taille substantielle sont
encore dans la Corne
d'Or au début du siège 54.
La
nationalité de ces derniers est très disparate : cinq sont vénitiens, cinq
autres génois, trois sont crétois, un vient d'Ancône, un autre de Catalogne et
un dernier enfin de Provence 59. À cela, il faut ajouter dix navires byzantins,
reliquats de la presque défunte marine byzantine. Ce sont donc des effectifs
bariolés qui assurent la défense de la cité face à une armée ottomane très
largement supérieure en nombre mais aussi en armement. L'artillerie de
Constantinople se réduit à quelques petits canons péniblement acquis par
Constantin peu de temps avant le siège. La ville génoise de Péra située sur
l'autre rive de la Corne
d'Or reste neutre durant le siège, en espérant être épargnée par les Ottomans.
Au sein même de Constantinople, si certaines sources parlent d'une population
de seulement 36 000 habitants, une telle estimation est sous-évaluée 60.
En
réalité, il semble plutôt que Constantinople est peuplée par 40 000 à 50 000
habitants, ce qui correspond globalement au nombre de prisonniers fait par les
Ottomans après la prise de la ville53. Néanmoins, ce chiffre est
particulièrement faible en comparaison avec le demi million d'habitants
peuplant la ville à l'apogée de l'Empire byzantin. Par conséquent, de larges
secteurs de la ville sont peu habités et la cité ressemble plus à un ensemble
de petits quartiers séparés entre eux par des étendues inhabitées servant
parfois à l'agriculture 61.
Armement et l'état des
murailles
Le
Peribolos ou l'espace séparant les deux murs du rempart théodosien.
Le
site de Constantinople est d'une importance stratégique considérable, à la
jonction entre l'Asie et l'Europe. La géographie même de la ville explique sa
longévité malgré les multiples sièges qu'elle a subis. La cité impériale se
situe sur une forme de triangle dont deux côtés sont bordés par la mer. Au sud,
c'est la mer de Marmara qui mouille les murs de Constantinople et au nord,
c'est la Corne
d'Or, un port naturel idéal qui s'étend profondément dans les terres et sépare
la ville de la colonie génoise de Péra, indépendante de l'Empire byzantin
depuis la fin du XIIIe siècle. Du côté terrestre, c'est le mur théodosien qui
assure la protection de la cité sur une longueur de 6,5 km . Les dégâts subis
lors du siège de 1422 sont en grande partie réparés en 1453. En fait d'un seul
rempart, la muraille de Théodose est constituée de deux murs successifs, le mur
intérieur et le mur extérieur, séparés par le Péribolos, espace large de douze
à dix-huit mètres 62. Le mur extérieur, d'une hauteur moins importante Note 5,
est précédé d'un fossé dont certaines portions sont inondables. Il est d'une
largeur moyenne de 18
mètres et d'une profondeur de six à neuf mètres 63.
Juste après le fossé se trouve un espace nommé Parateichion, entre l'ouvrage de
soutènement surplombant le fossé et le rempart extérieur. Cet espace est large
d'une quinzaine de mètres. À la pointe nord du mur de Théodose se trouve le
quartier des Blachernes. Cet ancien faubourg, incorporé à la cité au VIIe
siècle, est entouré d'une muraille simple, renforcée sous Manuel Ier 64. Les murailles
maritimes sont de simples remparts construits le long du rivage, percés de
quelques portes qui donnent directement sur la mer Note 6. Du fait de leur
disposition et des courants de la mer de Marmara, ces remparts sont peu
susceptibles de subir des attaques, d'autant plus que la Corne d'Or peut être barrée
par une longue chaîne tendue entre Constantinople et Péra.
Dans
la ville même, le pessimisme règne, d'autant que de multiples prophéties
parfois anciennes prédisent la chute de l'empire pour l'an 7000 après la
création du monde, soit en 1492 65. En ce qui concerne les vivres,
Constantinople dispose dans ses murs de quelques cultures, insuffisantes pour
approvisionner la ville dans son entier, mais susceptibles de compléter les
provisions déjà présentes dans la cité. En effet, dès 1452, en prévision du
siège, Constantin a fait parvenir dans la ville le produit des récoltes des
campagnes environnantes 66. L 'armement
dont dispose Constantinople est correct : les assiégés ne manquent pas de
projectiles divers (flèches, javelots, voire mangonneaux), mais leur artillerie
est insuffisante, et chaque tir ébranle les murailles sur lesquelles elle est
positionnée. Enfin, les armures des assiégés sont souvent meilleures que celles
des Turcs 67.
Disposition des forces
Constantin
XI concentre ses faibles forces sur le pourtour des remparts extérieurs.
Giustiniani a en charge l'ensemble des murailles terrestres tandis que les
murailles maritimes sont peu garnies. Ces dernières sont effectivement peu
susceptibles d'être attaquées, notamment du côté de la mer de Marmara, car il
n'existe presque aucun espace émergé entre la mer et le pied des murailles. De
plus, les courants et les bas-fonds compliquent toute manœuvre de débarquement.
Constantin XI prend position à proximité de la vallée du Lycus. Giustiniani
occupe le secteur proche de la porte de Charisius avant de se déporter vers la
vallée du Lycus plus tard lors du siège. Il est remplacé par les hommes des
frères Bocchiardi tandis que les troupes vénitiennes dirigées par Minotto
défendent le secteur des Blachernes.
Ordre
de bataille lors du siège de Constantinople.
Théodore
Caristo défend les positions entre la porte de Caligarius et le mur de
Théodose. D'autres troupes génoises dirigées par Cattaneo se positionnent sur
la gauche de l'empereur. Théophile Paléologue, le cousin de Constantin, défend
la porte de Pegae, Philippe Contarini le secteur entre la porte de Pegae et la
porte d'Or, elle-même défendue par quelques Génois. Enfin, Dimitri Cantacuzène
défend l'extrémité sud des murailles terrestres 68. Le Studion, secteur le plus
occidental des murailles, le long de la mer de Marmara, est surveillé par Jacob
Contarini, tandis que des moines assurent la garde du reste des remparts
bordant la mer. Orkhan défend le port d'Éleuthère avec ses hommes tandis que
les Catalans s'occupent des remparts proches de l'Hippodrome et du Grand
Palais. Le cardinal Isidore défend la pointe de l'Acropole avec deux cent
hommes. Enfin, les murailles bordant la Corne d'Or sont défendues par des Italiens
dirigés par Gabriele Trevisano tandis qu'Alviso Diedo est à la tête de la
flotte réfugiée dans la Corne
d'Or. En outre, deux corps de réserve doivent venir en aide aux secteurs les
plus en difficultés. Notaras dirige celui situé à proximité directe des
murailles terrestres avec cent cavaliers 69 et Nicolas Gougélès dirige un autre
corps de réserve à l'effectif inconnu Note 7,70. En ce qui concerne la flotte,
une dizaine des 26 navires assiégés est chargée de défendre le barrage de la Corne d'Or 71.
En
définitive, entre les 5 000 à 7 000 hommes, pour la plupart volontaires et
n'ayant aucune expérience au combat, et les troupes que le sultan a
réquisitionnées chez tous ses vassaux (environ 80 000 hommes), la disproportion
est énorme, d'autant plus que la flotte levée par Mehmed II s'avère la plus
puissante jamais rassemblée par l'Empire ottoman. Elle permet en effet
d'envisager un blocus complet de la ville 44.
Toutefois,
David Nicolle rejette l'idée selon laquelle Constantinople était d'ores et déjà
condamnée et que la situation des deux empires devait conduire inévitablement à
la chute de Byzance 72. En effet, il affirme que Constantinople restait la
ville disposant des meilleures défenses en Europe à cette époque 73. Il
s'oppose à Steven Runciman qui considère que tôt ou tard l'Empire byzantin
aurait fini par s'effondrer du fait de sa superficie, devenue trop petite pour
envisager une reconquête des territoires perdus : « L'Empire byzantin était
d'ores et déjà condamné. Diminué, sous-peuplé et appauvri, il ne pouvait que
succomber lorsque les Turcs jugeraient le moment venu de lui porter le coup
fatal 74. »
Déroulement de
la bataille
Premiers jours
Une
section reconstituée du mur de Théodose.
Arrivée des troupes ottomanes
C'est
le 2 avril que les premiers détachements turcs apparaissent devant la cité. Une
sortie byzantine les affaiblit mais l'arrivée de renforts turcs contraint les
troupes gréco-latines à se replier. Constantin XI ordonne la destruction des
ponts franchissant les douves et fait fermer les portes de la ville. Dans le
même temps, la chaîne établie entre Constantinople et Péra permet aux Byzantins
de barrer la Corne
d'Or. C'est le 5 avril que le sultan arrive en présence de son armée 75. Après
avoir établi son camp à deux ou trois kilomètres de la ville, il décide de
faire avancer ses troupes sur leurs positions initiales. Zağanos Pasha occupe
le terrain faisant face à Péra pour contrôler la colonie génoise. Karadja Pacha
dirige les troupes européennes entre la Corne d'Or et la porte de Charisius 76. À sa
droite se trouvent les troupes asiatiques dirigées par Ishak Pacha. Le sultan
plante sa tente dans la vallée du Lycus, juste derrière les positions occupées
par les janissaires. Pour défendre leurs positions, les Turcs creusent une
tranchée protégée par une palissade en bois 77. Dès ces positions atteintes,
l'artillerie turque bombarde les murs de la ville. Au bout de deux jours de
bombardement, la muraille près de la
Porte de Charisius est détruite. Mehmed, qui attend des
canons supplémentaires, suspend le bombardement et demande à ses troupes de
combler les fossés situés à proximité des murs. Enfin, Baltoglu tente en vain
de forcer la chaîne d'or et doit attendre le soutien de la flotte de la mer
Noire 78.
Mehmed
II à la conquête de Constantinople.
Tableau
peint par Fausto Zonaro en 1903.
Le
sultan décide alors de réduire les forteresses pouvant menacer les arrières de
l'armée turque 79. Il commence par s'emparer du château de Thérapia qui domine
le Bosphore. La forteresse résiste deux jours mais ses fortifications
s'écroulent sous l'action de l'artillerie et sa garnison est exécutée. Le petit
château de Studios près de la mer de Marmara oppose une résistance encore plus
faible et les survivants sont empalés 80. Baltoglu est envoyé avec une partie
de ses forces conquérir les îles des Princes. Prinkipo, l'île principale de
l'archipel, est gardée par un château défendu par ses habitants et trente
soldats. Après plusieurs assauts infructueux, Baltoglu enfume le bastion, dont
de nombreux occupants périssent alors que les soldats survivants sont tués et
les habitants réduits en esclavage 81.
Premiers combats
Dès
le 11 avril, les canons lourds sont en position et peuvent bombarder la
muraille extérieure de la ville. Cette œuvre de destruction se poursuit jusqu'à
la chute de la ville à l'aide de canons au calibre imposant comme celui de
l'ingénieur Urbain, canon qui ne peut toutefois tirer que sept boulets par
jour. Il finit par exploser peu de temps après le début du siège. En face, les
vieilles fortifications byzantines peinent à soutenir le choc 82. Le rempart de
la vallée du Lycus est le premier à s'écrouler et les gravas comblent en partie
le fossé creusé juste devant. Néanmoins, les défenseurs parviennent à élever
une fragile barrière. Le 12 avril, les premiers combats se déroulent près la Chaîne de la Corne d'Or peu après
l'arrivée de renforts turcs. Les navires du sultan mettent en place leur
artillerie et leurs marins tentent de prendre d'assaut les navires chrétiens.
Toutefois, l'artillerie turque se révèle inefficace et les défenseurs
réussissent à éteindre les incendies causés par les canons tandis que les
soldats tirent des flèches et des javelots contre la marine turque. Menacé
d'encerclement, Baltoglu doit renoncer et se replier 83. Constatant
l'incapacité des canons de sa marine à causer de réels dégâts aux navires
latins, le sultan revoit sa stratégie et installe un canon sur la pointe de
Galata qui parvient à détruire un des navires appartenant aux assiégés,
contraignant les autres à se replier plus profondément dans la Corne d'Or 84. Par la suite,
entre le 12 et le 18 avril, les Turcs se contentent de bombarder constamment
les murailles byzantines. Seules quelques escarmouches ont lieu entre les deux
camps.
Le
18 avril, les Turcs tentent de profiter de la brèche faite au Mesoteichion
(partie de la muraille couvrant la vallée du Lycus) 85. Après avoir remblayé le
fossé, ils s'attaquent à la palissade qu'ils brûlent avant d'essayer de forcer
la ligne tenue par les défenseurs soit en défaisant les barricades, soit en
grimpant sur la muraille à l'aide d'échelles. Toutefois, les Byzantins tiennent
près de quatre heures avant que les Turcs ne se replient. Selon Barbaro, les
Turcs ont perdu deux cents hommes et les chrétiens aucun 86. Malgré la reprise
du bombardement par l'artillerie turque, le moral des défenseurs remonte et ils
continuent à réparer les brèches.
Bataille du 20 avril
Quelques
jours après, c'est sur la mer que se reporte la confrontation. En effet, les
quelques navires en provenance d'Italie ont enfin les vents en leur faveur et
se dirigent vers Constantinople pour soutenir celle-ci. Les trois navires
génois payés par le pape pour acheminer des vivres et du matériel à Constantinople
sont accompagnés d'un navire byzantin chargé de blé venant de Sicile. La petite
flotte apparaît à la vue de Constantinople le matin du 20 avril. L'ensemble de
la flotte turque, exceptés les navires à voile Note 8, vogue en direction de
cette petite armada.
Cette
dernière se trouve rapidement encerclée par la marine turque mais les chrétiens
ont l'avantage de la hauteur et peuvent harceler leurs adversaires à l'aide de
flèches et de javelots. Après avoir approché les rivages byzantins, la petite
flottille est déportée au large par le courant tandis que le vent du sud
s'apaise 88.
Chaîne
entreposée au musée militaire d'Istanbul.
On a
longtemps cru qu'elle était la chaîne originale ayant servi à barrer la Corne d'Or
mais il semble qu'elle ait été en fait amenée
depuis Rhodes en 1522(87).
Les
Turcs tentent de couler leurs adversaires avec l'artillerie, sans résultat,
puis décident de passer à l'abordage. Malgré l'écrasante supériorité numérique
des Turcs, les Génois parviennent à repousser les multiples assauts tandis que
les Byzantins du transport impérial se servent de feu grégeois. Malgré tout, le
navire byzantin est bientôt sur le point d'être submergé, ce qui conduit les
Génois à se rapprocher de lui et à former une sorte de forteresse flottante 89.
Les deux camps opposés observent la bataille avec grand intérêt. Pour Byzance,
c'est l'espoir de voir arriver de nouveaux renforts ; pour Mehmed, c'est la
volonté de briser la résistance adverse. En dépit de leurs pertes de plus en
plus élevées, les Turcs multiplient leurs assauts et épuisent les chrétiens.
Néanmoins, ces derniers profitent du vent qui se lève en fin de journée et leur
permet d'aller jeter l'ancre dans la
Corne d'Or grâce à une ouverture faite dans le barrage à
cette occasion. Cet événement entraîne une formidable hausse du moral dans les
rangs byzantins à la différence des Turcs pour qui la déroute est
catastrophique malgré la relative faiblesse des pertes Note 9. Mehmed est
critiqué par plusieurs dignitaires ottomans tandis que l'amiral Baltoglu est
fouetté avant d'être congédié. Il est remplacé à la tête de la flotte ottomane
par Hamza Bey 90.
Le
21 avril, l'artillerie turque parvient à détruire une tour du Mesoteichion et,
selon Steven Runciman, s'appuyant sur les dires des défenseurs, une attaque
ottomane aurait probablement été victorieuse. Toutefois, le sultan ne se trouve
pas sur le lieu de la bataille mais au lieu-dit des Deux Colonnes, pour trouver
un moyen de contrer la supériorité navale des Byzantins. Ces derniers profitent
de ce répit pour combler la brèche dans leur système de défense 91.
Exploit de la Corne d'Or
Après
la cuisante défaite de sa flotte le 20 avril, Mehmed II use d'un stratagème
audacieux pour faire pénétrer ses navires dans la Corne d'Or.
La
bataille du 20 avril rappelle à Mehmed l'importance de la Corne d'Or, le port naturel
de Constantinople, qui permet à la flotte byzantine de disposer d'un refuge sûr
et à la muraille nord d'être gardée par un minimum d'hommes. Il élabore alors
un moyen de faire passer ses navires dans la Corne d'Or par voie terrestre Note 10. Cette
technique n'est pas nouvelle : elle a déjà été expérimentée par d'autres, et
plus récemment par les Vénitiens lors d'une campagne en Longobardie. Il est
probable que l'un des participants à cette campagne a informé le sultan de
cette technique. Toutefois, les Turcs doivent faire avec un relief pentu, ce
qui accroît la difficulté de la manœuvre Note 11. Mehmed met en place les
travaux dès le 21 avril à l'aide de milliers d'artisans et d'ouvriers tandis
que le canon implanté près de Péra bombarde continuellement les environs de la
chaîne pour masquer les préparatifs. À l'aube du 22 avril, les premiers navires
sont hâlés à l'aide de bœufs à la grande stupéfaction des assiégés. Bientôt, ce
sont soixante-douze navires turcs qui mouillent dans la Corne d'Or 92,93, Note 12.
Les défenseurs de Constantinople tiennent conseil le 23 avril mais ils ont peu
d'options, toute intervention de Péra semblant à exclure. Ils n'ont en effet
pas suffisamment de combattants pour débarquer sur la rive opposée, détruire
les canons et incendier les navires.
Constantin
bénéficie de l'aide de Giacomo Coco, un navigateur en provenance de Trébizonde
qui prévoit d'incendier la flotte turque à l'aide de ses navires la nuit tombée
94. L 'action
est repoussée à la nuit du 24 avril et elle prévoit l'envoi de deux transports,
deux galères et deux petites fustes accompagnées de multiples navires de petite
taille. Ce sont ces derniers qui ont pour mission de couler et d'incendier les
navires turcs. Seuls les Vénitiens sont mis au courant car les Génois
pourraient transmettre l'information à Péra dont les relations avec le sultan
sont ambiguës. Ils finissent néanmoins par être informés de l'opération et
exigent d'y participer. Ils demandent d'attendre le 28 pour qu'un de leur
navire puisse participer à l'opération en fournissant une fuste supplémentaire.
Ce délai est mis à profit par un Génois à la solde du sultan pour informer les
Turcs de l'opération Note 13. Ainsi, la nuit du 28 avril l'opération est lancée
et Coco qui dirige une des fustes décide de mener lui-même les hostilités mais
son navire est détruit par l'artillerie turque informée de l'opération. Si une
des galères et les transports parviennent à s'en sortir sans trop de dégâts,
les petits navires subissent de lourdes pertes. Les quarante prisonniers
chrétiens sont exécutés devant les murailles de la ville, ce qui incite les
Byzantins à faire de même avec plus de deux cent Turcs 95. Les pertes s'élèvent
à une galère, une fuste et quatre-vingt-dix marins pour les assiégés et un
navire pour les Turcs. Si la
Corne d'Or n'est pas encore tombée entre les mains des Turcs,
elle n'est plus un refuge sûr et cela contraint les assiégés à dégarnir leurs
défenses déjà peu pourvues en hommes pour assurer la protection de la muraille
bordant la Corne
d'Or, celle-là même qui fut franchie par les Croisés en 1204 lors de la
première chute de Constantinople 74.
En
outre, la prise de contrôle d'une partie de la Corne d'Or améliore la communication entre
l'armée turque principale et les hommes dirigés par Zağanos Pasha au-dessus de
Péra. Avant, le sultan devait parcourir un long crochet pour assurer la liaison
entre ses deux corps d'armée, dorénavant il dispose d'un ponton construit à
proximité directe des murailles. Enfin, des plates-formes sont disposées le
long de ce ponton pour y poster des canons et ainsi tirer sur les murailles des
Blachernes sous un nouvel angle 96. Toutefois, les chrétiens parviennent à
maintenir une flotte entre le ponton et la chaîne. S'il semble que Mehmed II
n'a jamais eu l'intention de lancer d'assaut depuis la Corne d'Or, la présence
d'une flotte turque au sein de celle-ci est une source d'angoisse constante
pour les assiégés qui ne peuvent se permettre de transférer des troupes
positionnées sur les remparts terrestres 97.
Question des renforts vénitiens
Représentation
du siège de Constantinople peinte en 1499.
Après
la prise partielle de la Corne
d'Or, les Turcs continuent le pilonnage de la ville sans lancer d'attaque
directe contre la cité. Cette dernière doit faire face au problème des vivres
et Constantin lance une nouvelle collecte de fonds pour en obtenir davantage et
les répartir. Peu à peu, les réserves de Constantinople diminuent d'autant que
les cultures produisent peu en avril et que les bateaux de pêche ne peuvent
plus agir du fait de la présence de navires turcs dans la Corne d'Or98. Confronté à ce
nouveau défi, l'empereur décide de l'envoi d'un navire devant se porter à la
rencontre de l'escadre vénitienne promise par Minotto. Ainsi, le 3 mai, un
brigantin hissant les couleurs turques pour tromper la vigilance ottomane
parvient à franchir le blocus pour se diriger ensuite vers la mer Égée 99.
L'appel
lancé par Minotto en janvier 1453 est reçu par Venise le 19 février. Le 13
avril, la
Sérénissime République envoie Alviso Longo à Tenedos à la
tête d'une flotte pour recueillir divers renseignements sur la situation de
Constantinople et sur les forces turques. À Tenedos, Alviso Longo doit attendre
l'arrivée de Loredan, le capitaine général de la flotte emmenant avec lui 15
galères en provenance de Venise ainsi que deux navires crétois devant le
rejoindre à Négrepont. Si à la date du 20 mai la flotte vénitienne ne l'a pas
rejoint, il doit se diriger vers Constantinople si cela est possible et se
mettre au service du baile Girolamo Minotto 100.
Toutefois,
Loredan ne part de Venise que le 7 mai pour se rendre tout d'abord à Corfou où
une galère de l'île doit le rejoindre. Au total, la flotte de Loredan devait
transporter 2 000 hommes au maximum 101 Il a pour instruction de prendre
contact avec Longo et, si ce dernier est déjà parti pour Constantinople, de le
rejoindre dans la cité impériale si la situation le permet. Si Loredan apprend
que l'empereur byzantin a traité avec le sultan, il doit se diriger vers la Morée et exiger la
restitution de plusieurs villages pris par le despote Thomas Paléologue. Dans
le cas contraire, il doit mettre l'île de Négrepont en état de se défendre
contre une offensive turque 102.
En
outre, Bartolomeo Marcello, l'ambassadeur nommé par Venise auprès du sultan,
doit embarquer avec Loredan et si la flotte de ce dernier parvient à
Constantinople, il doit essayer de négocier la paix entre les parties en
assurant Mehmed des intentions pacifiques de Venise 103. Dans le cas contraire,
les Vénitiens doivent conduire la lutte aux côtés des Byzantins. Dans le même
temps, le pape tente péniblement de mettre en place une expédition de secours
mais, en Italie, on reste persuadé que la ville peut tenir encore longtemps, ce
qui n'incite pas à la rapidité 104.
Le
10 avril, Venise apprend que les cardinaux s'apprêtent à mobiliser une petite
flotte de cinq navires à leurs frais mais qu'elle doit armer. Si cette dernière
approuve fortement l'initiative, elle rappelle qu'au-delà du 31 mai, toute
entreprise de secours serait compromise car les vents du nord rendent difficile
la navigation dans les Détroits 100. Il faut attendre le 5 juin (une semaine
après la chute de Constantinople) pour qu'un représentant de la république de
Raguse informe Venise que la papauté est prête à payer 14 000 ducats.
Toutefois, cette somme est jugée insuffisante par Venise, ce qui retarde le
départ d'une expédition devenue de toute façon inutile 105. Dès lors, l'espoir
de Constantin de voir arriver une flotte de secours en provenance de l'Occident
est tout à fait illusoire.
Une lutte continuelle
Une
fresque d'un monastère moldave représentant le siège de Constantinople. À
l'image des nombreuses représentations de l'événement produites durant le règne
de Pierre IV Rareş, elle joue un rôle politique et idéologique dans le combat
que mène Pierre IV contre les Ottomans.
À
Constantinople, les tensions sont croissantes entre les Vénitiens et les Génois
qui se rejettent la faute pour la responsabilité de l'échec du 28 avril. Les
Génois critiquent la prétendue lâcheté des Vénitiens qui s'enfuiraient dès
qu'ils le peuvent, tandis que les Vénitiens accusent la complicité dont
feraient preuve les Génois de Péra envers les Turcs. Ces multiples disputes
contraignent l'empereur à recourir à l'arbitrage, tandis que le moral des
assiégés faiblit progressivement. Des contacts entre l'empereur et le sultan ne
donnent rien, Mehmed continue d'exiger la reddition de la ville en échange de
la sûreté des habitants et de leurs biens ainsi que d'une possibilité d'exil en
Morée pour l'empereur. Certains dignitaires préconisent le départ de l'empereur
pour que celui-ci rallie des troupes à l'extérieur (les hommes de Scanderberg
entre autres) dans l'objectif de secourir Constantinople 106. Toutefois,
Constantin affirme que s'il abandonnait la cité, la défense s'effondrerait ; si
la cité devait périr, il périrait avec elle 107.
Les
Turcs sous les murailles de Constantinople.
Miniature
attribuée à Philippe de Mazerolles, extraite d'un manuscrit de la Chronique
du
règne de Charles VII de Jean Chartier, BNF Fr.2091.
Les
bombardements redoublent d'intensité au début du mois de mai avec la remise en
état du canon d'Urbain, le 6 mai. En face, les Byzantins se préparent à
l'assaut ottoman qui se déroule le matin du 7 mai dans le secteur du
Mesoteichion mais sans succès, après trois heures de lutte108. Pour renforcer
la défense de la ville, la plupart des équipages des navires vénitiens sont
envoyés sur les murailles des Blachernes malgré la résistance initiale des
marins. Les navires vénitiens sont rapatriés dans le port. Le 13 mai, les Turcs
lancent une offensive à la jonction des murailles des Blachernes et celles du
mur de Théodose. Une nouvelle fois, les assiégés repoussent l'assaut. Les 16 et
17 mai, la flotte turque fait plusieurs démonstrations à proximité du barrage
de la Corne
d'Or sans pouvoir le forcer 109. Mehmed tente alors de placer des mines sous
les fortifications byzantines 110. Après un premier tunnel mal situé, le
deuxième est repéré par les Byzantins qui le détruisent grâce à une contre-mine
fabriquée par l'ingénieur Johannes Grant. Une troisième tentative turque échoue
également 111.
Le
18 mai, les Ottomans ont recours à une tour de siège dans le secteur du
Mesoteichion. Ce nouveau stratagème impressionne grandement les assiégés. En
effet, cette tour permet aux Turcs de combler le fossé précédant les remparts
sans pertes tandis que les projectiles tirés du haut de celle-ci permettent
d'abattre une tour byzantine proche de la porte Saint-Romain 112. Après avoir
comblé le fossé, les Turcs s'apprêtent à lancer à nouveau l'assaut contre la
brèche mais, durant la nuit, les Byzantins parviennent à placer dans les
remblais des charges de poudre qui détruisent la tour 113. Plusieurs autres
tours d'assaut sont détruites par la suite sans qu'aucune ne parvienne à forcer
les défenses byzantines. Le 22 mai, une éclipse de Lune provoque la terreur
chez les assiégés persuadés d'y voir un signe divin de leur future destruction.
Nicolò Barbaro, cité par Gustave Schlumberger, retranscrit cette terreur dans
son compte-rendu du siège :
«
Ce signe en effet donnait à entendre à cet illustre souverain que les
prophéties allaient s'accomplir et que son empire approchait de sa fin, comme
aussi il est arrivé. Ce signe, par contre, parut un signe de victoire aux
Turcs, qui fort s'en réjouirent et firent une grande fête dans leur camp 114. »
Éclipse
de Lune du 22 mai
14 53.
Parmi
les autres mauvais présages observés par les témoins du siège figure l'épisode
de l'icône de la
Vierge. Celle-ci est une des plus saintes reliques de la
ville et la Vierge
est une protectrice de Constantinople. Or, au cours d'une procession dans les
rues, la Vierge
se détache de son support avant qu'un orage n'éclate et ne plonge les habitants
dans le désespoir 115. De même, le 24 mai, une lumière rouge illumine la
basilique Sainte-Sophie, créant un mouvement de panique parmi les Byzantins.
Selon Donald Nicol, ce phénomène est dû aux feux allumés par les Ottomans qui
éclairent la basilique. Le feu de Saint-Elme pourrait être une autre explication
à ce phénomène.
Malgré
ces funestes présages, les combats continuent. Le 23 mai, Grant et ses hommes
capturent un officier turc dirigeant les opérations de minage, qui leur révèle
l'emplacement de tous les tunnels. Ces derniers sont détruits un à un et les
Ottomans abandonnent cette option 116. Le même jour, le brigantin revient dans la Corne d'Or après avoir
échappé à la marine turque et annonce à l'empereur que malgré plusieurs jours
de navigation dans la mer Égée, aucune flottille de secours n'est en route pour
Constantinople. Cette nouvelle atteint durement le moral des défenseurs qui,
malgré leurs faibles pertes, souffrent de la fatigue et d'un manque de vivres
de plus en plus criant. Enfin, le bombardement continuel de l'artillerie
ottomane entame en plusieurs points la muraille byzantine et les défenseurs
réparent de plus en plus difficilement les brèches ouvertes par les canons
turcs 117.
Derniers jours
Représentation
de Constantin XI en train d'essayer
de repousser les Ottomans par Theophilos
Hadjimichail (1932).
Toutefois,
le moral des Turcs commence à faiblir avec la durée du siège. L'armée ottomane
craint l'arrivée de renforts chrétiens d'autant plus que Jean Hunyadi s'affirme
délié du traité de paix signé avec le sultan. De plus, la marine turque a subi
plusieurs échecs cuisants ce qui accroît le sentiment d'impuissance chez les
assiégeants. Mehmed tente à nouveau d'obtenir la reddition de la ville de
Constantin. Vers le 25 mai, il envoie un ambassadeur dans la cité pour
persuader les Byzantins d'accepter de négocier. Le basileus accepte et envoie à
son tour un ambassadeur écouter les demandes du sultan. Ce dernier promet la
levée du siège en échange d'un tribut de 100
000 besants d'or. Une telle somme est impossible à payer pour
l'empereur qui ne peut que refuser la reddition 118.
Le
25 mai, Mehmed réunit ses différents conseillers pour écouter leurs avis. Halil
Pacha persiste dans son opposition à la prise de la ville qui n'apporte que des
pertes à l'Empire ottoman. Ce dernier vient de subir de multiples coups durs et
risque de faire face à l'arrivée de renforts occidentaux. L'idée selon laquelle
Halil Pacha est payé par les Grecs pour essayer de tempérer les ardeurs du
Sultan n'a jamais été démontrée mais à partir de cette date, le vizir tombe
définitivement en disgrâce auprès du sultan Note 14. Zaganos Pacha milite pour
continuer le siège à l'image de nombreux autres généraux 119. Après avoir reçu
l'avis favorable de la quasi-totalité de son état-major, Mehmed décide de
lancer un nouvel assaut.
Pour
préparer ce qui doit être l'offensive décisive, le bombardement des murailles
redouble d'intensité les 26 et 27 mai pendant que les Byzantins se préparent au
choc en réparant les dommages causés par l'artillerie. Giustiniani est
légèrement blessé alors qu'il supervise les réparations de la barricade du
Mesoteichion mais reprend très rapidement son poste le dimanche 27 mai. Le même
jour, Mehmed effectue la revue de ses troupes et les encourage avec la promesse
de trois jours de pillages ininterrompus 120. La nuit tombée, des dizaines
d'hommes se succèdent pour combler le fossé dans la vallée du Lycus. Le lundi
28 est consacré au repos et à la préparation de l'assaut final. De nouveau,
Mehmed fait une tournée d'inspection générale. Il ordonne à sa marine tout
entière, qu'elle soit dans la
Corne d'Or ou sur la mer de Marmara de se préparer à l'assaut
pour le lendemain, les marins devant essayer d'escalader les murailles
maritimes de Constantinople pour obliger les assiégés à maintenir une vigilance
constante sur chaque point du mur. Zaganos devait fournir des renforts aux
marins tandis que le reste de ses troupes a pour objectif le secteur des
Blachernes. À sa droite jusqu'à la
Porte de Charisius, c'est le général Karadja Pacha qui est
responsable de l'offensive tandis qu'Ishak et Mehmed dirigent les troupes
d'Asie entre la Porte
de Saint-Romain et la mer de Marmara, le sultan se chargeant du secteur de la
vallée du Lycus, le point le plus faible de la défense byzantine 121. En face,
les assiégés souffrent d'une profonde discorde en leur sein. Les Vénitiens
réaffirment que les Génois ne sont pas dignes de confiance du fait de la
neutralité de Péra. Peu de temps avant l'assaut final, Giustiniani et Lucas
Notaras se disputent au sujet de l'artillerie. Giustiniani veut la concentrer
dans la vallée du Lycus, là où le choc principal aura lieu tandis que Notaras
veut assurer la défense des murailles maritimes de la Corne d'Or insuffisamment
protégées. Constantin XI arbitre le différend en faveur du Génois 122.
Le
lundi 28 mai, les assiégés oublient leurs querelles. Une procession religieuse
fait le tour des murailles et des reliques et autres objets à valeur religieuse
sont placées devant les points les plus affaiblis des remparts. Constantin fait
un dernier discours à l'adresse de l'ensemble des défenseurs et à la fin de la
journée, une grande partie de la population se retrouve pour une cérémonie au
sein de la basilique Sainte-Sophie. De nouveau, les dissensions religieuses
sont oubliées. Le soir, les défenseurs reprennent leurs positions. Giustiniani
et ses hommes se placent à l'endroit le plus affaibli de la muraille sur le
Mesoteichion. Les portes du rempart intérieur sont alors fermées pour éviter
toute retraite 123. Constantin se réunit avec plusieurs de ses ministres et de
membres de sa famille avant de se diriger dans le secteur des Blachernes pour
se préparer pour la bataille 124.
Assaut final
Constantin
XI.
Au
moment de l'assaut final, les murailles de Constantinople sont sérieusement
fragilisées et trois brèches ont été ouvertes par l'artillerie turque. La
première se situe entre la Porte
d'Andrinople et le palais du Porphyrogénète, la deuxième près de la Porte Saint-Romain
dans la vallée du Lycus et la troisième à proximité de la troisième porte
militaire 125.
Premières
vagues
C'est
au soir du lundi 28 mai que les Turcs se mettent en action. Des milliers
d'hommes comblent le fossé face aux murailles et les assiégés sont impuissants
à les en empêcher. À 1 h 30
du matin le 29 mai, le sultan ordonne l'assaut général tandis que les
défenseurs s'organisent au son du tocsin. Ce sont les bachibouzouks qui
constituent la première vague d'assaut. Ils sont plusieurs milliers à se lancer
à l'assaut des murailles constantinopolitaines dans l'objectif d'épuiser les
défenseurs 126.
Pour
se prémunir de la défection de ces soldats peu fiables, Mehmed a placé une
ligne de sergents doublée d'une ligne de janissaires pour abattre tout
déserteur. L'effort turc se concentre autour de la vallée du Lycus mais les
bachibouzouks, mal armés et peu disciplinés, sont repoussés par les soldats de
Giustiniani qui disposent du meilleur armement à la disposition des assiégés.
Après deux heures de lutte, Mehmed ordonne la retraite avant de lancer les
troupes anatoliennes d'Ishak à l'assaut 127. Ces dernières sont bien plus
disciplinées que les bachibouzouks et tentent de forcer la palissade du
Mesoteichion. De nouveau, le grand nombre des assaillants joue en leur défaveur
car ils se bousculent entre eux et constituent des cibles faciles. Toutefois,
le canon d'Urbain parvient à détruire la palissade ce qui permet à trois cent
Turcs de pénétrer à l'intérieur de la ville mais les troupes gréco-latines
menées par Constantin parviennent à les rejeter hors des murs de la cité 128.
Ce
revers conduit à l'abandon de l'assaut par la deuxième vague. Partout, les
défenseurs parviennent à repousser les assauts turcs. Au niveau du rempart sud,
plusieurs groupes de soldats sont envoyés soutenir les défenseurs de la vallée
du Lycus tandis que les moines et les troupes d'Orkhan repoussent les quelques
tentatives turques de prendre la ville du côté de la mer de Marmara. En ce qui
concerne la Corne
d'Or, les Ottomans ne sont pas en mesure de menacer réellement la défense
byzantine. Enfin, les Vénitiens s'opposent victorieusement aux attaques de
Zaganos autour du palais des Blachernes malgré l'acharnement turc 129.
Troisième vague et la victoire ottomane
L'entrée
de Mehmed II dans Constantinople
peinte
par Jean-Joseph Benjamin-Constant en 1876.
Malgré
tout, le but de Mehmed est atteint. Les deux premières vagues d'assaut ont
fortement fatigué les défenseurs et ces derniers n'ont pas le temps de terminer
les réparations de la palissade endommagée qu'une pluie de projectiles s'abat
sur eux. C'est le coup d'envoi de la troisième vague d'assaut, celle qui doit
emporter la décision 130. Ce sont les janissaires, les troupes d'élite du
sultan, qui dirigent cet assaut. À la différence des bachibouzouks et des
troupes anatoliennes, les janissaires parviennent à maintenir leur formation à
l'approche des remparts. Mehmed dirige ses troupes devant le fossé et là, les
janissaires lancent de multiples assauts contre les restes de la palissade qui
barre l'entrée de Constantinople dans la vallée du Lycus.
L'entrée
de Mehmed II dans Constantinople
Peinte
par Fausto Zonaro (1854-1929).
Malgré
leur épuisement, les assiégés parviennent à empêcher les Turcs de pénétrer dans
la cité durant près d'une heure. Selon Barbaro, les assiégés pensent alors
qu'ils sont en mesure de remporter la victoire 131.
C'est
alors que le sort de la bataille tourne en faveur des Ottomans. Au niveau de la Porte Saint-Romain ,
Giustiniani est touché mortellement au sternum par une balle de couleuvrine ou
un carreau d'arbalète 132. Il demande alors à être ramené à l'intérieur de la
cité malgré les supplications de Constantin XI qui désire qu'il reste à son
poste, craignant que son départ n'entraîne la défection de ses troupes.
Transporté en direction du port pour être embarqué sur un navire Note 15, son
absence provoque effectivement la panique parmi les Génois qui fuient, laissant
les Byzantins seuls pour endiguer le flot ottoman. Ces derniers sont peu à peu
acculés contre le rempart intérieur et périssent nombreux dans les douves sous
les projectiles tirés par les Turcs. Un autre évènement controversé a peut-être
accru la panique parmi les défenseurs. En effet, selon Doukas qui est le seul
chroniqueur à rapporter ce fait, une cinquantaine de soldats turcs parviennent
à pénétrer dans la cité plus au nord, par la Kerkoporta. Cette
petite poterne qui n'a jamais été localisé avec certitude mais pourrait se
trouver à la jonction des murailles de Théodose et du rempart des Blachernes,
dans le secteur défendu par les hommes des frères Bocchiardi. Elle sert
probablement à ces derniers pour lancer des sorties nocturnes contre les Turcs
mais il est probable qu'au cours d'une de ces actions les défenseurs ont oublié
de refermer la porte.
Les
Byzantins réagissent très vite et parviennent à enrayer l'avancée ottomane.
Toutefois, des soldats turcs parviennent en haut d'une des tours et y lèvent le
drapeau ottoman, visible aux yeux des assiégés. Ces derniers, croyant la ville
tombée aux mains des Ottomans pourraient avoir abandonné la lutte 133, Note 16.
Quoi qu'il en soit, malgré la panique, Constantin et ses plus fidèles
compagnons tentent alors d'organiser la défense byzantine dans la vallée du
Lycus mais la situation est déjà perdue. Théophile se jette alors dans la
mêlée, bientôt suivi par de nombreux officiers dont Démétrius Paléologue
Métochitès, le dernier gouverneur de Constantinople 134. Constantin XI et de
nombreux dignitaires byzantins périssent lors des ultimes combats en tentant de
repousser les assauts turcs 135, Note 17.
Partout
la défense byzantine cède. Les Vénitiens de Minotto sont encerclés dans les
Blachernes tandis que les Turcs parviennent à prendre possession des murs de la Corne d'Or. Peu à peu,
toutes les portes de la cité sont ouvertes. Celles de la muraille sud le sont
par les Turcs déjà présents dans la cité et les défenseurs du secteur sont soit
tués soit faits prisonniers. De nombreux Byzantins tentent de retourner chez
eux pour assurer la protection de leur famille tandis que les Italiens essaient
de regagner leurs navires dans l'espoir de fuir la cité 134. Le long de la mer
de Marmara, les Ottomans débarquent sans rencontrer de résistance, sauf dans le
secteur défendu par les hommes d'Orkhan 136. Les Catalans résistent longuement
avant de périr ou de se rendre mais de nombreux secteurs voient leurs
défenseurs se rendre sans résistance. Pris par l'euphorie de la victoire et par
l'appât du butin, de nombreux marins turcs quittent leurs navires pour
participer au pillage de la ville promis par Mehmed. Cela permet à de nombreux
navires italiens de s'échapper avant que le port ne soit pris vers midi 137.
Prise de la ville
Hagia
Sophia, ou Sainte-Sophie.
Conformément
à la tradition islamique, Mehmed II a envoyé une offre de reddition à
Constantin XI avant la chute de la ville 138. Du fait qu'elle a été refusée, le
sultan est libre selon les lois de l'islam de livrer la ville au pillage durant
trois jours 120,139. Si les régiments pénètrent en bon ordre dans la ville, ils
se lancent ensuite dans une entreprise de pillages et de tueries 140. Mais,
assez vite, les soldats turcs décident de faire des prisonniers dans l'espoir
d'obtenir des rançons 141. Les troupes ayant pénétré dans Constantinople par la Kerkoporta s'attaquent
au palais des Blachernes dont la garnison vénitienne est vaincue. Toutes les
églises proches des remparts sont pillées. Bientôt, les troupes turques se
dirigent vers le centre de la ville en direction de la pointe de l'Acropole. Il
est difficile de suivre le trajet des soldats turcs mais il est certain que peu
de bâtiments échappent aux pillages Note 18. La basilique Sainte-Sophie devient
la cible des troupes terrestres ainsi que des marins qui convergent ensemble
vers le plus somptueux bâtiment religieux de la ville 142. Les soldats ottomans
n'ont aucune difficulté à forcer les portes de la basilique derrière lesquelles
se trouve un grand nombre de réfugiés. Peu d'entre eux sont tués, la plupart
sont faits prisonniers, notamment les jeunes filles et les jeunes garçons que
se disputent les Ottomans. Selon la légende, les prêtres de l'église
réussissent à se dissimuler dans le mur de la basilique d'où ils
réapparaîtraient quand Constantinople redeviendrait chrétienne 140. Les
habitations pillées sont signalées par des fanions et bientôt, l'ensemble de la
population est faite prisonnière bien que les plus jeunes enfants soient
souvent tués du fait de leur faible valeur marchande. De même, plusieurs livres
sont préservés car les Turcs espèrent les revendre par la suite. Devant
l'intensité du pillage, le sultan décide d'y mettre fin dès le soir du 29 mai 143.
Selon les sources de l'époque, le nombre de prisonniers s'élève à 50 000 tandis
que 4 000 civils sont victimes du massacre
144. C 'est
aussi le soir du 29 mai que Mehmed II pénètre dans la cité impériale pour se
diriger vers la basilique Sainte-Sophie. Il permet aux quelques chrétiens
encore présents dans l'église de repartir chez eux avant de rendre hommage à
Allah sur l'autel de la basilique 143.
par
laquelle Mehmed fait son entrée dans Constantinople.
À
la suite du pillage, de larges portions de la ville sont dans un état de
destruction avancée et de nombreuses maisons sont inhabitables comme dans le
quartier des Blachernes. Toutefois, contrairement à ce que certains récits du
pillage laissent croire, certains quartiers constantinopolitains sont
relativement épargnés par les pillages. Il en est ainsi des quartiers du Phanar
et du Pétrion par exemple. Ce « traitement de faveur » pourrait être dû à
l'action des dignitaires de ces quartiers, qui, se rendant rapidement aux
Ottomans, voire en ouvrant les portes des murailles bordant leur quartier, se
seraient attiré les faveurs du sultan qui aurait envoyé des unités de police
militaire protéger ces quartiers 145.
Le
30 mai, Mehmed exige de faire un état des lieux du butin pris lors du pillage
de la ville. Il s'en réserve une part substantielle et distribue une autre
partie aux troupes n'ayant pu participer au pillage. La plupart des nobles
byzantins voient leur sort décidé par Mehmed. Ce dernier permet aux femmes de
retrouver la liberté avec suffisamment d'argent pour racheter leur famille, à
l'exception des hommes et des femmes les plus séduisants que Mehmed conserve.
Il permet à certains nobles de rejoindre l'armée ottomane s'ils abjurent la foi
chrétienne146. Il est beaucoup moins indulgent envers les différents chefs étrangers
faits prisonniers à la suite de la prise de la ville. Minotto et plusieurs
autres dignitaires vénitiens sont exécutés ainsi que le consul catalan Pere
Julia 128. De même, le prétendant turc Orkhan est exécuté après avoir essayé de
fuir la ville sous un déguisement de moine grec. L'archevêque Léonard et le
cardinal Isidore parviennent à s'échapper grâce à divers stratagèmes Note 19.
Quant aux quelques Constantinopolitains qui ont échappé à la capture, ils
obtiennent la permission de rentrer chez eux. Selon le Sénat de Venise, plus de
500 citoyens vénitiens et crétois ont péri lors des combats dont 40 nobles 147.
En ce qui concerne les pertes financières, elles sont difficiles à évaluer. Le
marchand florentin et chroniqueur du siège Jacopo Tedaldi donne les chiffres
suivants : 40 000 ou 50 000 ducats pour Venise, 20 000 pour Florence, plus de
20 000 pour Ancône et une somme considérable pour Gênes. Le Sénat vénitien
estime lui les pertes financières de la République de Venise à 200 000 ducats plus 10 000 pour Candie 148.
Parmi
les nobles byzantins, si Mehmed adopte une attitude indulgente les premiers
jours, il n'hésite pas à faire preuve de fermeté, notamment avec le mégaduc
Lucas Notaras, le deuxième personnage de l'Empire après l'empereur. Lucas se
rend le 29 mai aux troupes ottomanes et Mehmed pourrait avoir prévu de le
nommer gouverneur de la ville mais il finit par s'opposer à Lucas. En effet, le
sultan désire incorporer un des fils de Lucas dans son sérail. Face au refus de
Lucas, il décide de le décapiter avec son fils et son gendre 149. De même,
Sphrantzès, un des hommes les plus proches de l'empereur, est emprisonné durant
dix-huit mois avant de parvenir à payer la rançon pour sa liberté et celle de
sa femme mais ses deux enfants restent dans le sérail du sultan. Au-delà de
l'exécution de Notaras, Mehmed tient surtout à éliminer les grands dirigeants
de l'Empire byzantin pour éviter toute résurgence de celui-ci 150. Le sort de
l'empereur lui-même est réglé par les armes puisqu'il est tué lors des derniers
combats mais sa dépouille ne fut jamais retrouvée. Il est probable qu'il a été
enterré avec d'autres soldats byzantins morts au combat. Etant débarrassé de
ses insignes impériaux, son cadavre n'en est que plus difficilement
reconnaissable. Certains textes de l'époque remettent toutefois en cause la fin
héroïque de l'empereur. Ainsi, le pape Pie II a publié avant son élection au
trône pontifical un texte dans lequel il affirme que l'empereur aurait fui et
serait mort piétiné151. L'historien italien Andrea Cambini reprend cette
version dans son Livre des origines des Turcs et de l'empire des Ottomans 152.
Le marchand Tedaldi présent lors du siège développe une version plus nuancée de
la fin de l'empereur:
«
L'empereur de Constantinople mourut et d'aucuns disent qu'il eut la tête
tranchée. D'autres disent qu'il mourut à la porte, en la presse, en soi cuidant
issir. L'un et l'autre peut bien être vrai : c'est qu'il fut mort en la presse
et que puis les Turcs lui eussent coupé la tête 153. »
Georges
Sphrantzès, pourtant très proche de l'empereur, ne donne aucune indication
permettant de croire que l'empereur est mort en combattant, il ne fait que
mentionner qu'il n'est pas à ses côtés le jour de l'assaut final 154. Donald M.
Nicol a compilé les différentes versions de la mort de l'empereur et ne
parvient pas à démêler la réalité de la fiction. Les versions varient fortement
selon les sources, les auteurs grecs insistant sur sa mort héroïque et les
sources turques ou slaves présentant une fin plus déshonorante. Quant aux
auteurs occidentaux tels Léonard de Chio, ils ont tendance à rabaisser la
valeur des Grecs et donc de l'empereur 155.
Conséquences
D'un empire à l'autre
Fin d'un empire à la dérive
Carte de Constantinople (1422) par le cartographe florentin
Cristoforo Buondelmonti montrant Péra, au nord de la Corne d'Or. Cette colonie
génoise créée à la suite de la reprise de Constantinople par Michel VIII en
1261 symbolise la concurrence commerciale des républiques italiennes qui ruine
l'Empire byzantin.
La
prise de Constantinople de 1453 s'inscrit dans la phase finale du déclin de
l'Empire byzantin, dont les toutes dernières miettes sont le Despotat de Morée,
l'Empire de Trébizonde et la
Principauté de Théodoros qui subsistèrent respectivement
jusqu'en 1460, 1461 et 1475. Amorcé plusieurs siècles auparavant, le déclin de
l'Empire a de nombreuses causes, la principale étant le pillage de
Constantinople lors de la
Quatrième Croisade de 1204, qui inaugure la mainmise de
Venise et de Gênes sur les îles et les sources de prospérité de l'Empire,
entraîné dans des guerres coûteuses et souvent désastreuses. Dès lors, l'Empire
ottoman peut sans difficulté conquérir progressivement le territoire byzantin
mal défendu par une armée en sous-effectif par manque de moyens financiers et
humains. Il est donc évident que l'Occident tient une part de responsabilité
importante dans la chute de Constantinople, d'autant que la crainte byzantine
d'une nouvelle croisade pour refonder l'Empire latin de Constantinople a
mobilisé à l'Ouest de nombreuses ressources qui auraient pu être consacrées à
la lutte contre la progression turque4. Le désintérêt de l'Occident chrétien
pour l'Empire byzantin en 1453 n'est que l'un des facteurs de la chute de ce
dernier : Steven Runciman et Georges Ostrogorsky estiment qu'une intervention
occidentale n'aurait pas visé à sauver l'Empire grec, mais à réinstaurer un
Empire latin d'Orient 156. De même, Rodolphe Guilland estime que si les
Ottomans avaient échoué, Venise aurait sûrement fait payer très cher son
engagement auprès de Constantinople, surtout si les hommes de Loredan avaient
participé à la bataille. Constantin devait donc choisir entre l'impérialisme
ottoman et l'impérialisme vénitien car Venise intervenait pour la défense de
ses intérêts et non pour ceux des Byzantins 157. Depuis un siècle déjà,
l'Empire byzantin était devenu un État de second ordre, proie de ses voisins.
En 1453, si les murailles de Constantinople restent impressionnantes, l'Empire
byzantin ne bénéficie plus de la supériorité militaire sur son adversaire à
l'image du rôle déterminant que joue le feu grégeois dans la défaite arabe en
678. Au contraire, l'artillerie ottomane, très moderne, est un élément clé
expliquant la défaite byzantine 158.
Naissance d'une grande
puissance
D'un
point de vue géographique, la prise de Constantinople n'apporte pas grand-chose
à l'Empire ottoman qui contrôle déjà l'ensemble ou presque des anciens
territoires de l'Empire byzantin (Asie Mineure et péninsule balkanique).
L'acquisition de Constantinople permet surtout de parachever la domination
ottomane sur les détroits. L'unité de l'Empire ottoman est renforcée et les
communications entre sa partie européenne et sa partie asiatique sont
grandement facilitées 159. De surcroît, l'élimination de l'Empire byzantin
permet à l'Empire ottoman de se prémunir contre toute nouvelle croisade ayant
pour objectif de sauver Constantinople, à l'image des batailles de Nicopolis et
de Varna.
Ainsi,
Mehmed II élimine un facteur d'instabilité parfois vecteur de troubles
dynastiques au sein de l'Empire ottoman lorsque le basileus soutient l'un des
prétendants au trône ottoman Note 20.
Le
despotat de Morée en 1450.
C'est
dans une optique similaire que Mehmed se décide à réduire les trois états grecs
encore indépendants (Mistra dans le Péloponnèse, Trébizonde en Anatolie
pontique et Crimée). La Morée ,
possession formelle du basileus, est devenue au fil du temps l'apanage de
membres de la famille impériale qui se disputent son contrôle. Constantin XI
lui-même fut despote de Morée avant de devenir empereur byzantin. Déjà en 1452,
Mehmed II envoie une partie de son armée ravager le territoire grec pour
l'empêcher de venir en aide à Constantinople. Après la chute de la ville, il
devient la cible prioritaire de Mehmed. Le despotat est dominé par Thomas
Paléologue et Démétrios Paléologue qui font appel aux Ottomans en 1454 pour
réduire la révolte des populations albanaises 160. Mais, dans le même temps,
les despotes essaient de susciter une croisade en Occident161. Mehmed II réagit
en envoyant une nouvelle expédition ravager le despotat en 1458 avant de s'en
emparer en 1460. L 'Empire
de Trébizonde subit le même sort l'année suivante. L'empereur David II de
Trébizonde qui avait essayé de susciter une croisade contre les Ottomans est
contraint de capituler le 15 août 14 61 alors que les Ottomans assiègent Trébizonde 162.
Ce
processus de destruction des forces chrétiennes tentant de s'opposer à
l'avancée ottomane en Europe (et dans une moindre mesure en Asie Mineure) se
poursuit tout au long du règne de Mehmed II et de ses successeurs. Partout dans
les Balkans, les derniers bastions de résistance chrétiens cèdent. Skanderbeg,
le chef albanais périt en 1468 et avec lui la résistance de son peuple contre
les Ottomans. De même, la principauté de Valachie dirigée par Vlad Dracula est
obligée, à la mort de ce dernier en 1476, de se reconnaître vassale du Sultan.
L'Empire ottoman acquiert dès lors le statut de grande puissance dont
l'influence devient indépassable en Europe 163. La chute de Constantinople a un
rôle dans l'évolution du statut de l'Empire ottoman. Le déclin de l'Empire
byzantin a privé la chrétienté occidentale de son rempart traditionnel contre
la progression musulmane (échec des deux sièges arabes de Constantinople).
La
chute de Constantinople fait prendre conscience aux États occidentaux de
l'intensité de la menace ottomane. Dans le même temps, l'Empire ottoman tente
de reprendre l'héritage de l'Empire byzantin. C'est dans cette optique que Mehmed
fait de Constantinople sa capitale dès le mois de juin 1453. En tant
qu'héritier des empereurs byzantins, Mehmed II décide rapidement de nommer un
nouveau patriarche qui doit devenir le nouveau chef de la communauté chrétienne
orthodoxe de l'Empire ottoman. Il prend parti pour Georges Scholarios, le chef
du parti anti-unioniste à Constantinople et ce dernier est nommé par un synode
dès les premières semaines suivant la prise de la ville. En janvier 1454,
Scholarios est intronisé par Mehmed II, qui reprend le rôle de l'empereur
byzantin dans la cérémonie. En définitive, la communauté grecque est soumise
globalement au même statut que les autres communautés chrétiennes de l'Empire
ottoman, l'Église orthodoxe ayant par exemple pour fonction de rendre la justice
dans la majorité des affaires opposant des chrétiens 164.
Réactions occidentales
Il
ne faut que quelques semaines avant que la chrétienté ne soit mise au courant
de la chute de Constantinople. Trois navires ayant fui la cité arrivent à
Candie, en Crète, le 9 juin. La nouvelle frappe de stupeur les habitants de
l'île Note 21. Les colonies vénitiennes de Chalcis et de Modon sont aussi
informées rapidement de la prise de la ville et envoient des messagers qui
arrivent à Venise le 29 juin. De là, l'information arrive à Rome le 4 juillet
avant d'atteindre Naples et le roi d'Aragon Alphonse V 165, puis l'ensemble de
l'Europe. Partout, c'est la stupeur qui prédomine.
Portrait
romantique du dernier croisé par Carl Friedrich Lessing qui illustre
l'échec
des tentatives chrétiennes pour défendre Constantinople contre les Turcs.
L'ensemble
des États occidentaux pensaient que les fortifications de la ville étaient
suffisamment solides pour tenir un siège, au moins avant l'arrivée de renforts.
En fait, la plupart des souverains sont trop occupés par leurs propres
problèmes pour accorder une véritable attention à l'Empire byzantin. Venise qui
possède de nombreux intérêts en mer Égée conseille la prudence à ses
différentes colonies tandis que la flotte de Loredan doit emmener un
ambassadeur auprès de Mehmed et continuer à y patrouiller pour prévenir toute
offensive ottomane 166,167. Ce diplomate doit obtenir le renouvellement du
traité de 1451 ainsi que la permission de rétablir la mission commerciale
vénitienne à Constantinople Note 22. Gênes se trouve dans une situation encore
plus inconfortable car elle est mobilisée dans des guerres à l'ouest qui
l’empêchent d'envoyer des secours à ses différentes places orientales dont la
ville de Péra. Le gouverneur de celle-ci tente d'amadouer le sultan qui accorde
divers privilèges à la ville. Toutefois, Mehmed vient à Péra dès le 3 juin et
ordonne le désarmement de la cité. Dès lors, Péra appartient pleinement à
l'Empire ottoman et le gouverneur génois est remplacé par un Ottoman. En outre,
la prise de contrôle de l'ensemble des détroits par Mehmed condamne l'existence
des villes génoises de la mer Noire dont aucune ne survit plus de cinquante ans
à la conquête de Constantinople168. Chio subit un sort similaire car Gênes
laisse le gouvernement de l'île traiter directement avec le sultan. Les autres
cités commerciales italiennes (Florence, Ancône…) connaissent une meilleure
situation et établissent rapidement de nouvelles relations commerciales avec le
sultan. En effet, ces villes ne possèdent pas de territoires dans la région du
Levant et n'entrent donc pas en confrontation avec l'expansionnisme ottoman. De
même, les Catalans reviennent assez vite à Constantinople, bien que le Consulat
ait disparu définitivement avec l'Empire byzantin 169.
Le
pape Nicolas V lance un appel à la croisade dès le mois de septembre 1453 alors
que Frédéric III du Saint-Empire a annoncé la tenue d'une Diète d'Empire à
Ratisbonne devant décider du lancement d'une croisade. Toutefois, c'est un
échec tout comme la Diète
de Francfort en septembre 1454 dont la promesse de l'envoi de 10 000 cavaliers
et 30 000 fantassins reste lettre morte 170. Comme avant l'année 1453, les
souverains occidentaux ont des problèmes plus urgents ou manquent de moyens
pour intervenir. Frédéric III ne dispose pas d'assez de pouvoir sur ses
différents vassaux pour espérer entreprendre une action efficace. Charles VII
de France doit veiller à la reconstruction de son pays tandis qu'Henri VI
d'Angleterre sombre dans la folie et que son royaume bascule dans la guerre des
Deux-Roses 171. Ladislas de Hongrie, qui doit faire face à l'influence de Jean
Hunyadi, n'a pas les moyens d'inquiéter les Turcs tandis qu'Alphonse V
s'enferme dans une stratégie défensive. Enfin, le duc Philippe de Bourgogne
promet d'intervenir (vœu du faisan) mais cette promesse reste sans acte.
Calixte III, le successeur de Nicolas, publie la bulle Ad summi apostolatus
apicem le 15 mai 14 55
qui proclame la levée des dîmes pour financer une expédition devant partir le
1er mars 1456 172. En juin 1456, le pape parvient à envoyer une flotte prendre
les îles de Lemnos, Thasos et Samothrace mais aucun prince chrétien n'est en
mesure de défendre ces conquêtes qui retombent vite sous la coupe ottomane 173,
Note 23,174. Plus les années passent et plus l'idée d'une intervention
occidentale s'estompe. Le projet de croisade de Pie II disparaît avec sa mort
en 1464 malgré l'apparente motivation de Philippe de Bourgogne à respecter son
engagement. Charles le Téméraire, le successeur de ce dernier, tente de
reprendre le projet de croisade bourguignon et signe une alliance avec
Ferdinand Ier d'Aragon en 1471 mais les nécessités de la lutte contre Louis XI
de France le contraignent à abandonner ce projet 175.
Mehmed
II, dit « Fatih » ou le « Conquérant »
à la suite de sa victoire176.
Partout
en Occident, on s'accommode de la domination ottomane. Cela est dû à l'inimitié
profonde qui existe entre l'ancienne Byzance des Grecs schismatiques et
l'Occident chrétien. Pour certains, les Grecs reçoivent le châtiment qu'ils
méritent après avoir pillé Troie, les Ottomans étant une forme de réincarnation
des Troyens 177. En outre, la papauté, profondément affaiblie par le Grand
Schisme d'Occident, n'a plus la même influence sur les royautés occidentales
qu'au temps des croisades. Bientôt, la nécessité l'emporte et les États
chrétiens se rendent compte qu'ils ne peuvent se passer d'un partenaire
commercial comme les Ottomans. Selon Jacques Heers, la raison d'État l'emporte
sur la défense de la foi et il symbolise cette idée par cette phrase de Louis
XI : « Et même s'il fallait aller plus loin et reconquérir Constantinople, vous
êtes plus tenus au roi et à son pays que vous ne l'êtes à l'empereur de Grèce
et autres seigneurs du Levant et ce ne serait pas grand honneur à vous que de
le vouloir tout en laissant détruire le roi et les royaumes par les Anglais 171.
» Dès lors, seules les complaintes de quelques esprits romanesques comme
Olivier de la Marche
témoignent du désarroi que cause la chute de Constantinople Note 24. Mais ces
hommes restent minoritaires et il ne faut pas plus de quelques années pour voir
l'idée d'un Empire byzantin disparaître définitivement 178. Cet état de fait
est confirmé par l'alliance entre le roi de France François Ier et Soliman le
Magnifique près de cinquante ans après la chute de Constantinople.
En
Europe, seule la Russie
tente d'assurer l'héritage byzantin. Dernier pays orthodoxe à ne pas subir la
domination ottomane, la Russie
se considère comme l'héritière directe de l'Empire romain et le seul empire
chrétien digne de ce nom. « Constantinople est tombée pour avoir trahi la Vraie Foi. Mais la Foi orthodoxe vit encore,
c'est celle des Sept conciles, telle que Constantinople l'a transmise au grand
prince Vladimir. Il n'existe plus qu'une seule Église orthodoxe au monde,
l'Église de Russie 179. » Le métropolite de Moscou écrit ce texte en 1458 et
condamne l'Union signée au concile de Florence. Dès lors, Moscou devient la
«
Troisième Rome » par la volonté de Dieu tandis que le tsar Ivan III épouse Zoé,
l'une des dernières représentantes de la famille Paléologue 180. Cette union
permet à Ivan III de récupérer l'aigle à deux têtes du blason impérial et de
s'attribuer de facto le titre de successeur de l'Empire byzantin.
Fin du Moyen Âge ?
Avec
l'année 1492 et la découverte de l'Amérique, l'année 1453 est souvent perçue
comme l'une des dates clés faisant basculer le monde du Moyen Âge vers la Renaissance et
l'Époque moderne. Plusieurs raisons justifient une telle vision. Tout d'abord,
la chute de Constantinople signifie la fin de l'Empire byzantin dont l'essence
est fondamentalement médiévale, du moins à partir d'Héraclius. En tant
qu'héritier de la Rome
antique voire de la Grèce
antique, l'empire possède de vastes bibliothèques dans lesquelles sont
préservés de multiples écrits de savants et érudits gréco-romains. Ainsi,
Byzance apparaît comme la passerelle directe entre l'Antiquité et la Renaissance
caractérisée par le retour en grâce des anciens textes 181. Dès le XIXe siècle
se propage l’idée que la chute de Constantinople est à l’origine directe de la Renaissance. En
effet, de nombreux savants grecs décident de s’exiler en Italie, apportant
leurs savoirs et leurs manuscrits avec eux. Cette thèse est notamment défendue
par Jules Michelet.
Toutefois,
à la suite des travaux du médiéviste américain Charles H. Haskins, qui font
aujourd'hui autorité, les historiens actuels remettent en question l’idée d’un
tournant brutal. Ils rappellent que les intellectuels de la Grèce antique sont déjà
étudiés au Moyen Âge 182.
Portrait
de Jean Bessarion par Théodore de Bry.
Jacques
Verger notamment met en évidence le mouvement important de traduction des
œuvres scientifiques et philosophiques grecques et arabes qui a lieu au XIIe
siècle, c'est-à-dire en plein cœur du Moyen Âge 183. En particulier, la plupart
des œuvres d'Aristote étaient déjà traduites, commentées et enseignées dès les
XIIe et XIIIe siècles, ce qui provoqua la naissance de la scolastique médiévale
avec Thomas d'Aquin Note 25.
Plus
généralement, les historiens contestent l’idée d’un changement brutal et
mettent en avant l’aspect progressif du passage à la Renaissance. Ainsi ,
Steven Runciman conteste l'idée que la prise de Constantinople signifie
précisément la fin du Moyen Âge : « Il n'existe aucun point, aucun moment qui
marque réellement le passage du monde médiéval au monde moderne. Bien avant
1453, cette période que l'on appelle la Renaissance avait déjà commencé en Italie et dans
le monde méditerranéen. Bien après 1453, les idées du Moyen Âge ont continué
d'avoir cours en Occident 181. »
Ainsi,
s’il est exact que des intellectuels byzantins viennent en Italie à la suite de
la chute de Constantinople ou dans les années précédant celle-ci, comme le
cardinal Bessarion qui légua ensuite sa collection de manuscrits à la
bibliothèque de Venise, ce mouvement commence bien avant 1453184. Dès 1396,
Manuel Chrysoloras part pour Florence où il enseigne le grec 185. De nombreux
Italiens se rendent à Constantinople d’où ils repartent avec des manuscrits
comme Giovanni Aurispa qui ramène une grande partie des œuvres de Platon en
Europe occidentale dès 1430. De même, le concile de Florence en 1438 est
l’occasion de rencontres entre les intellectuels italiens et les membres de
l’ambassade byzantine parmi lesquels figurent de nombreux érudits. En
définitive, le départ des élites byzantines n’est pas uniquement lié à la seule
chute de Constantinople mais bien au lent délitement de l’Empire byzantin.
Toutefois, l’apport grec reste décisif en ce qui concerne la langue : les
érudits byzantins vont permettre aux Italiens et aux Européens en général
d’accroître leur connaissance du grec et donc de traduire de façon plus exacte
les nombreux textes antiques 186.
Dans
un autre domaine, certains historiens ont aussi mis en avant l'impact de la
prise de Constantinople dans l'histoire militaire. En effet, l'utilisation
importante et efficace de l'artillerie est une avancée majeure. Les canons
peuvent dès lors être utilisés pour mettre à bas les vieilles forteresses
médiévales réputées jusqu'alors imprenables 187. Ce fait est à mettre en
parallèle avec la fin de la guerre de Cent Ans, la même année, parfois perçue
comme l'un des derniers conflits médiévaux.
Enfin,
il a parfois été rapporté que la chute de Constantinople est à l’origine du
mouvement des Grandes Découvertes du fait de la fermeture des routes
commerciales entre l’Orient et l’Occident qu’elle engendre. Les Européens se
mettent alors à chercher d’autres voies d’approvisionnement par l’ouest et
parviennent à contourner l'Afrique. Ainsi, Sešan parle de la découverte de
l'Amérique comme d'un cadeau offert indirectement par les Byzantins aux
Européens 188. Toutefois, là encore, cette idée doit être relativisée car le mouvement
d’exploration maritime commence dès le début du XVe siècle, à une époque où
l’Empire ottoman est en crise après sa défaite face à Tamerlan, et ne
représente donc pas une menace directe pour le commerce. En outre, les Grandes
Découvertes sont à l’instigation des Portugais (avec Henri le Navigateur) qui
ne sont pas directement concernés par la menace turque à la différence des
Républiques italiennes qui entretiennent quant à elles de nombreux comptoirs au
Levant 189.
Si
ces derniers disparaissent effectivement les uns après les autres à la suite de
la chute de Constantinople, le commerce dans le Levant subsiste et toutes les
routes commerciales ne sont pas coupées. Celle de la mer Rouge ne disparaît
qu’avec la conquête de l’Égypte par les Ottomans en 1517, conquête qui
constitue la « Catastrophe finale » pour le commerce méditerranéen, aux côtés
de l’arrivée des Portugais en Inde. Toutefois, la chute de Constantinople et le
contrôle accru des Ottomans en Méditerranée orientale a effectivement encouragé
les Européens à financer des activités dans l’Atlantique. Ainsi, Gênes soutient
financièrement le développement de l'activité sucrière à Madère ou aux Canaries
190.
En
définitive, il reste aujourd'hui difficile d'attribuer une date exacte à la fin
du Moyen Âge. Cet événement est plutôt le fruit d'un lent processus s'étalant
tout au long du XVe siècle voire jusqu'au début du XVIe siècle. Par conséquent,
si la chute de Constantinople n'est pas la date précise de la fin du Moyen Âge,
elle en est une des étapes clés 181.
Sources
Peinture
de Panagiotis Zographos représentant la chute de Constantinople. Cette œuvre
fait partie d'une série de tableaux sur la guerre d'indépendance grecque et on
peut reconnaître sur la gauche le personnage de Rigas Velestinlis, l'un des
premiers martyrs grecs en train de semer les graines de la liberté191.
La
chute de Constantinople a été l'objet de nombreuses chroniques et récits
d'historiens contemporains. Parmi ceux-ci, la chronique du Vénitien Nicolò
Barbaro, témoin oculaire du siège, est souvent l'ouvrage le plus utilisé pour
retranscrire les évènements du siège. Barbaro a en effet noté avec précision la
chronologie de la chute de Constantinople jour après jour, bien qu'il ait
tendance à accuser les Génois de nombreux maux 192. Il livre une liste complète
des différents nobles vénitiens participant à la bataille ainsi que de ceux qui
sont faits prisonniers. Toutefois, il existe quelques imprécisions et
contradictions dans le texte de Barbaro. Parmi les autres auteurs latins, la
lettre de l'archevêque Léonard de Chio envoyée au pape peu après la fin du
siège est aussi un document très utilisé bien que là encore l'auteur ne se
prive pas d'une certaine subjectivité, notamment envers les Grecs. Ubertino
Pusculus, lui aussi présent au moment du siège a livré un récit épique de la
bataille particulièrement utile pour l'étude prosopographique des participants.
Le marchand Jacopo Tedaldi, Isidore de Kiev ou encore le podestat de Péra
Giovanni Lomellino ont aussi écrit des documents relatant les évènements 193.
Parmi
les sources grecques, le récit de Georges Sphrantzès a été à l'origine de
nombreuses controverses. En effet, bien qu'il ait participé au siège, l'œuvre
principale de Sphrantzès parfois connue sous le nom de Chronique Mineure est
particulièrement laconique sur l'évènement. L'idée prévalant est que
l'historien aurait perdu ses notes après sa capture. Toutefois, un texte du
XVIe siècle attribué à Georges Sphrantzès et connu sous le nom de Chronique
majeure comprend un récit autrement plus détaillé du siège de Constantinople.
Il apparaît dès les années 1930 que le texte est un faux, attribué à Macaire
Mélissène 194. Malgré tout, les historiens du siège comme Steven Runciman ont
continué d'utiliser ce récit du siège, prétextant que Macaire Mélissène n'a
fait que publier les notes perdues par Georges Sphrantzès. L'opinion commune
aujourd'hui tend à considérer le récit du siège comme étant aussi peu digne de
confiance que le reste de la Chronique Majeure 195.
S'il
n'existe pas de récits détaillés issus de témoins grecs du siège, plusieurs
historiens grecs ont relaté l'événement dans les années qui suivent. Ainsi en
est-il de Critobule d'Imbros qui, s'il n'a pas participé à la bataille, en a
tiré un récit vivant et relativement neutre car il est un proche du sultan Note
26. Son récit est d'autant plus intéressant qu'il provient de sources à la fois
grecques et turques 196. Michel Doukas Note 27 et Laonicos Chalcondyle ont
aussi décrit la bataille. Doukas se distinguant par le fait qu'il est le seul à
mentionner l'épisode de la Kerkoporta. L'avantage de ces textes plus tardifs
réside dans le fait que les historiens ont probablement interrogé des
participants au siège (Doukas a ainsi interrogé l'amiral Hamza Bey) 197.
Il
existe aussi deux chroniques slaves d'un certain intérêt à propos de la
bataille. Tout d'abord Les mémoires d'un janissaire écrit par un certain
Constantin d'Ostrovica (parfois appelé Michel d'Ostrovica) dans un mélange de
polonais et de slavon. En mai 1453, Constantin d'Ostrovica est un membre du
détachement envoyé par Đurađ Branković et son texte est intéressant car il
illustre le point de vue d'un combattant chrétien au sein des troupes ottomanes
(il s'engage dans le corps des janissaires après le siège) 198. Le deuxième
texte slave est La Chronique
slave écrite en plusieurs langues et dont l'auteur est inconnue bien que la
version russe soit au nom d'un certain Nestor Iskander. Il est fort probable
que l'auteur a participé à la bataille du fait de la richesse de la
description, notamment des évènements ayant lieu près de la muraille terrestre.
Toutefois, certaines erreurs sont notables, que ce soit au niveau des dates
mais aussi de l'ajout de personnages imaginaires comme un patriarche ou une
impératrice 199,200. Quant aux sources ottomanes, elles sont étonnamment peu
nombreuses étant donné l'importance du siège et souvent difficile d'accès pour
les auteurs occidentaux, en plus d'adopter un style poétique qui complique le
travail de recherche 201. On peut toutefois mentionner le récit de Tursun Beg
qui est un témoin oculaire du siège et surtout celui de Saad-ed-Din écrit plus
tardivement. Toutefois, les chroniqueurs ottomans s'attardent peu sur la
description du siège à l'exception de l'assaut final et préfèrent se concentrer
sur les aspects politiques. Enfin, les textes plus tardifs comme celui d'Evliya
Çelebi au XVIIe siècle sont très fantaisistes 202.
Dans les arts
L'Agonie
au jardin des Oliviers d'Andrea Mantegna représentant la ville de
Constantinople à la place de Jérusalem (on reconnaît notamment la statue des
Chevaux de Saint-Marc volée par les Vénitiens au lendemain de la prise de
Constantinople par les Croisés en 1204).
Très
peu de temps après l'événement, la chute de Constantinople est devenue un thème
artistique abordé à plusieurs reprises. La ville de Constantinople a toujours
fait rêver l'Occident du fait de sa grandeur et de son opulence. De nombreuses
œuvres picturales des XVe et XVIe siècles représentent son siège, parfois à des
fins politiques, comme les nombreuses fresques de monastères moldaves du règne
de Pierre IV Rareş (1527-1538 et 1541-1546 )
203. Le prince moldave tente alors de s'opposer à la progression ottomane.
Plusieurs des représentations de Constantinople présentent des événements
divins (une pluie de feu par exemple) qui sauvent la ville de l'invasion
ottomane. Le thème de l'Hymne Acathiste qui sauve Constantinople contre les
Perses et les Avars est repris par les Moldaves qui s'en considèrent comme les
nouveaux bénéficiaires. En Italie, la ville de Constantinople remplace
rapidement la ville de Jérusalem dans plusieurs tableaux religieux d'Andrea
Mantegna (L'Agonie au Jardin des Oliviers) ou encore Jacopo Bellini 204.
La
chute de Constantinople a bien sûr un grand impact sur la culture grecque de
l’époque et plusieurs poèmes lui sont consacrés ainsi que des traditions
relatant la renaissance de l’Empire et le retour de l’empereur. Parmi celles-ci
figurent la légende de l’empereur pétrifié qui raconte qu’à l’entrée des Turcs
dans la cité, Constantin XI se porta à leur rencontre mais fut rapidement
encerclé et mis à terre. Toutefois, lorsqu’un Turc tenta de lui porter le coup
fatal, un ange intervint et emporta Constantin au sein d’une grotte souterraine
sous la Porte
d’Or où il fut laissé pétrifié, l’ange devant revenir lui rendre la vie et lui
confier son épée pour qu’il reprenne la ville. Les Turcs murèrent alors la Porte d’Or pour parer à
toutes les superstitions 205. Une autre tradition prétend que l’autel de
Sainte-Sophie fut chargé à bord d’un navire franc qui sombra dans la mer de
Marmara. L’autel emporté par les flots devait rester là jusqu’à la reprise de
la ville où il serait ramené dans l’enceinte de la basilique. Entre-temps,
l’autel devait rendre la mer calme à l’endroit où il se trouvait et ce, quel
que soit le temps. À partir du XVIIIe siècle, la prise de Constantinople
devient l'un des thèmes les plus riches de la littérature néo-hellénique et des
chansons populaires grecques : la plus célèbre de ces chansons est sans
conteste celle qui évoque le mobilier liturgique sacré de Sainte-Sophie et
s'achève sur l'espérance consolatrice donnée à la Vierge « qu'avec les ans,
avec le temps, toutes ces choses seront de nouveau à elle » 206.
Du
fait de son intensité et de son importance, la chute de Constantinople a une
incidence non négligeable sur le plan culturel. Ainsi, le croissant de Lune et
l'étoile présents sur le drapeau de la Turquie pourraient être liés à la prise de la
ville. Ils sont censés être l'illustration des mêmes symboles apparus lors d'un
rêve à Mehmed II et présageant de sa victoire. En outre, le croissant et
l'étoile étaient parfois des symboles utilisés par l'Empire byzantin. Si le
croissant était déjà utilisé par les Ottomans avant la prise de la ville,
Mehmed lui aurait adjoint l'étoile pour reprendre l'héritage du défunt empire 207.
Paradoxalement, le seul film occidental à traiter du sujet est L'Agonie de
Byzance du réalisateur Louis Feuillade qui paraît en 1913 208. Toutefois,
l'intensité du siège et la disproportion des forces servent de sources
d'inspiration. Ainsi, la bataille des Champs du Pelennor dans Le Seigneur des
anneaux s'inspire du siège de Constantinople 209.
Enfin,
la superproduction turque Fetih 1453 sortie en février 2012 qui est le film au
plus gros budget de l'histoire du cinéma turc 210 a suscité certaines
controverses. Retraçant la prise de Constantinople par Mehmed II Note 28, le
film a été l'objet de nombreuses critiques en Grèce du fait de la
représentation jugée offensante des Byzantins et notamment de Constantin XI
ainsi que de l'absence de toute mention du pillage de la ville 211. Au
contraire, en Turquie, Fetih 1453
a suscité un grand engouement, attirant plus de six
millions de spectateurs, un record en Turquie. Fetih 1453 se place dans la
droite ligne du renouveau ottoman perceptible en Turquie depuis quelques
années. Ce mouvement se caractérise par une reconsidération de la période
ottomane dans l'historiographie turque. Autrefois dépeinte comme décadente, la
période ottomane est perçue de plus en plus positivement en Turquie, notamment
ses épisodes les plus glorieux comme la prise de Constantinople ou le règne de
Soliman le Magnifique 212.
Notes et
références
Notes
1. Le seul geste de Frédéric III est l'envoi d'une lettre
grandiloquente au sultan Mehmed II le menaçant d'une croisade menée par tous
les souverains d'Europe s'il ne renonce pas à ses plans d'attaque contre
Constantinople et s'il ne détruit pas la forteresse de Rumeli Hisarı. Cette
lettre ne fut bien sûr pas suivie d'acte.
2. Le chiffre de 4 773 est tiré de la traduction du texte de Sphrantzès
par Marios Philippides. Toutefois, ce chiffre varie selon les historiens, Louis
Bréhier et Franz Babinger citent le nombre de 4 973 et Steven Runciman celui de
4 983. Les chroniqueurs italiens Léonard de Chio et Jacopo Tedaldi citent le
chiffre de 6 000 Byzantins et 3 000 Italiens.
3. 400 viennent de Gênes et 300 viennent de Chio et de Rhodes.
4. Plusieurs récits du siège parlent de ce personnage sans en donner le
nom. Selon la chronique controversée de Pseudo-Sphrantzès, il s'appellerait
Pere Julià.
5. Sa hauteur oscille autour de huit mètres tandis que le mur intérieur
est haut de près de douze mètres. Les deux remparts sont dotés de tours
disposées tous les 50 à 100
mètres .
6. Le rempart bordant la
Corne d'Or est long de 5,6 km tandis que celui bordant la mer de
Marmara s'étend sur 8,4 km .
7. Steven Runciman affirme dans son livre La Chute de Constantinople que
ce corps de réserve est dirigé par Nicéphore Paléologue et qu'il est composé de
700 hommes. Toutefois, cette information reposant sur le texte de Macaire
Mélissène, sa crédibilité est faible.
8. Le vent soufflant du Sud, les navires à voiles ne pourraient
s'opposer à la flottille byzantino-génoise poussée en avant par ce même vent.
9. Les pertes turques peuvent être estimées à une centaine de tués et
trois cents blessés (les sources grecques parlent de 10 à 12 000 tués). Quant
aux byzantino-génois, ils ont probablement perdu 23 hommes.
10. Léonard de Chio et Tursun Beg affirment dans leurs récits
respectifs que cette opération commence avant même la bataille du 20 avril.
11. La hauteur minimale à franchir est de 60 m .
12. Là encore, les chiffres exacts diffèrent selon les chroniqueurs.
Evliya Çelebi parle de 50 galères et 50 navires plus petits, Constantin
d'Ostrovica cite le chiffre de 30 navires, Saad-ed-Din celui de 70 navires.
Quant aux auteurs chrétiens, cela va de 67 navires selon Critobule d'Imbros à
80 navires selon Tedaldi.
13. Barbaro parle d'un habitant de Péra du nom de Faiuzo qui agirait
sur ordre des autorités de la ville, d'après (en) Barbaro, Diary of the Siege
of Constantinople, 1969, Exposition Press, p. 39. Toutefois, il est probable
qu'il est influencé par son inimitié envers les Génois et que l'informateur
n'ait rien à voir avec les autorités de Péra. D'autres sources, dont Marco
Barbaro qui modifie le texte de Nicolo Barbaro à son retour à Venise, citent un
certain Angelo Zaccaria.
14. Il sera exécuté quelques semaines après la prise de Constantinople
du fait de son attitude ambiguë lors du siège et remplacé par Zaganos Pacha au
poste de grand-vizir.
15. Giustiniani embarque à bord d'une galère qui parvient à s'enfuir et
à rejoindre l'île de Chio où il meurt peu de temps après. Malgré sa conduite
exemplaire tout au long du siège, de nombreux Grecs, Vénitiens mais aussi
Génois ont critiqué son départ aux conséquences dramatiques pour la défense de
Constantinople.
17. Selon l'une de correspondances du futur pape Pie II, le troupes
grecques se seraient débandées à la suite du départ de Giustiniani et des
Génois, seuls Jean Dalmata et Théophile Paléologue continuant la lutte pour
l'Union des Deux Églises.
19. Le cardinal Isidore troque son costume contre les habits d'un mendiant
avant d'être vendu à un marchand de Péra qui l'a reconnu et lui rend sa
liberté. Dans le même temps, le mendiant habillé en cardinal est exécuté après
sa capture.
20. En 1422, Mourad assiège Constantinople coupable d'avoir soutenu un
prétendant au trône ottoman.
21. Un moine de l'île dit ainsi : « Jamais il n'est survenu, jamais il
ne surviendra d'événement plus épouvantable ». Cf. Steven Runciman, La Chute de Constantinople,
1453, éditions Texto, 2007, p. 231.
23. La papauté tente de confier ces îles à la Banque de Saint-Georges
mais cette dernière refuse au vu des coûts engendrés par la défense des îles.
24. Un peu partout en Europe, des auteurs ou des musiciens créent des
œuvres en rapport avec la chute de Constantinople.
25. Voir l'article Aristote
26. Mehmed le nomme gouverneur de l'île d'Imbros et Critobule écrit
l’Histoire du sultan Mehmed II en 1470.
27. Le prénom de Doukas n'est pas connu avec certitude.
28. Un autre film turc intitulé İstanbul’un Fethi sorti en 1951 relate
la prise de Constantinople par les Ottomans.
Références
1. Phrantzès 1838, p. 281.
2. Babinger 1954, p. 110
3. Nicol 2008, p. 412
5. Bréhier 2006, p. 390.
6. Runciman 2007, p. 57.
7. Bréhier 2006, p. 395.
8. Bréhier 2006, p. 405-406.
9. Ostrogorsky 1996, p. 587.
10. Bréhier 2006, p. 415.
11. Bréhier 2006, p. 419.
12. Nicol 1992, p. 44-45
13. Mantran 2010, p. 83.
14. Nicol 1992, p. 51-52.
15. Nicol 2008, p. 396-397.
16. Mantran 2010, p. 84.
17. Schlumberger 2010, p. 23.
18. Doukas 1948, XXXIV, p.
244-246.
19. Nicol 1992, p. 55.
20. Bréhier 2006, p. 420.
21. Schlumberger 2010, p. 24.
22. Critobule 1954, p. 23-33.
23. Babinger 1954, p. 111.
24. Doukas 1948, XXVIII, p. 321.
25. Nicol 2008, p. 396.
26. Runciman 2007, p. 105-106.
27. Runciman 2007, p. 107.
28. Gill 1963, p. 382-383.
29. Nicol 1992, p. 49.
30. Ostrogorsky 1996, p. 492.
31. Runciman 2007, p. 108-109.
32. Runciman 2007, p. 114.
33. Heyd 1936, II, p. 285-286.
34. Runciman 2007, p. 115.
35. Nicol 2008, p. 398.
36. Ostrogorsky 1996, p. 589-590.
37. Nicol 1992, p. 60-61.
38. Runciman 2007, p. 130.
39 « Epistola reverendissimi
patris domini Isidori cardinalis Ruteni scripta ad reverendissimum dominum
Bisarionem episcopum Tusculanum ac cardinalem Nicenum Bononiaeque legatum »,
lettre du cardinal Isidore au cardinal Johannes Bessarion datée du 6 juillet 14 53.
40. Nicolle 2000, p. 217.
41. Runciman 2007, p. 125.
42. Nicolle 2000, p. 29.
43. Runciman 2007, p. 132.
45. Philippides et Hanak 2011, p.
430-431
46. Nicolle 2000, p. 44.
47. Critobule 1954, p. 38.
48. Philippides et Hanak 2011, p.
430
49. Babinger 1949, p. 88.
50. Runciman 2007, p. 127-128.
51. Setton 1976, p. 114.
52. Sphrantzès 1980, p. 69.
55. Barbaro 1856, p. 19.
56. Guilland 1953, p. 240.
57. Runciman 2007, p. 135.
58.Babinger 1954, p. 109.
59. Nicolle 2000, p. 45.
60. Ducellier et Kaplan 2003, p.
144.
61. Nicolle 2000, p. 34.
62. van Millingen 1899, p. 51-53.
63. Nicol 2008, p. 402.
64. Runciman 2007, p. 139.
65. Nicol 2008, p. 400.
66. Heers 2007, p. 240.
67. Pears 1903, p. 250-252.
68.Runciman 2007, p. 143.
69. Barbaro 1969, p. 28.
70.Philippides et Hanak 2011, p.
152-153.
71. Nicol 1988, p. 400.
72. Nicolle 2000, p. 40.
73. « The fall of Constantinople
: Millennium issue: Trouble with Turkey », The Economist, 23 décembre 1999 (lire en
ligne [archive])
75. Schlumberger 2010, p. 42.
76. Schlumberger 2010, p. 45.
77. Critobule 1954, p. 41-42.
78. Barbaro 1856, p. 18-20.
79. Schlumberger 2010, p. 51.
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Chute_de_Constantinople
Mohamed ZEMIRLINE
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